La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Un des engagements du candidat François Hollande résonne encore à nos oreilles : « Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante ». Vous-même, depuis votre arrivée place Vendôme, madame la ministre, vous n’avez cessé de clamer qu’enfin la justice deviendrait indépendante et serait protégée de toutes instructions individuelles et de toute politique de spoils system. Or nous apprenons aujourd’hui que, contrairement à l’usage, le procureur général de Paris, M. François Falletti, a été convoqué sur-le-champ par votre directrice de cabinet et son adjointe pour lui signifier avec insistance de quitter ses fonctions…
…et de rejoindre la Cour de cassation, aux fins d’être remplacé par un magistrat de votre sensibilité politique.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Refusant de se soumettre à cet oukase ministériel, le procureur général de Paris a fait part, dans un courrier daté d’hier, de sa stupéfaction et avisé le Conseil supérieur de la magistrature afin de solliciter sa protection.
J’ajoute, madame la ministre, qu’il se dit que le procureur de Paris, M. François Molins, sans doute coupable à vos yeux d’avoir fait diligence dans l’affaire Cahuzac, se serait vu lui-même proposer une promotion afin de libérer son poste stratégique, peut-être au profit d’un magistrat toujours de votre sensibilité.
À cela s’ajoutent quelques autres nominations récentes et partisanes. Je ne voudrais citer que celles de M. Nadal, à la Haute autorité de la transparence, mais il est vrai fervent partisan de Martine Aubry, de Mme Maestracci, proche du Syndicat de la magistrature et bombardée au Conseil constitutionnel…
…ou encore de Mme Éliane Houlette au poste de procureur national financier. J’en passe et des meilleures.
Ainsi, la boucle de la chasse aux sorcières est bouclée…
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Merci, monsieur Fenech. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le député, nous avons observé ces derniers jours que c’était un exercice prisé dans vos rangs que de mettre les personnes en cause.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je ne suis pas certaine que votre sollicitude soit de nature à servir ni le procureur général de la cour d’appel de Paris, ni les procureurs généraux qui, eux, savent quelle estime je leur porte.
Je vous rappelle que lors des débats sur la loi interdisant au gouvernement de donner des instructions individuelles dans les affaires pénales, loi que vous avez refusé de voter…
…vous avez prétendu que j’allais faire des procureurs généraux des barons et des chefs de fief.
De même, vous avez refusé de voter la réforme constitutionnelle sur l’indépendance de la magistrature.
« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe UMP.
Vous m’avez accusée, là aussi, de démanteler la justice
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
en donnant trop de pouvoirs aux procureurs généraux, et vous avez ajouté que le problème avec les magistrats, c’est qu’ils sont trop politisés et trop syndiqués.
Concernant le procureur général de la cour d’appel de Paris, je note qu’il a été invité
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
à cet entretien, qui est tout à fait classique, avec la direction de mon cabinet par un appel du jeudi 23 janvier. Si vous en voulez la preuve, on demandera une fadette !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Il a été reçu le lundi suivant, c’est-à-dire quatre jours plus tard en incluant le week-end, et il a attendu plus de huit jours, le mardi suivant 4 février, pour m’adresser un courrier faisant part de son interprétation du contenu de l’entretien,…
…courrier qui me parvint après que j’en eus déjà pris connaissance dans la presse en ligne et dans la presse écrite.
« Taubira, démission ! » sur les bancs du groupe UMP.
Alors s’il y a une question sur les méthodes, ce n’est certainement pas sur les miennes ! Mais il est vrai que vous êtes exaspérés, au bout de vingt mois de respect de la magistrature, du personnel judiciaire, des personnes et des règles !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’emploi, aujourd’hui notre assemblée va donner le coup d’envoi législatif de l’une des grandes réformes du quinquennat de François Hollande.
Issue d’un accord conclu entre les partenaires sociaux le 14 décembre 2013, la loi sur la formation professionnelle est un nouveau chantier majeur qu’ouvre notre majorité. De quoi s’agit-il ? À partir du 1er janvier 2015, les salariés et les chômeurs disposeront d’un compte personnel de formation qui permettra de mieux répartir les moyens de la formation professionnelle.
Cette loi va ainsi permettre de renforcer les moyens accordés à la formation des chômeurs, indispensable pour renforcer nos politiques actives en faveur de l’emploi. Elle renforcera aussi le rôle des collectivités, et en particulier des régions, pour faire du redressement productif une réalité dans nos territoires. Il est en effet nécessaire que les entreprises qui recherchent des employés trouvent des personnes formées et inversement que les demandeurs d’emplois soient en capacité de répondre aux offres.
Enfin, la réforme va faire évoluer le financement de la formation professionnelle, de ses ressources comme de ses dépenses, pour mieux gérer les 32 milliards d’euros que notre pays lui consacre chaque année.
Chers collègues, le dialogue social, la concertation, peuvent produire des avancées utiles à notre société. Ce fut vrai hier avec la sécurisation de l’emploi, c’est vrai aujourd’hui avec la formation professionnelle, ce sera vrai demain avec le pacte de responsabilité.
La réforme de la formation professionnelle va renforcer la compétitivité de notre appareil productif et compléter utilement notre arsenal de lutte contre le chômage. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quels effets sont attendus de la réforme de la formation professionnelle ?
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Vous commencerez en effet dans quelques minutes à discuter dans cet hémicycle d’une belle réforme, celle de la formation professionnelle. J’appellerai cela la « refondation » de la formation professionnelle.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Après la loi de 1971, qui porte le beau nom de Jacques Delors et qui a créé la formation professionnelle en France, il fallait faire évoluer le dispositif, non pour qu’il y ait plus d’argent mais pour que l’argent soit beaucoup mieux utilisé, au profit de ceux qui en ont le plus besoin : les jeunes souffrant d’une information insuffisante, et bien entendu les demandeurs d’emploi, qui devraient être les premiers utilisateurs et qui sont aujourd’hui les moins bien lotis.
Cette refondation est issue d’un accord entre partenaires sociaux, entre patronat et syndicat, largement soutenu du côté patronal, largement soutenu du côté syndical : il s’agit d’une réforme en profondeur, d’une réforme durable.
De quoi s’agit-il ? De faire en sorte de pouvoir former rapidement un demandeur d’emploi pour occuper un poste qui reste vacant dans l’entreprise alors qu’elle en a besoin. La pierre angulaire de cette réforme, c’est ce qu’on appelle le compte personnel de formation. Au lieu de dispositifs extrêmement compliqués, que ni les entreprises ni les bénéficiaires potentiels ne connaissent bien – ils n’y comprennent rien ! – nous aurons un système simple : chacun arrivera sur le marché du travail avec son compte personnel, qu’il pourra utiliser au moment le plus opportun pour lui-même et pour l’entreprise.
Oui, c’est la richesse individuelle qui sera mise en valeur, et c’est la richesse de l’économie française qui reposera sur de plus grandes compétences des salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Jacques Delors !
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question, monsieur le Premier ministre, a trait au plus grand tripatouillage électoral qui se soit organisé dans notre pays
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP
avec le redécoupage des cantons et la suppression de la moitié d’entre eux, pour l’essentiel des cantons ruraux.
Je veux vous dire ici, monsieur le Premier ministre, que je suis littéralement scandalisé par la manière dont les ciseaux ont été tenus par les services du ministère de l’intérieur, département par département, sans considération pour les élus locaux et, pire encore, sans la moindre concertation.
Je peux en porter témoignage. Je le dis devant vous tous : j’ai découvert la carte de mon département dans le quotidien local, en l’occurrence bien mieux informé que moi. Je ne suis pas le seul d’ailleurs à être choqué par cette méthode puisqu’à ce jour, plus de la moitié des départements de France vous ont adressé un carton rouge : ils sont cinquante-quatre à avoir rejeté le redécoupage que vous avez proposé.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Quand on vous parle tripatouillage, monsieur le Premier ministre, vous répondez parité. Mais ce n’est pas le sujet ! Quand il s’agit de la République, quand il s’agit de redonner du sens, comme vous prétendiez le faire, au redécoupage des cantons, on le fait en partenariat avec les élus locaux ! C’est cela, notre conception de la République.
Mêmes mouvements.
Ce n’est pas dans un colloque singulier entre les fédérations du Parti socialiste et vos services du ministère de l’intérieur que les choix doivent s’opérer !
J’ai encore en mémoire ce que disait François Hollande sur le respect dû aux élus locaux. Ce que je constate aujourd’hui, c’est un véritable mépris envers ceux qui font la France des territoires, ceux qui font la France du quotidien pour beaucoup de nos compatriotes.
Après avoir été désavoué par l’ensemble des groupes politiques à l’exception du groupe SRC, vous devez, je vous le demande, renoncer à cette réforme, reprendre le dialogue avec les élus locaux. On ne peut engager ainsi l’avenir d’un pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Une loi a été votée. Elle a été validée par le Conseil constitutionnel et effectivement le découpage entre en vigueur, comme c’est normal. Il se fonde sur deux principes.
Le premier, je comprends que vous le réfutiez : c’est celui de la parité. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Il y a 13,5 % de femmes dans nos conseils généraux. Avec cette loi que nous n’avez pas voulue, il y en aura désormais 50 %, et c’est un progrès.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Le second principe est celui de l’égalité démographique.
De ce point de vue-là, le département de la Côte-d’or est tout à fait intéressant, puisque c’était le sixième plus mauvais ratio de France : il comptait un canton de 1 154 habitants alors que celui de Dijon II en comptait 38 630 !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Comment pouvez-vous parler de démocratie avec de tels écarts, alors que la carte, pour les deux tiers, n’avait pas évolué depuis deux siècles ?
C’est la présente majorité qui a pris ses responsabilités. Ce découpage se fait sur des critères objectifs. La carte, notamment dans votre département, se montre respectueuse des intercommunalités et j’invite d’ailleurs tous les députés de l’opposition à regarder avec intérêt l’excellent dossier publié ce matin dans un très bon journal, Le Figaro, qui montre que ces critères ont été respectés.
Enfin, monsieur le président Sauvadet, je répète ce que j’ai dit hier : c’est cette majorité qui défend la ruralité,…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…c’est cette majorité qui défend les territoires, c’est cette majorité qui défend les départements. Je me permets de rappeler, monsieur le président Copé, que c’est l’UMP qui veut la disparition des départements. C’est cette majorité qui les défend !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne le comportement aux relents coloniaux de la société AREVA au Niger, comportement d’autant plus choquant que l’État affirme sa volonté de transparence dans la mobilisation des ressources extractives en Afrique. Nous nous apprêtons d’ailleurs à débattre lundi du projet de M. le ministre délégué chargé du développement sur la réforme de notre politique de développement.
Il faut savoir qu’AREVA refuse aujourd’hui d’appliquer le nouveau code minier du Niger, qui date de 2006, et que les exonérations fiscales qui sont accordées à cette société, dont l’État détient 80 % des actions, représentent 22 à 30 millions par an. L’uranium représente quant à lui 70 % des exportations du Niger, mais seulement 4 % à 6 % des entrées fiscales dans le budget de l’État.
Il faut également savoir qu’en France, mes chers collègues, une ampoule sur trois fonctionne grâce à l’uranium du Niger tandis que 90 % du peuple nigérien n’a toujours pas accès à l’électricité, ce pays comptant selon les indices de développement parmi les derniers au monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.
Après que M. le ministre des affaires étrangères a nommé M. François Bujon de l’Estang, ancien ambassadeur et ancien président de la COGEMA, l’ancêtre d’AREVA, dans une délégation de médiation afin de trouver un accord et sachant que M. l’ambassadeur de France au Niger s’est chargé d’un audit dont nous ne connaissons toujours pas les résultats, je m’adresse au Gouvernement pour savoir ce qu’il compte faire pour mettre fin à ce très mauvais signal à la veille de la discussion de notre loi sur le développement, afin de sortir de l’opacité et d’expliquer où en sont les discussions avec le gouvernement du Niger, pour le peuple nigérien.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP et UDI.
Monsieur le député, je vous rappelle, mais vous le savez, que les négociations ont lieu entre le groupe AREVA et les autorités du Niger, non entre la France et le Niger.
Néanmoins, il va de soi qu’étant chargé du développement, je les suis d’une manière particulièrement attentive.
« Ah ! »sur les bancs du groupe UMP.
Je vais donc vous dire ce qu’il en est.
Les deux parties se sont mises d’accord pour produire, pour la première fois et contrairement à toutes les pratiques du passé, un audit indépendant.
Cet audit indépendant constitue la base de la négociation en cours. Les deux parties se sont mises également d’accord sur une date limite, la fin du mois de février, afin de parvenir à un accord compatible avec les conditions d’exploitation de l’uranium d’AREVA mais aussi, je vous le dis très clairement, afin de permettre au Niger d’augmenter les recettes fiscales auxquelles il a droit. Car les demandes du Niger sont considérées par le présent gouvernement, ce n’était pas le cas du précédent, comme légitimes.
Ce gouvernement souhaite donc que le nouvel équilibre…
…qui sera trouvé soit compatible avec le développement du Niger, lequel est conforme à notre intérêt.
Contrairement à ce que vous avez fait pendant des années, mesdames et messieurs de l’opposition, nous nous battons en faveur de la transparence dans le monde entier, dans le cadre des G8, dans celui des G20 et sur le plan européen, et nous ferons de même au Niger.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous tout d’abord répondre à la question de Georges Fenech ? Mme Taubira n’y a pas répondu.
Surtout, vous avez retiré le projet de loi sur la famille, qui laissait tant à craindre. J’ai cru que le Gouvernement souhaitait arrêter les frais et se concentrer sur le redressement économique et l’emploi. Je vous ai entendu reconnaître, monsieur le Premier ministre, le caractère républicain des manifestations de dimanche. Vous auriez raison d’éviter de cliver notre pays à propos de la politique familiale, qui, longtemps, fut consensuelle.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
…dans ces débats délicats, ainsi que de la clarté, sans être caricaturaux.
Hélas, votre majorité s’entête et prépare plusieurs propositions de loi qui sont autant d’attaques contre la famille. Vous affichez tantôt l’ambition de transformer les mentalités, tantôt de suivre les évolutions de la société, ce qui est assez contradictoire. En réalité, la famille ne va pas si mal. Arrêtez de vouloir l’abîmer !
Alors, monsieur le Premier ministre, quand retirerez-vous la circulaire Taubira qui régularise les gestations pour autrui organisées à l’étranger ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Quand renoncerez-vous à la baisse des droits familiaux de retraite, qui diminueront le pouvoir d’achat de quatre millions de foyers ? Quand renoncerez-vous au matraquage fiscal des familles, alors que la baisse du quotient familial assomme plus de 1,5 million de foyers, pour deux milliards d’euros ? Quand renoncerez-vous à cliver notre pays sur le dos des familles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Qui a creusé le déficit de la branche famille lors du quinquennat précédent ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Qui a supprimé 50 000 postes, interdisant aux enfants âgés de deux à trois ans d’être préscolarisés et contribuant ainsi au creusement des inégalités ?
Qui a stigmatisé les familles en supprimant les allocations familiales dans certains cas, si ce n’est vous ? Et vous voulez nous donner des leçons de politique familiale !
Nous pouvons quant à nous être fiers d’une politique familiale qui créera en cinq ans 275 000 places d’accueil,
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
qui consacrera 15 milliards au développement de la petite enfance…
…que vous aviez négligée, qui revalorisera l’allocation de soutien familial destinée aux familles monoparentales ainsi que le complément familial à destination des familles nombreuses ! Ce sont là autant de mesures permettant d’aider l’ensemble des familles.
Je constate que vous n’êtes pas très exigeants…
…face au caractère inégalitaire d’une partie de la politique familiale, quand la redistribution fait que des familles aisées reçoivent plus que des familles modestes.
Nous, nous préférons réserver 10 % des places en crèche aux familles modestes. Ça, c’est de la justice !
Enfin, quant au matraquage familial, vous savez que grâce à l’abaissement du plafond du quotient familial, 12 % des familles les plus aisées contribueront à ce que la politique familiale soit plus juste, et aide toutes les familles. Oui, nous sommes pour une politique familiale de justice !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Françoise Dumas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des droits des femmes, avec notre majorité, le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes redevient une priorité de politique publique. Dans ce cadre, le projet de loi que vous portez, et que notre assemblée a adopté en première lecture, constitue une avancée majeure, que nous ne cesserons de soutenir et qui concerne d’ailleurs autant les hommes que les femmes, car l’égalité, c’est avant tout une conquête pour toute la société.
Madame la ministre, les combats que vous menez, les combats que nous menons avec vous, sont essentiels : assurer l’égalité dans l’entreprise et au sein des ménages ; refuser la précarité féminine, notamment pour les mères qui portent à bout de bras leur famille monoparentale ; combattre toutes les violences dont sont victimes les femmes, dans leur foyer et en dehors ; protéger le droit à l’IVG ; renforcer la parité ; favoriser l’accès aux responsabilités de toutes sortes ; lutter contre les stéréotypes sexistes qui ont trop souvent cours. Notre grande loi d’égalité ne mérite pas la caricature que certains se complaisent à faire d’elle.
Les réactions outrées, les plaisanteries de plus ou moins bon goût qui se répandent sur ce sujet mettent en évidence la persistance d’une misogynie qui, hélas, n’épargne aucun milieu, aucune génération, aucune catégorie de nos concitoyens.
Chers collègues, enseigner le refus des inégalités entre les femmes et les hommes, ce n’est pas nier la différence entre les sexes. Promouvoir la parité dans toutes les instances politiques, économiques et sociales, c’est produire de l’égalité réelle. Soutenir les familles monoparentales, c’est répondre à un défi majeur.
Merci. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée Françoise Dumas, merci de votre soutien à ce projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a été adopté en première lecture par une très large majorité de votre assemblée, ce dont je me félicite. Je ne reviendrai pas sur son contenu, vous l’avez rappelé. Je me contenterai d’assumer totalement et fièrement l’ambition de ce texte, qui consiste à la fois à corriger les inégalités et les violences faites aux femmes telles qu’elles se manifestent aujourd’hui et à en empêcher la répétition, en travaillant sur ce qui en fait la racine, notamment par l’éducation à l’égalité.
Je reviendrai tout de même, madame la députée, sur l’un des points que vous avez évoqués, à savoir le soutien apporté aux familles monoparentales grâce à la garantie des pensions alimentaires que nous créons dans ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
En effet, bien que totalement absentes des slogans de certains manifestants, les familles monoparentales existent bien en France : une famille sur cinq ne compte qu’un seul parent ! À ces familles monoparentales, nous avons voulu apporter des protections nouvelles. C’est l’objet de cette garantie, qui va permettre aux caisses d’allocations familiales de se substituer à la pension alimentaire impayée dès le premier mois, grâce à une allocation de soutien familial qui va être revalorisée jusqu’à 120 euros par mois et par enfant.
À charge ensuite pour la CAF de se retourner vers le débiteur défaillant pour récupérer son dû, avec les outils adéquats pour ce faire. J’en profite pour annoncer que nous allons réunir dès la semaine prochaine les vingt CAF qui vont inaugurer ce dispositif, et qui se trouvent d’ailleurs dans des départements aux sensibilités politiques très différentes. Nous allons travailler avec elles principalement sur un outil, le simulateur en ligne, qui va permettre aux familles d’évaluer le montant de la pension alimentaire et d’en comprendre les conséquences avant même d’arriver devant le juge.
Nous sommes également en train de travailler sur le bon recouvrement des pensions alimentaires en France, comme à l’étranger. Vous le voyez bien, mesdames et messieurs les députés : loin des polémiques stériles, nous pouvons avancer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le ministre de l’intérieur s’est rendu le lundi 27 janvier à Marseille, en tournée électorale, pour l’inauguration d’une permanence socialiste. Le matin, à la préfecture, il a pris le temps de se féliciter d’une prétendue baisse de la délinquance et de la violence dans la cité phocéenne. Pas de chance : le lendemain, on assistait à un nouveau règlement de compte, à la kalachnikov, le quatrième pour le seul mois de janvier. Ce qui a beaucoup choqué les Marseillais, c’est que cet homme a été abattu devant l’école où il venait chercher sa fille, avec son fils de dix ans assis à l’arrière du véhicule.
Quelques semaines avant, c’est dans un taxi qu’un homme avait été abattu, le chauffeur s’en tirant par miracle. Dans les deux cas, les hommes abattus étaient des multirécidivistes. De nombreux policiers et gendarmes sont exaspérés, à Marseille et ailleurs et, comme le déclarait le général Soubelet, numéro 3 de la gendarmerie, lors d’une audition devant les députés, « 65 % des cambrioleurs interpellés dans les Bouches-du-Rhône en novembre 2013 sont à nouveau dans la nature ». Dans ces conditions, comment voulez-vous, monsieur le Premier ministre, que les chiffres de la délinquance baissent ?
Dans un département que le général ne cite pas, le parquet recommande de mettre dehors les présumés délinquants mineurs étrangers, faute de moyens pour trouver un interprète. Comment ne pas comprendre le mécontentement des forces de l’ordre, sujet sur lequel le ministre de l’intérieur est étrangement muet, lui qui a pris l’habitude de se mêler de tout ?
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous demander à Mme la ministre de la justice, plutôt que de s’occuper de la couleur politique des procureurs, de mettre en prison les personnes que les services de police et de gendarmerie interpellent ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)
Monsieur Tian, ces sujets sont graves et méritent un peu plus que des approximations.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il y a effectivement eu, voilà quelques jours, un mort de plus, et c’est à chaque fois un mort de trop. Je remarque seulement, sans vouloir entrer dans des décomptes macabres, qu’en 2013, et pour la première fois depuis 2008, le seuil de vingt décès par règlement de compte n’a pas été atteint. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cela montre le niveau très élevé des décès et doit en même temps vous inviter à la modestie sur ce sujet.
Mêmes mouvements.
Par ailleurs, j’ai présenté il y a une semaine les chiffres de la délinquance à Marseille. Vous y étiez, monsieur Tian, de manière très républicaine. Et que montrent ces chiffres, que ne doivent pas cacher les règlements de compte, qui sont évidemment dus aux trafics de drogue ? Que la délinquance et les violences baissent dans les zones de sécurité prioritaire, qui concernent plus de la moitié des habitants de Marseille. Les violences ont baissé de 14 % et les atteintes aux biens de 7 %.
Cela veut dire que le travail qui est engagé aujourd’hui donne des résultats, grâce à une coopération exemplaire avec la justice, entre le préfet de police, les forces de l’ordre et le procureur.
Savez-vous pourquoi les policiers sont exaspérés à Marseille ? Parce que vous avez supprimé des postes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C’est cette majorité qui a permis la création de 450 postes de policiers, et c’est grâce à cela que nous obtenons des résultats. Sur ces sujets, plutôt que de polémiquer, travaillons ensemble, au bénéfice des Marseillais !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre du logement, le 29 janvier, vous avez lancé ce que d’aucuns nomment un « choc foncier » en Île-de-France. Le choc risque en effet d’être très dur. Déjà, la métropole du Grand Paris retire aux villes leurs principales compétences, supprime les communautés d’agglomération et, à terme, les départements.
Pour parachever cette recentralisation, vous venez de décider la création d’un « Grand Paris Aménagement » supprimant l’AFTRP et quatre établissements publics franciliens.
On s’apprête à nouveau à écarter les élus de terrain et la population. L’État reprend la main, à la manière des comités étatiques pour la planification, en mode soviétique.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
On connaît la méthode et ses effets. L’urbanisation imposée par l’État dans les années soixante laisse encore aujourd’hui de nombreuses plaies à refermer.
Et quand j’entends certains de mes confrères socialistes déclarer que le Grand Paris conduira à la construction de logements dans les villes en difficulté comme Sevran, par exemple, financée par les villes riches comme Neuilly et Puteaux, comprenez que je m’inquiète. L’avenue Foch ne craint pas l’ombre d’un seul logement social : on les construira sur les terrains les moins chers, dans les villes populaires, quitte à constituer encore de véritables ghettos.
Faire sans l’expertise des élus et des habitants, c’est aller à rencontre des objectifs affichés par le Gouvernement. Au lieu de relancer la politique du logement, ce choc foncier risque de renforcer les inégalités territoriales sans améliorer le logement des Franciliens. Madame la ministre, que répondez-vous à ces interrogations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Monsieur le député, j’avoue être un peu surprise par l’accusation de dérive soviétique que porte votre question. Lors des débats sur la loi ALUR, ce genre de remarques venait plutôt du côté droit de l’hémicycle. Je vais néanmoins répondre très précisément à votre question.
Vous faites d’abord une confusion. La communication qui a été faite lors du Conseil des ministres est celle d’une mobilisation pour un Grand Paris de l’aménagement et du logement. Vous le savez, la loi métropole a été votée. Elle permettra une gouvernance modernisée de la métropole. En parallèle, pour faire face à la crise du logement qui est particulièrement sensible en Île-de-France, l’État a décidé, aux côtés et avec les élus locaux, de se mobiliser. Mais il veut être au rendez-vous en utilisant ses propres outils.
Vous avez parlé de la création de Grand Paris Aménagement par la fusion de l’agence foncière et technique de la région parisienne, l’AFTRP, et de quatre établissements publics. Vous faites erreur : il est simplement prévu de moderniser l’action de l’AFTRP dont les élus ont d’ailleurs souhaité qu’elle soit plus impliquée sur un certain nombre de territoires.
En revanche, mais c’est votre assemblée qui l’a votée, la fusion des quatre établissements publics fonciers a été décidée pour avoir une gouvernance plus efficace.
L’objectif du Gouvernement est bien de s’attaquer à une crise majeure, une crise du logement qui pèse sur les ressources des ménages, qui pèse sur la compétitivité, qui pèse sur le développement de nos territoires. Sa résolution ne sera possible que dans un lien étroit avec les élus locaux. C’est la méthode que la ministre en charge du Grand Paris que je suis a employée pour le réseau du nouveau Grand Paris.
C’est la méthode que je continuerai d’employer, je crois, à la satisfaction de nombreux élus locaux. Mais cet enjeu majeur pour l’ensemble des habitants de ce territoire mérite vraiment une attention particulière, et ne mérite pas vraiment de polémique.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, le Président de la République reconnaissait son échec et l’incapacité de votre gouvernement à faire reculer le chômage dans notre pays. Marseille n’est pas épargnée par ces mauvais résultats, conséquence directe de votre politique sans cap ni cohérence.
À Marseille, de mai 2012 à décembre 2013, et seulement dans la catégorie A, ce sont plus de 7 000 demandeurs d’emplois marseillais constatés, soit une augmentation de 12 % en un an. Et ce ne sont pas les visites ministérielles à caractère électoral, qui d’ailleurs nous donnent le tournis tant elles sont anormalement nombreuses, qui cacheront ce constat accablant.
Dans une ville pauvre, toutes les énergies doivent être mobilisées. Or quelle n’est pas notre surprise de constater que votre gouvernement, dans le cadre de la loi de finances rectificative, a décidé d’affaiblir très sérieusement les zones franches urbaines. Pourtant, en quinze ans, elles ont permis de développer l’activité économique et de créer des emplois par milliers dans les vieux quartiers où, sous les socialistes, la seule politique de l’emploi était l’assistanat.
Vous avez décidé d’assujettir à l’impôt sur les sociétés la part des bénéfices générée par les activités accomplies hors zone franche urbaine pour une entreprise située en zone franche urbaine.
En agissant ainsi, vous affaiblissez dangereusement ce dispositif, car un grand nombre d’entreprises, notamment dans le secteur des services à la personne, interviennent chez des clients situés hors zone franche.
Ce faisant, vous découragez des chefs d’entreprise qui ont décidé de se mobiliser pour les quartiers en difficulté, ce qui n’est pas si simple à accomplir au quotidien. Jean-Claude Gaudin et moi-même vous avions demandé de pérenniser ce système, voire de l’élargir. Il est à regretter qu’à ce jour aucun engagement de votre part n’ait été pris en ce domaine. Pourtant le constat est là, les questions sont précises aussi : les Français attendent de votre part des réponses tout aussi précises.
Merci monsieur le député. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, merci de ne pas utiliser l’hémicycle pour mener une campagne électorale locale, après un autre des élus représentant les Bouches-du-Rhône.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il n’empêche que le sujet que vous abordez, l’emploi, est suffisamment important pour que, lorsque vous citez des chiffres, vous le fassiez peut-être sur une plus longue durée. Vous nous avez cité les chiffres de l’augmentation du chômage à Marseille l’année dernière ; elle est réelle. Mais pourquoi n’avez-vous pas cité les chiffres de l’augmentation du chômage à Marseille en 2009 ? En 2010 ? En 2011 ? En 2012 ? Lorsque vous aviez, vous, y compris comme député, la responsabilité de la situation. On comptait trois fois plus de chômeurs, et c’était le résultat de votre politique.
Donc, monsieur le député, au-delà des présences ici qui sont plus en rapport avec la campagne électorale à Marseille, faites preuve d’un peu de modestie sur un sujet sur lequel vous avez indubitablement échoué.
Et, monsieur le député, puisque vous avez forcément une certaine influence sur les autorités locales en place aujourd’hui à Marseille, demandez-vous pourquoi, dans presque toutes les grandes villes de France, les collectivités locales se sont mobilisées pour mettre en oeuvre les emplois d’avenir, pour faire en sorte que des jeunes trouvent des solutions, pour que le chômage des jeunes recule, tandis qu’à Marseille, il n’y en n’a pas un seul ! Zéro emploi d’avenir, comme si les jeunes de Marseille n’avaient pas droit à des solutions de cette nature !
Huées sur les bancs du groupe SRC.
Donc, avant de critiquer les autres, regardez-vous vous-même, et viendra un moment où vous ne prendrez plus la parole dans cet hémicycle dans le but d’aider des campagnes électorales locales.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, protestations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, la semaine dernière, les parlementaires ont transmis leurs déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. C’est la conséquence de l’adoption de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
La semaine dernière, conformément à l’engagement de M. le président de l’Assemblée nationale, l’utilisation de la réserve parlementaire a été publiée sur le site internet de notre assemblée.
Chaque citoyen peut ainsi savoir quelles associations et quelles collectivités publiques ont été soutenues par son député.
En 2014, dans les communes de plus de 1 000 habitants, tous les conseils municipaux seront paritaires, grâce à une réforme portée par notre majorité. En 2015, les conseils généraux, derniers bastions de la résistance à la féminisation, deviendront entièrement paritaires, suite à la réforme du mode de scrutin que nous portons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
En 2017, les parlementaires cesseront de cumuler leur fonction avec la présidence d’un exécutif local.
