Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Par excellence, la région est pour nous à la fois l’échelon de mesure des besoins en matière de formation dans les bassins d’emploi, d’analyse de ces besoins, ainsi que le niveau d’impulsion des politiques régionales de formation continue en direction des salariés les moins diplômés et des demandeurs d’emploi.

Cette régionalisation des politiques de formation professionnelle reposerait sur un triptyque simple : l’attribution à la région, en gestion directe, de tous les fonds de la formation professionnelle qui peuvent abonder la mobilisation du compte personnel de formation par le salarié ; la définition, par la région, en partenariat avec les partenaires sociaux et le service public de l’emploi, des priorités de formation continue concernant différents publics-cibles ; la contractualisation enfin, avec les opérateurs de la formation professionnelle, d’actions de formation répondant à ces priorités, régulièrement évaluées et adaptées pour être toujours dispensées au plus près des besoins des salariés, des demandeurs d’emploi et des entreprises.

Il s’agit en fait pour nous de pousser plus loin la logique de régionalisation qu’avait timidement initiée la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie de 2009 avec les contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles.

Il s’agit, également, de poser la question du rôle des partenaires sociaux dans la démocratie sociale.

Pour des raisons qui tiennent à la nécessaire lisibilité de l’action publique, nous ne sommes pas convaincus que les partenaires sociaux doivent être à l’avenir gestionnaires de fonds qui alimentent des pans entiers de la politique publique.

Ils ont toute légitimité à participer à l’élaboration de ces politiques parce qu’ils ont une expertise incontestable à apporter au débat, mais la gestion des fonds affectés à ces politiques doit revenir aux échelons d’administration publique dont les représentants sont élus au suffrage universel.

C’est donc bien, dans cette logique, une réforme systémique de la formation professionnelle que nous proposons en plaçant la région au premier plan en tant que responsable de la gestion des fonds de la formation professionnelle, en fonction de modalités arrêtées par elle et en partenariat avec les partenaires sociaux. Cette organisation pourrait du reste, si le Gouvernement était demandeur, être expérimentée dans les régions volontaires et les plus concernées par le chômage ainsi que les difficultés d’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi.

Voilà en tout cas comment le groupe UDI conçoit une véritable régionalisation des politiques de formation professionnelle envisagée dans le cadre d’une réforme de l’organisation et de la carte territoriale accompagnant l’émergence de grandes régions. Malheureusement, le Gouvernement est pour l’heure loin d’avoir une vision aussi claire.

Notre jugement sera plus nuancé sur la partie du texte concernant le dialogue social.

Tout d’abord, c’est avec satisfaction que nous voyons enfin un certain nombre de règles clairement édicté par la loi renforçant la transparence de la gestion des comités d’entreprises.

Lors de la précédente législature, le groupe centriste avait initié une proposition de loi dans laquelle un certain nombre de principes étaient déjà énoncés et que le projet qui nous est soumis aujourd’hui étend. Nous nous en félicitons : il était temps de dissiper les suspicions qui pouvaient planer sur les comités d’entreprises, dont certains ont pu défrayer la chronique.

De même, nous accueillons favorablement – avec cependant une réserve – la proposition de réforme de la représentativité patronale proposée par le Gouvernement.

Chacun convient de l’importance du dialogue social dans les processus de réformes, en particulier quand celles-ci touchent au droit du travail.

La loi du 31 janvier 2007 a érigé cette nécessité en principe et a instauré un mécanisme de concertation préalable des partenaires sociaux – Gérard Cherpion l’a rappelé tout à l’heure.

Ce principe a, de fait, permis d’opérer des avancées significatives ces dernières années sur un certain nombre de sujets. Il reste la méthode employée par ce Gouvernement pour mener ses réformes du marché du travail. Mais pour dégager sur des sujets sensibles des consensus qui puissent être largement partagés, encore faut-il que les acteurs du dialogue social puissent se prévaloir d’une légitimité incontestable.

C’est dans cet esprit que la représentativité des organisations de salariés, dont les modalités avaient été arrêtées en 1966, a été redéfinie par la loi en 2008, avec des critères adaptés aux caractéristiques actuelles de notre société : abandonnant la présomption irréfragable de représentativité, ceux-ci font désormais une large part à l’audience obtenue par les syndicats de salariés aux élections professionnelles.

Dans le même esprit, il était nécessaire que les critères de la représentativité des organisations patronales soient clairement établis. Celle-ci n’était en effet définie par aucun texte. Or, l’expérience a montré qu’il est parfois difficile de savoir qui parle au nom de qui : la longue contestation de l’accord négocié par l’UPA en 2001 sur le financement du dialogue social dans les entreprises artisanales, remis en cause jusqu’en 2008 par le MEDEF et la CGPME, en a été une éclairante démonstration. Dans les négociations de branche, les frontières entre grandes entreprises et PME, ou PME et TPE et artisanat, sont fluctuantes.

Enfin, de nouveaux acteurs émergent, qu’il convient de prendre en compte : c’est le cas, par exemple, des employeurs de l’économie sociale et solidaire, des employeurs des professions libérales ou, enfin, du secteur agricole.

Une réforme de la représentativité des organisations patronales était donc nécessaire, avec des critères moins empiriques, clairement définis, prenant en compte la diversité des entreprises.

À plusieurs reprises, j’ai insisté, auprès de ce gouvernement comme du précédent, sur cette nécessité qui devenait d’autant plus urgente qu’une contestation de la représentativité d’une partie des organisations participant au dialogue social peut fragiliser un accord collectif.

La réforme du droit du travail et la vitalité de notre démocratie sociale reposent sur un équilibre des légitimités entre les signataires des accords, équilibre qu’il est urgent d’assurer.

Cela étant, nous émettons une réserve sur l’un des critères retenus pour établir la représentativité des organisations d’employeurs : celui de l’audience, mesurée sur l’adhésion. Nous aurions préféré que cette mesure de l’audience, pour plus de clarté et de lisibilité, repose sur le choix des entreprises exprimé dans le cadre d’une élection nationale sur sigle.

Certes, nous entendons les arguments de ceux qui nous expliquent qu’une entreprise, dans sa dimension de personne morale engageant une communauté d’hommes et de femmes, ne peut opérer un choix de la même manière qu’une personne physique ; j’entends aussi que ce choix résulte d’une position commune des organisations d’employeurs. Néanmoins, je reste convaincu que le critère de l’adhésion souffre de deux écueils. Pour commencer, il laisse par définition de côté la masse des entreprises qui n’adhèrent à aucune organisation. Les laisser ainsi de côté, c’est les inciter à ne pas s’impliquer dans le dialogue social et ses enjeux et c’est donc contraire à l’ambition que nous pouvons tous partager visant à donner une nouvelle vitalité au dialogue social.

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