Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Il est vrai que l’urgence dans laquelle nous examinons ce texte nous place dans des conditions difficiles. Même si nous pouvons protester, sur tous les bancs, ce que nous avons largement fait s’agissant de la forme, nous devons reconnaître la volonté et l’énergie de ce gouvernement, et en l’occurrence de M. le ministre, pour mener la bataille de l’emploi.

Sur ce front de la bataille de l’emploi et du travail, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur nous, les membres de la majorité et, je l’espère, sur les membres de l’opposition. Comme l’a rappelé le Président de la République lors de l’ouverture de la deuxième Conférence sociale, « l’emploi est un défi qui nous concerne tous ». Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui complète les réformes déjà engagées pour bâtir une politique active de l’emploi. La méthode employée pour son élaboration repose sur le dialogue social, la négociation et la concertation.

La feuille de route sociale donnée par le Gouvernement a ainsi été largement suivie, grâce au climat de confiance, de dialogue et de responsabilité qui s’est créé entre les représentants des salariés et des employeurs. Ainsi, après la loi relative à la sécurisation de l’emploi, démonstration est faite de la pertinence de cette méthode pour faire aboutir des réformes importantes pour notre pays. Cette marque de fabrique de la politique sociale menée depuis juin 2012 contraste heureusement avec les pratiques suivies précédemment et montre que l’on peut mener des réformes ambitieuses et assurer, par le soutien des partenaires sociaux, leur succès et leur pérennité, même si l’évaluation est de mise à tout moment.

Le texte que nous examinons a été rédigé en un temps record, sur les bases de l’accord national interprofessionnel conclu le 14 décembre dernier sur la formation professionnelle. C’est le quatrième accord conclu depuis dix-huit mois, ce qui prouve bien qu’il est possible, en France, de réformer par le dialogue. La démocratie sociale doit être, bien sûr, respectée par la démocratie politique, mais cela n’empêche pas, bien entendu, la représentation nationale d’exercer son droit d’amendement, tout en ne dénaturant certes pas les termes de l’accord, ce qui ne ralentit pas pour autant les réformes.

M. le ministre, M. le rapporteur et Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles ayant quasiment tout dit, je me contenterai d’axer mon propos sur quelques articles seulement. J’évoquerai, tout d’abord, l’article 16 du texte relatif à la réforme de la représentativité patronale, article dans lequel on retrouve cette volonté de faire vivre le dialogue social. Actuellement la représentativité des organisations patronales repose sur un principe de reconnaissance mutuelle. On ne pouvait plus rester dans cette situation, surtout après l’aboutissement de la réforme de la représentativité des syndicats de salariés. Ce chantier, engagé dès l’arrivée aux responsabilités de l’actuelle majorité lors de la Conférence sociale de juillet 2012, a connu un premier aboutissement avec la signature, par les mêmes organisations patronales, d’une position commune en juillet 2013. On ne peut, aujourd’hui, que se réjouir d’avoir à examiner une réforme acceptée par les organisations intéressées, car issue de leurs propositions, réforme qui permet de refonder la représentativité patronale sur des critères généraux de représentativité proches de ceux applicables aux syndicats de salariés.

Autre réforme qui marquera l’histoire de notre droit social, celle de la formation professionnelle. Comme cela a été souligné, notre dispositif actuel, issu de la loi de juillet 1971, était fondé sur l’obligation pour l’employeur de payer la formation du salarié. En dépit de plusieurs retouches, il présentait de nombreuses limites, et notamment une inégalité d’accès au détriment des salariés les moins qualifiés, de ceux travaillant dans des entreprises de petite taille ou étant en CDD.

Il convenait aussi d’adapter ce dispositif afin de prendre en compte les demandeurs d’emploi, pour qui la formation est encore plus nécessaire. Or elle leur est, actuellement, encore moins accessible puisque, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, seulement un chômeur sur cinq y accède. Avec ce texte, des changements profonds vont s’opérer en passant, pour les employeurs, d’une obligation de payer à une obligation de former ; en modifiant et simplifiant le financement ; en mettant en place de nouvelles garanties d’accès à la formation avec le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle et, enfin, en instaurant une nouvelle gouvernance grâce au transfert aux régions des compétences dans ce domaine.

Enfin, je tenais à souligner les mesures tendant à garantir l’effectivité du droit du travail et la réforme d’envergure proposée par les articles 20 et 21, qui réorganisent les services de l’inspection du travail dans un sens plus collectif et plus efficace, étendent les pouvoirs d’intervention des agents, améliorent le dispositif de sanction des infractions et renforcent le contrôle de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Contrairement à ce que j’ai pu entendre en commission, je considère – et je le rappelle ici, parce que j’assume mes propos, même si mon avis est plus ou moins partagé sur tous les bancs – que la réforme de l’inspection du travail trouve pleinement sa place dans ce texte qui rénove profondément la formation professionnelle et renforce la démocratie sociale.

Il convient, en effet, de s’assurer de la bonne application des nouvelles dispositions et, pour cela, le renforcement des moyens de contrôle est nécessaire. Il n’est pas question de remettre en cause l’indépendance des inspecteurs du travail, qui est un principe garanti par des accords internationaux signés par notre pays. Je pense, monsieur le ministre, que nous pourrons, au fil de nos discussions, aborder les points sur lesquels il convient de rassurer la représentation nationale, mais nous pouvons en tout cas être fiers d’écrire avec ce texte une nouvelle page de notre histoire sociale dans un monde toujours en mouvement et qui, évidemment, a bien changé depuis 1971 !

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