Mêmes mouvements.
Chers collègues, la France est le théâtre d’une véritable modernisation de la vie publique. Une fois de plus, les Français le doivent à la gauche. C’est bien la gauche qui a ouvert la voie à une véritable démocratie locale, avec la décentralisation engagée en 1982.
C’est bien la gauche qui a voté une première limitation au cumul des mandats, avec la loi du 5 avril 2000. C’est bien la gauche qui a porté la réforme de la parité, avec la loi du 6 juin 2000.
C’est une évidence : pour résorber la fracture démocratique, pour redonner de la force à l’action et à l’engagement publics, il est nécessaire de moderniser le fonctionnement de nos institutions. Nous avons relevé ce défi avec audace et courage.
Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser le bilan des évolutions de ces derniers mois, compte tenu notamment de l’application de la loi relative à la transparence de la vie publique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Madame la députée, je veux commencer ma réponse en faisant référence à l’enquête du CEVIPOF parue récemment.
Cette enquête peut révolter ; dans tous les cas, elle interpelle tous les élus, quels qu’ils soient. Lorsque l’on constate, en lisant cette enquête, qu’il existe une telle suspicion, voire une distance, des citoyens à l’égard de leurs élus…
… et plus particulièrement, d’ailleurs, à l’égard des parlementaires, on ne peut qu’être révolté. D’un point de vue politique, il faut savoir que cette défiance constitue, pour certains, un fonds de commerce – je veux parler de ceux qui ont manifesté, non pas dimanche dernier mais le dimanche précédent, et de ceux qui ne respectent pas les règles de la République.
On sait que l’antiparlementarisme et l’action contre les élus en général constituent leur fonds de commerce. Alors, on peut continuer à rester spectateurs et à protester, mais cette majorité et ce gouvernement ont décidé d’agir, non pour créer de la suspicion, mais pour recréer le lien avec les citoyens. Ce sont les lois dont vous avez parlé, madame Maquet, sur la parité, sur le cumul des mandats et sur la transparence.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Cahuzac ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Dans quelques jours seront notamment publiées les déclarations d’intérêts, pour que tous ceux qui ne vivent que de la suspicion puissent constater que leurs élus sont des hommes et des femmes qui n’ont rien à cacher, qui ont leurs engagements politiques, qui doivent être respectés, qui sont les garants de la démocratie. Notre démocratie, c’est le bien commun.
Sur ces questions, loi après loi – Mme Maquet l’a rappelé –, je regrette que vous ne nous ayez pas soutenus, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, alors que c’était notre intérêt commun. Vous n’avez pas été au rendez-vous sur le cumul, sur la parité, sur la transparence.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Cette majorité et ce gouvernement continueront d’agir, car nous voulons être les garants de l’avenir de la démocratie et de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la carte scolaire est la traduction concrète de la politique que vous menez en faveur de l’éducation nationale et qui permet la répartition annuelle des 60 000 postes supplémentaires, en contraste avec les 80 000 suppressions de postes de la précédente majorité. Vous avez rappelé des priorités auxquelles je ne peux que souscrire : d’une part, favoriser la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les zones de revitalisation rurale ; d’autre part, mettre en place le dispositif « plus de maîtres que de classes » dans les secteurs les plus fragiles, tout en renforçant la formation des enseignants.
Cependant, depuis plus de cinq ans, l’académie de Toulouse est déstabilisée par les moyens attribués au premier degré. Certes, la Haute-Garonne, dont les effectifs connaissent une dynamique d’évolution sans précédent, doit avoir les moyens nécessaires pour répondre à ses besoins, mais certains départements, les plus ruraux, comme le Lot, n’ont pas à faire évoluer leurs structures de façon drastique avec des moyens en diminution.
Or les premiers éléments qui nous sont parvenus concernant la carte scolaire dans le Lot font état de la suppression de huit postes dans le premier degré, pour une diminution d’effectifs de seulement trente-deux élèves, et de menaces sur certains regroupements pédagogiques intercommunaux, donc sur des écoles.
Même si nous savons que le Lot, comme d’autres départements ruraux, connaît une hausse démographique mais une population scolaire en diminution, je veux ici rappeler solennellement l’attachement de chacun – élus, communauté éducative, parents d’élèves, citoyens – à la qualité de l’enseignement pour tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale ou territoriale. Et je mesure combien la nation, et vous plus particulièrement, monsieur le ministre, accordez d’importance à l’école de la République que vous défendez.
C’est pourquoi je réitère la demande que nous avons exprimée, avec mes collègues parlementaires lotois : celle d’apporter une attention particulière à l’académie de Toulouse.
Monsieur le ministre, comment entendez-vous faire en sorte que des départements comme celui dont je suis élue n’accusent pas une diminution du nombre de postes, de classes, et même d’écoles,…
…qui viendrait mettre à mal cet objectif d’équilibre territorial auquel nous sommes attachés, et, plus largement, nos services publics en milieu rural ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et quelques bancs du groupe SRC.
En effet, madame la députée, la carte scolaire est chaque année la traduction territoriale de la politique d’éducation et, pour ce qui nous concerne, de la priorité accordée par le Président de la République et le Gouvernement à la jeunesse et à l’école.
L’engagement de créer 54 000 postes pour la seule éducation nationale, 5 000 pour l’enseignement supérieur et 1 000 pour l’enseignement agricole est tenu. Depuis le début du quinquennat, 21 911 postes ont déjà été créés, dont 8 804 pour la rentrée 2014.
Vous l’avez rappelé, dans l’académie de Toulouse, pour le premier degré, vous aviez connu des suppressions de postes importantes : 150 postes avaient été supprimés en 2011 pour le seul primaire, et 227 nouvelles suppressions avaient eu lieu en 2012. Or nous avons créé 109 postes pour la rentrée 2013 et 150 postes pour 2014.
Ces moyens doivent être répartis le plus justement possible, en tenant compte d’une disparité de situations et de priorités pédagogiques : priorité pour le primaire, priorité pour l’accueil des plus petits, priorité pour la remise en place d’une formation des enseignants, et prise en compte des difficultés territoriales. De ce point de vue, je vous rappelle – et vous avez eu l’amabilité de le préciser – que le département de la Haute-Garonne connaît une progression démographique extrêmement forte, puisque nous devons y accueillir plus de 2 600 élèves à la rentrée, ce qui n’est pas le cas partout. Son taux d’encadrement est beaucoup plus faible que dans les autres départements : inférieur à 5 %, il est le plus faible de France, alors que le taux de votre département est de 5,85 %.
Cela étant, j’ai déjà eu l’occasion, à la demande du député Alain Calmette, de répondre à ces questions et de contractualiser avec le Cantal. Je considère que les territoires ruraux doivent être traités de façon particulière. Votre département comporte un tiers de classes uniques : je vous recevrai donc, comme les autres départements ruraux, pour que nous puissions appliquer ce pacte avec les territoires ruraux, que j’ai déjà évoqué et qui assure l’équilibre de ces derniers.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question porte sur les gaz de schiste et s’adressait à M. le ministre du redressement productif, qui était encore présent dans notre assemblée il y a quelques dizaines de minutes, mais qui est absent de la séance des questions au Gouvernement pour répondre aux questions des députés. Monsieur le Premier ministre, votre ministre du redressement productif serait-il interdit de parole sur la question des gaz de schiste après avoir dénoncé – et je cite M. Montebourg – « une forme de terrorisme intellectuel qui sévit sur cette question » ?
En effet, la loi du 13 juillet 2011 prévoit une commission nationale d’évaluation des techniques d’exploration. Or, deux ans et demi après cette loi, la commission n’est toujours pas installée, victime de ce terrorisme intellectuel.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Or le rapport Gallois, celui de l’OPECST, celui de l’Académie des sciences concluent tous à la nécessité d’engager immédiatement ces recherches scientifiques.
La presse fait état d’un rapport secret
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste
en la possession du ministre du redressement productif, susceptible de faire évoluer la position du Gouvernement. Monsieur le Premier ministre, parce que c’est votre responsabilité, je vous pose la question : quand ce rapport sera-t-il rendu public ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur Accoyer, je vois bien le terrain ou, devrais-je peut-être dire, le « sous-terrain » dans lequel vous voulez m’entraîner (Sourires), mais vous n’y parviendrez pas. Vous ne parviendrez pas à fracturer l’ambition commune, que je partage avec Arnaud Montebourg
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC
, de concilier économie, protection de l’environnement et information des citoyens.
Cette fameuse information des citoyens, que vous avez refusée en 2011 aux citoyens comme aux élus en imposant des permis, jusqu’à ce qu’une loi utile proposée par un membre de votre groupe, M. Jacob, permette de mettre fin aux errements miniers du précédent gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur Accoyer, si vous avez changé d’avis, c’est votre droit, mais dites-le aux maires UMP qui me demandent de tenir bon, y compris en Seine-et-Marne dans le département de M. Jacob.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Allez leur dire que vous avez changé d’avis ! Nous, nous n’avons pas changé d’avis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il n’y a pas d’alternative compatible avec nos exigences environnementales, notamment en matière de gaz à effet de serre. La fracturation hydraulique est donc toujours interdite, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel. Monsieur Accoyer, vous avez peut-être changé,…
…mais nous, notre feuille de route est connue, fixe et restera ce qu’elle doit être. Il n’y a pas, il n’y aura pas d’exploitation de gaz de schiste dans notre pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Claude Fruteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des outre-mer.
Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a présenté une loi contre la vie chère outre-mer dans les tout premiers mois de cette législature, loi adoptée à l’unanimité et publiée le 20 novembre 2012. Sur la base de l’article 1er de cette loi, vous avez engagé une réforme du mode de fixation des prix des carburants outre-mer, où le secteur est réglementé compte tenu du caractère monopolistique de ce marché.
Je rappelle qu’avant votre réforme, le taux de bénéfice net garanti de certains opérateurs pouvait aller jusqu’à 22 %, ce qui avait été négocié avec le précédent gouvernement, contraignant ainsi celui-ci à verser jusqu’à 176 millions d’euros aux compagnies pour compenser leur « manque à gagner » en 2010 et 2011. Afin de retarder la mise en oeuvre de la réforme en cours, les compagnies pétrolières présentes outre-mer bloquent depuis plusieurs jours l’économie des Antilles et de la Guyane en refusant de vendre le carburant, notamment aux gérants de station-service, abusant ainsi de leur monopole.
Monsieur le ministre, la classe politique ultramarine dans son ensemble, mais aussi des députés siégeant sur tous les bancs de notre assemblée se sont constamment fait le relais du soutien que la population, mais aussi les syndicats et de nombreux acteurs du monde économique apportent à cette réforme.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que les arrêtés interministériels de méthode, qui permettront enfin de mettre en oeuvre cette réforme, ont bien été signés et seront publiés prochainement ?
Surtout, pouvez-vous nous confirmer que le taux de rémunération des compagnies importatrices de pétrole dans les outre-mer sera bien ramené à 9 % ? Enfin, pouvez-vous nous rassurer en nous confirmant que ce même taux de 9 % sera aussi appliqué dans l’Océan Indien ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président Jean-Claude Fruteau, je vous remercie de me poser cette question qui me permet d’informer la représentation nationale, mais également les opinions publiques des cinq régions d’outre-mer concernées, bloquées depuis trop longtemps par un conflit qui, à mon sens, n’a que trop duré.
Oui, les trois arrêtés de méthode ont été signés ce matin et seront publiés demain jeudi au Journal officiel. Oui, c’est grâce à votre soutien constant, monsieur le président, avec le soutien constant et régulier de tous les parlementaires de la Guadeloupe, de la Guyane, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon…
…de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, quand ces textes ont été publiés, avec le soutien constant aussi des associations, des opinions publiques, des syndicats, des partis politiques,…
…grâce à la détermination sans faille du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, fidèle à sa méthode, celle de la concertation et du dialogue. Il s’est donné trois jours supplémentaires d’écoute et d’échange pour ne pas passer en force comme le craignaient certains acteurs de la filière.
Oui, monsieur le président, je vous confirme que le taux de rémunération des capitaux propres est bien de 9 %, appliqué dans les Antilles-Guyane et dans l’Océan Indien, à La Réunion donc et à Mayotte.
Oui, l’article 12 permet de préserver les équilibres de chacun. Oui, le modèle social est préservé, celui de la gérance libre qui restera la brique fondamentale du secteur de la distribution. Nous demandons à chacun de raison garder et de rouvrir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la réforme des rythmes scolaires continue d’inquiéter les maires, les parents d’élèves et les enseignants.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Vous nous avez annoncé hier que 88 % des communes avaient transmis leur projet à l’administration sans difficulté. Vous avez simplement omis de dire que cela ne vaut pas adhésion à votre réforme et ne concerne que les nouveaux horaires répartis sur neuf demi-journées. Le mercredi matin est devenu la règle et pour le samedi matin, l’obtention d’une dérogation se révèle compliquée. Que se passera-t-il si des communes élaborent un projet éducatif territorial à partir de quatre jours de classe en faisant valoir le droit à l’expérimentation prévu dans notre Constitution ?
Une chose est sûre, la vie de toutes les familles sera bouleversée ; de nombreuses activités associatives et périscolaires préexistantes à votre réforme seront anéanties le mercredi matin, et la plupart des maires ruraux n’auront pas les moyens budgétaires pour organiser, sous leur responsabilité, trois heures d’activités extrascolaires.
Monsieur le ministre, dans ce que vous appelez « la reconquête du temps scolaire », vous voulez « accroître la justice pour tous les enfants ». N’est-ce pas un voeu pieux ? Pour les uns, des communes vont dépenser 180 à 200 euros par élève en sous-traitant à des organismes agréés ces trois heures extrascolaires, et pour les autres, la journée scolaire sera simplement écourtée : est-ce cela, l’équité républicaine ?
Les tests de l’OCDE classent malheureusement la France comme championne des inégalités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Le vrai combat ne consiste-t-il pas à tout mettre en oeuvre pour réduire significativement les rangs des 25 % de jeunes qui ont accumulé dès la fin du primaire des difficultés quasiment insurmontables ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur Reiss, manifestement, nous partageons un objectif, celui de limiter les inégalités scolaires qui, comme l’a rappelé l’enquête PISA, se sont considérablement accrues dans notre pays ces dix dernières années. Cela suppose de mettre en oeuvre un certain nombre de politiques publiques – formation des enseignants, priorité donnée au primaire, capacité d’assurer les remplacements, transition vers le numérique, renforcement de la lutte contre le décrochage scolaire – et de revenir sur une mesure prise en 2008 qui faisait que notre pays, seul parmi tous les pays développés, n’assurait que quatre matinées de classe, alors que – vous le savez, notamment en tant qu’ancien enseignant – pour mieux apprendre à lire, écrire et compter, il faut aux élèves cinq matinées tranquilles. C’est l’essentiel de cette réforme, laquelle constituera l’un des éléments qui permettront de lutter contre l’accroissement des inégalités scolaires.
Mais il y a aussi les inégalités hors temps scolaire. D’après l’INSEE, avant notre réforme, elles se mesuraient par un écart de 1 à 10. Dans le cadre d’un mercredi matin libéré, que font les enfants ? Il y a ceux qui ont accès à une activité, mais ils sont très minoritaires ; et il y a ceux qui sont livrés à eux-mêmes. La réforme que nous mettons en oeuvre tous ensemble – et dans votre département, elle se déroule bien dans 89 % des cas – vise à ce que plus d’enfants aient accès à de meilleures activités périscolaires. Cela est confirmé par l’INSEE, organisme indépendant : nous passerons d’une proportion de 20 % à 80 % pour les activités périscolaires, qui pour la première fois trouveront des modes de financement nouveaux. Bien sûr, il y aura l’apport des collectivités locales, mais aussi de la caisse d’allocations familiales, qui a modifié ses modes de financement, et d’un fonds d’amorçage de l’État.
Si votre but est la lutte contre les inégalités, vous allez, je n’en doute pas, mettre en oeuvre cette réforme avec nous et surtout la réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du commerce extérieur. La proposition de loi de lutte contre la contrefaçon a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale hier soir, à l’unanimité, après son adoption par le Sénat en novembre dernier. Ce texte a fait l’objet d’un travail interministériel associant, bien sûr, le ministère du commerce extérieur en raison de son objet même, la Chancellerie pour la simplification des procédures juridictionnelles et le ministère de l’agriculture pour la protection et l’utilisation des semences agricoles. Soulignons la qualité du travail mené de façon apaisée et constructive tant avec le Gouvernement qu’avec l’ensemble des parlementaires.
Derrière les aspects très techniques de cette loi se nichent des enjeux de très grande ampleur, économiques, financiers et humains. La contrefaçon nous coûte plus de 30 000 emplois. En France, plus d’une entreprise sur deux est confrontée à ce problème. Lutter contre la contrefaçon, c’est défendre les emplois, c’est encourager le travail des entreprises qui s’investissent, en respectant leurs salariés, c’est protéger le consommateur et le Made in France, c’est lutter contre le travail clandestin, l’esclavage des plus faibles et en particulier des enfants.
Nous avons franchi hier une étape importante en adaptant notre droit au nouveau visage de la contrefaçon. Nous avons ainsi fourni des armes efficaces aux services des douanes et prévu une meilleure indemnisation des préjudices subis par les victimes.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quels sont les effets attendus de ce texte pour l’économie légale de notre pays et quel sera l’impact de cette législation dans les relations avec nos partenaires économiques européens et internationaux ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la députée, je veux d’abord vous remercier de la part active que vous avez prise dans le débat hier soir ainsi que le rapporteur de la commission des lois, M. Jean-Michel Clément, et toute la représentation nationale. Il est suffisamment rare qu’elle sache se rassembler sur des textes d’une extrême importance pour notre économie pour le souligner.
Vous avez fait un choix au travers de votre vote, celui de défendre l’attractivité juridique du territoire français. Nous venons d’être classés troisième au monde pour la lutte contre la contrefaçon par la chambre de commerce américaine. Vous avez aussi fait le choix de défendre notre bien commun, la propriété intellectuelle des entreprises. Dans notre pays, il y a beaucoup d’innovations et les innovations riment avec exportations : 60 % des entreprises qui innovent exportent, elles sont dans la bataille mondiale. Vous avez en outre fait le choix de renforcer l’action des douanes pour améliorer la compétitivité globale de notre économie.
Il me revient à présent de défendre toujours plus la propriété intellectuelle de nos entreprises dans les grands accords internationaux que nous négocions au niveau de l’Union européenne. Il me revient aussi de bâtir des coopérations internationales, comme nous l’avons déjà fait avec la Turquie, le Vietnam et le Brésil, afin d’encourager tous les pays à faire de la lutte contre la contrefaçon un objectif prioritaire. Il me revient enfin, au niveau européen, de soutenir le travail, déjà presque abouti, mené pour l’élaboration du « paquet marques » qui viendra souligner l’identité européenne.
Merci à la représentation nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Lutte contre la contrefaçon
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Denis Baupin.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (nos 1754, 1721, 1733).
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de vingt heures.
Chaque groupe dispose du temps de parole suivant : cinq heures vingt-cinq minutes pour le groupe SRC, huit heures vingt minutes pour le groupe UMP, deux heures trente minutes pour le groupe UDI, une heure quinze minutes pour le groupe écologiste, une heure quinze minutes pour le groupe RRDP, une heure quinze minutes pour le groupe GDR, les députés non inscrits disposant de trente minutes.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’être présents aujourd’hui pour débuter la discussion de ce projet de réforme relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, que j’ai l’honneur de vous présenter ici au nom du Gouvernement.
Je souhaite tout d’abord vous dire que ce texte est un nouveau succès du dialogue social à la française. L’accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle du 14 décembre, qui inspire ce projet de loi, est le quatrième conclu depuis dix-huit mois.
Les autres dispositions du texte, qui apportent des avancées profondes dans le champ de l’apprentissage ou de la démocratie sociale, sont également issues d’une large concertation et d’un dialogue social nourri.
Ce texte en est une nouvelle démonstration : la réforme est possible, en France, par le dialogue ; pas « contre » mais « avec » ; sans bulldozer, ni coup de balai, ni Kärcher ; sans rupture purement sémantique, ni grand soir qui ne vient jamais ; pas avec un gagnant et des perdants ; pas avec l’un qui recevrait des cadeaux et l’autre qui paierait pour tous. Non ! Avec des gagnants des deux côtés, avec des conflits, qui existent – il ne faut jamais le nier –, des antagonismes que l’on n’efface pas, mais que l’on dépasse par la négociation et par le compromis.
La démocratie sociale est une force, d’abord parce qu’elle fait confiance à la responsabilité des acteurs sociaux. Elle est fondée sur la certitude que si on leur fait confiance, les acteurs économiques et sociaux savent s’en saisir. Chacun peut alors agir dans le sens de l’intérêt général sans pour autant trahir les intérêts des siens, de ses mandants, de ses collègues, de ses camarades. Oui, mesdames et messieurs les députés, il y a, chez les partenaires sociaux, lorsqu’ils trouvent ensemble des accords, un vrai sens de l’intérêt général. La confiance de la représentation nationale, issue évidemment de la légitimité électorale, les incite, à chaque étape, à chaque grand accord, à poursuivre sur cette voie.
Et que l’on ne vienne pas nous dire que cette méthode serait un frein, une perte de temps, un luxe inutile en temps de crise : c’est tout le contraire ! C’est un temps gagné dans la mise en oeuvre effective, le moment venu ; et c’est un temps court, en vérité, en amont, dans la négociation elle-même. Ce projet en est une preuve : à peine plus de six mois se sont écoulés depuis la Grande Conférence sociale de juin dernier qui lança le processus de réforme de la formation professionnelle, après tant d’années de petites réformes ou d’immobilisme. Une preuve que l’on peut faire vite et bien ! Voilà la méthode qui nous inspire, avec succès, vous le voyez.
J’en viens au projet de loi, qui traite trois domaines extrêmement complémentaires : d’abord, la formation professionnelle, l’apprentissage et l’emploi ; ensuite, la démocratie sociale ; enfin, le renforcement de l’efficacité des services de l’administration du travail. Leur assemblage dans le même texte ne doit rien à un artifice de calendrier, qui serait le calendrier parlementaire. Il y a une profonde logique à traiter ces sujets ensemble.
Pas plus pour la formation professionnelle aujourd’hui, qu’hier pour la sécurisation de l’emploi, je ne crois aux réformes « à la découpe », petits morceaux par petits morceaux, ajoutant ici une rustine, là une nouvelle couche de droits. C’est particulièrement vrai s’agissant d’un système aussi dense et complexe que la formation professionnelle.
Pour réussir, il fallait d’emblée être extrêmement ambitieux, et nous le fûmes ; je vais y revenir dans un instant. Mais d’abord, un mot de la cohérence d’ensemble de ce projet, qui fonctionne, pour faire image, comme une partition accordant ensemble trois grands répertoires de la vie économique et sociale de notre pays. Je m’explique : si l’on veut transformer la formation professionnelle, donner envie aux salariés de se former, la regarder dans les entreprises comme un facteur de compétitivité, il faut qu’elle devienne un élément central du dialogue social dans les branches professionnelles, dans les entreprises, et aussi un élément central du dialogue entre chaque salarié et son encadrement.
De nouveaux leviers sont créés à cette fin : au niveau collectif, avec les instances représentatives du personnel dans le cadre de l’information consultation sur le plan de formation, comme avec les organisations syndicales dans le cadre de la négociation relative à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou au niveau individuel, par le biais de l’entretien professionnel.
Mais alors, si l’on veut que ce dialogue social soit légitime et crédible, il faut qu’il soit porté par des acteurs représentatifs, disposant de moyens transparents. Trop longtemps, la démocratie sociale a été suspectée d’être une « boîte noire ». C’est pourquoi le financement du paritarisme et celui de la formation professionnelle seront désormais scrupuleusement séparés. En outre, si l’on veut garantir la transparence de la formation professionnelle, dissiper les fantasmes sur la gabegie, il faut un ministère du travail fort, équipé de pouvoirs étendus de contrôle tant sur les structures que sur les financements ou la qualité de l’offre de formation. Ce sont des missions régaliennes, qui appartiennent à l’État. Dans le projet de loi, ces pouvoirs de contrôle sont accrus.
De la formation professionnelle à la démocratie sociale, en passant par l’action du ministère du travail, la réforme est donc un tout, une nouvelle pratique, une conviction tout autant que des règles de droit.
Il ne s’agit pas de changer la tuyauterie des financements mais de rendre une âme, un sens, à des mécaniques qui en sont aujourd’hui dépourvues. La formation professionnelle ne transformera l’économie que si elle est un élan, porté par des moyens nouveaux, mais aussi par la conviction qu’elle est au coeur de la performance des économies modernes, donc de l’économie de notre pays. La démocratie sociale changera l’entreprise, non pas si elle se décompose en un chapelet d’instances et de procédures, mais si elle s’incarne dans des acteurs légitimes, ouverts au dialogue et qui jouent le jeu.
Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les députés, formation professionnelle, démocratie sociale et reconstruction d’un ministère fort se tiennent, se pensent ensemble et font bloc pour écrire cette nouvelle page de notre histoire sociale.
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi, né du dialogue social, cohérent, porte des changements d’ampleur que je veux maintenant détailler.
Je voudrais d’abord parler de la formation professionnelle et, pour cela, emprunter avec vous le couloir du temps pour nous ramener en juin 1969. Jacques Chaban-Delmas, nouveau Premier ministre, vient de recevoir une « note sur la politique sociale » écrite par son conseiller social, Jacques Delors. Je la cite : « La société française accomplit une mutation difficile, caractérisée par la modernisation de ses structures économiques, l’ouverture à la compétition internationale, la poussée d’une jeunesse nombreuse, avide de connaissances et d’activités ayant un sens. Nous sommes au milieu du gué entre le rivage de la société préindustrielle que certains considèrent encore avec nostalgie et le rivage de la société postindustrielle que certains nous pressent d’atteindre au plus vite. » Dans cette même note, Jacques Delors faisait une recommandation : « la mise en place progressive d’un système d’éducation permanente pour les adultes, en liaison avec le développement de la formation professionnelle ».
Deux ans plus tard, le projet prend forme légale avec la grande loi du 16 juillet 1971, qui marque l’entrée dans l’ère moderne de la formation professionnelle. Moderne, car elle porte une révolution copernicienne dans l’organisation et la représentation de l’entreprise. Ce qui va devenir l’article L. 900-1 du code du travail résume tout : « La formation professionnelle permanente constitue une obligation nationale. Elle comporte une formation initiale et des formations ultérieures destinées aux adultes et aux jeunes. [...] La formation professionnelle continue fait partie de l’éducation permanente. Elle a pour objet de permettre l’adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l’accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique et social. » Tout est dit.
La loi de juillet 1971 donne un véritable élan à la formation continue et la révolution scolaire des années 1980 élève le niveau de toute la société.
Mais, depuis une décennie, l’effort de formation initiale et continue plafonne. L’investissement des entreprises dans la formation ne progresse plus. En somme, la loi de 1971 a produit tous ses effets. Un nouvel élan est nécessaire. D’autant que le monde a changé.
En 1971, dans une France sans chômage, où le nombre de bacheliers représente 7 % de la population, la formation professionnelle a été pensée pour les salariés. Aujourd’hui, les demandeurs d’emploi en ont un besoin vital. Mais le changement va bien au-delà : la discontinuité des trajectoires professionnelles et l’accélération des mutations économiques ont changé la donne et forgé une conviction : la formation professionnelle est encore plus nécessaire, comme levier d’accès, de maintien et de retour à l’emploi.
Aujourd’hui, notre devoir est de nous préoccuper des chômeurs, pour qui la formation est un sésame vers l’emploi ; des salariés menacés dans une économie qui change plus vite ; des salariés des petites entreprises, dans lesquelles un travailleur qui part en formation est un problème majeur et expose au risque d’un arrêt de l’activité ; de tous ceux qui n’ont pas bénéficié comme ils le pouvaient de la formation initiale, et aspirent donc à une deuxième ou troisième chance.
Alors, nous proposons de refonder le système de formation dans sa globalité. Quatre constats guident cette refondation.
Premier constat, la formation continue est faiblement qualifiante aujourd’hui. Si le taux d’accès des salariés à la formation a considérablement augmenté, passant de 17 % en 1975 à 40 % en 2010, les formations qualifiantes restent peu nombreuses : elles ne représentent que 11 % des formations suivies.
Deuxième constat, de trop fortes disparités existent encore. Des disparités en fonction de la taille de l’entreprise : plus l’entreprise est grande, plus les salariés accèdent à la formation continue. Des disparités selon les catégories socioprofessionnelles : les cadres ont un taux d’accès à la formation de 57 %, quand celui des ouvriers est de 32 %. Des disparités en fonction du sexe : les formations qualifiantes concernent 22 % des hommes mais 15 % des femmes. Des disparités en fonction du statut des actifs : le taux d’accès des chômeurs à la formation reste faible ; en 2011, seulement 20 % des chômeurs seulement ont entamé une formation.
Troisième constat, qui est une évidence pour ceux qui se plongent dans ces dispositifs, le système est trop complexe, avec trois contributions obligatoires distinctes – la professionnalisation, le congé individuel de formation et le plan de formation –, des taux variables selon les tailles d’entreprise, des collecteurs multiples – OPCA, OCTA, FONGECIF.
Quatrième constat, en forme de point d’interrogation, les entreprises consacrent à la formation des montants qui vont bien au-delà de leurs obligations légales – plus de 13 milliards d’euros par an – et pourtant, le système peine à répondre à ses enjeux prioritaires.
S’appuyant sur le respect d’une obligation de financement, il apparaît comme focalisé sur les moyens au détriment des finalités, la dépense obligée plutôt que l’investissement nécessaire dans l’entreprise. Or ce sont justement ces finalités qu’il faut remettre au centre du jeu.
La première des finalités à affirmer, c’est la sécurisation des parcours professionnels. Puisque l’univers de l’emploi est mouvant, puisque les emplois se succèdent au cours d’une vie, nous voulons que la formation professionnelle soit présente et mobilisable à tout instant, surtout au moment où la fragilité survient, sous la forme d’un licenciement, par exemple. Et si ce n’est pas une fragilité mais une opportunité qui surgit – par exemple, une promotion à saisir – l’enjeu est le même : que la formation soit là et convertisse l’esquisse d’un rêve en une réalité.
