Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Présentation

Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Le salut ne viendra pas d’une précarisation générale du travail, de moindres garanties collectives pour les salariés. La bataille de l’emploi, c’est aussi la bataille du travail : je l’assume totalement. C’est pourquoi nous devons nous donner les moyens de veiller aux droits des travailleurs et des salariés.

C’est l’objet du troisième volet de ce projet de loi, qui me tient particulièrement à coeur en tant que ministre du travail. Quand je suis arrivé à la tête de ce ministère, j’ai trouvé, mesdames et messieurs les députés, une inspection du travail en plein doute sur ses missions. Des questions, comme celle de l’avenir des contrôleurs du travail, ont trop longtemps été laissées sans réponse. Le doute portait aussi sur son organisation, qui doit être adaptée. C’est le sens de la réforme du système d’inspection du travail. Chaque jour, les agents de l’inspection du travail répondent aux demandes des salariés et des entreprises : des heures non payées, un risque d’accident grave, une information sur la convention collective, une liberté publique bafouée… Chaque jour, inspecteurs et contrôleurs vont dans les entreprises pour faire appliquer ces règles : plus de 260 000 contrôles sont effectués chaque année.

Cette mission indispensable est bien sûr maintenue ; plus encore, elle est confortée. Mais il faut aller plus loin pour que l’inspection du travail pèse davantage sur le monde du travail d’aujourd’hui, car de nombreux changements ont lieu. Le code du travail, comme les autres codes, s’est élargi et complexifié, les précarités se sont développées sous de multiples formes : par exemple, le détachement international illicite. Mais comment agir contre le détachement illégal de travailleurs si l’inspection du travail ne collabore pas avec les autres services de contrôle et les pays d’origine ?

L’entreprise classique a souvent laissé place à une entreprise en réseau. Aujourd’hui, le véritable décisionnaire économique est souvent extrêmement lointain, invisible, dilué ; or c’est lui qu’il faut atteindre. Comment agir sur la filiale d’une entreprise si l’on ne se préoccupe pas en même temps de la maison mère ? De plus, si les risques professionnels classiques demeurent, de nouveaux risques se sont répandus. Comment identifier les nouveaux risques technologiques si la veille n’est pas activée partout sur le territoire et dans toutes les entreprises ? Cela veut dire que pour être véritablement utiles aux salariés, nous devons être capables dans certains cas de compléter la réponse de terrain par une réponse plus spécialisée, tout en maintenant une réponse généraliste et de proximité. Demain, nous devons pouvoir agir sur les deux fronts. Une action construite est nécessaire, avec une dimension collective qui implique toutes nos forces et à tous les niveaux. Tel est l’enjeu de la nouvelle organisation de l’inspection du travail.

C’est pourquoi, demain, sans jamais faire disparaître les sections qui resteront l’échelon de base – un inspecteur, une section, un territoire –, des unités de contrôle seront mises en place, regroupant huit à douze agents sur un territoire, animés par un responsable chargé de faire vivre ce collectif de travail. Cette organisation territoriale sera complétée par la création d’une unité spécialisée de contrôle sur le travail illégal dans chaque région, et de réseaux régionaux sur des risques particuliers, par exemple l’amiante. Au niveau national, des priorités d’action seront définies : cela me semble être une nécessité absolue. Tout cela, évidemment, naturellement, en garantissant l’indépendance des inspecteurs du travail. Ce principe résulte d’une convention internationale, et le Conseil d’État comme le Conseil constitutionnel l’ont érigé en principe général du droit.

Le principe d’indépendance des inspecteurs du travail, c’est très concret. Cela veut dire liberté de l’agent d’organiser le contrôle, de donner des avertissements ou des conseils, d’intenter ou de recommander des poursuites. Cela veut dire impossibilité de le dessaisir d’un dossier, de l’écarter d’une entreprise. Cela veut dire protection contre toute influence indue : ingérence, pressions, menaces. Mais ce principe intangible d’indépendance ne s’oppose pas à la coopération entre collègues ou avec d’autres services, ni même à l’action collective qui sait se focaliser, quand c’est utile, sur des priorités partagées – par exemple, la lutte contre les fraudes au détachement ou pour l’égalité hommes-femmes.

Cette réforme, engagée il y a dix-huit mois, est le contraire d’un affaiblissement de l’inspection du travail. J’espère que la lecture du projet de loi vous en aura convaincu : c’est un renforcement de ses pouvoirs, de son utilité, de ses moyens et de son organisation, car la réforme s’accompagne d’un mouvement de promotion professionnelle sans précédent. Les postes de contrôleurs du travail seront en effet progressivement transformés, en une dizaine d’années, en postes d’inspecteurs du travail.

Faire du ministère du travail un ministère plus fort suppose également de conforter notre compétence régalienne en matière de formation professionnelle. L’utilité des dépenses de formation professionnelle et l’activité de certains organismes de formation sont trop souvent mises en cause – à tort ou, malheureusement, à raison. Le présent projet de loi permet à nos services d’étendre le champ de leur regard, de mieux lutter contre certaines dérives – y compris de nature sectaire – et, au final, de contribuer à l’amélioration de la qualité de la formation professionnelle dans notre pays.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je conclurai en remerciant chaleureusement votre rapporteur Jean-Patrick Gille, qui a su, dans des délais extrêmement contraints pour tous – j’en ai conscience –,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion