Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 11 février 2014 à 15h00
Géolocalisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été souligné dès le début de notre discussion, le recours à la géolocalisation dans le cadre d’investigations en matière pénale a connu ces dernières années une forte augmentation sans qu’une loi encadre expressément ce recours. C’est pourquoi nous approuvons globalement le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Celui-ci répond en effet aux conditions posées par les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation en érigeant un cadre juridique pour permettre l’utilisation de la géolocalisation en temps réel dans toutes les procédures pénales et pour définir strictement les conditions de cette utilisation afin d’apporter les garanties nécessaires au respect des libertés individuelles.

La question posée ici est, bien sûr, celle de l’équilibre entre les nécessités de l’enquête et la protection de la vie privée, et c’est à l’aune de cet indispensable équilibre que je ferai quelques remarques sur le texte.

Concernant d’abord le champ d’application, nous regrettons pour notre part le retour au texte initial, qui fixe à trois ans au moins, toutes infractions confondues, la durée minimale d’emprisonnement encourue justifiant le recours aux opérations de géolocalisation en temps réel. Cette ouverture très large autorisera le recours à la géolocalisation pour des infractions très diverses sans qu’elles soient nécessairement d’une particulière gravité.

Nous considérons, nous aussi, que le compromis adopté au Sénat est plus équilibré, puisqu’il consiste à autoriser l’usage de cette géolocalisation pour les délits contre les personnes définis au livre II du code pénal et punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans ainsi qu’à tout autre crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans. Cette solution nous paraît d’ailleurs plus conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, car elle renvoie à des faits d’une particulière gravité.

Concernant ensuite les conditions d’intervention des magistrats du parquet et du siège dans les opérations de géolocalisation en temps réel, la solution retenue est certes conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle n’oblige pas le législateur à prévoir une autorisation d’un juge du siège préalablement à toute mesure et considère qu’un délai d’un mois est satisfaisant. Il n’en reste pas moins que l’intervention du juge du siège le plus tôt possible dans la procédure est une garantie plus forte. A fortiori, l’intervention du juge des libertés de la détention au bout de huit jours, telle que le Sénat l’a prévue, nous paraît plus satisfaisante.

Le projet de loi prévoit également que la décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction est écrite. Il s’agit là d’une garantie essentielle contre un recours abusif à ces mesures foncièrement attentatoires à la vie privée, même si le projet de loi prévoit une procédure d’urgence « résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’un risque imminent d’atteinte grave aux personnes ou aux biens », qui permet à l’officier de police judiciaire de se passer dans un premier temps d’accord écrit. Dans ce cas, l’autorisation du magistrat compétent pourra être donnée par tout moyen. Toutefois, le magistrat ayant autorisé l’opération dispose d’un délai de quarante-huit heures pour prescrire, par écrit, la poursuite des opérations.

S’agissant de l’introduction dans un lieu privé, nous approuvons la distinction établie entre les véhicules et parkings, où il sera possible de s’introduire pour un délit puni de trois ans de prison, et les autres lieux privés, professionnels et d’habitation, qui nécessiteront que l’enquête ou l’instruction porte sur une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement pour pouvoir s’y introduire. L’autorisation pourra être donnée par écrit par le procureur de la République ou le juge d’instruction selon la procédure concernée. Il est prévu que seul le juge des libertés et de la détention peut délivrer une telle autorisation à la requête du procureur de la République s’il s’agit d’un lieu d’habitation, ce qui constitue à nos yeux une garantie importante. En outre, le texte prévoit logiquement que le magistrat qui autorise la mesure ou qui en a autorisé la poursuite en contrôle l’exécution.

Enfin, nous n’avons pas d’objection au recours à la géolocalisation par les agents des douanes tout en limitant, comme pour les enquêtes pénales, l’utilisation de ces mesures aux délits punissables d’une peine égale ou supérieure à cinq ans et non pas trois ans comme le prévoit le projet de loi.

Pour conclure, les députés du Front de gauche estiment urgent de mettre en place un cadre légal pour autoriser le recours à la géolocalisation en temps réel afin de garantir le respect des libertés individuelles et de sécuriser les procédures engagées. C’est pourquoi ils voteront ce projet de loi, qui, en définissant clairement les conditions du recours à des mesures foncièrement attentatoires à la vie privée, constitue une indéniable avancée.

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