Eh bien, mesdames et messieurs les députés, si vous adoptez ce projet de loi, ce sera le cas demain : la formation professionnelle sera davantage attachée à la personne et moins au poste de travail. Elle la suivra, cette personne, tout au long de sa vie active, particulièrement dans les moments de transition, sans se soucier de son statut.
Peu importent les cases et les cloisons : les droits à la formation les enjamberont grâce au compte personnel de formation.
Le DIF avait ouvert la voie, beaucoup trop timidement. Le nouveau compte personnel de formation fait un pas immense. Il est la réponse sociale au changement économique et outille les salariés dans une économie moderne. La Sécurité sociale professionnelle dont nous sommes nombreux sur ces bancs à rêver depuis longtemps devient aujourd’hui une réalité !
Outre le compte personnel de formation, la réforme porte d’autres mécanismes de sécurisation des parcours professionnels. Il en est ainsi de la nouvelle possibilité – je dis bien : possibilité – de conclure un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un CDI.
Sécuriser les parcours, c’est aussi l’objet du renforcement des missions des CFA, qui devront notamment assister les postulants à l’apprentissage dans la recherche d’un employeur, et accompagner les apprentis, en lien avec les missions locales, pour résoudre leurs difficultés d’ordre social et matériel. Sécuriser l’apprenti, sécuriser son employeur, prévenir les ruptures, rendre attractif l’apprentissage, voilà de quoi soutenir l’objectif de 500 000 apprentis à l’horizon 2017 fixé par le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Deuxième finalité, mesdames et messieurs les députés : la qualification. La réforme affirme le droit à la qualification et reconnaît comme une nécessité que l’on progresse d’un ou de plusieurs niveaux de qualification au cours de la vie. En effet, l’enjeu de l’époque que nous vivons n’est plus seulement le diplôme, c’est bien de se former tout au long de la vie. Oui, cela revient à remettre en cause le règne du seul diplôme initial, qui fait que l’essentiel d’une carrière se joue à l’école et qu’ensuite il est effectivement très difficile de rattraper les choses.
La réforme porte un message : vive la deuxième chance ! Être brillant ou non à vingt ans – c’est arrivé à chacun d’entre nous – ne signifie plus que vous le serez encore ou que vous ne le serez toujours pas à cinquante ans. Oui, nous pouvons rebattre les cartes sociales, même dans la société française ! Oui, nous pouvons remettre en marche l’ascenseur social ! C’est aussi l’un des objectifs de cette réforme.
Cette ouverture vers la seconde chance est une ouverture vers la qualification, car le système français reste trop médiocrement qualifiant. On s’adapte sans se qualifier plus, malgré les progrès des réformes antérieures sur les titres professionnels ou la validation des acquis de l’expérience. Vincent Merle, acteur clé de cette VAE, que beaucoup, ici, ont connu et pour qui j’ai évidemment une pensée aujourd’hui, était le premier à dénoncer cette lenteur à progresser vers la qualification. Cet accord, ce projet de loi, nous invitent à faire un pari : la formation pour ne pas décrocher, c’est nécessaire ; la formation pour progresser, la formation comme promotion, c’est aussi ce qui est attendu de la réforme.
Troisième enjeu : l’envie. Pour les entreprises, les salariés, les chômeurs, les injonctions à se former sont multiples. Pourtant, l’envie importe au moins autant. Eh bien, elle sera une condition de succès du compte personnel de formation, qui fera des personnes les acteurs – enfin ! – majeurs de leur formation, en la mettant dans leurs mains. En effet, le compte personnel de formation donne une possibilité nouvelle aux salariés et aux demandeurs d’emploi de construire, de choisir et de négocier leur carrière. Leur initiative devient décisive dans un système où, jusqu’à présent, celle de l’employeur restait la porte d’entrée quasi systématique vers la formation.
Quatrième enjeu : la responsabilité. C’est un changement majeur. La formation d’adaptation au poste est de la responsabilité de l’entreprise. Chacun sait qu’elle est nécessaire à sa survie. Pour preuve, cette formation avoisine 3 % de la masse salariale quand la loi impose 0,9 %. Cette obligation n’est donc plus nécessaire. Demain, chaque entreprise sera face à ses choix ! C’est ce qu’on appelle la responsabilité ! En revanche, les fonds dits mutualisés de la formation professionnelle seront accrus et affectés à des enjeux d’intérêt général, qui dépassent le seul cadre singulier de chaque entreprise en particulier.
C’est là que la mutualisation fait sens, et qu’elle fonctionne.
C’est tellement nécessaire que la réforme renforcera cette mutualisation. Aujourd’hui, plus d’un euro sur cinq collectés via les dispositifs à financement contraint – je pense au congé individuel de formation, au droit individuel à la formation et à la professionnalisation – est utilisé pour financer la formation d’entreprises plus petites que celles qui versent. Pour les entreprises de moins de vingt salariés, cela représente deux à trois fois la somme versée aux organismes paritaires au titre de la professionnalisation et du DIF et plus de cinq fois la somme versée pour le CIF. En revanche, les sommes collectées au titre du plan de formation participent très peu à la redistribution entre les classes de taille. Vous avez dans ces chiffres l’une des explications de la réforme, qui remplace le DIF par le compte personnel de formation, et le dote de plus d’1 milliard d’euros par an, contre 180 millions d’euros, et qui renforce le financement du CIF. Le montant de celui-ci est aujourd’hui de 1,2 milliard d’euros par an. Demain, avec l’augmentation des fonds destinés au CIF et la création d’un financement dédié au compte personnel de formation, ce sont 2,3 milliards d’euros qui pourront être consacrés au financement de formations qualifiantes mobilisées à l’initiative des salariés et des chômeurs. C’est une augmentation d’environ 72 %.
Cinquième enjeu : la bataille des connaissances et des compétences. Elles sont le nerf de la guerre de la compétition mondiale. Cet enjeu guide la réforme de la formation professionnelle et l’inscrit dans le même mouvement que la refondation de l’école ou que la loi sur l’université. Nous sommes le gouvernement qui promeut les connaissances et qui soutient les compétences ! L’économie des connaissances, ce n’est pas l’élitisme, c’est la progression de tous : de celui qui ne sait pas lire et qui doit pouvoir accéder aux savoirs de base ; de celui qui a un CAP et qui doit pouvoir aller vers le bac pro ; de celui qui a le bac et qui doit pouvoir viser le niveau BTS ; et ainsi de suite, jusqu’aux plus hauts niveaux. De même, ceux qui sont dans l’emploi doivent pouvoir accéder à des formations leur permettant, soit d’actualiser une compétence, soit de prendre des responsabilités, soit même de changer totalement de métier.
Autre finalité encore, dont vous avez déjà vu poindre l’ambition : une action plus forte en faveur des demandeurs d’emploi. Précisément, ce sont eux, ce sont ces personnes qui ont le plus besoin d’accéder à une formation qualifiante, gage d’une meilleure insertion ou d’une reconversion et qui, jusqu’à présent, bénéficiaient le moins de la formation professionnelle ; 560 000 demandeurs d’emploi sont entrés en formation en 2011, nous devons pouvoir faire beaucoup mieux ! Là aussi, un chiffre est à retenir dans cette réforme : une augmentation de 50 % des financements des partenaires sociaux pour former les demandeurs d’emploi, dont 300 millions qui sont apportés par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pour abonder le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi.Par ailleurs, s’ils le souhaitent, les régions et l’État pourront abonder, de manière supplémentaire, le compte personnel des demandeurs d’emploi.
Enfin – il s’agit encore d’un enjeu d’importance –, cette réforme se fait aussi en faveur d’une simplification radicale du système de collecte, d’affectation et de mobilisation des fonds pour le rendre plus transparent, plus lisible, plus simple d’accès, grâce à la réforme des contributions obligatoires et à la rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage. Leur nombre sera divisé par trois et le produit de la taxe sera davantage affecté à l’apprentissage lui-même.
Quant à la gouvernance, elle sera décentralisée et transférée aux régions pour créer un bloc de compétence homogène et incarné dans un service public régional de la formation professionnelle. Les régions auront donc la main pour rendre effectif l’accès de tous à un premier niveau de qualification, pour faciliter l’insertion et les transitions professionnelles et pour adapter les qualifications à chaque territoire, au regard de son tissu économique. Pourquoi cela ? Parce que la formation professionnelle est gage d’insertion si elle est adaptée aux besoins en compétences d’un territoire. Cela ne peut se faire qu’au plus près de la vie économique de ce territoire.
Les régions garantiront aussi le droit d’accès à la formation quel que soit son lieu de résidence, et mettront en place des programmes dédiés aux personnes en grande difficulté d’apprentissage, en habilitant des organismes de formation. Elles fédéreront enfin les différents acteurs, comme les politiques de l’emploi et de la formation. Les régions seront donc, dans la mise en oeuvre de cette réforme, des acteurs essentiels, qui joueront demain un rôle décisif pour réussir enfin à croiser la logique sectorielle et la logique territoriale, de même que le développement économique et le développement des compétences.
Comme vous le constatez, mesdames et messieurs les députés, nous franchissons une étape dans la mobilisation de tous pour l’emploi. Ce projet de loi comporte aussi une disposition visant à assouplir le contrat de génération pour la création d’entreprise et la transmission des petites entreprises : l’âge limite pour pouvoir signer un contrat de génération est reporté à trente ans. Il comporte également des dispositions mettant en oeuvre la réforme du financement de l’insertion par l’activité économique. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’en viens maintenant à la démocratie sociale, qui forme le titre II de ce projet de loi. Renforcer la démocratie sociale, c’est renforcer la maturité économique de notre pays, capable de dialogue pour réformer sans se renier. Le dialogue social tient une place centrale dans la conception et la mise en oeuvre des politiques d’emploi, de travail, de formation, et cela à tous les niveaux : à celui de l’entreprise, à celui des branches, et au niveau interprofessionnel.
Salaires, temps de travail, protection sociale, droits collectifs : la vie quotidienne de millions de salariés est au coeur de la négociation collective. Pour assumer cette responsabilité de négocier, les partenaires sociaux ont besoin d’une légitimité confortée et de moyens solides. Oui, il faut des syndicats forts et des organisations patronales fortes pour construire des compromis forts. Ceux qui s’assoient autour de la table doivent être légitimes aux yeux de ceux qu’ils représentent, et en capacité d’exercer pleinement leur responsabilité.
Le volet concernant la démocratie sociale accomplit donc une percée décisive. Il est marqué par une double ambition : la légitimité et la transparence. Il parachève des années de réflexions sur la représentativité, en tranchant la question de la représentativité patronale, question qui avait été jusqu’à présent laissée pendante. Le paysage patronal est très éclaté. La majorité des branches couvrent moins de 5 000 salariés. À l’issue d’un recensement effectué depuis cinq ans, nous dénombrons 1 043 confédérations et organisations professionnelles signataires ou adhérentes d’une convention collective ou d’un accord de branche. Cet émiettement nuit à l’action comme à la légitimité, à la force comme à la responsabilité. Il fallait donc changer cela.
Le projet de loi porte l’ambition de la structuration des branches et pose enfin des règles claires en matière de représentativité patronale. Il traduit les préconisations du rapport du directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle. Ces propositions prolongent elles-mêmes des propositions faites par les organisations patronales lors de la Grande Conférence sociale de juin 2013 : un socle de critères communs avec la représentativité syndicale, et une mesure de l’audience adaptée à la spécificité de la représentation patronale en la fondant sur l’adhésion. La précédente majorité avait lancé le mécanisme de la représentativité syndicale. Gérard Larcher était alors ministre du travail.
Nous pouvons nous entendre sur celui de la représentativité patronale : je pense que ce serait un signe fort ! S’agissant, justement, de la représentativité syndicale, le projet de loi tire les conclusions de l’évaluation de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale. Les aménagements proposés visent une plus grande proximité de cette représentation syndicale des salariés, et davantage de sécurité juridique dans l’organisation des élections professionnelles.
La réforme poursuit un second objectif : garantir la transparence de notre jeu social. La démocratie sociale a un coût : il doit être assumé, mais assumé dans la transparence. Au-delà des cotisations des adhérents, qui demeurent évidemment le socle nécessaire à l’indépendance des organisations, nous voulons sortir d’un système éclaté et précaire parce que non encadré – d’autant plus que l’absence de transparence donne prise à tous les fantasmes, si erronés soient-ils.
La réforme créé un cadre transparent et assumé pour les missions d’intérêt général accomplies par les partenaires sociaux. Il reposera sur une gouvernance paritaire au travers d’un fonds dédié. Ce dernier – c’est là la grande innovation – sera alimenté par une contribution des entreprises, des organismes paritaires et des pouvoirs publics en fonction des missions qu’il sera amené à financer : paritarisme, participation à la construction des politiques publiques ou formation syndicale. Ce cadre se substituera aux financements existants, en premier lieu ceux qui sont, à l’heure actuelle, issus de la formation professionnelle, avec lesquels la séparation sera désormais nette et franche. Aucune charge nouvelle ne sera supportée par les entreprises, un simple transfert assurera l’étanchéité et la transparence.
Le projet de loi prévoit enfin des règles pour la transparence des comptes des comités d’entreprise, adaptées à la taille de chacun de ces comités. La transparence ne vaut pas seulement pour le niveau central : elle s’impose à tous et à tous les niveaux. Je m’y étais d’ailleurs engagé devant vous. Ce cadre est aujourd’hui clairement établi.
Avec ce texte, une étape nouvelle va donc être franchie. La démocratie sociale à la française atteint ainsi l’âge de raison.
J’aborde, enfin, le dernier titre de ce projet de loi. Défier le chômage, lutter pour l’emploi : ces priorités ne doivent pas s’exercer au détriment du travail. Je l’ai toujours dit : il n’y a pas de lutte contre le chômage sans lutte pour la qualité du travail lui-même ; il n’y aura pas chez nous de stratégie de mini-jobs à l’allemande pour répondre au défi du chômage.
Le salut ne viendra pas d’une précarisation générale du travail, de moindres garanties collectives pour les salariés. La bataille de l’emploi, c’est aussi la bataille du travail : je l’assume totalement. C’est pourquoi nous devons nous donner les moyens de veiller aux droits des travailleurs et des salariés.
C’est l’objet du troisième volet de ce projet de loi, qui me tient particulièrement à coeur en tant que ministre du travail. Quand je suis arrivé à la tête de ce ministère, j’ai trouvé, mesdames et messieurs les députés, une inspection du travail en plein doute sur ses missions. Des questions, comme celle de l’avenir des contrôleurs du travail, ont trop longtemps été laissées sans réponse. Le doute portait aussi sur son organisation, qui doit être adaptée. C’est le sens de la réforme du système d’inspection du travail. Chaque jour, les agents de l’inspection du travail répondent aux demandes des salariés et des entreprises : des heures non payées, un risque d’accident grave, une information sur la convention collective, une liberté publique bafouée… Chaque jour, inspecteurs et contrôleurs vont dans les entreprises pour faire appliquer ces règles : plus de 260 000 contrôles sont effectués chaque année.
Cette mission indispensable est bien sûr maintenue ; plus encore, elle est confortée. Mais il faut aller plus loin pour que l’inspection du travail pèse davantage sur le monde du travail d’aujourd’hui, car de nombreux changements ont lieu. Le code du travail, comme les autres codes, s’est élargi et complexifié, les précarités se sont développées sous de multiples formes : par exemple, le détachement international illicite. Mais comment agir contre le détachement illégal de travailleurs si l’inspection du travail ne collabore pas avec les autres services de contrôle et les pays d’origine ?
L’entreprise classique a souvent laissé place à une entreprise en réseau. Aujourd’hui, le véritable décisionnaire économique est souvent extrêmement lointain, invisible, dilué ; or c’est lui qu’il faut atteindre. Comment agir sur la filiale d’une entreprise si l’on ne se préoccupe pas en même temps de la maison mère ? De plus, si les risques professionnels classiques demeurent, de nouveaux risques se sont répandus. Comment identifier les nouveaux risques technologiques si la veille n’est pas activée partout sur le territoire et dans toutes les entreprises ? Cela veut dire que pour être véritablement utiles aux salariés, nous devons être capables dans certains cas de compléter la réponse de terrain par une réponse plus spécialisée, tout en maintenant une réponse généraliste et de proximité. Demain, nous devons pouvoir agir sur les deux fronts. Une action construite est nécessaire, avec une dimension collective qui implique toutes nos forces et à tous les niveaux. Tel est l’enjeu de la nouvelle organisation de l’inspection du travail.
C’est pourquoi, demain, sans jamais faire disparaître les sections qui resteront l’échelon de base – un inspecteur, une section, un territoire –, des unités de contrôle seront mises en place, regroupant huit à douze agents sur un territoire, animés par un responsable chargé de faire vivre ce collectif de travail. Cette organisation territoriale sera complétée par la création d’une unité spécialisée de contrôle sur le travail illégal dans chaque région, et de réseaux régionaux sur des risques particuliers, par exemple l’amiante. Au niveau national, des priorités d’action seront définies : cela me semble être une nécessité absolue. Tout cela, évidemment, naturellement, en garantissant l’indépendance des inspecteurs du travail. Ce principe résulte d’une convention internationale, et le Conseil d’État comme le Conseil constitutionnel l’ont érigé en principe général du droit.
Le principe d’indépendance des inspecteurs du travail, c’est très concret. Cela veut dire liberté de l’agent d’organiser le contrôle, de donner des avertissements ou des conseils, d’intenter ou de recommander des poursuites. Cela veut dire impossibilité de le dessaisir d’un dossier, de l’écarter d’une entreprise. Cela veut dire protection contre toute influence indue : ingérence, pressions, menaces. Mais ce principe intangible d’indépendance ne s’oppose pas à la coopération entre collègues ou avec d’autres services, ni même à l’action collective qui sait se focaliser, quand c’est utile, sur des priorités partagées – par exemple, la lutte contre les fraudes au détachement ou pour l’égalité hommes-femmes.
Cette réforme, engagée il y a dix-huit mois, est le contraire d’un affaiblissement de l’inspection du travail. J’espère que la lecture du projet de loi vous en aura convaincu : c’est un renforcement de ses pouvoirs, de son utilité, de ses moyens et de son organisation, car la réforme s’accompagne d’un mouvement de promotion professionnelle sans précédent. Les postes de contrôleurs du travail seront en effet progressivement transformés, en une dizaine d’années, en postes d’inspecteurs du travail.
Faire du ministère du travail un ministère plus fort suppose également de conforter notre compétence régalienne en matière de formation professionnelle. L’utilité des dépenses de formation professionnelle et l’activité de certains organismes de formation sont trop souvent mises en cause – à tort ou, malheureusement, à raison. Le présent projet de loi permet à nos services d’étendre le champ de leur regard, de mieux lutter contre certaines dérives – y compris de nature sectaire – et, au final, de contribuer à l’amélioration de la qualité de la formation professionnelle dans notre pays.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je conclurai en remerciant chaleureusement votre rapporteur Jean-Patrick Gille, qui a su, dans des délais extrêmement contraints pour tous – j’en ai conscience –,…
…travailler avec beaucoup de précision pour améliorer le texte. Je remercie également la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Catherine Lemorton, qui a mené les débats avec l’efficacité, le franc-parler et l’humour qu’on lui connaît. Je remercie les services de la commission des affaires sociales, qui ont travaillé avec vous. Ils ont déployé des trésors d’énergie pour faciliter l’examen de ce texte. Je remercie aussi la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et sa rapporteure pour avis, Colette Langlade, ainsi que la délégation aux droits des femmes, sa présidente Catherine Coutelle, que je salue, et sa rapporteure, Ségolène Neuville.
Je veux associer, bien sûr, les députés qui ont travaillé sur ce texte, car ils ont eu le mérite de travailler vite et dans des conditions contraintes. Je pense notamment à Denys Robiliard et Monique Iborra pour le groupe SRC, à M. Cavard – que je vois ici – pour le groupe écologiste, comme à Mme Fraysse pour le groupe GDR. Je pense aussi à MM Cherpion et Tardy pour l’UMP, comme à M. Vercamer pour l’UDI, et à d’autres députés, qui ont su travailler rapidement et avec efficacité, chacun défendant évidemment ses convictions. Bien d’autres députés ont pu également travailler sur ce projet de loi, et je voudrais les en remercier.
Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, notre pays se transforme. La France change, les acteurs sociaux se prennent en main, se parlent, s’accordent, avancent ! Trop souvent notre pays est décrié. Nous avons là, me semble-t-il, un motif légitime de fierté. Nous vivons un moment important, celui d’une réforme au long cours, qui refonde la formation professionnelle, peut-être pour quarante années nouvelles, qui réorganise l’inspection du travail, dont la structure n’avait pas évolué depuis presque un siècle et qui créé les règles de la représentativité patronale, sans doute pour longtemps.
Nous avons ensemble l’occasion de faire date. Vous avez l’occasion de prendre date avec nos lointains successeurs. Ce texte est désormais dans vos mains, car la démocratie sociale à la française est une relation à trois. La démocratie sociale a besoin de la force de la représentation nationale pour que l’accord entre certains – patronats et syndicats – devienne la loi de tous, par l’intermédiaire de votre vote. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, et je m’en remets désormais à vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, comme il vient d’être rappelé, notre système de formation professionnelle est fondé sur une négociation collective transposée par le législateur, et cela depuis la loi Delors du 16 juillet 1971. Loi fondatrice de notre système de formation professionnelle, elle constitue aussi le modèle de la démocratie sociale à la française. C’est pourquoi le présent projet de loi nous invite simultanément à acter une métamorphose de notre système de formation professionnelle et à refonder notre démocratie sociale pour en établir, sans conteste, la légitimité et l’efficacité.
Transposer l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier, c’est assumer le choix d’une mutation profonde de notre système de formation professionnelle, avec la fin de l’obligation légale de financement, tout en s’inscrivant dans la continuité des différents accords, avec la création d’un compte personnel de formation, véritable outil du droit à la formation tout au long de la vie et de la sécurisation des parcours professionnels.
La loi de 1971, en instituant pour l’employeur une « obligation de payer », c’est-à-dire d’acheter de la formation pour ses salariés, a fait naître notre système de formation pour adultes et permis l’émergence d’un marché de la formation continue. L’obligation de consacrer 0,9 % de la masse salariale à la formation a servi en quelque sorte de cocon, dans lequel la chrysalide du système de formation professionnelle a pu se développer.
Cependant, elle n’est plus nécessaire dans une économie où chaque entreprise doit se distinguer en tirant parti de technologies toujours plus évolutives. Aujourd’hui, elle ne contribue plus à conforter, ni individuellement, ni collectivement, l’obligation de former, qui est devenue une nécessité de fait, et sans laquelle il n’y a pas d’exécution loyale du contrat de travail. Chaque classe d’entreprise dépense d’ailleurs, aujourd’hui, plus que le niveau de l’obligation légale. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, le pari de 1971 est donc, en quelque sorte, d’ores et déjà gagné !
A contrario, les règles actuelles conduisent certains employeurs à considérer la formation d’abord comme une dépense les libérant d’une obligation fiscale, plutôt que comme un investissement. Et il est établi que la mutualisation des financements au titre du plan de formation, dont on parle tant, n’a guère d’effet redistributif pour les PME ou les TPE. Les employeurs n’ont aucune incitation à cibler les dépenses sur les salariés les moins qualifiés ou les plus précaires. Le modèle économique tend à renforcer les inégalités d’accès à la formation, le caractère cumulatif du savoir – plus je suis formé plus je veux me former – et, in fine, à arroser les terres déjà humides et laisser de côté les sols asséchés.
Le statut de cette obligation était le premier « grand impensé » des précédentes réformes. L’arrivée à maturité de notre système de formation professionnelle doit permettre de tirer un meilleur parti des financements des employeurs. Aussi le projet de loi les oriente-t-il vers les dispositifs gérés par les partenaires sociaux, qui permettent de donner accès à une qualification au bon moment et pour ceux qui en ont le plus besoin. C’est, finalement, le passage d’une obligation fiscale à une responsabilité sociale des entreprises !
Le financement est assis sur une contribution unique largement mutualisée, 1 % pour les employeurs de plus de dix salariés, 0,55 % – taux inchangé – pour les TPE. La part réservée au congé individuel de formation augmente. Les ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel, le FPSPP, sont sanctuarisées et ne seront plus ponctionnées, afin d’apporter un appui massif aux demandeurs d’emploi et aux salariés les plus précaires.
Le second « grand impensé » des précédentes réformes, c’était la place du formé lui-même. C’est une ambition ancienne, inscrite dès la loi Delors, avec le congé individuel de formation. Depuis, l’idée du salarié acteur de sa formation a fait son chemin. Il est désormais acquis que cette participation est nécessaire à l’efficacité de la formation, car il ne s’agit plus, comme on le dit trop facilement, « d’envoyer des personnes en formation », mais de rendre chacun acteur de son processus de changement car, comme Bertrand Schwartz l’a maintes fois rappelé, « les salariés ne souhaitent se former que si la formation répond à des questions qu’ils se posent ». C’est aussi la question de l’envie, que vous avez évoquée, monsieur le ministre.
En 2003, on avait tenté de concrétiser cette idée par le droit individuel à la formation, mais force est de constater qu’il n’a pas tenu ses promesses. Le compte personnel de formation fait entrer cette ambition dans les faits en établissant un véritable droit d’initiative de formation du salarié, financé et étendu aux demandeurs d’emploi, avec l’appui d’un conseil en évolution professionnelle.
Face à l’employeur, le salarié a des droits, assortis de garanties : l’utilisation du compte est opposable pour acquérir le socle de connaissances et de compétences, mais aussi, comme le prévoit un amendement que j’ai proposé à la commission, qui l’a retenu, pour l’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience, la VAE, laquelle sera elle-même précisée par amendement en séance. C’est d’ailleurs une manière d’avoir, comme vous, monsieur le ministre, une pensée pour celui qui fut le père de la VAE, Vincent Merle, trop tôt disparu.
Le compte peut aussi être utilisé pour accéder à des formations qualifiantes, définies par les branches, ce qui permettra à la fois de répondre aux besoins de l’économie et de remplir l’objectif de progression d’un niveau de qualification au cours de la vie professionnelle.
La commission a souhaité garantir une appropriation rapide de cet outil, en améliorant et en simplifiant son alimentation : elle sera de deux heures par mois de travail jusqu’au palier de 120 heures, puis d’une heure par mois jusqu’au plafond de 150 heures. Le financement du compte est garanti : 0,2 % de la masse salariale.
Il est complété d’abondements de deux types. D’abord, ceux que la commission a qualifiés de « supplémentaires » : une centaine d’heures correctrices pour les salariés qui n’ont connu aucune évolution de leur situation professionnelle depuis six ans, mais aussi la possibilité d’alimentation plus favorable dans le cadre d’accords d’entreprise, de groupe ou de branche ; parallèlement, des abondements complémentaires des différents financeurs de la formation professionnelle, afin de permettre d’accéder aux formations les plus longues ou d’exercer son droit à la formation initiale différée, c’est-à-dire son droit à la deuxième chance.
Avec l’entretien professionnel, qui est au coeur de l’accord national interprofessionnel, le compte permettra aussi au salarié de négocier sa formation. La loi de sécurisation de l’emploi avait engagé cette réforme en faisant du plan de formation un objet du dialogue social dans l’entreprise. Le projet de loi en démultiplie les effets en donnant à chaque salarié un vrai pouvoir de négociation, grâce au compte, qui ne peut être mobilisé sans l’accord exprès du titulaire. Et celui-ci, ainsi que la commission l’a précisé, peut refuser de le mobiliser sans commettre de faute.
Difficile aujourd’hui d’imaginer les effets induits par ce nouveau pouvoir du salarié sur l’offre de formation et sa qualité. Il est néanmoins évident que la capacité de négociation offerte au salarié aura un effet sur les dépenses engagées par l’employeur. Si j’osais, je dirais que la loi institue une sorte de « pouvoir d’achat de formation » du titulaire du compte, qu’il soit salarié ou demandeur d’emploi, qui lui permet de peser sur les choix de formation et donc, à terme, sur l’offre de formation.
Ma conviction est que le compte sera un puissant levier de modernisation de l’offre, de modularisation des formations et d’évolutions pédagogiques. Mais on n’accomplit pas une mutation de cette envergure sans risque. Le premier est d’aller vite, pour que la réforme soit pleinement effective au 1er janvier 2015, même si nous pouvons en regretter les effets sur les conditions d’examen du texte par le Parlement.
Il faut aussi sécuriser la transition, notamment pour les PME, qui pourraient avoir plus de mal à s’approprier la réforme du financement. Aussi, je propose d’instituer une remontée annuelle au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, des sommes dont disposent les OPCA pour financer le compte et qui ne trouveraient pas d’utilisation dans les premières années, pour les destiner aux plans de formation des entreprises de moins de cinquante salariés.
Au demeurant, les apports de la commission sur l’ensemble des articles du texte ont été guidés par le souci de simplifier et de clarifier, dans la droite ligne du projet de loi lui-même, qui décloisonne les dispositifs : c’est, au premier chef, le cas du compte personnel de formation, dont la gestion sera totalement transparente, via un site internet gratuit ; c’est le cas aussi pour l’entreprise, qui versera une cotisation unique d’1 % à un OPCA, qui pourra d’ailleurs aussi être son OCTA unique ; c’est aussi le cas des personnes en insertion par l’activité économique, qui bénéficieront aussi bien des dispositifs pour salariés que pour demandeurs d’emploi. Je pense également à l’uniformisation de toutes les périodes de mise en situation professionnelle, aux évolutions apportées au contrat de génération, ou encore à la création du CDI apprentissage.
En la matière, le projet de loi donne d’ailleurs enfin à l’apprentissage la réforme de grande ampleur tant attendue pour atteindre l’objectif de 500 000 apprentis en 2017.
La région trouvera à ses côtés les partenaires sociaux, au sein d’une gouvernance unifiée de la formation professionnelle. Ce projet de loi va marquer l’aboutissement de la régionalisation. Le texte est dénué de toute ambiguïté : le chef de filât revient à la région, qui dispose d’un bloc de compétences complet pour mettre en oeuvre les services d’intérêt économique général, les SIEG, construire un véritable service public régional de la formation, et coordonner le service public de l’orientation.
