Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes :

Il faut faire exploser les parois de verre, qui orientent les femmes, et surtout les moins formées, vers une dizaine de métiers, que l’on connaît : les soins à la personne, l’accueil, la grande distribution. Il faut en finir avec cette ségrégation qui écarte les femmes de la majorité des métiers. Seuls 17 % des métiers sont mixtes ! Cette division sexuée du travail explique en grande partie les inégalités, qu’il s’agisse des écarts salariaux, des temps partiels et, par ricochet, des retraites partielles. La délégation a souhaité s’emparer de ce texte important et je vous remercie, madame la présidente Lemorton, de l’avoir accepté.

Avant d’aborder le fond, monsieur le ministre, je voudrais vous faire deux remarques de forme. On nous a imposé un temps particulièrement contraint pour un sujet aussi complexe, et je tiens à féliciter Mme Ségolène Neuville, qui a réalisé un travail de grande qualité dans un temps très court. Par ailleurs, il manque une réelle étude d’impact avec des données sexuées sur l’état des lieux et la portée des dispositions proposées. Une étude d’impact ne peut se satisfaire de simples déclarations. Des progrès restent à faire dans ce domaine, et nous y veillerons.

Mais en dehors de ces aspects, je me félicite des avancées contenues dans ce projet, issu d’un accord des partenaires sociaux.

Pour améliorer encore cette réforme ambitieuse, nous avons adopté onze recommandations, fondées sur trois orientations : favoriser l’accès des femmes à la formation continue et, comme l’a dit M. Gille, en faire des actrices de leur formation, promouvoir la mixité des filières et des formations, et développer la parité.

Sur l’accès des femmes à la formation continue, je ne donnerai qu’un exemple. Les salariées à temps partiel bénéficient de moins de formation : 37 % pour elles, contre 45 % pour celles qui ont des emplois à temps complet. Or ce sont précisément ces salariées qui ont le plus besoin d’élever leur niveau de qualification et de consolider leur parcours professionnel, pour sortir de la précarité. Nous avons déposé un amendement visant à supprimer le principe du prorata temporis, pour donner à tous les mêmes droits, soit un minimum de vingt heures par an, sur le compte personnel de formation. Ce n’est pas parce que l’on travaille à temps partiel que l’on doit être formé partiellement.

Nous avons identifié au cours de nos travaux plusieurs initiatives locales et bonnes pratiques dans certains accords de branche et dans les régions. Je pense à la mise en place d’un indicateur de suivi de la proportion d’hommes et de femmes accédant à la formation qualifiante. Il est nécessaire d’avoir des statistiques sexuées sur le nombre et le type de formations, mais aussi les dépenses correspondantes. On peut citer aussi, dans certaines régions, l’indemnisation des frais supplémentaires occasionnés par la garde des enfants. Il serait utile de préciser la notion de frais annexes afin d’y intégrer la question des frais de garde, et, surtout, il serait utile de veiller à la diffusion de ces bonnes pratiques.

Deuxième axe de travail : la mixité des filières et des formations. La ségrégation professionnelle cantonne les femmes à certains métiers, peu qualifiés, moins bien rémunérés et plus précaires. Cette répartition sexuée et profondément inégalitaire des métiers appelle des mesures volontaristes. Les freins sont multiples et ancrés dans un système de représentations collectives discriminantes. Il s’agit donc de lutter activement contre les stéréotypes de genre, dans la formation professionnelle, dans le service public de l’emploi, dans l’orientation, mais aussi dès l’école, et ce dès la maternelle. L’objectif doit être d’accroître la part des filles en apprentissage, de renforcer la formation de tous les acteurs, pour lutter contre les stéréotypes de genre, et d’intégrer clairement la mixité dans le conseil en évolution professionnelle, par exemple.

Enfin, la délégation a adopté deux recommandations visant à développer la parité. Toutes les instances que vous créez, monsieur le ministre, doivent être paritaires. Dans ce projet de loi, cela concerne notamment le conseil national et les comités régionaux de l’emploi – j’évite les acronymes, qui sont nombreux. Il nous semble également important de veiller à la parité au sein des instances de direction des organisations syndicales et de leurs délégations, parité qui n’est pas toujours effective, comme nous le constatons lors des auditions.

En conclusion, notre pays ne peut plus se passer des compétences des femmes. Des métiers et des carrières ne peuvent plus se passer des compétences des femmes. Dans le sillage du projet de loi pour l’égalité réelle présenté par Mme la ministre des droits des femmes fin janvier, cette réforme de la formation professionnelle complète la lutte contre les inégalités qui pèsent sur les filles dès l’école et les femmes dans la sphère professionnelle. Notre volonté est de construire une société plus juste et plus égale. Saisissons cette opportunité que vous nous offrez, monsieur le ministre.

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