Le projet de loi vise à créer une seule instance nationale, le CNEFOP, qui fusionne le suivi et l’évaluation des politiques publiques de l’emploi et de la formation professionnelle. Ainsi, la commission a également souhaité confier au CNEFOP la mission d’évaluation du compte personnel de formation.
La coordination régionale est exercée au sein des CREFOP, dotés d’un bureau, lieu de concertation quadripartite des principaux financeurs. Enfin, la loi reconnaît les comités paritaires nationaux et régionaux en charge de la formation et de l’emploi, que la commission a rebaptisés pour souligner leur visée interprofessionnelle.
Il était aussi crucial de refonder la démocratie sociale pour congédier le soupçon pesant sur les partenaires sociaux du fait de l’existence du FONGEFOR ou des frais de gestion de certains OPCA. Le fonds paritaire de financement des organisations syndicales et patronales, alimenté notamment par une contribution sur la masse salariale, est le point d’aboutissement du chantier de la transparence financière. En rendant transparentes les règles de financement des acteurs, la loi renforce leur légitimité.
Ce principe de transparence est aussi appliqué aux comptes des comités d’entreprise, c’est-à-dire ceux qui incarnent la négociation collective au plus près du terrain. Les modalités retenues sont calquées sur celles de la vie associative, notamment la désignation obligatoire d’un trésorier.
Le projet de loi vise aussi à réformer la représentativité patronale : des règles claires sont établies sur la base des adhésions, pour être à la table de négociation, pondérées par le nombre de salariés pour l’extension des accords.
Je me félicite que l’examen du projet de loi ait permis la prise en compte des organisations représentant les secteurs dits « hors champ », à savoir le secteur agricole, les professions libérales et l’économie sociale et solidaire, qui comptent quatre millions de salariés. Un protocole d’accord vient d’être conclu : nous pourrons donc, monsieur Cherpion, définir dans la loi un niveau « multiprofessionnel » associé aux négociations collectives.
Enfin, aux côtés des régions et des partenaires sociaux, l’État exercera pleinement son rôle. Le contrôle en matière de droit du travail est modernisé : il est adapté aux réalités de l’économie, dans le respect du principe d’indépendance de l’inspection du travail.
Mes chers collègues, je voudrais, en conclusion, rappeler que les diverses composantes de la réforme font système : le passage d’une obligation de dépenses pour la formation à une responsabilité sociale garantie par le compte personnel de formation et l’entretien professionnel, qui seront progressivement élargis à l’ensemble des actifs ; la régionalisation de l’apprentissage, de l’orientation et de la formation professionnelle ; la clarification de la représentativité et du financement des partenaires sociaux ; la définition des lieux, des acteurs et de la portée des concertations qui font nos politiques d’emploi et de formation.
Tous ces points sont autant de réponses à des questions majeures, en attente depuis des années, et auxquelles ce projet de loi répond enfin clairement, sur la base d’une négociation collective. C’est pourquoi, mes chers collègues, je n’hésite pas à dire qu’il s’agit d’une réforme courageuse, audacieuse, et au long cours.
Je forme le voeu que l’examen en séance permette au plus grand nombre d’entre vous de partager cette conviction.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation au droit des femmes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 28 janvier 2014, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a donné un avis favorable à l’adoption des articles 8, 12 et 13 du projet de loi relatif à la formation professionnelle. Ainsi, je me félicite que l’article 8 assigne de véritables missions pédagogiques aux CFA. Je citerai, en particulier, l’aide à la poursuite d’études, ce dernier objectif impliquant l’instauration de passerelles « ascendantes » entre l’apprentissage et l’enseignement technologique ou professionnel.
La question de l’orientation est traitée par l’article 12, qui vise à instituer un chef de file en précisant les rôles respectifs de l’État et de la région en matière d’orientation. D’un côté, l’État aura pour mission de définir, au niveau national, la politique d’orientation des élèves et des étudiants dans les établissements d’enseignement ; de l’autre côté, la région coordonnera, sur son territoire, l’action des « autres organismes », c’est-à-dire des organismes ne relevant pas de l’éducation nationale, comme les CIO, les centres d’information et d’orientation.
Toutefois, le projet de loi propose que la région puisse mettre en réseau, dans le cadre du service public régional de l’orientation tout au long de la vie, l’ensemble des acteurs concernés, y compris les CIO. C’est déjà le cas dans les huit régions volontaires qui, à titre expérimental, préfigurent ce dispositif : Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Centre, Limousin, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes.
Par ailleurs, l’article 12 confie à la région la coordination, au niveau local et en lien avec les autorités académiques, des actions de prise en charge des « décrocheurs ». Cette collectivité semble, en effet, l’acteur le mieux placé pour identifier les voies alternatives les plus adaptées aux jeunes qui rejettent l’environnement scolaire, mais non les savoirs. Enfin, l’article 13 tend à enrichir le contenu du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles et à améliorer sa procédure d’adoption en invitant les partenaires sociaux à le signer. Sept amendements de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont été adoptés par la commission saisie au fond et ont donc été intégrés au projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Je tiens à mettre en avant ces nouvelles dispositions, qui ont enrichi le texte présenté par le Gouvernement. Ainsi, une nouvelle mission sera assignée aux CFA : le développement des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté dans la société de l’information. Cet objectif a été également retenu par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école du 8 juillet 2013, car des savoirs partagés sont de nature à donner des repères communs aux jeunes de toute une classe d’âge, qu’ils soient élèves ou apprentis. Je rattacherai à cette nouvelle disposition une autre, également adoptée par les deux commissions, qui prévoit l’obligation d’apposer sur la façade des CFA la devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen.
À mon initiative, la mission d’accompagnement des apprentis par les CFA a été étendue à la prévention des difficultés matérielles et sociales qui peuvent perturber le contrat d’apprentissage. La sensibilisation des formateurs et des maîtres d’apprentissage à la question de l’égalité des sexes a été également inscrite à l’article 8, ce qui permet de conforter, dans la filière de l’apprentissage, la dynamique enclenchée par le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
De surcroît, la mobilité internationale des apprentis devra être encouragée par les CFA. Enfin, à l’article 12, nous avons reconnu le rôle des CIO et des services universitaires d’orientation et d’information, sur lesquels l’État s’appuiera pour définir la politique d’orientation scolaire et universitaire. Cette reconnaissance était très attendue par un réseau qu’on a trop longtemps laissé se fragiliser et à qui il faut redonner une perspective. En conclusion, le Parlement a, d’ores et déjà, fait oeuvre utile à la suite des rencontres avec les partenaires sociaux. Il nous faut poursuivre ce travail dans l’hémicycle, car ce texte constitue une chance pour nos jeunes et pour nos territoires.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, Jean-Patrick Gille, mes chers collègues, une fois de plus, la commission des affaires sociales a travaillé sur un texte important, dont les effets attendus vont très certainement améliorer le quotidien de nombre de nos concitoyens.
Je voudrais saluer tous les membres de la commission présents pour la qualité des débats, en dépit de nos contraintes de temps : vingt heures de réunion en quinze jours, auxquelles il faut ajouter – et je tiens notamment à le souligner – près de soixante auditions du rapporteur, Jean-Patrick Gille, que je remercie tout particulièrement pour son travail dans un contexte, encore une fois, très contraint.
Il est vrai que l’urgence dans laquelle nous examinons ce texte nous place dans des conditions difficiles. Même si nous pouvons protester, sur tous les bancs, ce que nous avons largement fait s’agissant de la forme, nous devons reconnaître la volonté et l’énergie de ce gouvernement, et en l’occurrence de M. le ministre, pour mener la bataille de l’emploi.
Sur ce front de la bataille de l’emploi et du travail, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur nous, les membres de la majorité et, je l’espère, sur les membres de l’opposition. Comme l’a rappelé le Président de la République lors de l’ouverture de la deuxième Conférence sociale, « l’emploi est un défi qui nous concerne tous ». Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui complète les réformes déjà engagées pour bâtir une politique active de l’emploi. La méthode employée pour son élaboration repose sur le dialogue social, la négociation et la concertation.
La feuille de route sociale donnée par le Gouvernement a ainsi été largement suivie, grâce au climat de confiance, de dialogue et de responsabilité qui s’est créé entre les représentants des salariés et des employeurs. Ainsi, après la loi relative à la sécurisation de l’emploi, démonstration est faite de la pertinence de cette méthode pour faire aboutir des réformes importantes pour notre pays. Cette marque de fabrique de la politique sociale menée depuis juin 2012 contraste heureusement avec les pratiques suivies précédemment et montre que l’on peut mener des réformes ambitieuses et assurer, par le soutien des partenaires sociaux, leur succès et leur pérennité, même si l’évaluation est de mise à tout moment.
Le texte que nous examinons a été rédigé en un temps record, sur les bases de l’accord national interprofessionnel conclu le 14 décembre dernier sur la formation professionnelle. C’est le quatrième accord conclu depuis dix-huit mois, ce qui prouve bien qu’il est possible, en France, de réformer par le dialogue. La démocratie sociale doit être, bien sûr, respectée par la démocratie politique, mais cela n’empêche pas, bien entendu, la représentation nationale d’exercer son droit d’amendement, tout en ne dénaturant certes pas les termes de l’accord, ce qui ne ralentit pas pour autant les réformes.
M. le ministre, M. le rapporteur et Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles ayant quasiment tout dit, je me contenterai d’axer mon propos sur quelques articles seulement. J’évoquerai, tout d’abord, l’article 16 du texte relatif à la réforme de la représentativité patronale, article dans lequel on retrouve cette volonté de faire vivre le dialogue social. Actuellement la représentativité des organisations patronales repose sur un principe de reconnaissance mutuelle. On ne pouvait plus rester dans cette situation, surtout après l’aboutissement de la réforme de la représentativité des syndicats de salariés. Ce chantier, engagé dès l’arrivée aux responsabilités de l’actuelle majorité lors de la Conférence sociale de juillet 2012, a connu un premier aboutissement avec la signature, par les mêmes organisations patronales, d’une position commune en juillet 2013. On ne peut, aujourd’hui, que se réjouir d’avoir à examiner une réforme acceptée par les organisations intéressées, car issue de leurs propositions, réforme qui permet de refonder la représentativité patronale sur des critères généraux de représentativité proches de ceux applicables aux syndicats de salariés.
Autre réforme qui marquera l’histoire de notre droit social, celle de la formation professionnelle. Comme cela a été souligné, notre dispositif actuel, issu de la loi de juillet 1971, était fondé sur l’obligation pour l’employeur de payer la formation du salarié. En dépit de plusieurs retouches, il présentait de nombreuses limites, et notamment une inégalité d’accès au détriment des salariés les moins qualifiés, de ceux travaillant dans des entreprises de petite taille ou étant en CDD.
Il convenait aussi d’adapter ce dispositif afin de prendre en compte les demandeurs d’emploi, pour qui la formation est encore plus nécessaire. Or elle leur est, actuellement, encore moins accessible puisque, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, seulement un chômeur sur cinq y accède. Avec ce texte, des changements profonds vont s’opérer en passant, pour les employeurs, d’une obligation de payer à une obligation de former ; en modifiant et simplifiant le financement ; en mettant en place de nouvelles garanties d’accès à la formation avec le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle et, enfin, en instaurant une nouvelle gouvernance grâce au transfert aux régions des compétences dans ce domaine.
Enfin, je tenais à souligner les mesures tendant à garantir l’effectivité du droit du travail et la réforme d’envergure proposée par les articles 20 et 21, qui réorganisent les services de l’inspection du travail dans un sens plus collectif et plus efficace, étendent les pouvoirs d’intervention des agents, améliorent le dispositif de sanction des infractions et renforcent le contrôle de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Contrairement à ce que j’ai pu entendre en commission, je considère – et je le rappelle ici, parce que j’assume mes propos, même si mon avis est plus ou moins partagé sur tous les bancs – que la réforme de l’inspection du travail trouve pleinement sa place dans ce texte qui rénove profondément la formation professionnelle et renforce la démocratie sociale.
Il convient, en effet, de s’assurer de la bonne application des nouvelles dispositions et, pour cela, le renforcement des moyens de contrôle est nécessaire. Il n’est pas question de remettre en cause l’indépendance des inspecteurs du travail, qui est un principe garanti par des accords internationaux signés par notre pays. Je pense, monsieur le ministre, que nous pourrons, au fil de nos discussions, aborder les points sur lesquels il convient de rassurer la représentation nationale, mais nous pouvons en tout cas être fiers d’écrire avec ce texte une nouvelle page de notre histoire sociale dans un monde toujours en mouvement et qui, évidemment, a bien changé depuis 1971 !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, la formation professionnelle, l’apprentissage et l’orientation sont des leviers pour promouvoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Les femmes occupent deux tiers des emplois non qualifiés et représentent 80 % des temps partiels. Alors même qu’elles devraient être l’un des publics prioritaires, il existe de fortes inégalités dans l’accès à la formation professionnelle et à l’apprentissage. C’est particulièrement le cas pour les moins qualifié-e-s, avec un décrochage de neuf points du taux d’accès à la formation continue des femmes ouvrières et des employées par rapport à celui des hommes.
Pour se former, les femmes doivent aussi réorganiser deux fois plus leur vie personnelle que les hommes, et elles sont plus nombreuses à déclarer que cela génère des frais, en particulier des frais de garde d’enfant ou de déplacement, en particulier pour les mères de famille. Il faut assurer à ces femmes un meilleur accès à la formation, mais aussi agir sur la nature même des formations suivies et, puisqu’un grand plan vient d’être lancé par le Gouvernement, monsieur le ministre, promouvoir une plus grande mixité des métiers.
Absolument !
Il faut faire exploser les parois de verre, qui orientent les femmes, et surtout les moins formées, vers une dizaine de métiers, que l’on connaît : les soins à la personne, l’accueil, la grande distribution. Il faut en finir avec cette ségrégation qui écarte les femmes de la majorité des métiers. Seuls 17 % des métiers sont mixtes ! Cette division sexuée du travail explique en grande partie les inégalités, qu’il s’agisse des écarts salariaux, des temps partiels et, par ricochet, des retraites partielles. La délégation a souhaité s’emparer de ce texte important et je vous remercie, madame la présidente Lemorton, de l’avoir accepté.
Avant d’aborder le fond, monsieur le ministre, je voudrais vous faire deux remarques de forme. On nous a imposé un temps particulièrement contraint pour un sujet aussi complexe, et je tiens à féliciter Mme Ségolène Neuville, qui a réalisé un travail de grande qualité dans un temps très court. Par ailleurs, il manque une réelle étude d’impact avec des données sexuées sur l’état des lieux et la portée des dispositions proposées. Une étude d’impact ne peut se satisfaire de simples déclarations. Des progrès restent à faire dans ce domaine, et nous y veillerons.
Mais en dehors de ces aspects, je me félicite des avancées contenues dans ce projet, issu d’un accord des partenaires sociaux.
Pour améliorer encore cette réforme ambitieuse, nous avons adopté onze recommandations, fondées sur trois orientations : favoriser l’accès des femmes à la formation continue et, comme l’a dit M. Gille, en faire des actrices de leur formation, promouvoir la mixité des filières et des formations, et développer la parité.
Sur l’accès des femmes à la formation continue, je ne donnerai qu’un exemple. Les salariées à temps partiel bénéficient de moins de formation : 37 % pour elles, contre 45 % pour celles qui ont des emplois à temps complet. Or ce sont précisément ces salariées qui ont le plus besoin d’élever leur niveau de qualification et de consolider leur parcours professionnel, pour sortir de la précarité. Nous avons déposé un amendement visant à supprimer le principe du prorata temporis, pour donner à tous les mêmes droits, soit un minimum de vingt heures par an, sur le compte personnel de formation. Ce n’est pas parce que l’on travaille à temps partiel que l’on doit être formé partiellement.
Nous avons identifié au cours de nos travaux plusieurs initiatives locales et bonnes pratiques dans certains accords de branche et dans les régions. Je pense à la mise en place d’un indicateur de suivi de la proportion d’hommes et de femmes accédant à la formation qualifiante. Il est nécessaire d’avoir des statistiques sexuées sur le nombre et le type de formations, mais aussi les dépenses correspondantes. On peut citer aussi, dans certaines régions, l’indemnisation des frais supplémentaires occasionnés par la garde des enfants. Il serait utile de préciser la notion de frais annexes afin d’y intégrer la question des frais de garde, et, surtout, il serait utile de veiller à la diffusion de ces bonnes pratiques.
Deuxième axe de travail : la mixité des filières et des formations. La ségrégation professionnelle cantonne les femmes à certains métiers, peu qualifiés, moins bien rémunérés et plus précaires. Cette répartition sexuée et profondément inégalitaire des métiers appelle des mesures volontaristes. Les freins sont multiples et ancrés dans un système de représentations collectives discriminantes. Il s’agit donc de lutter activement contre les stéréotypes de genre, dans la formation professionnelle, dans le service public de l’emploi, dans l’orientation, mais aussi dès l’école, et ce dès la maternelle. L’objectif doit être d’accroître la part des filles en apprentissage, de renforcer la formation de tous les acteurs, pour lutter contre les stéréotypes de genre, et d’intégrer clairement la mixité dans le conseil en évolution professionnelle, par exemple.
Enfin, la délégation a adopté deux recommandations visant à développer la parité. Toutes les instances que vous créez, monsieur le ministre, doivent être paritaires. Dans ce projet de loi, cela concerne notamment le conseil national et les comités régionaux de l’emploi – j’évite les acronymes, qui sont nombreux. Il nous semble également important de veiller à la parité au sein des instances de direction des organisations syndicales et de leurs délégations, parité qui n’est pas toujours effective, comme nous le constatons lors des auditions.
En conclusion, notre pays ne peut plus se passer des compétences des femmes. Des métiers et des carrières ne peuvent plus se passer des compétences des femmes. Dans le sillage du projet de loi pour l’égalité réelle présenté par Mme la ministre des droits des femmes fin janvier, cette réforme de la formation professionnelle complète la lutte contre les inégalités qui pèsent sur les filles dès l’école et les femmes dans la sphère professionnelle. Notre volonté est de construire une société plus juste et plus égale. Saisissons cette opportunité que vous nous offrez, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, nous examinons ce projet de loi trois semaines après la présentation du pacte de responsabilité par le Président de la République, un Président qui, après vingt mois aux affaires, n’inspire plus confiance qu’à moins de 23 % des Français,…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC
On est dans le sujet !
…et pour cause : renoncements, reniements, voire mensonges semblent aujourd’hui lui tenir lieu de boussole.
Il avait annoncé que seul un Français sur dix serait concerné par les hausses d’impôts. C’est toute la classe moyenne qui a été la cible du matraquage fiscal.
Il avait annoncé une inversion de la courbe du chômage. Ce sont plus de 1,3 million de personnes qui sont sans emploi.
Que 1,3 million de personnes soient sans emploi, c’est hors sujet ? Nous parlons de formation professionnelle !
Il avait prétendu réconcilier les Français. Il ne cesse de les diviser en lançant à dessein des débats sociétaux qui mettent en péril le vivre ensemble. Et les slogans n’y changent rien. Nous attendons toujours les effets du choc de compétitivité et du choc de simplification.
Écoutez-vous, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, les commentaires désabusés, quand ils ne sont pas franchement colères, de ceux qui aimeraient tellement pouvoir entreprendre dans notre pays ? Il faudrait les entendre, ne serait-ce que pour stopper le décrochage inquiétant de l’économie française, qui, contrairement à d’autres, ne parvient pas à profiter de la croissance mondiale.
Vous nous annonciez depuis des mois une grande loi sur la formation professionnelle. Vous nous présentez un projet de loi « relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ». Il comporte trois titres et vingt-deux articles. Le titre Ier concerne la formation professionnelle, son financement, sa gouvernance et, accessoirement, l’apprentissage, le titre II la démocratie sociale, la représentation patronale mais aussi syndicale, et le titre III, enfin, l’inspection et le contrôle des politiques de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle.
C’est dans un esprit constructif que le groupe UMP voulait aborder l’examen de ce texte.
Ma collègue Véronique Louwagie reviendra, dans sa motion de renvoi en commission, sur les différentes versions qui nous ont été soumises et les conditions dans lesquelles nous avons dû travailler, certes dans un climat cordial entre les membres de la commission des affaires sociales, madame la présidente,…
…mais de façon peu satisfaisante s’agissant d’un sujet aussi important à nos yeux. Les nombreux amendements du rapporteur lui-même mais aussi de votre propre majorité parlementaire, monsieur le ministre, sont pour nous le signe d’un texte non abouti – près de 250 amendements du PS, 66 du groupe écologiste, 39 du groupe GDR – et quelque peu fourre-tout puisque vous y introduisez l’article 10, qui repousse au 1er juillet 2014 l’interdiction de signer de nouveaux contrats de travail de moins de vingt-quatre heures. Quel est le rapport avec la formation professionnelle ?
Souvenez-vous, chers collègues, c’était un dispositif phare de la loi de sécurisation de l’emploi, qui devait permettre de lutter contre le temps partiel subi. Nombre d’entre nous avions pourtant mis en garde le Gouvernement contre la difficulté qu’auraient certains employeurs à se plier à cette règle, particulièrement difficile à appliquer dans certaines professions, notamment le service aux personnes. Vous ne nous avez pas écoutés et avez repoussé tous nos amendements. La loi a été promulguée et le principe de réalité vous rattrape. Vous annoncez, monsieur le ministre, vouloir laisser du temps supplémentaire aux branches pour conclure les négociations. Vous nous expliquerez quel sort vous réserverez donc aux institutions qui sont parvenues à un accord et ont signé des contrats entre le 1er et le 22 janvier de cette année. Votre réponse est attendue.
Non abouti, quelque peu fourre-tout, ce texte aurait pu néanmoins faire consensus entre nous. Ne s’agissait-il pas de transposer dans la loi un accord historique, encore un, conclu entre les partenaires sociaux ? Qu’il y soit question du financement du paritarisme ou de la représentativité patronale et salariale pouvait aussi se justifier. Mais quelle ne fut pas notre surprise d’y trouver le titre III sur l’inspection et le contrôle, qui, reconnaissez-le, n’a rien à voir, ni de près, ni de loin, avec la formation professionnelle. Cela devient d’ailleurs une habitude de votre gouvernement de prendre prétexte de projets de loi pour introduire des articles qui sont loin d’être anodins, en catimini.
L’esprit de l’article 20 est aux antipodes des annonces du Président de la République, qui prétend vouloir rétablir la confiance avec les entreprises. L’instauration des amendes administratives n’est vraiment pas de nature à rassurer les entrepreneurs. Si cet article est adopté par votre majorité, vous pourrez faire l’économie de la création de votre « Conseil stratégique de l’attractivité ». Aucun investisseur ne prêtera plus du tout attention à notre pays. Vous pourrez seulement vous enorgueillir d’avoir alimenté votre étonnant « Observatoire des contreparties ». Rien que pour cette raison, à moins que nous ne soyons suffisamment nombreux, chers collègues, pour voter la suppression de cet article – je lance un appel pour que vous votiez dans ce sens –, les voix de l’UMP risquent de manquer pour approuver l’ensemble du texte.
Et pourtant. Il ne faudrait pas passer à côté de l’occasion de réformer la formation professionnelle, ce qui est l’objet du titre Ier, dans lequel je vais entrer plus avant.
Ce sera la douzième loi significative sur la formation depuis 1971, mais probablement pas la dernière. Vous avez évoqué Jacques Delors, monsieur le ministre. En 1971, le Président s’appelait Georges Pompidou, le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas et le ministre du travail Joseph Fontanet.
C’était le temps où il y avait des gaullistes, et où la droite était éclairée. Éclairée et républicaine.
Si chacune de ces lois a pu présenter des avancées, force est de constater que le système français est loin d’être performant. J’en veux pour preuve les 140 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans formation ni diplôme, les 40 000 places vacantes en lycée professionnel ou les 150 000 à 300 000 offres d’emploi non satisfaites. Autant de tristes statistiques qui doivent nous exhorter à agir.
Je me demande d’ailleurs parfois si la cause n’est pas à rechercher du côté du slogan lancé en 1985 par le ministre de l’éducation nationale de l’époque : 80 % d’une classe d’âge au bac à l’horizon 2000. Et si nous le remplacions, près de trente ans plus tard, par l’objectif de 100 % d’une classe d’âge en stage, en formation ou en emploi. À mon avis, ce serait une petite révolution salutaire. Il faut en effet arrêter de considérer que le travail manuel et l’industrie sont des non choix, destinés aux élèves en difficulté. Nous avons évoqué cette question ce matin même en commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’occasion de l’examen du rapport sur le décrochage scolaire. Là aussi, le discours et les représentations doivent changer, et ce n’est pas gagné.
J’en viens au système actuel. Il faut dire qu’il est d’une complexité infinie :…
…pour les demandeurs d’emploi et les salariés, d’une part ; pour les entreprises, d’autre part. Il fait intervenir un nombre incalculable d’acteurs : les branches professionnelles, le FONGECIF, les OPCA, les OCTA, les régions, Pôle emploi, les organismes de formation eux-mêmes, dont on ne peut pas dire qu’ils soient tous de qualité égale. Même ceux qui sont censés maîtriser le sujet et promouvoir les dispositifs finissent par s’y perdre.Rien qu’en Bretagne, j’ai recensé pas moins de seize dispositifs les plus usités. Pour Pôle emploi – et je vous fais grâce des acronymes : l’action de formation préalable à l’embauche, l’action de formation conventionnée, la préparation opérationnelle à l’emploi, collective et individuelle, l’aide individuelle à la formation. Pour la région : le programme régional des stages, le programme Bretagne formation, l’action territoriale expérimentale, le chèque force, le chèque formation, le chèque reconversion. Pour le FONGECIF et les OPCA : le congé individuel de formation. Sans oublier la validation des acquis de l’expérience et, ce à quoi nous sommes très attachés, à l’UMP, l’alternance, avec les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation.
Le système est aussi coûteux, 32 milliards, dont la moitié, 16 milliards, prise en charge par les seules entreprises, 5 milliards par les régions, 5 milliards par l’État, 2 milliards par Pôle emploi, l’UNEDIC et l’AGEFIPH. Les particuliers financent parfois eux-mêmes leurs propres formations à hauteur de 1 milliard. Quant aux collectivités locales, elles dépensent près de 2,5 milliards pour former les agents de la fonction publique territoriale.
Je remarque d’ailleurs que ce projet de loi ne traite absolument pas de la formation dans le secteur public.
Est-il à ce point parfait qu’il ne faille pas le faire évoluer ? Dans la mesure où les carrières sont de moins en moins linéaires, où chaque Français peut imaginer commencer son parcours professionnel comme salarié dans le privé, enchaîner sur une fonction de chef d’entreprise, poursuivre par un emploi dans la fonction publique, il aurait été intéressant d’aborder la formation professionnelle dans son intégralité et d’imaginer des filières de formation communes pour les salariés du public et ceux du privé. Mais point de cela. Cela aurait pourtant permis de rapprocher deux univers qui ne se connaissent pas et ont de ce fait trop tendance à s’arrêter à des idées reçues.
Le système se révèle enfin inefficace puisque ceux qui en profitent le plus sont déjà les mieux formés. Le profil type de celui qui bénéficie en priorité d’une formation est un homme, déjà qualifié, salarié d’une grande entreprise, au détriment des jeunes, des moins qualifiés et des salariés des petites entreprises, sans parler des demandeurs d’emploi. Sur cent personnes bénéficiant de la formation continue, treize seulement sont des chômeurs.
Eh oui ! C’est pour cela qu’il faut réformer !
L’inefficacité est néanmoins à nuancer. En effet, des dispositifs ont fait leur preuve, et nous aurions aimé que cette loi les renforce. J’en citerais deux, l’un destiné aux demandeurs d’emploi, l’autre aux salariés.
Pour les demandeurs d’emploi, il s’agit de l’action de formation préalable au recrutement. En tête des formations porteuses de débouchés, les AFPR ont pour vocation de former un demandeur d’emploi avant une embauche. Près de 70 % de leurs bénéficiaires occupent un emploi six mois après leur sortie de formation, contre 50 % pour ceux qui bénéficient des formations conventionnées, et même moins encore pour ceux dont la formation est prise en charge par le chômeur lui-même ou la région, dont on nous dit pourtant qu’elle doit devenir chef de file en la matière. Peut-être, mais encore faudra-t-il que les régions acceptent de prendre en considération les attentes des entreprises, puisque ce sont elles qui créent de l’emploi. Elles sont donc le mieux à même de définir leurs besoins. Car quelle est la raison principale du succès de l’AFPR ? Je suppose que vous le savez, monsieur le ministre : les demandeurs d’emploi sont formés dans l’entreprise aux besoins de l’entreprise. Tout simplement.
Deuxième exemple, pour les salariés : le congé individuel de formation. Né il y a trente ans, « il a fait ses preuves », peut-on lire dans le dossier de presse remis par vos services aux journalistes le 22 janvier dernier. C’est tout à fait exact : 82 % des bénéficiaires sont ouvriers et employés ; 60 % sont des personnes faiblement qualifiées ; un an après un CIF, 57 % des utilisateurs ont réussi leur examen et travaillent dans le domaine souhaité, une proportion qui monte à 74 % pour ceux qui n’ont pas changé de secteur ; 97 % des utilisateurs non diplômés réussissent à décrocher un premier diplôme. Le CIF représente – pour mémoire, mais j’y reviendrai, le compte personnel de formation, c’est 150 heures – en moyenne 800 heures de formation, pour un coût moyen de 23 000 euros, dont 75 % de rémunération.
Mais, car il y a un « mais », 30 000 personnes se voient opposer un refus d’accès au CIF chaque année. Il serait donc pertinent de se fixer comme objectif d’améliorer la réussite aux examens et de conforter les financements du CIF.
Ces financements s’élèvent aujourd’hui à 1,2 milliard par an. Ajoutés au financement du compte personnel de formation que vous créez, ce seraient 2,3 milliards d’euros qui seraient consacrés aux formations qualifiantes ou certifiantes, vous venez de le rappeler, mais je n’ai pu encore vérifier où vous trouverez la totalité de ces moyens.
Complexe, coûteux, inefficace : une véritable réforme de la formation professionnelle aurait dû avoir pour objectif de remédier aux faiblesses du système,…
…et donc de le rendre plus lisible, plus efficace, et financièrement plus rentable – j’utilise ce terme à dessein tant la formation tout au long de la vie devrait être considérée comme un investissement et non comme une dépense.
Honnêtes, nous savons reconnaître ce qui, pour nous, va dans le bon sens.
Vigilants, nous attirons l’attention sur des manques, des imprécisions, voire des fautes. Saluons d’abord la volonté du Gouvernement de contribuer à mettre fin à un système qui conduisait les organisations patronales et les syndicats de salariés à puiser dans une partie des fonds normalement dédiés à la formation professionnelle – certains parlent de détournement – pour financer leurs propres dépenses de fonctionnement, à hauteur de 60 millions, semble-t-il.
La loi crée un fonds qui sera abondé par les entreprises et par l’État. Ce fonds sera géré par une association paritaire et les bénéficiaires des financements devront rendre des comptes quant à leur utilisation. Cette exigence de transparence est indéniablement un progrès.
Saluons aussi les efforts consentis par les partenaires sociaux désireux d’améliorer le système. Ils sont parvenus à un accord le 14 décembre dernier, accord que vous avez abondamment savouré, monsieur le ministre. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas tous signé. Il en manque deux, et non des moindres. La CGPME et la CGT n’y ont en effet pas trouvé leur compte. Or les 3,2 millions de PME représentent 99,9 % des entreprises et 52 % des salariés de notre pays. Excusez du peu ! Ce sont elles qui créent le pluis d’emplois : 80 % des 2,8 millions d’emplois créés ces vingt dernières années l’ont été par des PME.
Dans l’Union européenne, ce chiffre s’élève à 85 %.
Que cette organisation patronale n’ait pas signé l’accord ne peut que nous interpeller. Nous avons reçu ses représentants, nous les avons écoutés. Leur crainte est forte que le nouveau système fasse chuter les entrées en formation des salariés des entreprises de plus de dix salariés, singulièrement de cinquante à trois cents salariés. Selon eux, le nouveau système met à mal le principe même de mutualisation, qui donnait apparemment satisfaction. L’inverse de l’objectif affiché ! Que répondez-vous à cela, monsieur le ministre ? À l’UMP, nous y répondons par des amendements qui, nous l’espérons, retiendront votre attention.
Passons maintenant en revue, si vous le voulez bien, les principales dispositions du texte. Elles ont un air de déjà-vu. Le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle ont en effet été créés par la loi de sécurisation de l’emploi.
S’agissant du compte personnel de formation, rappelez-vous, monsieur le ministre, notre impatience à en connaître les contours. C’est à leur définition que les partenaires sociaux se sont employés ces derniers mois. Nous y voyons à présent plus clair. Le CPF peut être ouvert dès l’âge de seize ans – quinze ans pour les apprentis. Il est crédité chaque année et son plafond est de 150 heures maximum, avec possibilité d’abondement, nous dites-vous ; à voir. Tout comme l’était le droit individuel à la formation, il est attaché à la personne, ce qui est une bonne chose, mais contrairement au DIF, dont chacun reconnaît qu’il n’a pas rencontré l’adhésion escomptée, le compte personnel ouvre un droit au salarié ou au demandeur d’emploi auquel l’employeur ou Pôle emploi ne peut s’opposer. Et contrairement au DIF, le salarié ou le demandeur d’emploi peut choisir sa formation dans une liste – ou plutôt trois listes ! – de formations qualifiantes ou certifiantes. Inutile de vous dire, monsieur le ministre, que nous avons beaucoup débattu de ces fameuses listes en commission. Nous ne sommes pas rassurés sur la méthode de leur élaboration ; nous y reviendrons au cours du débat.
De même, j’espère trouver réponse à mon interrogation sur l’articulation entre les dispositifs existant aujourd’hui et le compte personnel. Le salarié ou le demandeur d’emploi pourra-t-il continuer à bénéficier de ce que j’appelle l’offre de droit commun actuelle, sans avoir à activer son compte, faisant jouer la subsidiarité, ou devra-t-il activer son compte dès la première heure de formation ? La question n’est pas neutre. Nous sommes en effet plusieurs députés de la majorité et de l’opposition à considérer que les formations du socle commun de compétences ne devraient pas venir consommer les heures du compte personnel.
Nous sommes d’ailleurs très étonnés que ce compte soit le même pour tous, alors que vous vous fixez l’objectif, que nous partageons sur tous ces bancs, de privilégier les moins qualifiés. Mais sans doute nous donnerez-vous une explication.
S’agissant du conseil en évolution professionnelle, nous avons bien noté la liste des partenaires qui seraient habilités à le délivrer. Nous déplorons vivement que les maisons de l’emploi ne soient pas citées in extenso. Quand elles fonctionnent et donnent des résultats, elles sont pourtant des acteurs majeurs de l’accompagnement aux mutations économiques et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle d’un territoire. Elles sont donc particulièrement bien placées pour effectuer ce conseil auprès des entreprises, des salariés et des demandeurs d’emploi, et ce malgré la division par deux de leurs budgets de fonctionnement en 2014 – plus 10 millions obtenus grâce à notre rapporteur Patrick Gille : merci ! Confirmer et conforter les maisons de l’emploi dans leur rôle de conseil en évolution professionnelle serait de nature à les rassurer car elles sont très inquiètes, et leurs salariés en tête, de l’avenir que vous leur réservez.
Compte personnel, conseil en évolution professionnelle, entretien dans l’entreprise tous les deux ans, cet ensemble de nouveaux dispositifs seront-ils de nature à donner de l’appétence pour s’inscrire en formation ? Car il ne faudrait pas le nier : s’il peut y avoir des chefs d’entreprise qui rechignent à accorder des formations à leurs salariés, il y a aussi des salariés qui n’ont aucune envie de partir en formation. Ils gardent un mauvais souvenir de l’école ou bien n’en voient tout simplement pas l’utilité, ni immédiate ni à venir. Il serait pour le moins injuste de pénaliser un chef d’entreprise dont un ou plusieurs salariés n’auraient pas souhaité activer leurs comptes personnels de formation pour des raisons qui leur appartiennent. C’est pourtant un risque dans les entreprises de plus de cinquante salariés, à en croire l’alinéa 51 de l’article 1er, que nous souhaitons revisiter.
Quant aux demandeurs d’emploi, il faut aussi reconnaître que certains commencent une formation, par exemple payée par Pôle emploi, parfois à des tarifs élevés, mais s’absentent ou abandonnent en cours de formation. Peut-être disposez-vous de statistiques dans ce domaine, monsieur le ministre, et peut-être vos services ont-ils analysé les motifs de ces démissions. Sans doute faudrait-il à cet égard se poser la question de l’adéquation des formations aux besoins réels des entreprises. Quelle est la meilleure façon de convaincre les demandeurs d’emploi de se positionner sur des métiers en tension ? Je vous rappelle le nombre impressionnant d’offres d’emploi non satisfaites. Que fait aujourd’hui le Gouvernement pour lever les freins à l’accession à ces métiers ?
De même, pourquoi ne pas avoir profité de ce texte pour revoir le système de délivrance des agréments attribués aux organismes de formation par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ? Il semblerait que ce soit un jeu d’enfant d’être agréé formateur.
Je reviens à l’absentéisme et aux abandons en cours de formation. Des sanctions existent mais ne seraient pas suffisamment dissuasives ou pas assez souvent activées pour désinciter à ce type de comportement. D’où l’idée que nous vous soumettons de rappeler systématiquement aux bénéficiaires de formation les droits et les devoirs qui leur incombent en la matière.
Les dispositifs, c’est important, mais l’organisation du système l’est assurément davantage. La formation professionnelle souffre dans notre pays d’une absence de pilotage, d’un empilement de structures et d’un émiettement des responsabilités.
Vous pensez y remédier en mettant en place une nouvelle gouvernance, au niveau national comme au niveau régional. Là encore, tout n’est pas très clair. On sent bien que vous souhaitez désigner la région comme pilote de la formation professionnelle, mais pas tout à fait quand même, car il faut bien que l’État reste aussi maître du jeu. Vous évoquez donc un quatuor : la région, alors que nous n’avons toujours pas examiné le texte sur l’acte II de la décentralisation, l’État, avec toute l’imprécision que revêt ce terme, les organisations patronales, et les syndicats de salariés. Mais vous reconnaissez aussi qu’il en manque, et vous ne savez pas comment régler le problème de la participation de l’UNAPL, de l’économie sociale et solidaire, des organisations agricoles, qui représentent tout de même 4 millions de personnes.
Une chose est certaine : plus les partenaires sociaux, mais aussi les chambres consulaires, Pôle emploi et ses partenaires naturels, seront associés à l’analyse des besoins en formation au plus près des territoires, meilleure sera la sécurisation des parcours des salariés et plus grande sera la probabilité d’un retour à l’emploi de ceux qui en sont privés. Avec un maître mot : la réactivité.
Avant de conclure, permettez-moi de m’arrêter un instant sur l’apprentissage, dont vous savez qu’il me tient à coeur, tout simplement parce qu’il a prouvé son efficacité. Ce sont en effet huit apprentis sur dix qui s’insèrent dans la vie professionnelle à l’issue de leur apprentissage. Votre texte ne lui consacre que quatre petits articles, dont certains nous inquiètent, d’ailleurs, et ils n’inquiètent pas que nous. Le Gouvernement déclare faire de l’apprentissage une priorité en se fixant comme objectif 500 000 apprentis en 2017. Bien. Or c’est ce même gouvernement qui a supprimé l’indemnité compensatrice forfaitaire pour les entreprises de plus de dix salariés et divisé par deux le crédit d’impôt apprentissage dans le projet de loi de finances pour 2014.
Ajoutez à cela les moyens colossaux consacrés à la promotion des emplois d’avenir et des contrats de génération, au détriment de l’apprentissage et de l’alternance, et vous comprendrez avec nous la baisse de 10 % des entrées en apprentissage pour la seule année 2013. Du discours aux actes, monsieur le ministre, du discours aux actes…
Pour terminer, je vous livrerais un regret de plus : le peu de place qui aura finalement été réservé dans nos débats aux relations entre la sphère de l’éducation et le monde professionnel. Le lien est pourtant à tisser et à renforcer, si l’on veut lutter contre l’échec puis le décrochage scolaire. Qu’il nous soit permis de poser clairement la question de l’efficacité de notre éducation nationale et, singulièrement, du collège unique. Qu’il nous soit permis d’appeler de nos voeux la mise en place effective d’un véritable service public de l’orientation, là encore avec un pilote désigné. Car depuis combien d’années en parle-t-on, et pour quels résultats ? Heureusement, des territoires s’organisent et les bonnes pratiques se multiplient. C’est aussi notre rôle de les valoriser, ce que je fais dans ma propre circonscription, à Vitré. Ce sont aussi ces exemples venant du terrain qui nous invitent à espérer que les choses bougent.
En attendant, vous aurez compris, si vous avez eu la gentillesse et la patience de m’écouter jusqu’au bout, les principales raisons qui ont motivé le dépôt de cette motion de rejet par l’UMP. Elle était donc bien utile.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Madame Le Callennec, je ne répondrai pas point par point à la défense de votre motion de rejet préalable, qui n’a évidemment pas sa place dans ce débat.
Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un texte fourre-tout, et vous le savez : il a un fil conducteur.
En août 2008 – vous n’étiez pas élue, vous ne pouvez donc vous en souvenir –, nous pensions devoir voter sur la représentativité syndicale, mais le précédent gouvernement avait ajouté un titre II qui n’avait strictement rien à voir puisqu’il s’agissait de mettre fin aux trente-cinq heures. Cela nous avait tous surpris. Nous étions prêts, dans l’opposition, à voter le titre Ier, mais nous avons, du coup, été amenés à voter contre la loi. Donc, sur ce type de raisonnement, pas de leçon !
Vous avez évoqué les amendes administratives pour les entreprises qui ne respecteraient pas le droit social. Comme si c’était une honte ! Non, justement : dans la situation économique où nous nous trouvons, où les salariés sont très fragiles, vous le dites vous-même, je crois qu’il faut renforcer ces amendes vis-à-vis des entreprises qui ne respectent pas les règles. Je ne comprends pas votre raisonnement sur ce sujet.
Vous avez rappelé des chiffres, sur lesquels tout le monde s’arrête : nombre de jeunes sortant sans qualifications, nombre d’emplois non pourvus… Mais je ne crois pas que cela date d’il y a vingt mois, cette histoire ! Cela fait des années,…
…et le Gouvernement en a bien pris conscience. Vous dites qu’il faut prendre le problème à bras-le-corps et adopter des mesures. Je vous rappelle que les emplois d’avenir sont justement faits pour des jeunes sans qualification, et je pense que l’on peut dire aujourd’hui que c’est un succès. Nous sommes en montée en charge. Les chiffres que nous attendions sont au rendez-vous.
Permettez-moi une remarque un peu coquine : c’est amusant comme votre intérêt pour les fonctionnaires est à géométrie variable. Vous vous y intéressez sur le sujet de la formation mais, sur un autre sujet, celui des retraites, vous avez passé votre temps à stigmatiser, à fustiger et à critiquer le système des retraites des fonctionnaires.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
On peut comprendre pourquoi, puisque vous avez dit à plusieurs reprises en commission, ce qui est fort étonnant de la part d’une parlementaire : « L’État, ça ne veut rien dire. » Eh bien non, madame Le Callennec, l’État, cela a un sens.
Ce que je dis, c’est qu’il faut préciser, quand on parle de l’« État », de quel ministère on parle : celui du travail, celui de l’éducation nationale, etc.
Ensuite, vous dites ne pas comprendre comment on aboutit à ce texte, alors qu’il n’y a pas d’unanimité. La représentativité syndicale et la représentativité patronale, cela abouti à des accords, sans que l’unanimité soit une règle intangible qu’il faudrait obligatoirement respecter. Il y a accord quand il y a une majorité.
Ce texte, madame Le Callennec, au risque de vous décevoir, est attendu, très attendu, et il n’est pas un fourre-tout. Il pourra sans doute être amendé et amélioré, bien évidemment.
Cette motion de rejet préalable n’a pas de sens et nous voterons contre. Les groupes de la majorité s’exprimeront, mais je pense que cette motion n’a pas sa place ici.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’explication de vote ayant été très bien faite à l’instant par Mme la présidente de la commission, je serai très bref. Mme Le Callennec a été très critique à l’égard du texte. Elle n’a pas voulu voir son contenu réel. C’est un peu le jeu de l’opposition. Mais c’est un jeu malheureux. Si nous sommes là aujourd’hui, c’est que la réforme de 2009 n’a pas abouti aux résultats que vous escomptiez : c’est une réforme avortée. De la même manière, la réforme des retraites de 2010 a dû être revue en 2013.
Je voudrais d’abord saluer la méthode. Le dialogue social est une véritable nouveauté depuis vingt mois. Nous avons aujourd’hui des partenaires sociaux qui se parlent, ce qui n’était pas le cas précédemment, hélas.
Le double objectif de cette réforme est évident : sécuriser l’emploi et assurer la compétitivité des entreprises, dont nous avons tant besoin. Ces deux objectifs ne sont pas inconciliables, mais très complémentaires, au contraire. Madame Le Callennec, vous n’avez pas voulu voir tout ce qu’il y a dans cette réforme : je vais vous le rappeler très rapidement, pour vous prouver combien elle est belle et nécessaire. Elle vient compléter la réforme de 1971 et se présente comme la réforme la plus importante depuis celle-ci, avec notamment ce véritable compte personnel de formation. Ce compte donne droit à une formation qualifiante, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le compte individuel de pénibilité prévu dans la réforme des retraites. Ces droits sont accordés aujourd’hui au salarié en termes de formation et de retraite.
Ce sont des formations ciblées…
…ers ceux qui en ont le plus besoin : les chômeurs et tous ceux qui sont, de fait, écartés de la formation. Cela est essentiel et tout le monde s’accorde sur ce point. Le budget passe, pour ces personnes, de 600 millions d’euros à 900 millions d’euros.
Il y a aussi dans ce texte la volonté de promouvoir l’apprentissage de manière forte. L’objectif est affiché : 500 000 apprentis d’ici à 2017.
S’agissant de la démocratie sociale, nous essayons de clarifier les choses avec la création d’un cadre juridique clair pour la représentation patronale, basé sur les adhésions.
Nous voulons aussi organiser et clarifier le financement, en distinguant clairement ce qui va à la formation professionnelle et ce qui va au fonctionnement de la démocratie sociale, comme le ministre l’a parfaitement rappelé.
Enfin, la réforme de l’inspection du travail a pour objectif de la rendre plus efficace dans ses contrôles, tout en préservant son indépendance et l’autonomie de ses membres.
Pour conclure, c’est d’une grande et belle réforme que nous allons débattre dans les prochaines heures.
Quant à la motion de rejet préalable, elle sous-entend qu’il y a une inconstitutionnalité dans le texte que nous présentons ; je ne la vois pas.
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera contre cette motion.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Cela ne vous étonnera pas, nous soutiendrons cette motion de rejet défendue brillamment par Mme Le Callennec.
Tout d’abord, monsieur le ministre, si, conformément à votre méthode maintes fois éprouvée depuis le début de ce mandat, vous avez procédé par négociation avec les partenaires sociaux et s’ils ont eu, eux, le temps de négocier, il est regrettable que, pour ce qui nous concerne, nous ayons dû examiner un texte aussi important à toute vitesse.
Il nous a été soumis alors qu’il n’avait même pas été examiné par le Conseil d’État ni approuvé par le conseil des ministres. Ce texte sur la formation professionnelle comporte des avancées, notamment pour les salariés, mais je crains qu’il ne complexifie davantage la vie des entreprises ainsi que la vie du public prioritaire, celui des demandeurs d’emploi, comme nous l’avons dit à de nombreuses reprises.
C’est exactement le contraire !
Je crains que ces derniers ne s’y retrouvent pas.
S’agissant de l’inspection du travail qu’a évoquée M. Issindou, si elle a un rôle de contrôle des entreprises, ce n’est pas à elle qu’il revient, selon nous, de verbaliser les entreprises, mais au juge.
Enfin, ce texte comporte de nombreuses inexactitudes, notamment sur l’apprentissage. Une fois encore, je crains que celui-ci ne soit négligé au profit des emplois d’avenir et des contrats de génération. Or je crois vraiment que l’apprentissage est la voie de formation, la voie de l’emploi, la voie de l’entrée dans les entreprises. Malheureusement, il a été beaucoup trop négligé ces derniers mois et nous en voyons aujourd’hui le résultat.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention Mme Le Callennec. Même si elle s’est montrée particulièrement convaincante dans un certain nombre d’aspects de son intervention, le groupe UDI s’abstiendra sur cette motion de rejet.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Néanmoins, mes chers collègues de la majorité, ne souriez pas trop vite ! Car ce texte est faible, et si j’étais un examinateur patenté, je me fendrais d’un « Doit faire ses preuves à l’examen ». Le grand soir est-il devant nous ? Je reconnais, monsieur le ministre, votre engagement permanent dans la lutte contre le chômage. Si vous créez ce compte personnalisé de formation, si vous simplifiez la gestion, si vous donnez davantage aux régions un rôle pilote, cela me va. Mais ce texte constituera-t-il, oui ou non, une véritable avancée pour les chômeurs de longue durée ?
La réponse est oui !
Pour l’apprentissage, c’est moins 9 % en 2013 et 550 millions d’euros de moins au budget 2014 :…
…550 millions d’euros de moins et vous avez l’ambition de créer 500 000 emplois supplémentaires dans l’apprentissage ! Échec et mat, ici aussi !
Nous disons une chose simple : la situation de l’emploi est celle que nous connaissons tous, ce texte apporte quelques avancées et il est inutile d’aller perdre encore quelques semaines en commission. Nous vous proposerons des amendements et, en fonction de ce que vous en retiendrez ou non, vous connaîtrez la position définitive du groupe UDI. Mais, monsieur le ministre, vous avez d’ores et déjà compris que ce texte ne correspond pas aux attentes que nous avions pour cette grande réforme de la formation professionnelle attendue depuis 1971, comme vous l’avez rappelé.
Je serai rapide, car notre discussion est chronométrée. Je crains également que Mme Louwagie, qui présentera la seconde motion, ne répète…
…un certain nombre de choses dites par Mme Le Callennec.
Cette façon de faire de la politique, avec des motions qui durent pour essayer de faire de l’obstruction au lieu d’en venir aussitôt aux amendements, n’est assurément pas très intéressante pour celles et ceux qui attendent de nos travaux un autre regard. De plus, il y a dans cette logique d’opposition beaucoup de caricatures. Ne pas voir les avancées du texte serait fortement injuste ; or je crois avoir compris que vous aviez du mal à les voir, madame Le Callennec.
Vous avez posé un certain nombre de questions qui sont justes. Il serait donc intéressant que nous puissions entendre les réponses, d’autant qu’un certain nombre de députés ici présents ont été au pouvoir pendant dix ans sans jamais donner de réponses concrètes à l’ensemble des questions que vous avez posées, ce que je regrette. Faites au moins la part des choses et reconnaissez que cette majorité tente de répondre aux enjeux majeurs que sont la formation professionnelle et la démocratie sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame Le Callennec, le groupe RRDP a lui aussi déposé des amendements et, à en croire le rapporteur, certains d’entre eux seront même votés.
Il fallait bien écouter, bien voir et bien lire. En me mettant à la place de quelqu’un qui serait dans le public, après avoir entendu le ministre et le rapporteur rappeler la loi de 1971, j’ai écouté avec attention Mme Le Callennec et j’avoue que j’ai été séduit par le bilan sans concession qu’elle a fait sur la situation de la formation professionnelle, dont le système est devenu parfaitement inefficace.
C’est pour cette raison qu’il faut réformer !
Les chômeurs n’utilisent pas assez la formation continue : 8 % seulement. Je vous cite, madame Le Callennec : « absence de pilotage », « empilement de dispositifs », ou encore : « le droit individuel à la formation a montré ses limites ».
Si rien n’avait été fait depuis 1971, ce bilan sans concession, je le signerais ; mais, madame Le Callennec, il y a eu entre temps la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social et celle du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Or, malgré ces deux lois, vous dressez aujourd’hui un bilan sans concession. Si l’utilité du projet de loi devait être démontrée, vous venez de le faire pendant vingt minutes !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il m’a piqué mes arguments !
J’aimerais vous répondre sur un deuxième point relatif à la notion d’’urgence. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’à un moment donné, l’intérêt général domine, je l’espère, les intérêts partisans et que la lutte pour l’emploi est une urgence. Tout texte qui va aider et soutenir cette lutte pour l’emploi doit faire l’objet d’une urgence et laisser de côté les petites chikayates que l’on peut avoir. Il y a urgence sur ce texte et un accord interprofessionnel est intervenu au mois de décembre. Je ne trouve pas ignominieux que le Parlement s’en empare au début du mois de février. C’est pourquoi je vous trouve, dans cette motion de rejet, un peu à côté de la plaque,
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI
tant le sujet est important.
Pour conclure, ce texte contient des innovations et des simplifications que vous appelez de vos voeux : le compte personnel de formation est une innovation ; l’entretien professionnel obligatoire est une innovation ; la création d’un conseiller en évolution professionnelle est une innovation ; la réforme du financement de la formation est une simplification. Simplification et innovation, c’est ce que tout le monde attend de la réforme de la formation professionnelle, nous avez-vous dit, pour conclure après vingt minutes de démonstration qu’il faudrait renvoyer ce texte aux calendes grecques. Les radicaux de gauche ne voteront pas votre motion, car ils attendent que l’on discute de ce texte et qu’il soit voté rapidement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, il me paraît impossible et inopérant de parler de ce projet de loi sans revenir sur l’apprentissage. Ma collègue Isabelle Le Callennec l’a fait à la fin de son intervention et, au risque d’une répétition, je veux revenir en détail sur les interventions successives du Gouvernement et sur ses décisions de ces derniers mois.
Les crédits de cette mission continuent donc à augmenter, en l’espèce à hauteur de 7 %, alors que la loi de programmation prévoyait de les ramener à 9,6 milliards d’euros. Si le Gouvernement espère encore inverser la courbe du chômage, ce que nous voudrions également, il ne semble pas miser sur une amélioration structurelle de la conjoncture : en témoignent l’augmentation des crédits des dispositifs d’indemnisation, la hausse de la dotation du fonds de solidarité et la consolidation de ses ressources, le renforcement des effectifs de Pôle Emploi ou encore l’accroissement des crédits destinées à l’activité partielle comme au contrat de sécurisation professionnelle, ciblé sur les licenciés économiques. Le Gouvernement concentre ses efforts sur les emplois aidés, à hauteur de 3,6 milliards d’euros : les contrats de génération bénéficient ainsi d’une enveloppe de 410 millions d’euros ; les emplois aidés classiques bénéficient de leur maintien à un niveau élevé, soit 380 000 contrats ; quant aux emplois d’avenir, un budget de 1,3 milliard a été inscrit pour atteindre l’objectif de 150 000 jeunes fin 2014.
Vous semblez vous émouvoir, monsieur le ministre, et c’est un euphémisme, que les contrats de génération stagnent alors qu’il s’agissait d’une mesure phare du programme présidentiel. Il est vrai que l’on escomptait 75 000 contrats pour fin mars et que seulement 20 000 étaient signés à la mi-janvier… À cet égard, l’article 10 du projet de loi tend à assouplir les conditions d’âge du contrat de génération dans le cadre spécifique de la transmission d’entreprise : ainsi, un chef d’entreprise d’au moins cinquante-sept ans pourrait utiliser le dispositif en embauchant un jeune âgé de moins de trente ans et non plus de vingt-six ans comme actuellement.
Monsieur le rapporteur, vous avez parlé d’une « ligne directrice » du projet de loi, quand vous avez évoqué, madame la présidente de la commission, un « fil conducteur ». Je vais essayer de vous démontrer qu’au regard des décisions prises sur l’apprentissage, il n’y a ni fil conducteur ni ligne directrice dans ce texte. L’apprentissage mériterait un sursaut national. Ce n’est ni une invective, ni un slogan, mais une réalité. Le budget emploi dans la loi de finances pour 2014 atteint 11,14 milliards d’euros contre 10,31 milliards d’euros en 2013, soit 900 millions d’euros de plus.
Êtes-vous contre ?
Il convient toutefois de regretter que le Gouvernement envoie des mauvais signaux dans plusieurs directions. Chacun se souvient des initiatives concernant les maisons de l’emploi lors de l’examen budgétaire à l’automne dernier ; Isabelle Le Callennec a rappelé tous les atouts des maisons de l’emploi et l’importance de leurs actions dans nos territoires. De plus, non seulement la seconde partie de la loi de finances prévoit la suppression des indemnités compensatrices forfaitaires, mais la première partie réduit le dispositif du crédit d’impôt apprentissage ; bref, c’est à une double peine que l’apprentissage va dorénavant subir.
Le crédit d’impôt apprentissage représente actuellement 1 600 euros par an et apprenti, attribués à l’entreprise. C’est un soutien important à l’apprentissage, une incitation forte pour les entreprises au bénéfice des apprentis. Or un amendement gouvernemental a modifié le dispositif en le réservant dorénavant aux seules entreprises qui embauchent des apprentis préparant un diplôme d’un niveau inférieur ou égal à bac plus 2 – CAP, BEP, IUT. En outre, le crédit va être limité à la première année de préparation du diplôme. Autrement dit, les entreprises qui embauchent des jeunes en qualité d’apprentis à un niveau supérieur à bac plus 2 ne bénéficieront plus du crédit d’impôt, et celles qui embauchent des apprentis à un niveau ne dépassant pas bac plus 2 se le verront supprimer au-delà de la première année.
Outre la réduction du crédit d’impôt, il y a la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire. C’est un tour de passe-passe habile et subtil, les ICF étant remplacées par une aide ciblée sur les TPE, d’au moins 1 000 euros par année de formation, chaque région pouvant décider d’attribuer un montant supérieur. Les contrats signés avant le 31 décembre 2013 continueront de bénéficier d’une aide équivalente à l’ICF pour la première année de formation ; en revanche, pour la deuxième et la troisième année de formation, les TPE continueront à bénéficier d’une aide de 1000 euros tandis que, pour les autres entreprises, l’aide baissera à 500 euros, puis à 200 euros. Vous annoncez un objectif de 500 000 appentis d’ici 2017, mais, dans le même temps, vous menez une action contraire puisque vous divisez le soutien de l’État par trois.
Ajoutez à cela le flou total de votre action en faveur de l’apprentissage, puisque celle-ci est disséminée entre quatre textes : suppression du dispositif d’initiation aux métiers en alternance dans la loi Peillon, désengagement de l’État dans la loi de finances, réforme de la taxe d’apprentissage dans la loi de finances rectificative, aussitôt censurée par le Conseil constitutionnel, et refonte de la collecte dans le projet que nous examinons aujourd’hui.
Face à cette absence totale de cohérence, de lisibilité et d’efficacité, le couperet des entreprises est tombé. Mon collègue Philippe Vigier a rappelé les chiffres : le nombre des entrées en apprentissage a baissé de 18 % pour la première moitié de l’année 2013 par rapport à la même période en 2012.
Cette inflation législative entraîne une instabilité des dispositifs et conduit à une absence de ligne directrice claire, ce qui met à mal l’apprentissage.
Notre pays compte 435 000 apprentis quand on en recense 1,5 million en Allemagne. Mais outre-Rhin, l’âge minimal d’entrée en apprentissage est fixé à treize ans, alors que votre Gouvernement, lui, l’a porté à seize ans,…
…aisant fi d’ailleurs des protestations émanant de vos rangs, notamment celle de Ségolène Royal, qui avait parlé d’une disposition « contraire au bon sens », et d’une « idéologie dépassée ». Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas insensible aux propos d’une ancienne candidate à l’élection présidentielle, que vous souteniez à l’époque, me semble-t-il… À une personne de ma circonscription qui me racontait la fierté d’un ami allemand dont le fils allait entrer en apprentissage, j’aurais aimé pouvoir répondre que notre pays préserve et pérennise cet outil au lieu de le démanteler chaque année davantage !
Il serait bon que notre regard sur l’apprentissage évolue positivement. Même si je sais que comparaison n’est jamais raison, force est de constater que l’Allemagne reste un pionnier en matière d’apprentissage et en matière de formation avec 1,6 million d’apprentis, car environ 60 % d’une classe d’âge fait le choix de cette voie à l’issue de la scolarité obligatoire, considérée outre-Rhin comme une voie d’excellence. En France, l’apprentissage ne concerne guère plus de 420 000 jeunes, 600 000 au total étant en alternance – source : Commission européenne. Contrairement à notre pays, où il est souvent considéré comme une solution transitoire, l’apprentissage est reconnu socialement en Allemagne. Précisons que la formation professionnelle y est directement pilotée par les entreprises, la formation des jeunes devant correspondre à leurs besoins concrets…
…ce qui facilite l’embauche des jeunes apprentis par l’entreprise qui les a formés.
Notre vision de l’apprentissage doit être revue. Cet objectif, difficile mais pas impossible à atteindre, a déjà fait l’objet d’actions de mobilisation de la part des pouvoirs publics. En outre, la mobilité des apprentis français doit être relancée.
Permettez-moi de m’interroger, et de vous interroger : est-il concevable qu’il manque cette année près de 9 000 apprentis dans le secteur de la boulangerie ? À quand un sursaut national en faveur de l’apprentissage ? La mobilisation de tous les acteurs semble pourtant acquise, chacun faisant face à ses responsabilités : Gouvernement, parlementaires, entreprises, enseignants, parents, chacun est convaincu de l’urgence à agir car, comme le dit le proverbe, « apprenti n’est pas maître », mais il a vocation à le devenir !
J’en viens maintenant au contenu même du projet de loi. Celui-ci se devait de porter haut et clair l’ambition d’un texte « réglé vite et bien », selon vos propres termes, monsieur le ministre. Pourtant, s’il découle de l’ANI, quelques-un de ses points paraissent rédhibitoires : sur la forme, ce texte est dense, lourd, et sur certains aspects, ne paraît aucunement guidé par la prudence. Il eût été souhaitable que vous relisiez Sophocle, monsieur le ministre…
Dites-le en grec !
Force est, une nouvelle fois, de regretter que sur la forme, les conditions d’examen de ce texte d’envergure ne correspondent pas à la réalité des enjeux. La procédure accélérée produit toujours les mêmes effets en termes de délais : entre le moment où nous disposons du projet dans sa version amendable et le délai de dépôt pour nos amendements, nous disposons de moins de deux jours ! Nos collaborateurs peuvent en attester. Nous avons au départ travaillé sur un avant-projet de loi, mais qui a connu depuis une réécriture substantielle – ainsi la réforme prud’homale qui a complètement disparu.
Monsieur le ministre, le travail parlementaire mérite mieux. Comme l’a déclaré le président Bartolone, lors de ses voeux : « Dans une démocratie parlementaire, le Parlement doit pouvoir travailler sereinement… Le temps du Parlement, c’est le temps du débat démocratique, c’est le temps du respect de l’opposition, c’est le temps de la qualité de la loi, c’est le temps de l’efficacité de la réforme. Alors, je dis attention. »
Le travail en commission doit, lui aussi, s’effectuer dans de bonnes conditions. Malgré toute la bonne volonté de notre présidente Catherine Lemorton, il n’est plus rare désormais que nous auditionnions un ministre sans projet de loi –bref, que nous travaillions quasiment à l’aveugle. Monsieur le ministre, vous avez évoqué des délais restreints, des conditions contraintes ; mais à force d’entendre de tels regrets de votre part, cela devient pour nous un motif récurrent pour demander que tel ou tel projet de loi puisse être réexaminé dans de bonnes conditions, des conditions sereines et fructueuses. Ce devrait précisément être le cas en l’espèce : le titre de votre projet de loi comporte la mention « démocratie sociale », et vous avez insisté sur cet aspect du texte, notamment en évoquant la nécessité de renforcer la légitimité des partenaires sociaux. Encore conviendrait-il de ne pas oublier la démocratie parlementaire qui, elle aussi, doit exister !
Ainsi que l’a expliqué avec clarté et précision ma collègue Isabelle Le Callennec, ce projet de loi contient des dispositions qui logiquement n’auraient pas dû y figurer et qui, surtout, se révèlent induire des conséquences non-négligeables. J’en tire cinq axes de réflexion.
Le premier porte sur le volet relatif à la régionalisation de l’apprentissage. J’aimerais vraiment savoir, monsieur le ministre, si ce volet ne traduit pas un désengagement, plus ou moins assumé, de l’État. Ne risque-t-on pas de voir apparaître une mosaïque de situations qui varieront selon les régions, au gré des budgets qui y seront affectés et de la volonté politique des exécutifs locaux ? Vous souhaitez appliquer le principe de subsidiarité en vertu duquel le niveau le plus près des citoyens et des acteurs locaux serait le plus efficient. Nous en prenons bonne note, mais parlons clair : s’agit-il d’un désengagement de l’État, déguisé ou revendiqué ? La mobilisation des acteurs locaux dans le domaine de la formation professionnelle est un acquis de longue date et chaque échelon avait son rôle en lien avec l’État. Que la région devienne un chef de file dans ce domaine n’est pas rédhibitoire en soi, mais ce sont vingt-deux politiques qui risquent de poindre à l’horizon… De plus, le projet de fusion des régions proposé par le Président de la République, lors de sa conférence de presse du 14 janvier, ne va-t-il pas tout remettre en cause ? Si ma région d’élection, la Basse-Normandie, fusionne avec la Haute-Normandie, comment sera géré ce passage de témoin de deux régions à une seule ? Tous les dispositifs mis en place ne vont-ils pas finalement se télescoper ?
Deuxième axe de réflexion : parmi les mesures significatives qui a priori n’étaient pas destinées à figurer dans le projet de loi, on peut citer celles ayant trait à l’inspection du travail. Certains inspecteurs sont d’ailleurs en grève, craignant à juste titre une remise en cause de leur indépendance et des sanctions administratives moins dissuasives.
Troisième axe : le compte personnel de formation va compter cent cinquante heures, soit seulement trente heures de plus que l’actuel droit individuel à la formation, et ce sur une période plus longue, puisque celle-ci sera de trois ans ! Or chacun sait qu’une formation qualifiante exige plutôt un crédit de quatre cents, voire de huit cents heures.
Ce compte est présenté comme étant d’application souple avec une mise en oeuvre simple. Certes, mais il sera souvent nécessaire aux salariés de bénéficier d’abondements supplémentaires pour accéder à des formations qualifiantes. Maintenir un plafond bas ne permet pas un accès direct et facile. Tout architecte connaît cette règle ! À trop vouloir en faire, c’est toute l’intelligibilité du texte que l’on en vient à compromettre gravement. Et pour ce qui est des listes des formations éligibles au dispositif, leur multiplicité n’est aucunement un gage de simplification pour le salarié – pourtant, on nous parle de choc de simplification… À force d’ajouter des couches au mille-feuille de la formation, on risque de rendre le dispositif indigeste pour ses bénéficiaires, notamment pour les plus fragiles qui se retrouvent déjà à affronter un véritable parcours du combattant et qu’il nous faut protéger.
J’en viens à mon quatrième axe : votre projet de loi innove en prévoyant que les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, deviennent à la fois collecteurs et prestataires de services, et que le compte personnel de formation sera géré à l’extérieur de l’entreprise.
Mon cinquième et dernier axe de réflexion porte sur la contribution unique. La taxe unique s’élève toujours à 0,55 % pour les TPE et est réduite à 1 % pour les autres, sachant que celles qui le souhaitent pourront réduire cette contribution à 0,8 % si elles consacrent les 0,2 % restant à la gestion et à l’abondement du CPF de leurs salariés. Certaines organisations syndicales et certaines organisations d’employeurs, non-signataires de l’ANI, posent une question à laquelle personne ne répond : la mutualisation inter-entreprises au titre du plan de formation va-t-elle continuer à fonctionner ? C’est une question importante. En commission, notre rapporteur l’a reconnu, ajoutant qu’il n’avait pas la réponse.
Monsieur le ministre, si votre réforme est aussi préparée que vous le dites, pouvez-vous nous donner l’assurance que les entreprises qui dépassent leurs obligations légales en matière de financement vont continuer à le faire ? Êtes-vous bien sûr que votre réforme ne va pas finalement déstabiliser les équilibres existants et qu’elle n’agira pas comme un repoussoir ?
Le 23 janvier dernier, la mission de simplification législative a auditionné les auteurs d’un ouvrage paru en 2008 sous le titre évocateur d’Ubu loi. Un chapitre entier est consacré à la formation professionnelle, de la page 129 à la page 166, sous un titre tout aussi évocateur : « La formation professionnelle ou la caverne d’Ali Baba. » Les auteurs citent notamment, page 133 et 134, le sénateur Jean-Claude Carle, auteur d’un rapport sur la formation professionnelle en 2007 : « La formation professionnelle a été créée en 1971 pour donner une nouvelle chance à ceux qui n’ont pas bénéficié d’une forte qualification. Cette idée simple et généreuse a été peu à peu dévoyée par une multitude de contrats spécifiques et de dispositifs à l’emploi multipliés jusqu’à pléthore. »
Cet argument peut être actualisé. Les dispositifs que vous nous proposez vont-ils se substituer ou s’ajouter à ceux existants ?
Un rapport parlementaire de nos collègues Pierre Morange et Jeanine Dubié, présenté le 23 janvier dernier devant le comité d’évaluation et de contrôle de notre assemblée, et relatif à l’évaluation et l’adéquation entre l’offre et les besoins de formation professionnelle, a démontré que notre système de formation professionnelle était cloisonné et illisible, comme en atteste le schéma publié dans la synthèse.
Un système de tuyauterie existe, ce qui n’est pas sans rappeler celui de notre système de protection sociale, mais votre projet de loi va-t-il y apporter une modification ?
Monsieur le ministre, tout comme vous, nous attendons le pacte de responsabilité. Nous serons vigilants quant à ce dispositif qui ne doit pas rester un beau slogan.
Pourtant, c’est mal parti. On sait déjà que le pacte va intégrer le CICE et non s’y ajouter : nous parlons donc plus de 30 milliards d’euros, mais de 10 milliards ; encore faut-il en soustraire la hausse d’impôt sur les sociétés et la hausse d’impôt sur le revenu liée à la disparition du CICE dans ce nouveau pacte. Moins de charges, mais plus d’impôt : une fois de plus, vous donnez d’une main ce que vous reprenez de l’autre. Et une fois de plus, vous organisez une montagne de communication pour un dispositif de la taille d’une souris.
Si le pacte de responsabilité n’a que peu d’effets sur l’emploi, alors votre responsabilité, déjà grande, deviendra immense.
Sourires.
Chacun sait que le coût du travail est une véritable épine dans le pied de notre compétitivité, surtout lorsque l’on sait qu’elle est de 80 % plus élevée que dans la moyenne des pays de l’OCDE.
En conclusion, je vais vous rappeler les cinq arguments principaux justifiant une demande de renvoi en commission.
Premièrement, les conditions d’examen n’ont pas été idoines en commission et nous risquons d’entendre souvent l’argument selon lequel nombre d’amendements déposés en séance n’ont pas été examinés en commission.
Deuxièmement, comme l’a déclaré M. le rapporteur en commission, il existe « des armoires entières de rapports sur l’apprentissage ». La volonté de développer l’apprentissage est unanime, mais nous sommes en désaccord sur certains points, comme l’abaissement de l’âge d’entrée en apprentissage.
Vous avez proposé, monsieur le rapporteur, de créer une mission au sein de laquelle nous pourrions travailler ensemble sur ce dossier. Nous en prenons bonne note et c’est précisément la raison pour laquelle nous vous proposons de renvoyer le texte en commission pour travailler ensemble et à nouveau sur ce dossier majeur.
Troisième argument : sur des pans entiers de ce projet de loi, la représentation nationale ne dispose pas suffisamment de recul pour apprécier les effets de leur mise en oeuvre.
Quatrièmement, la régionalisation de la formation professionnelle ne pouvait-elle pas attendre un prochain texte sur la décentralisation, dans la mesure où, paraît-il, un projet de loi sur le rééquilibrage des relations entre les départements et les régions sera présenté en mars en conseil des ministres ?
Cinquième argument : il aurait été intéressant de faire état du rapport de nos collègues Pierre Morange et Jeanine Dubié devant le comité d’évaluation et de contrôle relatif à l’évaluation et l’adéquation entre l’offre et les besoins de formation professionnelle. Celui-ci comporte en effet une série de préconisations intéressantes comme la proposition no 7, intitulée « Favoriser l’accès à la formation des salariés des TPE et des PME » ou encore la proposition no 13 « Renforcer l’information du Parlement sur le suivi des conventions d’objectifs et de moyens. »
À ces cinq points, je voudrais en ajouter un sixième qui résulte d’une récente annonce de votre part, monsieur le ministre, confirmant l’ouverture des contrats de génération aux PME de 50 à 300 salariés, sans que lesdites PME aient besoin d’être couvertes par un accord dédié. En contrepartie, l’obligation d’un accord sur les seniors, avec pénalités financières en cas de manquement, serait rétablie, en violation d’un accord national interprofessionnel signé par des partenaires sociaux et s’inscrivant dans le cadre de la démocratie sociale si chère à vos yeux et dont vous ne cessez de vanter les mérites… Qui peut nous donner aujourd’hui l’assurance, monsieur le ministre, que ce texte n’ira pas dans le même sens et ne se traduira pas par un revirement mettant à mal l’ANI du 11 janvier 2013 ?
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande, au nom du président du groupe UMP, Christian Jacob, d’adopter cette motion de renvoi en commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Après avoir bien écouté vos propos, madame Louwagie, je vais essayer d’y répondre sans esprit de polémique : ainsi que vous l’avez rappelé, nous avons jusqu’à présent réussi à travailler dans un bon climat.
Même s’il y a quelque urgence et que le temps nous est compté, nous avons mené des auditions largement ouvertes auxquelles vous-même et certains de vos collègues ont participé, ce qui est une excellente chose car nous avons pu débattre. Et j’ai plutôt senti dans vos propos une envie pressante de continuer ce débat.
Les délais étaient un peu courts pour déposer des amendements, dites-vous. En tant que rapporteur, je serais tenté de vous répondre que c’est heureux : nous en avons examiné 500 en commission et 800 ont été déposés pour les débats en séance. Tout le monde a donc eu le temps de travailler.
Je tiens aussi à apporter une rectification : nous avions bien le texte du Gouvernement lors de l’audition du ministre. Nous ne pouvions pas l’avoir avant puisque le ministre est venu dès la sortie du conseil des ministres. Auparavant, nous avions pu travailler sur le projet de loi dans sa version antérieure à l’examen par le Conseil d’État, puisqu’elle avait été diffusée.
Vous reprochez au texte de manquer d’une ligne directrice. Je pourrais vous retourner le compliment : si votre intervention a été émaillée de critiques, je n’y ai pas trouvé d’argument qui justifierait vraiment un renvoi en commission. C’est si vrai que vous vous êtes sentie obligée de conclure par un argument d’autorité en faisant appel à la figure de M. Jacob, ce qui ne m’a pas totalement impressionné.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Votre argumentaire étant fondé sur l’apprentissage, je vais en dire quelques mots afin de vous inciter à entrer rapidement dans le débat et inviter mas collègues à repousser votre motion de renvoi.
Quand vous nous accusez de ne pas être favorables à l’apprentissage, vous nous faites un faux procès. Notre majorité essaie d’améliorer le dispositif et elle est obligée de le faire à travers plusieurs textes, d’où la nécessité de boucler le dispositif.
Le projet de loi propose notamment de simplifier la collecte – vous ne pouvez pas le nier – en divisant par trois le nombre d’organismes collecteurs. C’est une bonne chose et je pense que vous nous rejoindrez sur ce point.
Quant à la baisse de 18 % du nombre d’entrées en apprentissage que vous annoncez, je ne comprends pas bien à quelles données vous vous référez : les statistiques font état d’une baisse de l’ordre de 8 %.
Malheureusement, le contrat de professionnalisation affiche aussi une baisse de 5 %. À ma connaissance, nous n’avons pas changé les règles, ce qui signifie malheureusement qu’une bonne partie de la baisse s’explique par la conjoncture économique qui n’incite pas les entreprises recruter des jeunes en alternance. L’objectif du projet de loi est précisément d’améliorer le dispositif de l’apprentissage.
Les autres arguments manifestaient une sorte de réticence par rapport à la régionalisation et la décentralisation.
Avançons dans le débat pour nous comprendre car c’est l’originalité de la démarche engagée par le Gouvernement. Un mouvement historique porte à la décentralisation de la formation, de l’orientation et de l’apprentissage. Il est bon de le pousser quasiment à son terme ; mais, évidemment, cela a pour conséquences, assumées dans le budget, de faire basculer le financement de l’apprentissage vers les régions. Cette logique de régionalisation ne signifie pas forcément un désengagement de l’État.
Nous reviendrons aussi sur l’âge minimum d’entrée en apprentissage, fixé à quinze ans, puisque j’ai déposé un amendement. Sans vouloir clore le débat, j’indique que c’est la norme européenne.
Voilà les quelques éléments que je voulais vous apporter pour vous inviter, au contraire, à entamer rapidement l’examen des nombreux amendements que vous avez déposés.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame Louwagie, pour reprendre votre expression, il y a urgence à agir. Effectivement, nous ne sommes pas ici pour palabrer : nous sommes un Parlement efficace qui va débattre puis voter très vite pour que les mesures adoptées puissent bénéficier à nos concitoyens. Et coMme vient de le dire notre rapporteur, près de 900 amendements ont été déposés : c’est dire s’il y a matière à débat.
Je reprends une autre de vos expressions : « À trop vouloir en faire », dites-vous en parlant du Gouvernement. Mais pourquoi veut-il tant en faire ? Tout simplement parce que de 2008 à 2012, le nombre de chômeurs a augmenté d’un million en France alors que, vous l’avez vous-même dit à la tribune, certains métiers sont sous tension. Vous avez cité la boulangerie, mais je pourrais vous parler de la métallurgie, de l’informatique ou de la construction, où le déficit de main-d’oeuvre atteint 100 000, 40 000 et 60 000 personnes.
Dans ces secteurs, les entreprises ne trouvent pas les compétences parce que, au cours des dix dernières années, vous n’avez pas mis les formations en adéquation avec les demandes des entreprises. Nous allons essayer de le faire, peut-être un peu mieux que vous ne l’avez fait.
En réalité, nous constatons un ralentissement de l’augmentation du chômage : nous n’en sommes plus au chiffre catastrophique que je viens d’évoquer, mais à 170 000 pour cette année et à une quasi-stabilisation au cours du dernier trimestre.
Autre raison pour laquelle nous devons agir très rapidement : le pacte de responsabilité. Ce texte en fait pleinement partie et c’est notre responsabilité de parlementaires de donner une suite aux accords nationaux interprofessionnels. L’accord a été signé le 14 décembre…
Ce serait le comble que nous ne nous y intéressions pas et que nous attendions trois mois, six mois ou un an avant de le mettre en oeuvre, car nous pouvons le corriger à la marge s’il le faut.
Par ailleurs, et vous l’avez indiqué, il nous faudra également être en ordre de bataille en ce qui concerne les transferts aux régions où des élections auront lieu dans moins d’un an. Il faut que les candidats sachent à quoi s’en tenir. Il faut que cette loi soit adoptée pour que les régions puissent s’engager dans la formation professionnelle, plus encore qu’elles ne le font actuellement.
S’y ajoute une donnée purement factuelle : pour des raisons indépendantes de notre volonté à tous, nous allons entrer en campagne électorale et le Parlement va quasiment s’arrêter de fonctionner pendant deux mois. Ce serait un comble de dire au Français que le Parlement doit s’arrêter en raison de la tenue d’élections municipales, sans que nous fassions un effort particulier, quitte à siéger quelques heures en soirée, afin de faire aboutir ce texte absolument indispensable pour reclasser des gens qui sont en difficulté.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler à notre collège Liebgott que les régions, autant que je sache, sont d’ores et déjà compétentes sur les questions de formation professionnelle,
Approbations sur les bancs du groupe UMP
qu’elles y consacrent des budgets souvent importants, qu’elles sont l’un des premiers acteurs en ce qui concerne la détermination des programmes et le financement des opérateurs. Quand vous voulez nous faire porter la responsabilité de l’échec de la formation professionnelle dans ce pays, mon cher collègue, n’oubliez pas d’y associer vos propres amis politiques qui sont aux manettes dans vingt et une des vingt-deux régions de France !
Nous pourrons alors commencer le débat sur une base équitable qui nous permettra d’échanger de manière plus sereine sur ces sujets compliqués.
C’est l’appréciation que je porte, cher collègue, que cela vous intéresse ou non !
Après cette mise au point, je voudrais apporter mon soutien – amical, si elle me le permet, et en tout cas respectueux – à Mme la présidente de la commission des affaires sociales sur laquelle pèse une forme de malédiction. L’épisode des retraites avait déjà été difficile à avaler et elle l’avait reconnu ici même comme en commission. L’articulation, l’organisation des travaux, le rythme que l’on fait subir à votre commission, madame la présidente, qui m’est chère pour un certain nombre de raisons…
Est-ce la présidente ou la commission qui vous est chère ?
Sourires.
Les deux, monsieur le ministre ! Je ne fais pas ce genre d’exclusive, mais je comprends que cela vous surprenne.
Le président de la commission des lois et la présidente de la commission des affaires sociales se sont étonnés de l’articulation générale et de la programmation des travaux dans cette assemblée. Vous m’accorderez qu’il n’est pas facile d’examiner un texte en commission à seize heures trente alors qu’il avait été adopté, le matin même, en conseil des ministres à onze heures trente. Ce n’est pas non plus facile lorsqu’on ne dispose que de quelques heures pour déposer des amendements une fois le texte de la commission issu de ses débats disponible. Enfin, il y a une forme de paradoxe puisque, alors que la majorité a résisté férocement à l’élargissement du travail dominical, le délai a été allongé et nous avons dû prendre sur le week-end – mais cela fait partie du métier.
Bref, monsieur le ministre, je veux insister sur la manière dont il a été décidé assez récemment de bousculer le parlementaire pour faire entrer ce texte, au chausse-pied et au marteau, dans l’ordre du jour du Parlement.
J’ajoute que le Gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée sur un texte de cent quatre pages et vingt-deux articles…
…alors que nous n’avons eu que quelques heures de débat en commission. À cet égard, madame la présidente de la commission, je tiens à souligner que je ne mets en cause ni le travail de la commission – j’y ai un peu assisté – ni celui du rapporteur car ce n’est pas dans mes habitudes, il est réel et il faut l’en remercier.
Il paraît que ce texte refonde la formation professionnelle alors qu’en réalité il modifie des dispositifs qui existent déjà largement, sur des sujets sur lesquels par ailleurs on pourrait être d’accord. Avec un collègue de la majorité, j’ai récemment défendu la thèse de l’accentuation de la régionalisation de la formation professionnelle – il y a des témoins dans cet hémicycle. On aurait donc pu trouver des points d’accord sur nombre de sujets et finalement s’entendre sur bien des points.
Très franchement, cette manière de procéder n’est pas respectueuse du travail du Parlement ni même de la commission des affaires sociales, même si en disant cela je ne me permets pas de parler au nom de la commission. De plus, l’absence de navette parlementaire et une CMP qui risque d’être dantesque ne nous permettront pas de disposer du temps nécessaire à l’examen de dispositions importantes, nombreuses et parfois complexes.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter la motion de renvoi en commission excellemment défendue par notre collègue Véronique Louwagie.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Tout à l’heure, le groupe UDI s’est abstenu sur la motion de rejet préalable car il considère qu’il est urgent d’agir pour lutter contre le chômage. Mais dans le cas présent, comme vient de l’expliquer Jean-Frédéric Poisson, il s’agit de savoir si, oui ou non, on est capable de donner un peu d’ambition, un peu de corps à un texte attendu par tous. Du reste, vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque le groupe UDI a voté le texte portant création des emplois d’avenir, il est des chemins sur lesquels on peut parfois se retrouver.
Pendant plusieurs années, lorsque nous étions au pouvoir, vous n’avez jamais voulu faire avec nous une partie du chemin.
Ce texte n’apportera rien aux chômeurs de longue durée. Quant à l’apprentissage, il n’est pas une interview, pas une déclaration où l’on ne nous compare pas à l’Allemagne, où l’on voit que nous avons un retard structurel considérable et que le fossé se creuse. Le compte personnel de formation permettra à chacun d’avoir un petit carnet qui l’accompagnera tout au long de sa carrière. Mais est-ce une révolution générale que de passer de cent vingt heures de formation à cent cinquante heures ? Cent cinquante heures, cela représente un peu plus d’un mois. Pensez-vous que cela résoudra les problèmes pour des gens qui sont très fragilisés, très éloignés de l’emploi ? Ce texte apportera-t-il une évolution sensible dans la gestion du paritarisme ?
La réponse, on la connaît. C’est un élu régional qui vous le dit, monsieur Liebgott : le budget que les régions consacrent à la formation professionnelle représente 5 milliards d’euros consolidés. La région Centre participe à hauteur de 140 millions d’euros. Mais les fameux plans régionaux de formation professionnelle que connaît très bien Michel Sapin ont-ils apporté une réponse ? On sait très bien que la réactivité n’est pas à la hauteur de ce que l’on est en droit d’exiger de la part de ceux qui mettent en place ces formations.
C’est pour cela qu’il y a une réforme !
Enfin, le ministre du travail nous a imposé des conditions de travail plus dures encore que celles que l’on peut connaître lors de l’examen des lois de finances ou des lois de finances rectificatives.
On n’a même plus le temps de manger, on doit se contenter de chouquettes !
Vos propos sont un peu indécents vis-à-vis de ceux qui sont au chômage !
Voilà la vérité, et vous ne pouvez pas dire le contraire, et je vois que M. Cherki m’approuve !
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de renvoyer ce texte en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Vigier vient de nous convaincre encore un peu plus qu’il est urgent d’entrer dans le débat et de discuter de ce texte de loi. À un moment donné, trop d’arguties juridiques tuent les arguties juridiques.
J’ai bien écouté M. Poisson qui est revenu sur nos conditions de travail. Mais ce n’est pas d’aujourd’hui. On m’a même dit que c’était la même chose pendant la législature précédente.
Ce n’est pas une raison pour continuer ainsi et je crois que nous sommes tous d’accord pour que les choses évoluent.
Au demeurant, je crois que nous avons eu le temps de travailler sur ce texte de loi qui fait l’objet de nombreux amendements.
Madame Louwagie, vous avez fait état de l’excellent rapport de M. Morange et de Mme Dubié, mais vous vous êtes contenté d’évoquer deux propositions qui ne figurent pas dans ce projet de loi. Mais prenons les autres, que je lis dans leur rapport: proposition n° 9, « Simplifier les instances de pilotage »: c’est dans le projet de loi. Proposition n° 10, « Achever la décentralisation »: c’est dans le pojet de loi. Proposition n° 11, « Adapter un nouveau système de financement des organisations syndicales et patronales déconnecté de la collecte de fonds de la formation professionnelle »: c’est dans le projet de loi. Et je pourrais continuer! Le moment est venu d’arrêter vos chicayas procédurales et d’en venir au fond du débat. C’est pourquoi le groupe RRDP ne votera pas la motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
La parole est à M. Denys Robiliard, premier orateur inscrit dans la discussion générale,
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous sommes dans le cadre du temps programmé, je dois être économe de mes propos. Aussi est-ce sans exhaustivité que je vous expliquerai les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera le projet de loi qui nous est soumis.
Commençons par la question de la formation. Nous ne sommes pas en présence d’une petite réforme : il s’agit bel et bien d’une grande réforme qui change le paradigme. Nous passons d’une obligation de payer à une obligation de former, et pas simplement à une obligation d’adapter. Nous assistons donc à une mutation très importante. Je peux comprendre les craintes qui se sont exprimées, notamment à la CGPME en ce qui concerne la mutualisation et sur le fait que nous prendrions le risque qu’il y ait moins de formation ; on sait combien celle-ci constitue un investissement et à quel point elle est importante pour notre compétitivité.
À la page 22 de l’étude d’impact, on peut voir qui dépense quoi, comment et dans quelle proportion. On s’aperçoit que, dès lors qu’une entreprise compte plus de dix salariés, elle dépasse les minima légaux en termes de dépenses. Même les petites entreprises dépassent les taux légaux. Cette simple constatation permet d’écarter les craintes qui se sont exprimées, même s’il nous appartiendra d’être vigilants quant à l’application de la loi.
Ce texte n’est pas simplement une véritable révolution en matière de formation : non seulement nous passons d’une obligation de payer à une obligation de former, mais nous donnons corps au nouveau dispositif que constitue le compte personnel de formation. Nous prenons acte de l’échec du DIF et nous dotons chaque individu qui accède à partir de seize ans au monde du travail d’un compte personnel de formation dont l’utilisation sera soumise à son accord écrit. Ce compte qui assurera la portabilité des crédits en matière de formation est construit en cohérence avec les autres dispositifs – c’est la question des abondements –, ce qui me paraît extrêmement important. En outre, l’obligation d’un entretien biennal est instituée, ainsi qu’un contrôle tous les six ans de ce qui a pu être fait et une sanction lorsque les obligations de l’employeur n’ont pas été satisfaites. Nous sommes donc en présence d’un ensemble cohérent : pour reprendre l’expression de Jean-Patrick Gille, cela « fait système ». Cette nouvelle organisation promet beaucoup.
Enfin, il y a une réforme de la gouvernance du système. Comme nous devrions en discuter suffisamment, vous me permettrez de ne pas m’étendre à ce propos. Le rôle de la région doit être reconnu, et il l’est, mais jusqu’où va-t-il ? Voilà peut-être un sujet sur lequel nous devrons débattre.
Beaucoup de choses ont déjà été dites s’agissant de l’apprentissage. Je précise que ce projet s’attache à son financement, à la collecte, à la compétence des régions, à la sécurisation des parcours de l’apprenti ; il traite la question parfaitement urticante que constitue la rupture quand elle est prononcée par un conseil des prud’hommes. De ce point de vue, c’est une satisfaction.
Ce projet de loi ne traite pas simplement la question de la formation, même si elle est très importante, mais aussi celle la démocratie sociale. Le Gouvernement s’est attaqué à la difficile question de la représentativité patronale. Il y a des choses évidentes : la communauté des valeurs, le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, le critère de l’influence. Autant de choses que nous connaissons et que nous savons traiter. En revanche, la détermination de l’audience posait difficulté. Celle des organisations salariées se mesure assez facilement à travers les élections dans lesquelles un homme ou une femme a une voix et dans lesquelles chacun est égal puisque la démocratie suppose l’égalité. Cela devient plus compliqué s’agissant du monde patronal…
Pour reprendre l’exemple qui a été donné, les usines Renault ne sont pas tout à fait identiques aux garages Renault.
Vous connaissez la proposition qui a été faite à partir du rapport de M. Combrexelle et qui est un système à deux étages. Le premier étage comporte une représentativité basée sur l’adhésion de toutes les entreprises qui comptent toutes de façon identique. Le deuxième étage, c’est une capacité en fonction du nombre d’emplois qui sont portés par les entreprises adhérentes à s’opposer à une extension d’un accord collectif qui serait signé par une entreprise finalement représentative. Sur une question extrêmement difficile, on a su articuler la nécessité de représenter toutes les entreprises avec celle de tenir compte tout de même de leur poids représentatif en matière d’emplois.
J’entends, notamment de la part d’organisations syndicales salariales, regretter que l’on ne procède pas par élection. Mais quelle élection ? Regardez les prud’hommes : 7 500 conseillers employeurs sont à pourvoir pour 8 000 candidats. La règle est presque partout la liste unique. Cette élection ne serait donc pas pertinente. Et c’est plus ou moins la même chose avec les élections consulaires.
Si, monsieur Cherpion ! Faudrait-il une élection spécifique ? Nous retrouverions le problème de base : des entreprises qui ne sont pas identiques, avec certaines unités très importantes tant sur le plan de la valeur produite que sur celui des effectifs salariés. Nous aurons du mal à articuler les deux. Au final, il me semble que le système proposé, s’il n’est pas le meilleur est en tout cas le moins mauvais. Il permet de traiter la multi-appartenance, ce que ne permettrait pas de faire une élection. De ce point de vue, pourquoi vouloir refuser aux organisations patronales le mode d’organisation dont elles se sont elles-mêmes dotées, avec ce système particulier qu’on ne trouve pas dans les syndicats salariés de la muti-appartenance ?
Je me félicite au passage que nous ayons trouvé pendant la discussion parlementaire, même si je reconnais qu’elle a été assez brève,…
…les moyens d’intégrer les organisations du hors-champ, en tout cas de leur donner un statut qu’elles n’avaient pas jusqu’à présent. Cela me paraît extrêmement important et nous aurons l’occasion d’y revenir. Il nous reste à discuter de leur place exacte dans les organes paritaires de certains fonds.
Mais parler de démocratie sociale, c’est aussi poser la question de son financement. De ce point de vue, le fonds paritaire constitue un progrès, me semble-t-il.
Je ne suis pas de ceux qui jettent la pierre en disant que tout ce qui existe est pourri : ce n’est pas le cas. Cela étant, il est permis de penser que les choses n’ont peut-être pas eu la clarté nécessaire. Le dispositif adopté me paraît, à cet égard, un progrès.
La transparence vaut aussi pour comités d’entreprise, puisque des obligations comptables s’imposeront de façon claire pour tous : il y aura une commission des marchés, il y aura, pour les plus grands comités d’entreprise, un commissaire aux comptes et, ce qui est peut-être plus important, à partir de 153 000 euros de produit, obligation de faire appel à un expert-comptable. L’expert-comptable n’est pas nécessairement un commissaire aux comptes, mais c’est en tout cas un regard extérieur : cela aussi me paraît une avancée très importante.
Dernier élément de ce projet de loi : la réforme de l’inspection du travail. Nous sommes tous ici, dans cet hémicycle, attachés à cette institution ancienne. Nous n’allons pas revenir à Villermé pour en faire l’histoire, au demeurant tout à fait noble.
Nous sommes tous attachés à son indépendance. Je sais que la réforme est contestée, au sein de l’inspection du travail, par plusieurs de ses syndicats…
…même si ce n’est pas le cas de l’UNSA et de la CFDT. L’inspection du travail compte environ 2 200 agents de contrôle. D’une organisation par section, dans laquelle chacun est indépendant sur son territoire, on passera à une organisation par unité de contrôle de huit à douze inspecteurs ou contrôleurs – mais ces derniers sont devenus un corps en extinction –, chacune ayant un responsable.
Je vois un seul point faible dans cette organisation, mais peut-être le ministre nous donnera-t-il des précisions à ce sujet : celui qui est chargé d’organiser et d’encadrer se retrouve à consacrer à l’animation du temps qui n’est pas passé à contrôler sur le terrain, alors même que le responsable de l’unité est parfaitement à même de contrôler. Si nous sommes dans les ordres de grandeur que j’ai entendus, entre 220 et 250 unités de contrôle, cela représente tout de même 10 % des effectifs, ce qui n’est pas rien. Sans doute les anciens directeurs adjoints du travail pourront-ils piloter pour partie ces unités, mais cela ne suffira peut-être pas. Quoi qu’il en soit, j’aimerais bien avoir des précisions sur ces questions d’effectifs.
J’entends parler d’atteintes à l’indépendance. Lesquelles ? Crie-t-on qu’on porte atteinte à l’indépendance des magistrats quand on crée un pôle financier, quand on crée un pôle de santé, quand il y a des juges antiterroristes ? Poser la question, c’est y répondre : à l’évidence, si l’on veut s’attaquer de façon ferme au travail dissimulé, si l’on veut traiter véritablement les questions internationales qui se posent maintenant en matière de détachement des travailleurs, c’est par le recours à une organisation collective que l’on y parviendra.
Et puis, si l’on voulait vraiment s’attaquer à l’inspection du travail, comme je l’ai entendu, irait-on la dotera des nouveaux outils, des outils performants comme l’extension des arrêts de travail, la réforme du régime de l’arrêt temporaire d’activité, les nouveaux pouvoirs d’investigation, la possibilité de sanction administrative et de transaction pénale ? Et ce alors que, nous le savons, le taux de suite donnée aux procès-verbaux des inspecteurs du travail par le parquet vient de chuter. La qualité de ces procès-verbaux ne s’est pas démentie : cela tient donc à une attitude du parquet. On est passé de 53 % de poursuites en 2004 à 26 % en 2009.
Je suis attaché à cette institution. J’ai examiné dans tous les détails la réforme qui nous est proposée : je n’y vois aucune atteinte à l’indépendance, j’y vois au contraire une organisation qui peut lui donner une efficacité plus grande. C’est pourquoi nous, socialistes, voterons ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, avant de traiter du fond, vous m’obligez à parler de la forme, et c’est regrettable.
Eh oui, madame la présidente de la commission : parce qu’au sein de notre assemblée, dans laquelle nous devons élaborer et voter la loi, nous devrions plutôt nous attarder sur les dispositions qui nous sont présentées.
Regrettable, car ce n’est pas la première fois que le Gouvernement force le Parlement à légiférer dans l’urgence la plus totale.
Regrettable, car la base du texte pouvait faire l’objet d’un consensus, alors que vous nous contraignez à nous y opposer.
Vous avez présenté le texte en Conseil des ministres le 22 janvier. Les parlementaires de la commission des affaires sociales ont eu seulement trois jours pour travailler le projet de loi, dont deux seulement pour l’amender, le texte étant officiellement publié le 23 janvier.
Le rapporteur et les membres de la commission ont dû auditionner les acteurs concernés en ne disposant que d’un projet de loi inabouti, fortement remanié quelques jours avant sa présentation en Conseil des ministres, avec un rétropédalage sur le chapitre concernant les élections prud’homales.
Oui, monsieur le ministre, le dialogue social, que vous pensez avoir inventé, est pourtant inscrit dans le code du travail, à l’article L. 1, et ce depuis 2007.
Je l’ai rappelé moi-même.
Tout à fait, monsieur le ministre. Cet article oblige le Gouvernement à prévoir une consultation préalable des organisations de salariés et d’employeurs, en vue d’ouvrir une telle négociation. Cela est d’ailleurs applicable pour la partie du texte consacré à l’inspection du travail – articles 20 et 21.
En amont de ce projet de loi, les partenaires sociaux ont eu six mois pour négocier l’accord national interprofessionnel portant sur la formation professionnelle ; an aval, l’administration disposera de six mois pour publier les décrets d’application, sur lesquels le Parlement n’a aucun droit de regard.
Je ne lui laisserai pas six mois, je vous rassure !
La déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle a annoncé, lors de l’Université d’hiver de la formation professionnelle à Biarritz, la semaine dernière, que les premiers textes réglementaires sortiraient en septembre, pour une application en janvier 2015.
Un mois, maximum !
Je crains de la décevoir !
Entre les deux, vous laissez généreusement deux mois au Parlement, Assemblée nationale et Sénat compris, pour étudier le texte et se prononcer.
Vous qui avez été un grand parlementaire, monsieur le ministre, comment pouvez-vous accepter un tel mépris du Gouvernement pour le Parlement ? Avez-vous oublié le temps où vous siégiez dans l’opposition et où vous vous éleviez contre les délais laissés par les précédents gouvernements, délais pourtant bien supérieurs à ceux-ci ?
Pas moi.
Je ne vise pas la procédure accélérée, qui est inscrite dans notre Constitution. Je parle bien des délais, qui n’ont jamais été aussi courts.
Pour prendre un exemple, lors de l’examen de la loi sur la formation professionnelle en 2009, le Gouvernement précédent avait déposé le texte en avril à l’Assemblée Nationale, pour une adoption par le Parlement à la mi-octobre.
Je tiens ici à saluer l’efficacité du rapporteur et des services de l’Assemblée nationale, et singulièrement ceux de la commission des affaires sociales, qui ont dû et su s’adapter très rapidement.
Au final, nous nous retrouvons avec un texte bric-à-brac, une sorte de fourre-tout. Nous allons ainsi aborder, durant le court temps qui nous est imposé, la transposition d’un accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle, une réforme profonde – utile, nécessaire – de la représentativité patronale et du financement du paritarisme, un énième bout de la réforme de l’apprentissage, ou encore l’inspection du travail.
Plus grave, il revient sur des dispositions de deux textes dont l’encre est à peine sèche : la loi sur les contrats de génération, encore en évolution si l’on en croit la presse de ce jour, et la loi de sécurisation de l’emploi, sur le temps partiel.
Par ailleurs, nous avons échappé de peu à une réforme des élections prud’homales, dont vous connaissiez par avance l’issue.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, a d’ailleurs été préparé dans une telle précipitation que le rapporteur a été obligé de présenter pas moins de 167 amendements rédactionnels pour vingt-deux articles.
Sourires.
Je ne sais si c’est un record, mais cela montre qu’un peu plus de travail en amont aurait été le bienvenu.
Deux réformes importantes ont précédé la vôtre, sur la base de la loi de 1971 : la loi Fillon, en 2004, qui a instauré le droit individuel à la formation et la loi de Xavier Bertrand, en 2009, qui entérinait l’ANI de 2008 signé par tous les partenaires sociaux, en créant le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel et en ouvrant la formation professionnelle aux demandeurs d’emploi, ce qui était une grande nouveauté.
Ainsi, votre réforme s’appuyant sur l’ANI de décembre 2013, non signé par deux partenaires importants, l’un patronal et l’autre salarial, poursuit l’évolution nécessaire du DIF et renforce la participation des entreprises à la formation des demandeurs d’emploi. Tout comme la périodicité de l’entretien personnel, l’objectif de qualification du compte personnel de formation est une bonne mesure. Cependant, presque toutes les personnalités auditionnées ont souligné que cent cinquante heures ne sont pas suffisantes pour obtenir une qualification. Cela pose d’ailleurs le problème des abondements.
Cela étant, je trouve que le texte va dans le bon sens en passant d’une obligation de payer à une obligation de former.
Autre point positif, le financement du paritarisme est clarifié et différencié de celui de la formation professionnelle. On peut s’en réjouir.
Je dois toutefois m’interroger sur la date d’application de ce texte au 1erjanvier 2015, pour une collecte 2015 qui ne sera perçue qu’en février 2016. Cela risque d’entraîner des absences de financement pendant la première année et nous n’avons pas obtenu de réponses du Gouvernement.
Malheureusement, votre copie sur l’apprentissage est à revoir. Les mesures absurdes prises dans la loi Peillon, puis dans la loi de finances et dans la loi de finances rectificative, n’ont pas tardé à faire sentir leurs effets négatifs. Malgré une baisse historique de 25 000 signatures de contrats d’apprentissage en un an, le Gouvernement persiste dans sa réforme présentée de petits bouts en petits bouts, sans aucune vision globale.
Qu’en est-il du financement de l’apprentissage, rejeté par le Conseil constitutionnel ? Allez-vous, monsieur le ministre, nous présenter un amendement de fin de nuit, confirmant l’impréparation de cette réforme ?
Il sera peut-être de début de journée…
Sourires.
Alors que la dernière génération de contrats d’objectifs et de moyens a fait l’objet d’un financement à parité entre les régions et l’État, ce dernier se désengage de la politique d’apprentissage à travers le présent projet de loi, tout comme il se désengage de la formation des personnes handicapées et des détenus.
Parce que je suis persuadé qu’il faut maintenir une harmonisation nationale en matière d’apprentissage et de péréquation, j’ai proposé un amendement pour obliger à la conclusion de nouveaux contrats d’objectifs et de moyens, au lieu de s’en remettre au libre choix des régions.
Je tiens par ailleurs à tirer le signal d’alarme sur la situation des centres de formation des apprentis nationaux. Le texte présenté les supprime purement et simplement. Nous parlons ici de seulement deux CFA, l’un étant la musique, l’autre les Compagnons du devoir. Ce dernier, véritable institution française, connue dans tout notre pays à travers sa longue histoire – mille deux cents ans –, forme des artisans de grande valeur dans de nombreux métiers, du tailleur de pierre au charpentier, en passant par le boulanger. Le voir disparaître serait une catastrophe en termes de formation, d’emploi, de création d’entreprise et de transmission de savoirs.
C’est malheureusement ce qui arrivera si le texte est voté en l’état.
Le rapporteur et moi-même nous étions mis d’accord, lors de l’examen en commission, pour cosigner un amendement visant à les maintenir. Cet amendement est-il cosigné à cet instant ? Je n’en suis pas sûr du tout.
On vient de me dire que ce n’était pas encore fait, en tout cas pour l’instant. Cela étant, j’observe que, bien que nous soyons souvent en désaccord, nous savons nous unir pour faire bouger les lignes du Gouvernement, sur ce sujet. Même si vous n’acceptiez pas ma co-signature, monsieur le rapporteur, ce que je regretterais, je souhaite que cet amendement soit adopté à une très large majorité.
Devant l’absence de résultat des contrats de génération, ce que nous avions prédit, vous proposez d’étendre la limite d’âge des bénéficiaires à trente ans.
Pas de tous.
Je pourrais vous dire que c’est pour vous aider à faire du chiffre, mais c’est en fait par réalisme économique : je vous proposerai trente-cinq ans. En effet, les transmissions et reprises d’entreprises se concentrent surtout dans cette tranche d’âge. Mais si l’on en croit la presse de ce jour, vous avez l’intention de revenir sur l’accord national interprofessionnel précédent, en contraignant les PME à signer des contrats, sous peine de sanctions financières.
Mais non !
Il lui arrive de se tromper, aujourd’hui comme hier !
Comme je n’ai pas d’information du ministre, je prends ce que l’on me donne !
Une autre disposition vise à corriger une de vos erreurs concernant la durée minimale du temps partiel. Cette mesure, je vous l’avais dit à cette tribune, est destructrice d’emplois. Ce n’est pas en la reportant de six mois que vous la rendrez efficace. Pire, vous ajoutez une instabilité juridique grave pour les contrats signés entre le 1er et le 22 janvier 2014. Vous êtes confronté au principe de réalité : non seulement le dispositif que vous avez mis en place ne fonctionne pas, mais il est totalement contre-productif.
Concernant le chapitre sur la démocratie sociale, deux problèmes majeurs se posent. Le premier concerne les critères de représentativité. Les effectifs des entreprises ne sont pas pris en compte. Ainsi, un établissement de 10 000 salariés détiendra le même nombre de voix que l’entreprise de deux salariés – notre collègue vient de l’expliquer. Nous reviendrons sur ce sujet à travers un certain nombre d’amendements.
Se pose enfin le problème du hors-champ, qui n’est pas pris en compte par le texte.
Il le sera.
Nous aurons, j’imagine, un amendement gouvernemental, qui arrivera en fin de nuit lui aussi…
Le hors-champ regroupe notamment les secteurs de l’agriculture, des professions libérales et de l’économie sociale et solidaire, autrement dit quatre millions d’actifs qui ne sont pas représentés. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un certain nombre d’amendements, rejetés par la commission au prétexte que nous aurions une proposition avant l’examen en séance publique. Il n’en est rien, même si un protocole d’accord a été signé par les organisations représentatives.
Hier !
Le 30 janvier, monsieur le ministre. Nous allons, là encore, découvrir un amendement gouvernemental de dernière minute. Est-ce une bonne méthode de travail ?
Pour ce qui est de la partie relative à l’inspection du travail enfin, l’article 20 du projet de loi prévoit une réforme de cette administration et de ses pouvoirs.
Pour des raisons diverses, tous les partenaires concernés, qu’ils soient employeurs ou inspecteurs du travail, rejettent ce texte. Pour le groupe UMP, il est inacceptable, d’une part, que les inspecteurs du travail, qui ne sont soumis à aucune hiérarchie, puissent s’emparer de documents de l’entreprise, les emmener à l’extérieur, les photocopier, quel que soit le support, sans contrôle d’un juge.
Sur cette question, il faut revenir au texte antérieur du code de travail qui précise la liste des documents à présenter.
D’autre part, le texte donne à l’administration un pouvoir hors norme, sans contrôle du juge. celle-ci pourra ainsi infliger des amendes jusqu’à 10 000 euros par salarié, lesquelles n’excluent pas pour autant les poursuites pénales.
Enfin, l’inspecteur du travail pourra procéder à un arrêt d’activité dans toutes les entreprises et non plus dans celles où il y a un risque majeur.
En conclusion, monsieur le ministre, si la partie du texte consacrée à la formation professionnelle apporte des éléments positifs – je les ai soulignés – le projet que vous nous présentez agrège d’autres mesures qui le rendent illisible et contraire à l’objectif affiché de développement de l’emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est en demi-teinte et suscite de multiples interrogations ainsi qu’un sentiment ambivalent.
Certes, une partie de ce projet de loi est issue du dialogue social le plus formalisé puisqu’elle prend sa source dans la disposition arrêtée par les partenaires sociaux de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier, accord qui comporte des avancées auxquelles nous sommes sensibles, à l’exemple du compte personnel de formation.
L’idée que chaque individu entrant sur le marché du travail puisse disposer d’un droit à formation abondé au fil de son parcours et attaché à la personne est ancienne et les centristes l’ont toujours promue. Le chemin pour y parvenir a été long et marqué par plusieurs étapes à travers la création du DIF, puis du DIF partiellement portable, pour des résultats d’ailleurs mitigés.
La création du compte personnel de formation s’inscrit dans cette lignée et constitue une nouvelle étape amorcée par l’accord du 11 janvier 2013 sur la compétitivité des entreprises, la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels, ainsi que la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi. L’accord du 14 décembre dernier et ce projet de loi lui apportent un contenu concret qui peut être amélioré sur un certain nombre de points mais qui va dans le bon sens.
Ces avancées ne doivent pourtant pas dissimuler les aspects beaucoup plus discutables de ce projet de loi, dont on sent qu’il constitue à certains égards une aubaine : le Gouvernement semble avoir trouvé là un véhicule législatif inespéré pour faire examiner par le Parlement tout un ensemble de mesures disparates touchant au dialogue social, aux comités d’entreprises ou à l’inspection du travail. Mais le véhicule risque parfois la sortie de route tant il paraît excessivement chargé.
C’est si vrai que vous avez finalement retiré les très contestables dispositions concernant les conseils des prud’hommes pour alléger la cargaison. Je vous le dis franchement, monsieur le ministre : vous avez bien fait. L’idée de supprimer le principe de l’élection pour la désignation des conseillers prud’homaux mérite autre chose qu’un examen à la va-vite au détour d’un article.
Mais la charge de ce projet de loi est encore bien lourde : aussi fallait-il le recours à la procédure accélérée pour le booster un peu ! Ce faisant, vous adoptez une vitesse excessive : vous grillez le feu orange de l’examen par l’Assemblée nationale en imposant, une fois de plus, des conditions de discussion qui défient toute logique d’efficacité parlementaire.
Enfin, vous refusez la priorité à la concertation dont, par exemple, la question de la réforme de l’inspection du travail aurait pourtant bien besoin, à voir les réactions qu’elle suscite chez les professionnels.
L’attitude du Gouvernement est regrettable parce que bon nombre des sujets abordé dans ce projet de loi sont fondamentaux dans les domaines du dialogue social et de la politique de l’emploi. À ce titre, il méritait mieux qu’un débat tronqué.
Mon collègue Arnaud Richard développera le point de vue du groupe UDI sur la partie touchant plus spécifiquement à la formation professionnelle ; je ne m’y attarderai donc pas. Pour autant, et d’ores et déjà, le groupe UDI ne peut que regretter l’occasion une nouvelle fois manquée d’une grande réforme systémique de la formation professionnelle.
Nous avons devant nous, en effet, la troisième réforme législative de la formation professionnelle en dix ans. À chaque fois, un accord interprofessionnel l’a précédé. À chaque fois, les résultats ont été mitigés.
L’avenir nous dira si, cette fois-ci, les fondamentaux posés par les partenaires sociaux et le législateur orientent la formation professionnelle vers les objectifs que les pouvoirs publics cherchent à lui assigner depuis plusieurs années sans y parvenir réellement : faciliter l’accès à la formation de ceux qui en ont le plus besoin, en l’occurrence les salariés dont le niveau de qualification est faible et les demandeurs d’emploi.
À cet égard, monsieur le ministre, nous émettons une forte réserve à ce projet de loi : nous ne pensons pas qu’il donne toute la place qui devrait revenir à la région.
Certes, à travers différents articles, vous cherchez à étendre ses compétences en matière de formation professionnelle mais les dispositions que vous proposez soulèvent, au minimum, à la fois un problème de méthode et une difficulté de fond.
Un problème de méthode : une fois de plus, le Gouvernement procède sans vision globale de l’articulation des compétences entre territoires et collectivités territoriales. Vous proposez de renforcer le rôle de la région dans le domaine de la formation professionnelle alors que, dans le même temps, le Président de la République nous annonce une refonte de l’organisation territoriale reposant sur une évolution, pour ne pas dire une fusion, de différentes régions.
Or la réorganisation des régions, la question de la taille critique leur permettant d’insuffler de nouvelles dynamiques et d’engager de nouvelles politiques à l’échelle de leur territoire sont autant d’éléments qui ont une influence sur ce que les régions pourront elles-mêmes engager dans le domaine de la formation continue des salariés et des demandeurs d’emploi.
Il est donc impératif de pouvoir disposer d’une vision d’ensemble de la refonte de la carte territoriale et de ses conséquences sur les compétences exercées par les différents niveaux d’administration publique locale pour déterminer avec précision les compétences des régions en matière de formation professionnelle.
Or, pour l’heure, il n’y a pas de vision d’ensemble ; ou s’il y en a une, le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas partagée !
Les mesures touchant aux régions nous paraissent donc décidées de manière précipitée – ce qui est regrettable parce que, sur le fond cette fois, il y a là un vrai sujet à propos duquel le groupe UDI souhaite des mesures fortes.
Nous pensons en effet que la région a vocation à s’affirmer comme le pilote de la formation professionnelle.
Eh oui ! C’est ce que nous faisons !
Par excellence, la région est pour nous à la fois l’échelon de mesure des besoins en matière de formation dans les bassins d’emploi, d’analyse de ces besoins, ainsi que le niveau d’impulsion des politiques régionales de formation continue en direction des salariés les moins diplômés et des demandeurs d’emploi.
Cette régionalisation des politiques de formation professionnelle reposerait sur un triptyque simple : l’attribution à la région, en gestion directe, de tous les fonds de la formation professionnelle qui peuvent abonder la mobilisation du compte personnel de formation par le salarié ; la définition, par la région, en partenariat avec les partenaires sociaux et le service public de l’emploi, des priorités de formation continue concernant différents publics-cibles ; la contractualisation enfin, avec les opérateurs de la formation professionnelle, d’actions de formation répondant à ces priorités, régulièrement évaluées et adaptées pour être toujours dispensées au plus près des besoins des salariés, des demandeurs d’emploi et des entreprises.
Il s’agit en fait pour nous de pousser plus loin la logique de régionalisation qu’avait timidement initiée la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie de 2009 avec les contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles.
Il s’agit, également, de poser la question du rôle des partenaires sociaux dans la démocratie sociale.
Pour des raisons qui tiennent à la nécessaire lisibilité de l’action publique, nous ne sommes pas convaincus que les partenaires sociaux doivent être à l’avenir gestionnaires de fonds qui alimentent des pans entiers de la politique publique.
Ils ont toute légitimité à participer à l’élaboration de ces politiques parce qu’ils ont une expertise incontestable à apporter au débat, mais la gestion des fonds affectés à ces politiques doit revenir aux échelons d’administration publique dont les représentants sont élus au suffrage universel.
C’est donc bien, dans cette logique, une réforme systémique de la formation professionnelle que nous proposons en plaçant la région au premier plan en tant que responsable de la gestion des fonds de la formation professionnelle, en fonction de modalités arrêtées par elle et en partenariat avec les partenaires sociaux. Cette organisation pourrait du reste, si le Gouvernement était demandeur, être expérimentée dans les régions volontaires et les plus concernées par le chômage ainsi que les difficultés d’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi.
Voilà en tout cas comment le groupe UDI conçoit une véritable régionalisation des politiques de formation professionnelle envisagée dans le cadre d’une réforme de l’organisation et de la carte territoriale accompagnant l’émergence de grandes régions. Malheureusement, le Gouvernement est pour l’heure loin d’avoir une vision aussi claire.
Notre jugement sera plus nuancé sur la partie du texte concernant le dialogue social.
Tout d’abord, c’est avec satisfaction que nous voyons enfin un certain nombre de règles clairement édicté par la loi renforçant la transparence de la gestion des comités d’entreprises.
Lors de la précédente législature, le groupe centriste avait initié une proposition de loi dans laquelle un certain nombre de principes étaient déjà énoncés et que le projet qui nous est soumis aujourd’hui étend. Nous nous en félicitons : il était temps de dissiper les suspicions qui pouvaient planer sur les comités d’entreprises, dont certains ont pu défrayer la chronique.
De même, nous accueillons favorablement – avec cependant une réserve – la proposition de réforme de la représentativité patronale proposée par le Gouvernement.
Chacun convient de l’importance du dialogue social dans les processus de réformes, en particulier quand celles-ci touchent au droit du travail.
La loi du 31 janvier 2007 a érigé cette nécessité en principe et a instauré un mécanisme de concertation préalable des partenaires sociaux – Gérard Cherpion l’a rappelé tout à l’heure.
Ce principe a, de fait, permis d’opérer des avancées significatives ces dernières années sur un certain nombre de sujets. Il reste la méthode employée par ce Gouvernement pour mener ses réformes du marché du travail. Mais pour dégager sur des sujets sensibles des consensus qui puissent être largement partagés, encore faut-il que les acteurs du dialogue social puissent se prévaloir d’une légitimité incontestable.
C’est dans cet esprit que la représentativité des organisations de salariés, dont les modalités avaient été arrêtées en 1966, a été redéfinie par la loi en 2008, avec des critères adaptés aux caractéristiques actuelles de notre société : abandonnant la présomption irréfragable de représentativité, ceux-ci font désormais une large part à l’audience obtenue par les syndicats de salariés aux élections professionnelles.
Dans le même esprit, il était nécessaire que les critères de la représentativité des organisations patronales soient clairement établis. Celle-ci n’était en effet définie par aucun texte. Or, l’expérience a montré qu’il est parfois difficile de savoir qui parle au nom de qui : la longue contestation de l’accord négocié par l’UPA en 2001 sur le financement du dialogue social dans les entreprises artisanales, remis en cause jusqu’en 2008 par le MEDEF et la CGPME, en a été une éclairante démonstration. Dans les négociations de branche, les frontières entre grandes entreprises et PME, ou PME et TPE et artisanat, sont fluctuantes.
Enfin, de nouveaux acteurs émergent, qu’il convient de prendre en compte : c’est le cas, par exemple, des employeurs de l’économie sociale et solidaire, des employeurs des professions libérales ou, enfin, du secteur agricole.
Une réforme de la représentativité des organisations patronales était donc nécessaire, avec des critères moins empiriques, clairement définis, prenant en compte la diversité des entreprises.
À plusieurs reprises, j’ai insisté, auprès de ce gouvernement comme du précédent, sur cette nécessité qui devenait d’autant plus urgente qu’une contestation de la représentativité d’une partie des organisations participant au dialogue social peut fragiliser un accord collectif.
La réforme du droit du travail et la vitalité de notre démocratie sociale reposent sur un équilibre des légitimités entre les signataires des accords, équilibre qu’il est urgent d’assurer.
Cela étant, nous émettons une réserve sur l’un des critères retenus pour établir la représentativité des organisations d’employeurs : celui de l’audience, mesurée sur l’adhésion. Nous aurions préféré que cette mesure de l’audience, pour plus de clarté et de lisibilité, repose sur le choix des entreprises exprimé dans le cadre d’une élection nationale sur sigle.
Certes, nous entendons les arguments de ceux qui nous expliquent qu’une entreprise, dans sa dimension de personne morale engageant une communauté d’hommes et de femmes, ne peut opérer un choix de la même manière qu’une personne physique ; j’entends aussi que ce choix résulte d’une position commune des organisations d’employeurs. Néanmoins, je reste convaincu que le critère de l’adhésion souffre de deux écueils. Pour commencer, il laisse par définition de côté la masse des entreprises qui n’adhèrent à aucune organisation. Les laisser ainsi de côté, c’est les inciter à ne pas s’impliquer dans le dialogue social et ses enjeux et c’est donc contraire à l’ambition que nous pouvons tous partager visant à donner une nouvelle vitalité au dialogue social.
Ensuite, il ne favorise pas davantage la prise en compte d’évolutions qui peuvent se faire jour dans la représentation des entreprises. Ainsi, l’émergence d’organisations d’employeurs représentatives de l’économie sociale et solidaire, qui s’est notamment fait jour à l’occasion des élections prud’homales, serait beaucoup plus difficile si seul le critère de l’adhésion était pris en compte.
Le groupe UDI estime que cette question méritera d’être à nouveau débattue lors de l’examen de cet article parce que, encore une fois, c’est le caractère incontestable de la légitimité des signataires qui fonde la validité des accords, en particulier ces accords nationaux interprofessionnels qui sont désormais à la source de la loi. Nous présenterons donc un amendement permettant de mesurer l’audience sur le critère de l’élection.
Par ailleurs, même si ces dispositions ne figurent plus dans le texte et feront l’objet d’un prochain projet de loi, vous me permettrez de dire quelques mots sur la réforme du mode de désignation des conseillers prud’homaux. Il s’agirait, là aussi, de remplacer l’élection des conseillers prud’homaux par un mode de désignation. Décidément, ce gouvernement a quelque chose contre le recours à l’élection au sein de notre démocratie sociale ! Nous sommes extrêmement réservés sur une telle disposition. Les conseillers prud’homaux interviennent dans la résolution de conflits du travail, individuels ou collectifs, qui peuvent donner lieu à des oppositions parfois très dures. L’autorité des jugements que les conseils de prud’hommes sont amenés à rendre repose pour une grande part sur la légitimité que ces conseillers, issus du monde du travail et choisis par leurs pairs, salariés ou employeurs, tirent de leur élection. J’ai la conviction que supprimer l’élection, c’est priver les conseillers prud’homaux d’une légitimité indiscutable, même si la participation électorale est faible : c’est donc fragiliser leur rôle et, à terme, leur existence. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans un prochain débat.
Mais revenons à ce projet de loi, pour aborder rapidement les dispositions concernant le financement du paritarisme et du dialogue social. Sur cette question aussi, notre avis est mitigé. Disons le franchement : il faut reconnaître à ce gouvernement le mérite de s’être saisi de cette question et de proposer des mesures qui établissent des principes, des règles, et une méthode de financement plus claire des organisations de salariés et d’employeurs. Je n’hésite d’ailleurs pas à dire, monsieur le ministre, que proposer cela en même temps qu’une réforme de la formation professionnelle est habile de votre part : c’est faire la démonstration que les fonds de la formation professionnelle ne peuvent pas être affectés au fonctionnement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs.
Il nous est d’autant moins difficile de reconnaître les efforts du Gouvernement en la matière, que nous avons souvent insisté, lors de la précédente législature, sur le caractère incontournable de cette réforme. Mon collègue Arnaud Richard et moi-même avons d’ailleurs été les deux seuls députés, avec Nicolas Perruchot, à voter pour la publication des conclusions de la commission d’enquête sur le financement du dialogue social, autrement dit le fameux rapport Perruchot.
Chers collègues de l’opposition, il faut admettre que l’ancienne majorité, dont vous formiez le pôle principal,…
…ur cette question du financement du dialogue social, n’a pas seulement été timide, mais s’est révélée bien craintive. Ce projet de loi pose certes de nouvelles règles, mais celles-ci nous semblent laisser l’objectif de réforme du financement des organisations syndicales et patronales au milieu du gué. En effet, de manière un peu contradictoire avec l’effort de clarification des ressources affiché par le Gouvernement, le projet de loi dispose que, le cas échéant, une partie de ce financement pourra provenir d’organisations à vocation nationale, gérées paritairement par les partenaires sociaux, sans pour autant préciser quelles seront ces organisations, pas plus que les modalités de cette participation volontaire. Ainsi donc, la gestion paritaire continuera à alimenter le budget des organisations syndicales et professionnelles, ce qui peut paraître aller à rencontre de l’objectif de transparence recherché.
Qui plus est, le caractère tout à la fois volontaire et incertain de cette contribution laisse planer de nombreux doutes et peut faire redouter que le fonds paritaire de financement soit en réalité alimenté par les contributions des seules entreprises, dont les charges sont déjà élevées. Toutes ces incertitudes fragilisent les intentions du Gouvernement d’assurer plus de transparence aux sources de financement des organisations participant au dialogue social.
Cette volonté qui est la vôtre de réformer dans la clarté, mais qui suscite en réalité inquiétude et mécontentement, nous la retrouvons enfin dans les dispositions relatives à l’inspection du travail. Le corps de l’inspection du travail est une institution ancienne, établie en 1892 pour exercer un contrôle administratif des droits collectifs issus de la législation du travail. Plus largement, l’inspection du travail a aujourd’hui une compétence généraliste, touchant à l’ensemble des thèmes du droit du travail, exercée à travers des missions de contrôle et d’assistance et de conseil aux salariés et aux employeurs.
Nous le savons tous, les missions de ce corps sont essentielles pour l’application effective du droit du travail en milieu professionnel et sont garanties par un principe d’indépendance qui prévaut tant pour le statut de l’inspecteur du travail que pour les pouvoirs dont il dispose dans le cadre de ses missions. Or les dispositions de votre projet de loi suscitent une forte inquiétude, sinon une franche opposition chez les agents de contrôle et les inspecteurs du travail, soucieux de protéger ce principe d’indépendance et préoccupés par les conditions même d’exercice de leurs missions d’inspecteurs du travail.
Là encore, il est nécessaire de faire la part des choses : sur le fond, un certain nombre de ces dispositions tirent les conséquences de la réalité de l’exercice des missions de contrôle par les inspecteurs du travail. Il en va ainsi des amendes administratives, qui peuvent, à notre sens, venir renforcer la boîte à outils des mesures à la disposition des agents de contrôles pour sanctionner, de manière effective, certains manquements au droit du travail.
On peut légitimement penser que ces amendes seront plus efficaces, quand on sait qu’il y a un véritable problème de sensibilisation des tribunaux au suivi des procès-verbaux de l’inspection du travail. En effet, comme je l’ai montré dans un rapport il y a quelques années…
…seuls 2 % des suites données à la constatation des manquements au code du travail par les agents de contrôle donnent lieu à un procès-verbal d’infraction transmis au parquet.
Pourtant, au-delà des dispositions qui peuvent utilement renforcer les missions de l’inspection du travail, tenir compte de la nouvelle organisation déployée ces dernières années avec la mise en place des DIRECCTE et développer les missions de conseil et d’assistance, notamment aux employeurs, nous avons aussi l’obligation d’écouter les inquiétudes de ces agents, qui touchent à leurs effectifs, aux dispositifs de soutien à l’exercice de leurs missions et à la préservation de leur indépendance. L’ensemble des interrogations qu’ils ont exprimées montre à quel point la perspective d’une application sereine de ce projet de réforme est inenvisageable.
Par ailleurs, les conditions d’examen de ce projet de loi, en procédure accélérée, ne permettent pas d’avoir un débat au Parlement et une concertation avec les représentants de la profession susceptibles d’améliorer les mesures envisagées et de les rendre acceptables. C’est la raison pour laquelle, à l’instar de ce que le Gouvernement a déjà fait concernant les conseillers prud’homaux, nous vous proposons, monsieur le ministre, de retirer cet article du projet de loi, afin que soient réunies les conditions d’une élaboration constructive de cette réforme de l’inspection du travail.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI ne s’opposera pas à un texte issu de la concertation avec les partenaires sociaux.
Néanmoins, au vu des réserves que je viens d’évoquer, ce texte ne répondant malheureusement pas aux défis que devrait relever la formation professionnelle, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et messieurs les rapporteurs, nous entamons le débat parlementaire sur un texte issu d’un accord interprofessionnel signé aujourd’hui même par les partenaires sociaux. Nous disposons de vingt heures dans cet hémicycle pour que la démocratie parlementaire prenne place dans le dialogue social.
Les écologistes ne cesseront de répéter que, dans la crise que nous traversons, le développement économique doit être réorienté pour faire face aux défis sociaux. La croissance doit être sélective et répondre aux besoins en matière d’énergies renouvelables, de logement, de mobilité, d’éducation, de santé, d’alimentation de qualité, et aussi d’accueil et de bien-être des plus jeunes et des plus anciens. Une croissance sélective à travers des investissements ciblés créera les emplois nécessaires à l’autonomie et à l’épanouissement de toutes et tous.
Or ces emplois relèvent souvent de nouveaux métiers, de nouvelles compétences, de nouvelles qualifications. La formation professionnelle est donc un enjeu prioritaire pour la reconversion de notre économie. Mais c’est également un enjeu pour la progression individuelle et le développement personnel, à travers le plaisir d’apprendre et d’acquérir de nouveaux savoirs ou savoir-faire. En France, nous devons bâtir une culture de la formation tout au long de la vie, pour une société dynamique, innovante, enthousiaste, créative, où chacun trouve une place à sa mesure.
Le texte que nous étudions aujourd’hui comporte trois parties distinctes. La première concerne la formation professionnelle continue, l’apprentissage, la gouvernance et la décentralisation, la deuxième traite de la démocratie sociale, et la dernière de l’inspection du travail. Rassemblant des sujets très différents, qui renvoient tous à des enjeux sociétaux, le texte qui nous est présenté aujourd’hui ne constitue à nos yeux qu’une première étape, qui demandera des précisions et des ajustements.
Nous proposerons d’améliorer ce qui peut l’être, mais nous appelons à ce qu’une impulsion plus grande, plus ambitieuse, plus politique soit donnée à notre volonté de rendre effectif le droit à la formation tout au long de la vie. Nous voulons que la démocratie sociale rencontre la démocratie participative régionale. Nous voulons que l’inspection du travail s’inscrive dans un cadre européen, pour améliorer les conditions de travail et lutter contre le dumping social.
Sur la formation professionnelle, tout d’abord, la création du compte personnel de formation était attendue depuis longtemps. C’est une avancée, d’une part parce qu’il est attaché à la personne et non plus au poste, et d’autre part parce qu’il pourra être mobilisé à la seule initiative de son bénéficiaire, qu’il soit salarié ou demandeur d’emploi. Malgré les réformes multiples qu’a connues la formation, elle continue de bénéficier à ceux qui en ont le moins besoin, les salariés les plus diplômés, tandis que les salariés avec un niveau de formation initiale plus faible, les demandeurs d’emploi et les seniors, en bénéficient beaucoup moins. Le compte personnel de formation, parce qu’il est attaché à la personne, pourra être plus accessible aux publics les plus éloignés des dispositifs de mobilisation de ce droit individuel à la formation tout au long de la vie.
Du point de vue des personnes, il ne sera néanmoins effectif que s’il est simple, lisible et facilement accessible. La mobilisation du compte personnel de formation doit être facilitée pour les salariés, mais ce compte doit également être mieux ouvert aux salariés à temps partiel non choisi, qui sont souvent des femmes, aux demandeurs d’emploi et bénéficiaires de minima sociaux, aux personnes en situation de handicap, et également, monsieur le ministre, aux fonctionnaires de catégorie C. Aujourd’hui, seuls 20 % des demandeurs d’emploi bénéficient d’une formation, et seulement 12,5 % des fonds de la formation leur sont consacrés. C’est bien insuffisant ; il faut donc trouver des solutions. La question de l’origine du financement et de sa répartition, ainsi que la possibilité d’augmenter le plafond horaire, aujourd’hui limité à cent cinquante heures, fera l’objet de propositions d’amélioration du texte.
Nous jugeons en effet, avec d’autres, que cent cinquante heures, ce n’est pas assez pour bénéficier d’une formation qualifiante.
C’est pourquoi le dispositif doit assurer la possibilité d’abondements, c’est-à-dire de crédits d’heures supplémentaires, financés, selon la situation, par différents organismes : les organismes paritaires collecteurs agréés, les entreprises, les régions, Pôle emploi, ou encore le bénéficiaire lui-même. Nous nous interrogeons cependant sur les moyens réels dont disposeront ces financeurs. Les régions, pour les demandeurs d’emploi, mais aussi pour les personnes en situation de handicap, auront-elles suffisamment de moyens ? Les OPCA, qui dépendent des mécanismes de financement des entreprises, pourront-ils honorer les demandes, notamment pour les salariés des petites et moyennes entreprises ?
Par ailleurs, sur les contenus des formations proposées dans le cadre du compte personnel de formation, des listes nationales et régionales sont établies. Nous devons mieux travailler par branche et par secteur. Par branche, car nous devons raisonner par filière : développer des formations là où il y a un besoin et anticiper les reconversions là où la décroissance des activités s’annonce. Par secteur, car nous devons soutenir, par exemple, celui de l’économie sociale et solidaire.
Nous voulons que ce projet de loi soit véritablement l’occasion de renforcer les leviers pour la transition écologique. Nous ferons plusieurs propositions, à l’image de l’amendement proposé par Denis Baupin et les députés écologistes, adopté en commission, qui précise que le conseil en évolution professionnelle, confié aux régions, devra prendre en compte l’émergence de nouvelles filières métiers dans le domaine de la transition écologique et énergétique. Le conseil national de la transition écologique, récemment créé, devra bien évidemment être associé à la constitution des listes de formations éligibles au compte personnel de formation.
Nous soutenons l’objectif du Gouvernement de 500 000 apprentis d’ici 2017. La possibilité de conclure un contrat à durée indéterminée « apprentissage » sera certainement incitative. Les nouvelles missions des centres de formation des apprentis, pour un accompagnement professionnel et social renforcé des jeunes, constitue aussi un progrès. Ces missions seront-elles menées à moyens constants ou valorisées par le décret prévu, que devront valider les présidents de région ? Ces derniers pourront-ils établir des conventions de partenariats avec l’AFPA ? Nous vous poserons ces questions au cours du débat, monsieur le ministre. D’une façon générale, nous devons sécuriser les collectivités territoriales pour qu’elles s’autorisent des partenariats par conventions, plutôt que des prestations par marchés publics qui engagent souvent des concurrences inutiles.
Le texte cherche ensuite à encourager la démocratie sociale. Les rapports de force existent et existeront toujours dans nos sociétés, car la conquête de nouveaux droits individuels n’est pas spontanée : c’est un cap qui demande des garanties pour que le dialogue social soit loyal et équilibré. Social-écologie et démocratie sociale sont plus que compatibles, elles sont inséparables. Simplement, il faut s’assurer d’être exhaustif dans la représentation des partenaires sociaux susceptibles de participer aux consultations et aux concertations. Pour une véritable démocratie sociale, c’est-à-dire pour des négociations et la recherche de compromis acceptables par tous, il faut que tous soient représentés !
Or manquaient à l’appel, dans le projet de loi initial, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’agriculture et des professions libérales, tels que les professionnels de la santé, du droit ou du cadre de vie.
Ils arrivent ! Je les vois !
En dernière minute, un protocole d’accord entre organisations patronales interprofessionnelles et multiprofessionnelles vient tout juste d’être signé jeudi dernier. Il prévoit effectivement d’intégrer la consultation des organisations multiprofessionnelles dans les démarches de dialogue social. Après nos débats en commission, nous avons prévu d’intégrer par voie d’amendements ces acteurs dits du « hors-champ », qui fédèrent un tiers de l’activité économique et des emplois en France. Ce sera un réel progrès qui, nous l’espérons, permettra de mieux associer à l’avenir des travailleurs et employeurs dont l’activité est bien souvent non délocalisable et créatrice d’emploi dans des secteurs utiles d’un point de vue social et environnemental.
Pour poursuivre sur ce registre de la bonne représentation de tous dans les processus de négociations sociales, je formule un regret : l’absence des demandeurs d’emploi. Je sais, monsieur le ministre, que c’est une question complexe, car le statut de demandeur d’emploi n’est pas de ceux que l’on souhaite conserver ou défendre. Pourtant de très nombreuses personnes en recherche d’emploi auraient de l’expertise à apporter et des choses à dire sur leurs besoins en formation. Il faudra donc progresser pour trouver les formes adéquates de leur association, probablement au niveau local.
Si le dialogue social doit progresser par l’élargissement des membres associés, il doit également progresser au niveau territorial.
Fédéralistes, les écologistes soutiennent le renforcement d’une décentralisation encore inaboutie. Les régions, en charge de la formation professionnelle, en lien avec les départements responsables des programmes d’insertion sociale et professionnelle, devraient également pouvoir s’appuyer sur des accords régionaux interprofessionnels et multiprofessionnels équilibrés. Ainsi se retrouveraient autour de la table, et au plus près des programmes à élaborer, l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des financeurs, des prescripteurs, des prestataires, des entreprises, des syndicats de salariés et des bénéficiaires représentés.
Quoi qu’il en soit, si le texte ne prévoit pas explicitement les modalités du dialogue social territorial, il reste à conforter localement, pour de nouvelles pratiques en adéquation avec ces nouvelles compétences accordées aux régions. Car à la démocratie sociale et à la démocratie parlementaire, nous devons ajouter la démocratie participative qui s’installe progressivement dans les territoires, souvent recommandée par les programmes européens dont les fonds alimentent les politiques publiques locales.
Fédéralistes, les écologistes souhaitent également une meilleure articulation entre les régions et l’Europe. En matière de formation professionnelle, l’Europe dispose de programmes et de fonds dont les collectivités régionales vont avoir désormais la gestion directe. Mais cela sera bien insuffisant pour répondre aux réels besoins en matière de formation, notamment des demandeurs d’emploi. Il est donc indispensable d’avancer sur une réforme fiscale accordant de véritables moyens aux collectivités régionales, mais j’ai cru comprendre que cela ferait l’objet d’un autre texte qui devrait suivre.
Enfin, je vous avoue monsieur le ministre que nous ne comprenons pas ce que cela vient faire dans ce texte le titre III relatif à l’inspection du travail. Y avait-il urgence à proposer une telle réforme ?
Oui !
Vous savez que la plupart des inspecteurs du travail et des contrôleurs ne sont pas d’accord avec ces propositions. Vous soutenez le dialogue social ; alors pourquoi vouloir passer en force dans ce domaine avec notamment le recours annoncé aux ordonnances ? Prenons le temps de l’échange, et de bien comprendre où se situent les blocages.
Les inspecteurs du travail sont indispensables au respect des droits des travailleurs, à la prévention des abus par des employeurs peu scrupuleux et à la promotion du développement économique et social. Le 14 janvier dernier, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à des inspections du travail efficaces pour l’amélioration des conditions de travail en Europe et afin de lutter contre le dumping social.
C’est bien ce que nous voulons faire !
Karima Delli, députée européenne d’Europe-Écologie, a ainsi rappelé la nécessité de renforcer la coopération administrative des États européens en matière d’inspection du travail, par la création d’un corps européen d’inspecteurs du travail que nous appelons de nos voeux depuis 2011. Voilà ce qui aurait pu nous occuper aujourd’hui.
En dépit de ces réserves sur lesquelles nous reviendrons, monsieur le ministre, nous considérons globalement ce texte comme un pas en avant pour la formation professionnelle et la démocratie sociale. Pour l’améliorer, les écologistes s’inscriront positivement dans le débat, dans le respect des partenaires sociaux et de notre majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il me souvient de ce vieux proverbe radical : « Député à l’estomac vide n’a plus d’oreilles. »
Sourires.
Je vais donc essayer d’aller assez vite car nous sommes presque à l’heure de l’apéritif, et je crois que vous avez tous besoin de vous sustenter.
L’emploi est une priorité. Aide à la création d’emplois, lutte contre le licenciement économique, formation initiale dès le plus jeune âge, soutien renforcé à l’école et aux universités, le constat est sans ambages : oui, le Gouvernement a bien fait de l’emploi sa priorité. Oui, il est sur le bon chemin.
Deux constats pour commencer. Premièrement, depuis de trop nombreuses années, les créations d’emplois dans notre pays n’ont pas suffit à répondre à la croissance de la population active. Avec un taux d’emploi de 64 % en 2007 pour les personnes de quinze à soixante-quatre ans, la France était loin de l’objectif global de 70 % en 2010 fixé par le Conseil européen de Lisbonne. Plus ennuyeux, les salariés âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans étaient 41 % en emploi au lieu des 50 % visés en 2010. Mais nous le savons bien, le ralentissement de l’emploi après 1974 a accompagné celui de la croissance avec une désindustrialisation compensée par l’émergence de nouveaux services.
Le second constat est plus contemporain. Ces dernières années, et notamment à partir de 2010, la France a subi un décrochage de son PIB par habitant par rapport aux autres pays de l’Union européenne. Le faible taux d’activité du pays, avec un taux de chômage élevé, a amené la France à voir la situation de l’emploi se dégrader pendant le mandat de Nicolas Sarkozy avec une hausse tendancielle du chômage depuis 2007, et surtout un solde de destruction et création d’emplois négatif de 190 000 dans l’ensemble des secteurs marchands.
Ce sont des chiffres, et ce qui est ennuyeux avec les chiffres, c’est que le constat en est implacable. Tout comme les économistes, qui s’accordent à dire que pour commencer à créer des emplois, il faut une croissance supérieure à 0,5 % ; et que pour diminuer le taux de chômage, il en faut une supérieure à 1,5 %.
De ces deux constats que je viens de dresser, je dois vous dire, monsieur le ministre, au nom de mes collègues radicaux de gauche et apparentés, que nous comprenons la politique que vous menez et surtout, nous la soutenons. Tant celle qui, après le rapport Gallois, le crédit impôt compétitivité emploi et le pacte de responsabilité, est susceptible de créer de la croissance que celle qui s’attache à attaquer les obstacles structurels ou conjoncturels du chômage de notre pays.
Oui, le dispositif des emplois d’avenir est essentiel. Et nous sommes de ceux qui pensent qu’il ne faut pas avoir peur d’en augmenter la voilure, donc le nombre, dans les prochains mois.
Surtout à Lyon !
Depuis certaines interventions que j’ai pu faire, les emplois d’avenir à Lyon ont augmenté, mais il faut augmenter la voilure au niveau du pays tout entier, me semble-t-il. Le taux de chômage des jeunes baisse en France, et il faut accentuer ce phénomène. Oui, le contrat de génération tend à maintenir dans l’emploi des seniors tout en transmettant le savoir-faire, et parfois l’esprit entrepreneurial. Et cela ne fait même pas un an que ce dispositif est en place. Vous allez proposer dans le débat un amendement permettant d’ouvrir un accès direct aux aides de 4 000 euros pendant trois ans aux entreprises de plus de cinquante salariés : vous avez raison.
Oui, la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi a consacré de nouveaux droits pour les salariés et elle a imposé de nouvelles obligations aux employeurs. L’encadrement du temps partiel, la création obligatoire d’une complémentaire santé, les accords de maintien dans l’emploi, les accords de mobilité, le renforcement de la formation des représentants du personnel, la représentation des salariés aux conseils d’administration d’entreprises sont autant d’avancées encore pour l’emploi. Eh oui, le présent projet de loi sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale est un outil supplémentaire pour lutter contre le chômage et favoriser l’emploi.
Avant de parler du fond, un mot sur la forme. Quoi que puisse en dire l’opposition, vous avez réussi, monsieur le ministre, à redonner à la démocratie sociale sa raison d’être. C’est un fait politique majeur. La négociation sociale est passée dans ce pays de la défiance à la confiance. Et force est de reconnaître que les deux grandes conférences sociales de juillet 2012 puis de juin 2013 ont contribué à restaurer ce bon climat. Aussi, le chapitre premier du présent projet de loi s’attache à traduire les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre, et est le fruit d’une concertation menée sur le compte personnel de formation qui était inscrit, il ne faut pas l’oublier, dans la loi du 14 juin 2013.
Sur le fond, les radicaux de gauche ont toujours défendu l’idée, avec nos amis socialistes, qu’il fallait restaurer une formation continue effective tout au long de la vie. Nous pensons même que ce droit doit être d’autant plus élevé que la formation initiale aura été courte. Vous comprendrez dès lors que la mise en oeuvre du compte personnel de formation est pour nous une excellente chose. Les nouveaux droits acquis au titre de ce compte seront attachés à la personne, ouverts dès l’entrée dans la vie professionnelle jusqu’au départ en retraite. Ils seront comptabilisés en heures, mobilisés volontairement et librement par la personne titulaire qu’elle soit salariée ou en demande d’emploi. C’est un bon projet qui doit permettre à quiconque de rebondir dans sa vie professionnelle, volontairement ou lorsque la fatalité des situations l’impose.
Mais pour que l’offre de formations soit complète, adaptée à la demande, il fallait en simplifier l’organisation et le financement. C’est ce que fait ce projet de loi en réaffirmant et en renforçant dans le même temps la compétence de la région. C’est la seule collectivité territoriale qui organisera et financera le service public régional de la formation professionnelle afin de garantir l’accès à la qualification. La région sera désormais compétente à l’égard de tous les publics, de tous ceux qui ont quitté le système scolaire, qui ont décroché et qui ont besoin d’acquérir le socle minimal de connaissances et de compétences. Elle aura un rôle encore plus important en matière de formation sanitaire et sociale, notamment pour l’agrément des établissements et des étudiants retenus. Enfin, la région aura le sentiment d’être autre chose qu’un tiroir-caisse.
Absolument !
Elle jouera également un rôle majeur concernant l’offre de services du conseil en évolution professionnelle qui est présenté à l’article 12 du projet de loi. Enfin, la région aura des interlocuteurs plus efficients avec le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, fusion de différents services déconcentrés qui a pour mission d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi, et surtout la cohérence des programmes des formations dans la région.
J’entendais tout à l’heure les chikayas procédurières de nos amis de l’UMP : pourquoi attendre la loi II de décentralisation sur la région alors qu’a été acté, dans la première loi de décentralisation, le caractère de chef de file de la région ? Nous allons désormais au-delà : la région est seule et unique compétente, et c’est une bonne chose. Elle organisera donc le service public régional de l’orientation tout au long de la vie, mais elle prendra également plus d’importance dans le cadre de l’apprentissage avec notamment une compétence exclusive en matière de création des centres de formation d’apprentis.
L’apprentissage est un vrai défi à relever. Les chiffres sont là : si l’on s’en tient simplement aux contrats d’apprentissage, seuls 273 000 contrats, DOM inclus, ont été signés en 2013 contre 297 000 en 2012. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attentif à cette situation, et qu’avec le maintien des aides promis par Bercy et un fléchage mieux ciblé attribuant une part plus importante de la taxe d’apprentissage aux centres de formation, les choses devraient s’améliorer. C’est l’objet des articles 6 à 9 du projet de loi. Il faut mener un effort de formation considérable et montrer aux jeunes apprentis qu’ils auront de grandes chances de trouver un emploi.
Pour lutter contre la persistance des stéréotypes contre l’apprentissage, il faut bien sûr valoriser cette voie de formation, mais aussi lier son devenir à la réforme que nous avons voté sur l’école de la République et notre système scolaire et d’orientation. Mieux orienter, mieux offrir des possibilités et des perspectives. De plus, il me semble que l’apprentissage devra être encouragé dans de nombreux secteurs, et notamment celui du service public.
Il faut également noter que vous précisez les missions des centres de formation d’apprentis qui étaient jusqu’alors définis par une phrase de l’article L. 6231-1 du code du travail.
L’article 8 du présent projet de loi renforce les missions assignées aux CFA à travers la pédagogie, l’assistance aux apprentis et à ceux qui veulent l’être, et un accompagnement matériel et social.
On retrouve ce renforcement du contrat d’apprentissage lorsque le texte évoque l’accompagnement des apprentis eux-mêmes. À ce titre, les centres de formation d’apprentis proposeront dorénavant, en lien avec le service public de l’emploi et en particulier avec les missions locales, un accompagnement aux apprentis pour résoudre les difficultés d’ordre social et matériel susceptibles de mettre en péril le déroulement du contrat d’apprentissage. C’est une nouvelle mission importante qui, j’en ai la certitude, évitera des ruptures de contrat d’apprentissage, comme on en voit malheureusement semaine après semaine.
Je veux maintenant évoquer le titre II du projet de loi, relatif à la démocratie sociale, et louer le souci de transparence qui vous a guidé, monsieur le ministre, lors de l’élaboration de ce texte.
Transparence : c’est en effet un mot qu’il est important de souligner. Transparence d’abord concernant la représentativité des organisations patronales, afin de sécuriser au mieux la négociation collective à tous ses niveaux. Transparence ensuite concernant le financement des organisations syndicales et patronales, et la création d’un fonds paritaire qui assurera une répartition objective des crédits. Transparence également concernant les comptes des comités d’entreprise, avec une législation mieux adaptée. J’ai eu, à titre personnel, l’occasion de connaître du dossier des comptes du comité d’entreprise de la SNCF, qui s’est terminé devant le tribunal correctionnel : nous ne pouvions pas laisser passer l’occasion d’assurer enfin la transparence des comptes du comité d’entreprise. Au moment où nous avons décidé de confier encore plus de tâches au comité d’entreprise, notamment dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi, il fallait que nous instaurions une obligation de consolidation et de certification des comptes, ainsi qu’une procédure d’alerte pour les comités dont les ressources sont plus élevées.
Transparence encore, concernant les négociations préélectorales et le protocole négocié pour que les élections des représentants du personnel se déroulent au mieux. Transparence enfin dans la vie interne du comité d’entreprise, avec la mise en place obligatoire d’un règlement intérieur.
Je conclus en évoquant le titre III du projet de loi, qui renforce les modalités d’intervention de l’inspection du travail. À ce sujet, nous souhaitons que les rapports élaborés par l’inspection du travail lors d’une expertise technique respectent le principe du contradictoire et soient transmis aux salariés concernés lorsque ces derniers le demandent.
Dans mon département du Rhône, j’ai pu voir une DIRECCTE refuser à un salarié la communication d’un rapport d’expertise demandant à un employeur qui utilisait des substances chimiques dangereuses de procéder dans l’urgence à des travaux de sécurité. Ce refus a été réitéré malgré, d’ailleurs, une ordonnance du conseil de prud’hommes jugeant en référé qui enjoignait à la DIRECCTE de transmettre ce rapport au salarié. S’en est suivi une situation de blocage, que je trouve totalement intolérable.
Je souhaite donc que les nouvelles dispositions du titre III modifient les méthodes de l’inspection du travail. Si celle-ci fait très bien son travail, je veux le rappeler, raison de plus pour que le principe du contradictoire soit appliqué. C’est le sens de certains de nos amendements. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet : l’inspecteur ou le contrôleur du travail joue un rôle important, mais il doit s’adapter aux nouveaux défis du monde du travail.
Les députés radicaux de gauche et apparentés approuvent donc ce projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Nous sommes à vos côtés, monsieur le ministre, et aux côtés du Président de la République pour gagner la bataille de l’emploi. Il ne s’agit pas d’une bataille que la gauche gagnerait mais que la droite perdrait. Non, c’est une bataille que nous devons gagner pour la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron