La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire
La parole est à M. Guy Geoffroy.
Monsieur le Premier ministre, je veux vous citer trois adjectifs qui figurent dans le rapport annuel de la Cour des comptes : « obsolète », « inefficient », « inefficace ». Ce sont en effet les qualificatifs employés par la Cour des comptes au sujet du Centre national de documentation pédagogique.
Après avoir lu ces propos, on comprend mieux pourquoi nos concitoyens sont inquiets, préoccupés, lorsqu’ils voient quelles sont les publications que le CNDP recommande à nos écoles
Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste
M. Geoffroy brandit un exemplaire du livre
ou d’autres publications que j’ai ici et que je pourrais vous montrer. Permettez-moi de le dire : cela commence à faire un peu trop !
Ma question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre, parce qu’elle concerne la nation toute entière. L’éducation nationale est envahie – ou est en voie de l’être – par la confusion du genre.
« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Dans l’académie de Nice, le programme académique de formation des chefs d’établissement prévoit, entre la construction d’un emploi du temps et la gestion et communication de crise, un atelier « Genre et éducation ».
Exclamations sur divers bancs.
La personne qui anime cet atelier est bien connue, notamment au sein d’une association qui s’est créée il y a un an seulement et qui décrit clairement son objectif : pénétrer tous les programmes académiques de formation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Voilà ce que dit cette formatrice : « Dès le plus jeune âge, il faut expliquer à un garçon qu’il peut très bien être une fille. Tout se vaut. Son apparence physique n’a aucune importance. »
Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.
« Et vice versa pour une petite fille. »
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin être clair ? Quand allez-vous enfin mettre un terme à cette confusion du genre ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Huées sur les bancs du groupe UMP.
S’il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutons la réponse du ministre !
Monsieur le député, je ne peux pas imaginer que vous ayez tant changé en trois ans, vous qui avez été, en 2010, le rapporteur de la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes,…
Protestations sur les bancs du groupe UMP
…et qui avez inscrit dans le code de l’éducation la phrase suivante : « Une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.))
Nous avons sans doute été plus prudents que vos recommandations.
Vous avez laissé le Centre national de documentation pédagogique en grande souffrance pendant dix ans : cela explique les observations du rapport de la Cour des comptes. J’étais la semaine dernière à Poitiers…
…pour annoncer la réforme du CNDP, que vous auriez pu mettre en oeuvre pendant dix ans.
Par ailleurs, vous le savez, le pire ennemi de la démocratie est la démagogie.
La démagogie, c’est l’approximation dans les allégations. Jamais l’éducation nationale n’a recommandé l’ouvrage dont vous avez parlé ; d’ailleurs, vous ne le trouverez pas sur le site Éduscol.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La démagogie, c’est aussi jouer sur des peurs. La théorie du genre n’a pas sa place à l’école, pour la bonne raison qu’elle n’existe pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La lutte pour le respect et l’égalité entre les filles et les garçons a toute sa place à l’école. Vous l’avez souhaitée ; je la mets en oeuvre en consultant les parents et dans le respect permanent des enfants.
Par respect pour le travail des professeurs, qui est difficile, et pour l’école, que nous devons sanctuariser, je vous demande de faire attention aux rumeurs que vous répandez.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Soyez rassurés quant à vos préoccupations ! Continuez votre travail ! Ne propagez pas des inexactitudes : elles ne servent pas la nation, elles ne servent pas l’école, elles ne servent même pas votre groupe politique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.
En juin 2012, la situation de la France était, et c’est peu de le dire, extrêmement dégradée : une croissance nulle en moyenne au cours des cinq années précédentes, un chômage en augmentation continue, un déficit extérieur de 72 milliards d’euros et un état des finances publiques désastreux.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les choix budgétaires et fiscaux de la majorité précédente avaient conduit à une augmentation des dépenses publiques de 2 % par an en moyenne, à une dégradation du déficit structurel de plus de 2 points et à une explosion de la dette publique de plus de 600 milliards d’euros.
Mes chers collègues, s’il y a incompétence et arrogance en matière de finances publiques, pour reprendre l’expression injustement utilisée aujourd’hui à l’encontre de notre ami Bernard Cazeneuve par le président du groupe UMP, c’est bien celle de la droite !
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La réalité, c’est que depuis vingt mois, le Gouvernement conduit une politique exigeante et rigoureuse de redressement de nos comptes publics,
Exclamations et « Allo ! » sur les bancs du groupe UMP
une politique indispensable à la sauvegarde de l’indépendance financière de la France et au retour de la croissance. (Mêmes mouvements.)
Dans son rapport annuel 2014 qui vient d’être rendu public, la Cour des comptes reconnaît l’ampleur des efforts réalisés, des efforts qu’elle juge « considérables ». Son Premier président parle même dans un journal du soir d’un effort inédit.
Sourires.
Le déficit budgétaire a baissé de 12 milliards d’euros en 2013 et la dépense publique a été parfaitement maîtrisée.
La charge d’intérêt de la dette a même diminué, preuve, s’il en est, de la confiance des investisseurs dans la politique poursuivie et dans notre pays.
Sur le champ de l’assurance maladie, non seulement les engagements pris sont tenus, mais les efforts de maîtrise de la dépense ont été au-delà de la prévision initiale. Et au final, comme le reconnaît la Cour des comptes, la dégradation entre la loi de programmation des finances publiques et l’exécution budgétaire tient à des éléments conjoncturels que nous assumons.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la poursuite de cette politique de redressement de nos finances publiques, à hauteur de 50 milliards d’euros, chiffre que confirme la Cour des comptes dans son rapport, sans mettre en cause le retour de la croissance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Merci, monsieur le député, de votre question, qui n’avait rien d’arrogant, monsieur Jacob, vous que je veux du reste remercier pour les qualificatifs très aimables dont vous m’avez affublé aujourd’hui et qui me sont allés droit au coeur…
…d’autant qu’ils viennent d’un grand humaniste dont la compétence est unanimement reconnue sur ces bancs.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur Lefebvre, vous m’interrogez sur la situation des finances publiques et sur le rapport de la Cour des comptes. Ce rapport insiste essentiellement sur trois points.
Le premier point concerne l’effort structurel très important, qui témoigne de la volonté résolue du Gouvernement de réduire les déficits : cet effort structurel a été de 1,7 point en 2013, faisant suite à un effort déjà très important en 2012 de 1,3 point.
Nous aurons près d’un point d’effort structurel en 2014. En 2010, la précédente majorité avait dégradé le déficit structurel de moins 0,1 point, ce qui l’autorise aujourd’hui à pousser des cris et à s’indigner…
Le deuxième point sur lequel insiste la Cour des comptes concerne la volonté du Gouvernement de maîtriser la dépense publique. Il est vrai que lorsque l’on regarde l’exécution du budget 2013, on constate que par rapport à l’autorisation de dépenses, nous avons sous-exécuté la dépense à hauteur de 3,4 milliards d’euros, ce qui n’avait jamais été fait auparavant et, si l’on prend le champ dit zéro valeur, c’est-à-dire hors dette et pensions, nous faisons environ moins 100 millions d’euros par rapport à l’objectif.
Il en va de même pour les dépenses d’assurance maladie qui sont sous-exécutées à hauteur d’un milliard. Nous sommes dans une maîtrise de la dépense publique
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
qui contraste avec l’augmentation de 170 milliards de la dépense publique lorsque la droite était en situation de responsabilité
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP
et qu’elle creusait allégrement les déficits et les dettes.
Nous allons poursuivre le redressement de nos comptes.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous allons poursuivre la réduction des déficits et la maîtrise de la dépense publique pour redresser la situation calamiteuse que vous nous avez laissée !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Cette question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
La semaine dernière, le Président de la République a présenté le troisième Plan cancer. L’objectif est de lutter contre la première cause de décès en France, avec près de 150 000 morts par an. Mais nous regrettons qu’une fois encore, les questions de santé environnementale ne soient pas prises en compte.
L’essor fulgurant des maladies chroniques ces vingt dernières années ne peut s’expliquer par les seuls tabac ou alcool. Les études se multiplient pour mettre en avant les facteurs environnementaux, notamment les contaminations chimiques, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les particules fines du diesel, les additifs de l’industrie agroalimentaire.
L’OMS, dans la Déclaration de New York de 2011, a appelé les pouvoirs publics à réagir à cette épidémie qui menace la santé publique et les systèmes de protection de nos pays.
Une expertise collective de l’INSERM rendue en juin 2013 a repris l’ensemble de la littérature scientifique publiée depuis trente ans. Le constat est sans appel : le lien des pesticides avec certaines pathologies cancéreuses est avéré.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
L’ANSES également, a rappelé dans son rapport d’avril 2013 que le bisphénol A est impliqué dans le cancer du sein. On peut citer d’autres perturbateurs endocriniens comme la dioxine, le chlordécone ou les phtalates qui contaminent la population.
Qu’attend le Gouvernement pour se saisir de cette question qui a déjà été exclue de la conférence environnementale ?
Pourquoi la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens n’est-elle toujours pas adoptée ? La santé environnementale aura-t-elle la place qu’elle mérite dans votre future loi de santé publique ?
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser dire
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
que les enjeux de santé environnementale ne sont pas pris en compte par ce Gouvernement.
D’ores et déjà, nous avons adopté à l’initiative de parlementaires, en particulier de Gérard Bapt, une proposition de loi qui vient encadrer très fortement la présence de bisphénol A dans les contenants alimentaires, lesquels doivent être progressivement éradiqués du marché.
Pour ce qui est du Plan cancer, le Président de la République a fait de la mobilisation contre cette maladie un enjeu majeur. Les enjeux d’environnement sont présents dans ce Plan par le biais de trois grandes orientations que je veux vous rappeler.
Premièrement : mieux connaître. C’est la raison pour laquelle le Plan prévoit de développer l’observation, la surveillance et la connaissance sur les cancers liés aux expositions environnementales : même si nous n’avons pas de doute sur le lien, il s’agit de préciser la manière dont se développent ces cancers.
Deuxièmement : mieux protéger en réduisant en particulier l’exposition aux polluants atmosphériques, en diminuant l’exposition aux rayons UV qui provoquent des cancers de la peau en nombre important, et aussi, monsieur le député, en luttant contre le tabagisme qui est une source majeure de pollution de l’air.
Troisièmement : mieux lutter contre les inégalités. Le Plan cancer doit s’articuler avec le plan national Santé-Environnement 3 qui sera élaboré dans les prochains mois et dont l’orientation principale est la prévention générale et collective pour mieux lutter contre les inégalités environnementales et territoriales.
Je peux vous l’assurer, monsieur le député, le Gouvernement est pleinement mobilisé avec le Plan cancer et la politique de santé pour faire face aux nuisances de santé liées à l’environnement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre de la culture et de la communication, vous préparez actuellement un projet de loi d’orientation relatif à la création artistique. Ce texte vise, entre autres, à codifier les pratiques amateurs et mettrait sous tutelle les spectacles vivants conçus par des bénévoles en les soumettant à une autorisation de l’État, autrement dit à son bon vouloir.
Demain, si de telles dispositions sont adoptées, certaines manifestations seront soumises à autorisation et les organisateurs devront attendre l’agrément du Gouvernement avant de commencer les réservations. Ce projet prévoit notamment que le régime juridique normal du spectacle vivant en France est le salariat, le bénévolat devenant, de fait, illégal.
Madame la ministre, votre projet de loi inquiète le monde bénévole et associatif parce qu’il s’appuie sur l’idée que les scènes françaises ne devraient être réservées qu’aux seuls professionnels. Demain, pour être un artiste, il faudra percevoir un salaire.
Des centaines de milliers d’artistes amateurs dans notre pays ont su démontrer, depuis des décennies, que le bénévolat est une richesse humaine. Il ne fait pas de doute – je le vérifie chaque semaine dans mon département de la Mayenne – que les bénévoles sont aussi l’une des toutes premières sources de création artistique.
Décourager le bénévolat reviendrait à tuer l’initiative populaire, l’esprit créatif, l’animation de nos territoires et à priver la France de tout un monde qui génère également de l’emploi. C’est pourquoi, madame la ministre, au nom de tous ces bénévoles, je vous supplie de modifier le texte que vous êtes en train de préparer. Le collectif des parlementaires « SOS bénévolat » vous le demande également.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le député, vous n’avez pas besoin de vous faire le porte-parole des bénévoles ou des amateurs.
Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Le Gouvernement a reçu depuis le mois d’octobre l’ensemble des associations concernées, qu’elles soient constituées de professionnels ou d’amateurs – je pense, entre autres, au Puy du Fou en Vendée, aux Bagadous en Bretagne – pour travailler sur ce projet de loi qui, contrairement à ce que laissent croire vos élucubrations
Vives exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP
, va enfin permettre de valoriser et de faire reconnaître les pratiques artistiques amateurs.
Il n’y est aucunement question d’autorisations ministérielles préalables. Nous entendons au contraire encourager les pratiques amateurs en les sécurisant juridiquement, en permettant le recours à du matériel professionnel, à la publicité, y compris, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, lorsqu’il y a une billetterie payante. Aujourd’hui, tous ces amateurs, tous ces bénévoles pourraient se voir requalifiés comme travailleurs clandestins. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
C’est à ce problème que va répondre la loi sur la création artistique. Et ce problème, vous en êtes tout à fait conscients puisqu’en 2008 vous avez cherché, vous aussi, à le résoudre, sans toutefois y parvenir.
Non, le Gouvernement ne veut pas décourager la pratique amateurs, bien au contraire. Ce projet de loi va permettre aux amateurs de se donner en spectacle partout en France.
Moi, je défends la culture populaire, la culture pour tous et l’éducation artistique et culturelle dont les pratiques amateurs sont l’un des piliers.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à Mme Sabine Buis, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, lors d’un déplacement à Chalon-sur-Saône hier, vous avez dressé un premier bilan du pacte « Territoire Santé » soutenu par notre majorité. Les deux piliers sur lesquels il repose sont connus : lutter contre les déserts médicaux en encourageant financièrement, l’installation de jeunes médecins dans les zones les moins pourvues, notamment par la mise en place d’un revenu garanti pour les médecins intéressés ; faciliter l’accès de tous les Français à un pôle d’urgence en moins de trente minutes. La France rurale et des villages, dont fait partie l’Ardèche, est bien évidemment très sensible à ces initiatives marquées du sceau du bon sens et de la justice.
Tous les professionnels de santé reconnaissent que la méthode retenue par votre ministère est la bonne. Dès la première année, elle a abouti à des résultats prometteurs : près de 200 praticiens territoriaux de médecine générale se sont installés en 2013. L’accent mis sur les maisons de santé, nouvelle manière d’appréhender la pratique médicale, moins isolée et plus collaborative, a lui aussi été fructueux : leur nombre a doublé pour atteindre 370.
En 2014, ces efforts vont se poursuivre et s’amplifier. Nous allons notamment diviser par deux le nombre de Français ne disposant pas d’un pôle d’urgence à moins de trente minutes de leur domicile.
Madame la ministre, la lutte contre les déserts médicaux était l’un des soixante engagements de François Hollande en 2012. Pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement l’a concrètement mis en oeuvre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la députée, la lutte contre la désertification médicale est en effet pour moi une priorité.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
J’ai lancé le pacte « Territoire Santé » il y a un peu plus d’un an et je crois, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que vous pourriez vous y associer car, dans vos territoires, vous vous mobilisez autour des objectifs que j’ai fixés. Il y va de l’accès à la santé de l’ensemble de nos concitoyens.
Il y a quelques mois, nous avions ensemble dans votre département à Villeneuve-de-Berg, madame la députée, lancé la concertation sur cette question avec des professionnels de santé. Un an après les débuts du pacte, les résultats sont au rendez-vous et je voudrais à cette occasion rappeler quatre engagements forts.
Le premier est la volonté d’accompagner les jeunes étudiants qui s’installent dans des territoires ruraux ou en difficulté. En un an, le nombre de bourses a augmenté de 65 % : c’est la garantie que dans quelques mois ou quelques années, la présence médicale sera renforcée dans ces territoires.
Le deuxième engagement concerne les jeunes praticiens territoriaux de médecine générale. Nous avons ouvert 200 contrats en 2013, et ces 200 postes ont été pourvus : ce sont donc 200 médecins qui sont désormais installés dans des territoires ruraux, et il y en aura 200 de plus en 2014.
Le troisième engagement réside dans la réponse apportée aux attentes des jeunes professionnels voulant travailler en maison de santé de manière pluriprofessionnelle. J’ai accompagné financièrement la mise en place d’équipes de professionnels de santé et le nombre de maisons de santé, qui était de 170 il y a un an, s’élève aujourd’hui à 370 et atteindra 600 à la fin de l’année.
Le quatrième engagement porte sur l’augmentation du nombre de Français à moins de trente minutes de soins d’urgence grâce au déploiement d’hélicoptères et de médecins spécialisés. Désormais, il y en a un million de plus dans ce cas.
Vous le voyez, le Gouvernement est mobilisé et compte sur vous tous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, carton rouge : voilà ce que vous a décerné la Cour des comptes dans son rapport publié ce jour !
Elle tire en effet la sonnette d’alarme car il pourrait manquer jusqu’à 6 milliards d’euros de recettes fiscales pour atteindre l’objectif de déficit public que vous avez fixé, et elle rappelle bien évidemment la perte de 16 milliards de recettes par rapport aux estimations de fin 2012.
Rien d’étonnant, mes chers collègues, avec la baisse de la croissance et les décisions anti-économiques prises par votre gouvernement ! Et rien d’étonnant quand on voit avec quelle force vous avez manié l’assommoir fiscal : trop d’impôt tue l’impôt !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Le résultat est visible : l’économie française est au plus mal, les ménages souffrent et les entreprises sont à genoux. En dépit de ce constat alarmant que nous faisons tous, vous allez encore plus loin en voulant augmenter encore les impôts. Le rapporteur général du budget veut rendre non déductible la CSG, que l’on paiera désormais deux fois !
Et l’impôt, qui visera plus spécialement les classes moyennes, augmentera ainsi de 10 milliards d’euros ! Dans le même temps, on apprend, mes chers collègues, que votre majorité souhaite augmenter la taxe d’habitation en fondant son calcul sur les revenus des occupants !
Monsieur le Premier ministre, quand vous rendrez-vous compte que votre action n’est pas bonne pour l’économie et pour la France ? Quand allez-vous engager les vraies réformes qu’attend notre pays et mettre tout en oeuvre pour limiter la dépense publique et la dette, car les Français méritent mieux qu’une situation désastreuse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, merci beaucoup pour cette question qui est vraiment emblématique de ce que la mauvaise foi…
…eut produire de chimiquement le plus pur !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vraiment, on peut difficilement faire mieux dans la manipulation du bobard assumé !
Je voudrais reprendre la plupart des propos que vous avez tenus : d’abord, vous indiquez que la Cour des comptes nous morigène de la pire manière, qu’elle nous vilipende en raison des résultats que nous n’aurions pas obtenus. Permettez-moi, en quelques mots, de vous rappeler les vôtres !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Après avoir été au pouvoir pendant dix ans, vous nous avez laissé une situation dans laquelle la dette a explosé ! Jamais, au cours du précédent quinquennat, les déficits n’ont été inférieurs à 5 % ! Jamais vous n’avez été capables de maîtriser les dépenses publiques qui, lorsque vous étiez en situation de responsabilité, ont augmenté de 170 milliards !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous parlez de matraquage fiscal : laissez-moi vous rappeler quelques chiffres ! En 2012, vous avez prélevé sur les Français, dans la plus grande injustice fiscale, 20 milliards d’euros, en mettant fin à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, en matraquant les veuves et les personnes âgées de notre pays, en supprimant la demi-part des veuves !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
En 2012, Mme Pécresse en a ajouté 13 milliards, ce qui vous qualifie tout à fait pour parler de matraquage fiscal : vous connaissez la science ! Pendant des années, vous avez tenu la matraque, et vous avez toujours tapé sur les mêmes têtes ! Alors quand on a un tel bilan, quand on a eu de telles pratiques, on se dispense de parler avec autant d’arrogance et d’agressivité à l’égard d’un Gouvernement qui redresse les comptes publics
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
parce que les déficits diminuent ; qui maîtrise la dépense publique parce qu’il a divisé par quatre le rythme de son augmentation ; qui maîtrise les comptes sociaux parce que les déficits des comptes sociaux diminuent ! Ce travail, nous allons le poursuivre pour redresser la France que vous avez abaissée, et nous allons le poursuivre pour donner aux Français un discours de vérité !
De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie. Monsieur le ministre, le Gouvernement poursuit un objectif ambitieux de réduction de la dépense publique. Sans même tenir compte du financement du pacte de responsabilité, la France devra engager plus de 50 milliards d’euros d’économies d’ici trois ans : c’est la condition nécessaire pour tenir nos engagements européens et consolider nos comptes publics.
Aujourd’hui, la Cour des comptes remet devant notre assemblée son rapport annuel. Comme chaque année, ce rapport met en valeur un certain nombre de pistes d’économies. Ce type de rapport a l’avantage de mettre sur la table les bonnes questions et d’esquisser des solutions ; mais pour être pleinement utiles, les préconisations doivent s’inscrire dans une stratégie globale, une méthode bien déterminée, lisible et connue de tous. Dans le cas contraire, on voit apparaître nombre d’hypothèses, de spéculations voire de rumeurs, comme cela s’est produit lors de la publication du rapport sur l’intégration. Ainsi, depuis plusieurs semaines, on a tour à tour évoqué un gel de l’avancement des fonctionnaires, une réduction des embauches, le maintien du gel du point d’indice. De même, voici que le rapport de la Cour des comptes évoque la désindexation des prestations sociales et suggère également de diminuer les dépenses des collectivités territoriales.
L’ouverture de ces différents chantiers est probablement nécessaire pour réformer notre pays en profondeur, pour améliorer l’efficacité de la gestion publique et redynamiser notre économie. Mais toutes ces pistes, aussi légitimes soient-elles, ne risquent-elles pas d’accentuer les inquiétudes de nos concitoyens et des élus locaux si elles ne sont pas accompagnées d’engagements forts du Gouvernement ? Les objectifs budgétaires doivent être mis au service des objectifs politiques, sans quoi tous les efforts entrepris ne seront ni perçus, ni compris et encore moins acceptés.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelle méthode le Gouvernement suivra, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
Madame la députée, merci pour cette question équilibrée, précise et qui montre que l’on peut, sur ces bancs, aborder les questions de finances publiques avec le sens du redressement du pays davantage qu’avec le sens de la polémique.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
S’agissant tout d’abord la maîtrise de la dépense publique, vous avez raison d’insister sur la nécessité d’y parvenir en poursuivant un objectif politique. L’objectif politique que nous poursuivons lorsque nous voulons maîtriser la dépense publique, c’est de sauver le modèle social français, comme l’a dit le Premier ministre à plusieurs reprises devant l’Assemblée, et de faire en sorte que nos services publics puissent monter en gamme. En effet, en période de crise précisément, le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Tout ce que nous faisons pour maîtriser la dépense publique et pour maîtriser les déficits, est une manière de dire à tous ceux qui spéculent sur les marchés que nous n’entendons pas nous laisser dominer par les marchés, que nous entendons affirmer nos propres objectifs de politique publique, que nous entendons faire en sorte que la protection sociale et les services publics puissent être assumés.
Nous avons déjà, dans la loi de finances pour 2014 qui vient d’être adoptée, documenté 15 milliards d’économies, ce que l’opposition actuelle n’a jamais fait lorsqu’elle était en situation de responsabilité.
Nous faisons 15 milliards d’économies en un an là où la révision générale des politiques publiques avait à peine permis de faire 10 milliards en trois ans. Ces 15 milliards, nous les prenons à la fois sur l’État et la protection sociale, et nous allons poursuivre. Comment allons-nous poursuivre ? En passant au scanner toutes les politiques publiques et tous les services, non pas pour faire en sorte qu’il y ait moins de services publics, mais pour que nous puissions, par des mutualisations, par des fusions, par des réorganisations, dégager des économies permettant d’investir et de créer les conditions d’une montée en gamme de nos services publics.
Nous allons le faire pour l’État, nous allons le faire pour la protection sociale, nous allons le faire pour les collectivités locales en nous attaquant aux organisations : c’est le travail que nous faisons et qui sera rendu public dans deux mois !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Les Français sont informés de l’ampleur de vos déficits et de votre matraquage fiscal !
Monsieur le Premier ministre, le scandale de votre ministre Cahuzac, nommé par François Hollande sur votre proposition, a conduit le Parlement à voter une loi de circonstance. Pour faire diversion, vous avez créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui est censée être indépendante.
Alors qu’il fallait empêcher qu’elle soit sous la tutelle du pouvoir exécutif, condition nécessaire au respect du principe de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du Parlement, essentiel à toute démocratie, deux membres du cabinet de votre ministre Alain Vidalies viennent d’y prendre leurs quartiers,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
et pas à n’importe quelle place : comme secrétaire général et comme chargée de mission pour la presse.
Est-il acceptable que ces deux anciens membres d’un cabinet ministériel, encartés au parti socialiste, aient accès aux déclarations de patrimoine et aux numéros de compte bancaire des parlementaires et de leurs conjoints ? De quoi s’agit-il, sinon du retour de l’État-PS et de la mise sous tutelle des parlementaires par la rue de Solférino ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - –Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Aucun parlementaire digne de ce nom ne peut le tolérer.
Le président de la Haute Autorité, M. Nadal, ne peut et ne doit cautionner une telle manoeuvre. Nous en appelons au président de l’Assemblée nationale, car il en va du respect de la vie privée et de l’exercice du pouvoir législatif.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous validé ces deux nominations et signé l’arrêté de nomination du secrétaire général en connaissance de cause ? Si tel n’est pas le cas, ce qui serait pour le moins surprenant, vous engagez-vous à proposer des personnalités vraiment impartiales et non des militants du PS ?
Vous comprendrez certainement que notre Assemblée ne peut pas accepter une réponse à cette question de votre ministre des relations avec le Parlement, compte tenu de son implication dans cette affaire.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Huées sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a effectivement proposé le recrutement de M. Guillaume Valette-Valla comme secrétaire général.
Comme vous l’avez dit, il était précédemment conseiller à mon cabinet pour le suivi des affaires législatives et constitutionnelles. Les faits sont exacts.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il s’agit d’un magistrat dont la compétence a été reconnue sous tous les gouvernements puisque, de 2010 à 2012, il était magistrat à la direction des affaires criminelles et des grâces. Conformément à son statut, son recrutement par la Haute Autorité a été soumis au Conseil supérieur de la magistrature (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP), qui, sous la présidence de M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, a donné un avis favorable le 28 janvier 2014. Faut-il préciser que c’est un poste administratif
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP
et qu’il ne participe pas aux délibérations du collège de la Haute Autorité ?
Vous tentez à l’évidence, par ce mauvais procès, de jeter la suspicion sur la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Contrairement à vous, nous n’avions pas jeté le discrédit sur le CSA lorsqu’en 2007 le conseiller du Premier ministre pour la justice en est devenu directeur général,…
…i sur l’Autorité de régulation des activités financières, dont le secrétaire général venait du cabinet du ministre des transports, ni encore sur le secrétaire général du Défenseur des droits.
En réalité, chacun l’a compris ici, vous n’aimez pas la transparence.
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez voté contre la loi et vous l’avez déférée au Conseil constitutionnel. Tous les moyens sont bons, comme si vous craigniez quelque chose ! La transparence sera au rendez-vous et, croyez-moi, c’est aussi dans votre intérêt et dans celle de tous les républicains !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Gwenegan Bui, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur.
Inondations à Morlaix, Redon, Pontivy, Quimperlé, Châteaulin, à La Londe-les-Maures dans le Var, ou encore à Bayonne, tempêtes sur l’île de Sein, à Locquirec et à Anglet : le littoral français est confronté depuis maintenant plus d’un mois à des dégâts considérables, consécutifs à des intempéries exceptionnelles.
Monsieur le ministre, au coeur de ces tempêtes, aucun service n’a failli. Vous le savez, mais c’est mieux de le répéter ici.
Ils n’ont pas failli quand il a fallu assurer la sécurité des biens et des personnes ; pas failli quand il a fallu se mobiliser à toute heure du jour et de la nuit ; pas failli quand les tensions et les risques étaient à leur maximum. Les agents du service public, souvent pointés du doigt, considérés comme des charges par certains bien-pensants, ont remarquablement rempli leur mission ; ils ont servi et protégé, et je tiens à leur rendre hommage.
Ces sinistres portent de grands coups au moral des habitants, au chiffre d’affaires des commerçants et à notre économie. Pour certains, c’est la troisième inondation en un mois et demi. Les dégâts matériels sont lourds aussi pour les collectivités locales confrontées à des problèmes de sécurisation de sites, de voirie, d’ouvrages d’art détruits, que les assurances ne rembourseront pas intégralement.
Bien sûr, les inondations et les tempêtes ne sont pas toujours prévisibles, car la nature ne se régule pas par décret. Mais il faut tout faire pour éviter ce genre de catastrophe. Dans certains territoires, comme à Morlaix, les études, nombreuses, s’empilent depuis 2004 : beaucoup de pages et peu de faits. Certaines solutions sont connues, mais elles n’ont pas été financées par le passé. Et ceux qui crient fort aujourd’hui ont souvent la mémoire bien courte. L’urgence après la crise est de ne pas laisser filer le temps. Au contraire.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre ces études qui n’ont que trop tardé ? Quelles mesures compte-t-il prendre pour aller plus vite en matière de réparations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
Monsieur le député, notre pays fait face à un épisode d’intempéries et d’inondations peu commun par l’ampleur du territoire concerné, par le nombre de nos compatriotes touchés et par sa durée. Comme vous, je veux saluer la mobilisation des sapeurs-pompiers, des forces de l’ordre, des préfectures, des élus, des agents des collectivités territoriales et des opérateurs de service public en Bretagne, mais plus particulièrement sur la côte atlantique, par ailleurs touchée par une pollution d’origine indéterminée. Je n’oublie pas le Var et la Corse, qui ont affronté un nouvel épisode de pluies intenses encore hier. Je veux préciser que Philippe Martin est présent sur le terrain depuis quarante-huit heures, auprès des populations concernées. Je comprends aussi la lassitude et la fatigue psychologique que peuvent ressentir les sinistrés.
Nous avons fait en sorte que l’état de catastrophe naturelle soit déclaré le plus rapidement possible,…
…comme s’y était engagé le Premier ministre. Beaucoup de communes bretonnes en ont déjà bénéficié au cours du mois passé. La liste de ces communes sera actualisée sous quinze jours.
Plusieurs missions ont débuté leurs travaux en Bretagne pour tirer tous les enseignements de la gestion de ces inondations, de l’alerte aux crues, sans doute perfectible – vous avez raison –, notamment à Morlaix, à leur prévention dans le Var et dans les Alpes-Maritimes pour chiffrer les dégâts aux équipements des collectivités territoriales.
Nous devons aller encore plus loin. Les collectivités doivent être pleinement impliquées dans la prévention. C’est l’objet de la nouvelle compétence en matière de prévention des inondations introduite dans la loi sur les métropoles. Bien sûr, il faudra faire vivre cette compétence et l’articuler avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondations élaborée avec mes collègues Cécile Duflot et Philippe Martin, et qui sera définitivement adoptée dans les semaines à venir.
Nous sommes auprès des populations et nous tirons les conséquences de ces épisodes pour être davantage efficaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, ce matin, dans la presse, une femme de quarante-huit ans explique comment elle subsiste avec moins de 700 euros par mois : une existence intenable !
Plus d’un quart de siècle de politiques libérales ont conduit à ce désastre : chômage de masse, pauvreté, déclassement, inégalités croissantes et richesses indécentes.
Choisir de supprimer 30 milliards de cotisations sociales patronales et 50 milliards de dépenses publiques et sociales en trois ans, c’est poursuivre dans la même voie. D’ailleurs, l’UMP acquiesce.
Personne n’est dupe. Ce matin même, le président du MEDEF a ironisé sur l’idée d’apporter une contrepartie aux diminutions de cotisations sociales.
Pourtant, contrairement à ce que vous dites, il y a bien une alternative, qui s’appuie sur les atouts indéniables de notre pays. Cette alternative a des échos jusque dans votre majorité et les députés du Front de gauche ne cesseront de la soutenir.
Cette alternative suppose de rapatrier les richesses créées par nos concitoyens et détournées par la spéculation, la rente et l’évasion fiscale.
« Cahuzac ! » sur les bancs du groupe UMP.
Ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros qui font l’objet d’un immense gâchis, au profit d’une caste. Cette alternative suppose de favoriser les entreprises qui investissent, en modulant les prélèvements en fonction de l’utilisation de leurs bénéfices. Commerçants, artisans, responsables de petites et moyennes entreprises ne sauraient être confondus avec les prédateurs financiers.
Cette alternative doit aussi prendre appui sur l’investissement public pour que notre pays s’engage réellement dans la transition écologique : avec 50 milliards de dépenses publiques en moins, on sonne le glas de cette ambition.
Cette alternative impose enfin de relever les salaires, pensions et allocations.
En pensant à cette femme qui vit avec moins de 700 euros par mois, à ces jeunes qui n’arrivent pas à entrer sur le marché du travail, à ces millions de retraités qui voient leur pouvoir d’achat diminuer, en pensant à ces milliers de salariés de l’industrie qui perdent leur emploi, victimes d’une compétition mortifère, nous ne pouvons, monsieur le Premier ministre, que vous inviter à changer de cap et à en finir avec ces politiques libérales qui ont conduit à l’épuisement économique et écologique que nous connaissons.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
« Pas lui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, merci pour cette question qui pose un certain nombre de problèmes renvoyant aux préoccupations du Gouvernement. La politique que nous menons est une politique équilibrée.
Je veux d’abord parler de la question de la dépense publique. Nous n’avons pas de prévention à l’égard de la dépense publique, nous n’avons pas de prévention à l’égard des services publics : nous avons, au contraire, foi en le service public et en la protection sociale, et si nous nous attachons à la maîtrise de la dépense publique, c’est pour éviter que la mauvaise dépense publique chasse la bonne.
Tout ce que nous faisons pour travailler sur les organisations, sur les doublons, pour encourager les mutualisations, vise précisément à ce que nous puissions, dans ce pays qui en a grandement besoin, financer les politiques de solidarité, financer la protection sociale, financer les services publics à la française.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est la relation du pays à l’entreprise et le pacte de responsabilité. Bien entendu, nous ne pourrons pas redresser l’appareil productif, créer des richesses qui conditionnent aussi le financement de notre protection sociale, si les entreprises dont les marges se sont dégradées ne sont pas accompagnées dans leur redressement. C’est dans cet esprit que nous avons institué le crédit d’impôt compétitivité-emploi ; c’est dans cet esprit que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que nous engagions la réflexion sur le pacte de responsabilité et la modernisation de la fiscalité des entreprises. Cela implique de notre part des efforts et cela implique, de la part du monde de l’entreprise et du patronat, des contreparties qui ne peuvent pas, je vous le confirme, se réduire à un pin’s !
Il faut bien entendu que, du côté du patronat, il y ait une volonté partagée de faire en sorte que, sur le terrain de l’emploi, sur le terrain de la compétitivité et sur le terrain de l’innovation, des progrès soient accomplis.
Enfin, le troisième point sur lequel je voudrais insister, c’est qu’il ne faut pas perdre de vue la question du pouvoir d’achat. C’est la raison pour laquelle nous avons ré-indexé le barème de l’impôt sur le revenu, augmenté la décote, augmenté le revenu fiscal de référence, décidé de mettre en place les tarifs sociaux de l’électricité…
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la colère continue de monter.
Il suffisait d’écouter, samedi dernier, les slogans scandés par les familles qui manifestaient dans les rues de ma commune contre la réforme des rythmes scolaires.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Écoutez : « Pour ou contre, de toute façon, c’est nous qui payons ! » « Nos enfants ne sont pas des cobayes ! » « Je ne suis pas un rythme, mais un élève ! » « TAP mal organisés, enfants fatigués ! » « Rythme à rien ! » « Peillon, range ton brouillon ! »
Une fois de plus, monsieur le Premier ministre, parents d’élèves, enseignants et maires de toutes tendances politiques se sont retrouvés pour dénoncer une réforme que votre ministre de l’éducation nationale nous impose.
Cette réforme est ratée. Les maires sont déstabilisés, les enseignants désemparés, les syndicats déconcertés, les animateurs déroutés, les parents en colère et, cerise sur le gâteau, les enfants fatigués !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Cette réforme accentue les inégalités sur les territoires. Les communes qui l’ont engagée en 2013, les trois quart par complaisance politique, déchantent aujourd’hui. Faute de moyens financiers, elles obligent les familles à mettre la main à la poche pour les TAP, les temps d’activité péri-éducatifs.
Dans les communes qui devront appliquer cette réforme en 2014, ce sont des problèmes de financement, de recrutement, de locaux qui se posent. Encore une fois, vous faites payer l’addition de vos réformes aux Français, qui paient déjà beaucoup d’impôts.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous me répondre aujourd’hui ? Qu’en sera-t-il en 2015, après la disparition du fonds d’amorçage ? Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous me répondre ? Quelle sanction allez-vous imposer aux maires, si nous ne mettons pas en place cette réforme en septembre 2014 ?
Pouvez-vous répondre à l’ensemble des maires qui nous regardent, car une fois l’enjeu des municipales passé, ils seront nombreux à s’y opposer et à descendre dans la rue. Alors, monsieur le Premier ministre…
Merci, madame la députée.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
À vous écouter, madame la députée, on a l’impression que la Seine-et-Marne est à feu et à sang sur la question des rythmes scolaires, et la France elle-même !
C’est curieux, pour une réforme que vous aviez vous-mêmes souhaitée, comme tout à l’heure l’égalité entre les filles et les garçons, et que vous remettez en question.
Je veux vous rappeler les chiffres.
On l’a vu pour les communes qui ont appliqué la réforme dès 2013 : pendant plusieurs mois, vous avez ici sonné le tocsin, et puis l’Association des maires de France a donné des chiffres qui confirmaient ceux du ministère de l’éducation et qui montraient que cette réforme se mettait progressivement en place.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En ce qui concerne votre département, au moment où je vous parle, 88,6 % des communes, soit 368, ont déjà déposé leurs nouveaux horaires pour l’année 2014.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Onze commune, soit 2,7 %, éprouvent des difficultés et que nous accompagnons. Et trente-six communes, dont la vôtre et celles de responsables de votre parti, soit 8,7 %, qui refusent à tout prix d’entrer dans la discussion. Nous patientons et nous espérons qu’après les élections municipales, vous reviendrez à la raison.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pourquoi ? Parce que notre mission commune est de faire en sorte que les enfants de ce pays puissent apprendre à lire, écrire et compter. Des professeurs, je vous en ai donnés, après des années de disparitions : cela permet de nouveaux recrutements et des remplacements. La formation des enseignants, le passage au numérique, la révision du programme et du temps scolaire : vous verrez, ce sont les meilleurs moyens de lutter contre les inégalités scolaires et éducatives.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Frédéric Roig, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Nous sommes mobilisés depuis le début du quinquennat pour redresser la situation économique de la France en soutenant l’emploi, les salariés et nos entreprises.
L’économie, ce n’est pas uniquement les grands groupes : c’est surtout notre commerce, nos petites entreprises et nos artisans, garants d’un savoir-faire de qualité et de proximité.
Nous avons choisi l’action. Des mesures ont été votées pour simplifier la vie des entreprises, soutenir l’embauche et l’investissement. Le Président de la République a lancé le pacte de responsabilité pour alléger les charges des entreprises et réduire les contraintes pesant sur leurs activités.
Nous avons par ailleurs engagé une réflexion sur la fiscalité des sociétés et la diminution du nombre de taxes. Avec le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, nous avons réduit les coûts du travail, investi dans les secteurs d’avenir, amélioré le financement de l’économie.
Nous examinerons très bientôt dans l’hémicycle la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui vise notamment à adapter le régime des baux commerciaux, à soutenir le développement des petites entreprises, à simplifier le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, à améliorer l’efficacité de l’intervention publique et à revaloriser le statut d’artisan.
Vous avez mené une large concertation, madame la ministre, sur le régime des auto-entrepreneurs. Le rapport de notre collègue Laurent Grandguillaume préconise la mise en place d’un statut juridique unique de l’entreprise individuelle. Selon le parcours de croissance de sa société, l’entrepreneur serait soumis à des déclarations et à des régimes fiscaux et sociaux adaptés. Ce point d’équilibre répond aux inquiétudes des artisans et des auto-entrepreneurs.
Par ailleurs, le projet de loi prend en compte la nécessaire redynamisation des centres-bourgs, la revitalisation des zones rurales et l’adaptation de l’urbanisme commercial avec une réforme du FISAC, enjeu de nos territoires.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures que vous souhaitez proposer pour les artisans et les commerçants, afin de relancer l’économie et le développement de nos très petites entreprises ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Monsieur le député, vous avez raison de souligner l’importance, pour le développement économique de notre pays, de ces entreprises artisanales et commerciales qui, au-delà de cet aspect, contribuent de façon importante au lien social dans tous les territoires, notamment, les plus fragiles.
Je connais votre attachement à ce secteur, attachement dont vous avez témoigné en commission. Je salue, à ce propos, l’implication de nombreux parlementaires et, en particulier, l’excellent travail du rapporteur Fabrice Verdier ainsi que la contribution importante de Laurent Grandguillaume à plusieurs dispositions du projet de loi.
Ce texte, que j’aurai l’honneur de présenter demain à votre Assemblée, comporte des mesures en faveur de ces entreprises et donnera aux élus locaux les outils nécessaires pour maintenir des activités diversifiées sur l’ensemble du territoire.
La réforme des baux commerciaux assurera aux territoires les plus fragiles un maillage commercial diversifié et de qualité, en changeant l’indice de référence et en évitant des hausses brutales et massives de loyer, qui pénalisent les entreprises en les privant de la stabilité nécessaire à leur développement. Nous instaurons aussi un bail de préférence, comme dans le domaine des baux d’habitation.
Nous donnons à ces entreprises les moyens de se développer dans le cadre d’un parcours de l’entreprenariat individuel et, dès les travaux en commission, nous avons intégré les préconisations du rapport Grandguillaume pour créer un régime unique de la micro-entreprise.
Nous présenterons également des mesures afin de réformer l’urbanisme commercial, simplifier les procédures, raccourcir les délais et renforcer la place des élus dans ces dispositifs.
Vous le voyez, monsieur le député,…
…nous agissons pour ces entreprises !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La semaine dernière, une sénatrice et un député écologistes, membres de votre majorité, ont présenté une proposition de loi visant à autoriser l’usage du cannabis. Ces deux parlementaires ont franchi une limite : revendiquer la légalisation de l’usage d’une drogue, c’est une faute.
Oui, le cannabis, c’est une drogue, au même titre que l’héroïne, le crack ou la cocaïne.
Ce n’est pas une drogue douce, c’est une drogue tout court, une drogue qui fait des ravages sur la santé, principalement chez les jeunes : addictions, troubles, troubles cérébraux, schizophrénie, troubles somatiques.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP
C’est une drogue dont la consommation alimente un trafic gigantesque. C’est une drogue qui pourrit la vie de centaines de milliers de Français, qui n’en peuvent plus, à Paris comme en province, de vivre dans des quartiers tenus par des dealers.
Le rôle du Parlement, c’est de permettre aux forces de police d’arrêter ces trafiquants, à l’autorité judiciaire de les condamner et aux services fiscaux de les saisir au portefeuille. C’est aussi, et surtout, de développer des campagnes de prévention…
… l’école, au lycée, dans les médias. Or, cette prévention est aujourd’hui quasi inexistante.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il est vrai que votre politique de lutte contre les drogues est désastreuse. C’est vous qui vouliez autoriser l’implantation de salles de shoot à Paris !
Au mois d’octobre 2012, M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation, s’est prononcé – comble de l’hérésie – pour la dépénalisation du cannabis. On ne compte plus le nombre de dealers…
…libérés : dix dans le Val-de-Marne, trois à Montpellier, partout !
Monsieur le Premier ministre, soutenez-vous cette initiative des écologistes de votre majorité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, votre question est indécente !
Vives protestationsclaquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.
Vous suscitez des débats là où il n’y en a pas. Vous suscitez de la provocation, vous provoquez des rumeurs ! Personne, au Gouvernement, ne propose de légaliser le cannabis !
Ma responsabilité, c’est de préserver les jeunes générations du risque que présentent l’ensemble des drogues, de l’alcool, du tabac et des addictions.
Mêmes mouvements
Tout ce que vous voulez, vous, c’est agiter des inquiétudes et des peurs ! Je veux le dire de la manière la plus ferme qui soit : il n’y a pas aujourd’hui de politique de santé publique qui remette en cause l’interdiction du cannabis. Le cannabis est une drogue contre laquelle il faut lutter. Le cannabis provoque des ravages et nous devons tous ensemble faire en sorte que les jeunes qui, dans notre pays, sont plus nombreux que dans d’autres à en consommer, renoncent à ces addictions.
C’est la raison pour laquelle une politique de prévention…
…est engagée et sera poursuivie dans le cadre de la stratégie nationale de santé en direction des jeunes générations, en particulier, à l’école.
Et je vous le dis, monsieur le député, ce n’est pas en agitant des inquiétudes et de faux débats,…
…alors qu’au cours des dernières années la consommation de cocaïne et de cannabis a augmenté, que vous apporterez des réponses solides et fiables aux jeunes générations qui attendent des mesures en faveur de la santé, mais en soutenant la politique de santé contre les addictions !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Fanny Dombre Coste, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, nous fêtons aujourd’hui le neuvième anniversaire de la loi du 11 février 2005…
…qui porte une exigence fondamentale, celle d’une société inclusive pour les personnes en situation de handicap.
Le Gouvernement a fait de cette question une priorité. Le 25 septembre 2013, le Premier ministre a ainsi convoqué le Comité interministériel du handicap pour la première fois depuis sa création. Celui-ci consacre un certain nombre d’avancées inédites sur le chemin d’une société inclusive, c’est-à-dire une société qui donne toute leur place aux personnes en situation de handicap.
La loi du 11 février 2005 donnait dix ans à notre société pour arriver à l’accessibilité universelle, c’est-à-dire l’accès de tous à tout, condition absolument indispensable de la société inclusive.
C’était là un objectif ambitieux, mais il n’a pas été soutenu politiquement pendant de trop nombreuses années. Bien que plusieurs grandes villes aient fait des efforts significatifs pour se rendre accessibles, comme le montre le classement publié aujourd’hui par l’Association des paralysés de France, force est de constater que nombre d’établissements recevant du public, nombre de systèmes de transport ou de logements sont encore loin de satisfaire à cette exigence.
Afin de maintenir cette échéance, tout en insufflant une nouvelle dynamique vers l’accessibilité universelle, vous avez chargé notre collègue sénatrice Claire-Lise Campion d’un rapport, intitulé « Réussir 2015 », puis d’une série de concertations avec l’ensemble des acteurs de la mise en accessibilité – je pense tout naturellement aux nombreuses associations mobilisées au quotidien sur ce sujet.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, ce que le Gouvernement compte faire afin de maintenir et d’amplifier la dynamique de mise en accessibilité à l’approche du 1er janvier 2015 ?
« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.
Pouvez-vous également nous préciser quels sont les principales avancées du comité interministériel du handicap et ses projets pour parvenir à cette société inclusive ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, nous célébrons aujourd’hui le neuvième anniversaire de la loi de 2005, qui est une grande loi de la République.
Si ses principes sont justes, à commencer par celui de l’accessibilité universelle, ils restent trop souvent inappliqués, comme vous le disiez justement.
La loi a certes été votée, mais la volonté politique a manqué pour veiller à sa mise en oeuvre sur le terrain.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous nous dites cela, alors que vous ne l’avez pas votée ! C’est invraisemblable !
Il en résulte des discriminations, trop nombreuses et trop fréquentes, à l’égard des personnes en situation de handicap.
Nous avons donc mis en place, sous l’égide du Premier ministre, le comité interministériel du handicap,
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP
qui a pris des dispositions dans de nombreux domaines. Par exemple, pour favoriser l’inclusion des élèves à l’école, 28 000 assistants de vie scolaire seront désormais en contrat à durée indéterminée. Il s’agit là d’un projet sans précédent, et il se réalise. Le Gouvernement poursuit par ailleurs la création, d’ici 2016, de 16 000 places supplémentaires dans les établissements médico-sociaux, sans compter les 3 500 places déjà prévues par le troisième plan autisme. Cet après-midi même, je signerai avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel une charte pour accueillir les étudiants handicapés dans les écoles de journalisme, les chaînes de télévision et les radios. J’ai également créé un statut du chien d’aveugle et je développe une plate-forme téléphonique pour les sourds et malentendants.
Enfin, pour la cinquième année consécutive, l’Association des paralysés de France a publié aujourd’hui son baromètre de l’accessibilité. De nombreux acteurs ne sont pas encore au rendez-vous. C’est pourquoi, après la concertation qui est en cours, nous allons lancer un vaste chantier pour permettre aux acteurs qui ne sont pas encore en conformité avec la loi de disposer d’un calendrier précis et serré pour respecter ce principe d’accessibilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Permettez-moi d’abord de rappeler que la loi de 2005, qui est effectivement excellente, vous ne l’avez pas votée !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, notre assemblée a terminé vendredi dans la nuit l’examen du projet de loi TGV, à très grande vitesse, sur la formation professionnelle. À l’occasion de ce texte, le Parlement a été dévalorisé comme jamais dans notre histoire récente !
« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.
Nous avons eu seulement vingt heures de débat et deux jours pour travailler sur le texte et déposer des amendements ; le Gouvernement a déposé, hors délai et à la dernière minute, y compris en séance, vingt-sept amendements pour vingt-deux articles ; il y a eu plus de deux cents amendements rédactionnels, et j’en passe. Du jamais vu !
Vous ne vous attaquez pas seulement au Parlement, que vous ne respectez décidément plus du tout, mais aussi aux entreprises, en confisquant les fonds qu’elles consacrent à l’apprentissage et en modifiant discrètement, le soir, le dispositif des contrats de génération. Vous allez ainsi à l’encontre de la volonté des partenaires sociaux, que vous vous gargarisez de respecter, qui avaient pourtant signé à l’unanimité l’accord national interprofessionnel correspondant. Parce que votre dispositif, cher au Président de la République, est un échec patent, vous obligez dorénavant les entreprises de cinquante à trois cents salariés à conclure ces contrats, sous peine d’être pénalisées financièrement ! Comme toujours avec vous, c’est la carotte et le bâton, mais surtout le bâton, ou même la matraque, comme dirait M. Cazeneuve.
Plus grave, vous êtes revenus, par un amendement de dernière minute, sur la réforme de l’apprentissage, qui a pourtant été censurée par le Conseil constitutionnel.
On a compté 24 000 entrées de moins en apprentissage en 2013, soit une baisse de 8 %. Même au plus fort de la crise économique, en 2009, elles n’avaient chuté que de 3,4 %, pour augmenter de nouveau ensuite. L’encre de la loi Peillon est à peine sèche, que vous rétablissez déjà le préapprentissage pour les jeunes de moins de quinze ans. La réalité économique vous oblige à corriger votre dogmatisme. Il n’empêche que les décisions que vous prenez depuis que vous êtes au pouvoir creusent la tombe de l’apprentissage.
Monsieur le Premier ministre, rétablissez les aides aux entreprises, levez les freins à l’embauche des jeunes….
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur Cherpion, nous avons effectivement passé la semaine dernière plusieurs heures ensemble dans cet hémicycle. Même quand nous n’étions pas d’accord, nous sommes arrivés à parler de façon calme, sereine et non caricaturale de sujets sérieux, tels que l’apprentissage, l’aide aux entreprises ou le développement de la formation professionnelle. Il est même certaines réformes que vous avez votées ensemble, sur tous les bancs de cet hémicycle. Ce sont des réformes qui sont bonnes pour la France, bonnes pour les entreprises et bonnes pour les salariés.
Je ne comprends donc pas comment quelqu’un qui est aussi constructif, aussi serein et aussi compétent que vous dans ces domaines peut devenir aussi caricatural et dire des contre-vérités aussi grosses que celles que vous venez de prononcer !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je les reprends dans l’ordre rapidement : avons-nous créé une obligation, pour les entreprises, de prendre des contrats de génération sous peine d’amendes ? La réponse est non. Ce serait ridicule, et c’est donc vous qui êtes ridicule, quand vous dites cela.
Nous avons ouvert aux entreprises de cinquante à trois cents salariés la possibilité d’accéder immédiatement aux contrats de génération et aux quatre mille euros qui vont avec. Que les entreprises s’en saisissent !
Avons-nous confisqué les fonds de l’apprentissage aux entreprises ?
La réponse est non. Et M. Jacob, qui est un grand connaisseur de tout ce qu’il ne connaît pas, devrait le savoir ! Nous avons au contraire plus d’argent pour l’apprentissage, plus d’argent pour les apprentis, plus d’argent pour les centres de formation d’apprentis, plus d’argent pour faire en sorte que l’apprentissage se développe en France !
Voilà exactement ce dont nous avons parlé, monsieur Cherpion, de même que nous avons mis en place une réforme de la formation professionnelle. Il s’agit d’une révolution tranquille, qui apportera plus de simplicité aux entreprises, plus d’argent aux chômeurs qui ont besoin d’être formés, et plus d’argent aux jeunes qui sont à la recherche d’un emploi. Voilà ce que vous n’avez pas voté avec nous !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Formation professionnelle
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.
L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Mes chers collègues, je souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue au Premier président de la Cour des comptes.
Monsieur le Premier président, le dépôt de votre rapport est un moment important dans cette assemblée, où le contrôle et l’évaluation des politiques publiques occupent une place de plus en plus centrale.
La Cour des comptes assiste le Parlement. C’est une exigence constitutionnelle, c’est aussi une réalité quotidienne.
Les travaux des commissions des finances et des affaires sociales, ainsi que ceux du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, s’appuient sur l’expertise que leur apporte l’institution que vous présidez. Je me contenterai ici d’indiquer que la Cour des comptes est associée à la moitié des évaluations auxquelles procède le CEC.
À cette étroite collaboration au jour le jour s’ajoute désormais l’engagement de la Cour des comptes dans la procédure de certification des comptes de l’Assemblée nationale, conformément à l’objectif de transparence et d’exemplarité qui incombe à notre institution.
À travers le Parlement, ce sont les Français qui sont mieux informés sur l’utilisation des fonds publics. Vos rapports les intéressent, comme en témoigne la publicité qu’ils reçoivent. Cette médiatisation doit d’ailleurs être aussi large que possible, au moment où, plus que jamais, les enjeux budgétaires et financiers affectent en profondeur la vie de notre pays.
Le dépôt de votre rapport est donc pour nous une étape essentielle. Mais ce rendez-vous en appellera un autre : le rapport public de la Cour des comptes donnera lieu à un débat qui lui sera spécifiquement consacré lors de la semaine de contrôle qui suivra la suspension prochaine de nos travaux.
Monsieur le Premier président, je vous donne maintenant la parole.
Monsieur le président, madame la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le rapport public annuel de la Cour est sa publication la plus emblématique. Il est désormais loin d’être la seule. En 2013, la Cour a publié quarante rapports, dont quinze portent sur des sujets choisis par le Parlement, et sept lui ont été remis en application de la loi, notamment les lois organiques relatives aux lois de finances et de financement de la Sécurité sociale. Vous ont également été présentés un rapport public annuel, treize rapports publics thématiques et trois rapports sur la générosité publique. S’y ajoutent un rapport sur un sujet choisi par le Gouvernement et le rapport sur les comptes de la résidence de la République.
Outre ces quarante rapports, la Cour vous a transmis trente-trois référés et vingt-cinq rapports sur les entreprises publiques. Enfin, une soixantaine d’analyses détaillées sur l’exécution des dépenses et recettes de l’État accompagnent le rapport de la Cour sur l’exécution du budget.
En vous livrant toute cette matière, la Cour s’efforce ainsi de remplir sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et de répondre aux attentes que vous placez en elle. Je me réjouis de la qualité – vous l’avez vous-même soulignée, monsieur le président – des relations entre la Cour et le Parlement, tout particulièrement les commissions des finances et des affaires sociales.
Dans chacune de ces publications, sans porter d’appréciation sur les objectifs qui sont assignés aux différentes politiques publiques par les décideurs que vous êtes, la Cour établit des constats sur l’atteinte ou non de ces objectifs, et invite les décideurs, Gouvernement et Parlement, à en tirer les conséquences. Elle manifeste ainsi son attachement à une dépense publique de qualité, c’est-à-dire efficace et économe. Cette exigence est permanente. Elle est plus pressante encore dans la situation actuelle des finances publiques, qu’aborde le rapport dans son premier chapitre.
La Cour y livre quatre messages sur les finances publiques. Le premier est qu’en 2013, malgré un effort considérable, concentré essentiellement sur les recettes nouvelles, la réduction du déficit public sera limitée.
Il existe un risque réel que le déficit public excède la dernière prévision du Gouvernement, de 4,1 % du PIB, contenue dans les annexes à la loi de finances pour 2014.
L’effort considérable de 2013, de 1,7 point de PIB, portant pour plus des trois quarts sur des recettes nouvelles, a produit des effets tangibles, mais plus lents et donc plus limités que prévus. En effet, le déficit public ne s’est réduit que de 0,7 point de PIB. Ce sont avant tout les recettes qui ont manqué par rapport aux prévisions, en raison des effets combinés d’une nette dégradation de la conjoncture et d’un excès d’optimisme dans le choix des hypothèses techniques utilisées pour le calcul des recettes. Ce dernier constat est d’ailleurs récurrent ; il serait heureux que cette pratique cesse.
Ce ne sont pas seulement les recettes qui ont manqué : les dépenses totales ont augmenté plus vite que ce qui était prévu par le Gouvernement au printemps 2013, sans qu’on puisse à ce stade analyser en détail les causes de ce résultat. Compte tenu des incertitudes qui demeurent sur les comptes de l’année 2013, il existe un risque significatif que le déficit public excède la dernière prévision du Gouvernement.
Le deuxième message concerne l’année 2014, qui marque un changement : l’effort programmé de 0,9 point de PlB repose désormais principalement sur la dépense, rejoignant en cela une orientation préconisée de longue date par la Cour. La tenue d’ambitieux objectifs de maîtrise semble possible, mais il n’existe aucune marge de manoeuvre pour faire face aux dépenses imprévues, qui adviennent fréquemment.
En effet, les hypothèses de croissance pour 2014 s’appuient sur des prévisions de niveau d’emploi et de progression de la masse salariale du secteur privé qui paraissent fragiles, tout comme celles relatives à l’élasticité des recettes. Au total, la Cour estime que le produit des recettes pourrait être surestimé de 2 à 4 milliards d’euros. En outre, le rendement des nouvelles mesures fiscales serait de 1 à 2 milliards d’euros inférieur aux prévisions.
L’objectif de maîtrise des dépenses en 2014 est ambitieux. Il suppose des économies de l’ordre de 15 milliards d’euros par rapport à leur rythme tendanciel d’accroissement.
La Cour relève qu’un effort a été fait pour mieux justifier les économies programmées, par rapport aux années précédentes. Cependant, une part des économies n’est pas encore documentée à ce stade et certaines sont surestimées.
La tenue des objectifs de dépenses de l’État paraît possible mais nécessitera d’importantes annulations de crédits pour y parvenir. Il n’existe en outre aucune marge pour faire face à des dépenses imprévues.
La Cour insiste pour que l’effort soit mieux partagé entre l’ensemble des acteurs publics, particulièrement ceux qui y ont le moins contribué jusqu’ici. Les économies attendues du secteur des collectivités territoriales sont chiffrées à 2 milliards d’euros, mais leur traduction concrète est hypothétique. En effet, si l’État a prévu de réduire les concours qu’il verse aux collectivités, le manque à gagner sera compensé par l’affectation de nouvelles ressources fiscales pour un montant égal, sinon supérieur.
Rien ne permet donc d’anticiper un ralentissement des dépenses du secteur local dans son ensemble. Un freinage sensible des dépenses locales est pourtant nécessaire pour que la participation des collectivités territoriales au redressement des comptes publics devienne une réalité tangible, conformément à la trajectoire des finances publiques fixée par les pouvoirs publics que le Parlement a lui-même approuvée. Il faut néanmoins relever que les communes et intercommunalités, qui ne sont pas bénéficiaires des nouvelles ressources, devront consentir un effort significatif.
Enfin, le secteur de la protection sociale devrait davantage contribuer aux économies, compte tenu de son poids dans les dépenses des administrations publiques et, surtout, de l’existence d’une dette sociale croissante, qui est toujours, selon nous, une profonde anomalie.
Au total, compte tenu des nombreuses incertitudes et des risques significatifs que la Cour a relevés, l’atteinte de l’objectif de déficit public en 2014, de 3,6 %, n’est pas assurée à ce stade.
Le troisième message est que, compte tenu du retard pris, l’effort sur la dépense devra être poursuivi et amplifié sur les trois prochaines années pour respecter l’engagement du Gouvernement, approuvé par le Parlement, d’assurer le retour à l’équilibre structurel des comptes publics en 2016.
L’écart par rapport à la trajectoire fixée dans la loi de programmation des finances publiques, votée fin 2012, va croissant. Il devrait être d’au moins un point et demi de PIB pour le déficit effectif en 2014. Tout retard supplémentaire dans la consolidation des comptes se traduirait par une divergence sensible par rapport à nos voisins européens, ainsi que par une nouvelle dette importante, et porterait une atteinte grave à la crédibilité financière de la France.
Le quatrième et dernier message sur les finances publiques est qu’il faut changer de méthode pour obtenir les économies programmées. Plutôt que de ponctionner tous les services, il faut engager les réformes de fond permettant la modernisation des administrations publiques, pour qu’elles puissent atteindre avec une plus grande efficacité les objectifs fixés par les pouvoirs publics.
Le Gouvernement envisage actuellement de réaliser chaque année, jusqu’en 2017, un effort concentré sur les seules économies en dépenses. Cet effort devrait représenter 17 milliards d’euros par an, soit un niveau supérieur à celui de 2014. Sa réalisation est possible, compte tenu des marges existantes. Cela suppose d’engager des réformes de fond dans les différentes administrations publiques.
La Cour et les chambres régionales identifient de nombreuses pistes de réforme, qui touchent une grande diversité de politiques publiques et d’acteurs. Additionnés, ces constats montrent que des réformes structurelles, si elles sont engagées, peuvent permettre des économies importantes.
Chaque acteur public, quel que soit son rôle, son statut, même s’il dispose de budgets limités, doit s’interroger en permanence sur la performance de son action : quels sont ses objectifs ? Les atteint-il et, si oui, est-ce à un coût raisonnable ? Pendant des années, ces questions n’ont pas assez été posées dans nos administrations. Lorsque l’on se donne la peine de les mesurer, les résultats atteints par les politiques publiques ne sont souvent pas à la hauteur des moyens consacrés. II faut rompre, selon nous, avec l’indifférence devant les résultats insuffisants de nombreuses politiques publiques ou leurs coûts excessifs faute de l’organisation la plus optimale. La Cour invite les décideurs publics, dont vous êtes, ainsi que les gestionnaires publics à un changement de culture pour s’intéresser davantage aux résultats obtenus, insuffisamment mesurés, qu’aux moyens déployés, souvent mis en avant comme si l’utilité des dépenses allait toujours de soi.
Les informations riches livrées au Parlement au moment du débat sur la loi de règlement constituent une occasion privilégiée pour que celui-ci exerce sa mission de contrôle du Gouvernement et examine si des marges de manoeuvre peuvent être trouvées. Le Parlement doit pouvoir consacrer davantage de temps à débattre de la loi de règlement pour tirer les conséquences des résultats très inégaux des politiques publiques, et prendre ainsi toute sa place dans l’engagement des réformes de fond qui sont nécessaires.
Pour vous assister dans ce travail, je l’ai dit, la Cour vous livre régulièrement de nombreux rapports, présentant ses propositions sur des sujets de votre choix ou des sujets choisis par la Cour. Je ne peux que souhaiter que le Parlement se saisisse davantage encore de ces travaux et des recommandations qu’ils mettent sur la table, sachant que le dernier mot revient toujours aux représentants du suffrage universel que vous êtes.
Le rapport est, cette année, plus spécifiquement centré sur l’État et ses satellites. Il ne cherche pas en priorité à mettre sur la table de nouvelles pistes d’économies d’ampleur. D’autres rapports de la Cour s’en chargent, dans une grande diversité de domaines, qu’il s’agisse par exemple de la maîtrise des dépenses de personnel dans les fonctions publiques, des achats de maintenance au sein des armées, de l’organisation de la permanence des soins, du développement de la chirurgie ambulatoire, de la gestion des régimes de protection sociale ou encore des mutuelles étudiantes, pour ne citer que des sujets évoqués en 2013.
Le rapport public livre des cas illustratifs des forces et faiblesses, à différents degrés, d’un échantillon de services publics. Le rapprochement de ces différents exemples, petits ou grands, permet de mettre en évidence les différentes modalités de réformes nécessaires, allant de la refonte complète à l’adaptation, en passant par la simplification et le ciblage. C’est ainsi toute une panoplie de méthodes de réforme qui est présentée. Je les aborderai successivement, en commençant par la nécessaire refonte de politiques inefficaces.
Les juridictions financières constatent que certaines politiques, peu nombreuses, heureusement, sont tout particulièrement inefficaces. Souvent, les objectifs que visent ces politiques n’ont pas été explicités ou n’ont pas été adaptés à l’évolution des besoins des citoyens et usagers. J’en prendrai deux exemples tirés du rapport, d’importance modeste mais représentatifs de ces situations.
Le premier est la politique en faveur du tourisme en outre-mer. En dépit d’un récent redressement, le tourisme dans les Antilles françaises, en Polynésie et à la Réunion est en crise, alors que certaines îles voisines et concurrentes connaissent un réel dynamisme. Les politiques de développement du tourisme mobilisent des moyens importants – entre 10 et 20 millions d’euros chaque année par collectivité – au service de stratégies datées, toujours marquées par le souhait d’accueillir un tourisme de masse. Surtout, la priorité est donnée à de coûteuses actions de promotion en métropole ou à l’étranger, sans s’assurer auparavant que l’offre répond quantitativement et surtout qualitativement aux attentes de la clientèle internationale : confort des hôtels, qualité de l’accueil, accessibilité des sites, du littoral, des sentiers et gîtes de montagne.
Un deuxième exemple de la nécessaire refonte d’une politique publique est celui de la documentation pédagogique au service des enseignants de l’éducation nationale.
Celle-ci est mise en oeuvre par un réseau de trente et un établissements publics distincts et autonomes employant 1 918 agents et n’éditant pas moins de cinquante-sept collections et dix-sept revues mises à disposition dans 133 médiathèques. Ces moyens importants – 92 millions d’euros par an de subventions de l’État – répondent de moins en moins aux besoins des enseignants. J’en veux pour preuve que la moitié d’entre eux ne connaît pas les revues de la documentation pédagogique.
La Cour recommande de regrouper le centre national et les centres régionaux de la documentation pédagogique en un organisme unique, dont l’activité serait recentrée sur les besoins essentiels des enseignants, en particulier pour mettre à leur disposition des supports numériques éducatifs.
Dans certaines situations, la Cour constate de graves dysfonctionnements. Il faut distinguer deux cas de figure que j’évoquerai successivement. Le premier correspond à des gaspillages, le second à des structures devenues inutiles qu’il faut avoir le courage de supprimer. Le programme de second porte-avions français a été officiellement lancé en 2005 et suspendu en 2008. La coopération franco-britannique répondait notamment au souhait de dégager des économies pour contourner la contrainte budgétaire imposée aux armées. Mais dès l’origine, le Royaume-Uni avait clairement fait savoir que ni les caractéristiques, ni le calendrier, ni le projet industriel qu’il menait n’étaient susceptibles d’être adaptés.
Malgré cela, la France a signé en 2006 un accord voué à l’échec. Il permettait à la France d’acheter l’accès aux études britanniques, au prix élevé de 103 millions d’euros, afin de s’en inspirer. Cette somme n’a été in fine qu’une pure subvention accordée au programme anglais. D’autres dépenses ont été consacrées à la production d’études inutilisables, portant la dépense à 196 millions d’euros.
Il peut arriver que des programmes d’armement n’aboutissent pas à des réalisations concrètes ; il est en revanche anormal que des sommes aussi importantes aient été engagées, alors que l’impasse de la coopération était très largement prévisible.
J’en viens au deuxième cas de figure, où les dysfonctionnements sont ceux de structures tout entières qui appellent une reprise en main totale de celles-ci, voire leur disparition. J’évoquerai deux exemples tirés du rapport : une caisse de protection sociale et un établissement public.
La caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales, la CIPAV, est chargée de verser les prestations de retraite de base et de retraite complémentaire d’un professionnel libéral sur deux, appartenant à près de trois cents professions aux revenus très divers. La qualité du service rendu à ses 545 000 affiliés est déplorable.
Pourtant, contrairement au régime général, la caisse dispose d’un nombre croissant d’agents rapporté aux affiliés. Les délais de prise en charge sont parfois très longs. La caisse n’est capable de liquider à bonne date les pensions des nouveaux retraités que dans un cas sur deux, alors que cette proportion est de 96 % pour le régime général de Sécurité sociale. Devant de telles défaillances et à défaut d’engager une action de redressement rapide, la Cour recommande qu’un administrateur provisoire soit nommé et se substitue au conseil d’administration.
De graves dysfonctionnements ont également été relevés, une nouvelle fois, dans la gestion de la chancellerie des universités de Paris, dont la Cour recommande la suppression. Elle formule également de vives critiques à l’endroit d’une société à capitaux d’État chargée d’un rôle très contestable d’opérateur foncier, la SOVAFIM.
Ces critiques et cet appel à des réformes profondes ne concernent qu’une minorité de services publics, mais l’État doit montrer qu’il est capable de les engager. Bien plus fréquemment, la Cour constate des politiques qui, sans être inefficaces, doivent être simplifiées et mieux ciblées sur leurs objectifs essentiels. C’est une caractéristique récurrente des politiques publiques dans notre pays : les dépenses d’intervention, c’est-à-dire les prestations, les subventions et les aides diverses, qui représentent plus de la moitié des dépenses publiques, sont souvent insuffisamment dirigées vers le public qui en a réellement besoin. La tolérance envers les effets d’aubaine est fréquente. Or, un meilleur ciblage de l’action publique constitue de loin la principale source d’économies dans les administrations publiques.
Ce constat a quelque chose de rassurant : pour réaliser des économies massives, particulièrement dans les domaines de la formation professionnelle ou du logement, il n’est pas nécessaire de priver d’aide ceux qui en ont besoin ; il suffit de veiller à ce que le bénéficiaire soit réellement celui que l’on vise.
Ces réformes de ciblage et de simplification permettront, en contrepartie, de renforcer la prise en charge de ceux qui sont au coeur de la cible, en leur assurant un meilleur accès aux droits. Je prendrai deux exemples qui illustrent la nécessité de mieux cibler certaines actions publiques.
Le premier est l’indemnisation des victimes de l’amiante. Les travailleurs de l’amiante se voient offrir des possibilités de départ anticipé à la retraite grâce à un fonds, le FCAATA. Il est choquant de constater qu’alors que de nombreux travailleurs exposés à l’amiante n’ont pas accès à ce dispositif avant d’être effectivement malades – les artisans, par exemple –, le fonds a été fréquemment détourné de sa vocation pour prendre en charge la reconversion d’entreprises industrielles. En effet, ce fonds constitue aujourd’hui le dernier moyen de prise en charge publique de préretraites. L’inscription d’un établissement sur une liste aux critères peu précis suffit à faire bénéficier l’ensemble de ses salariés de départs anticipés, même s’ils n’ont pas été directement en contact avec l’amiante – par exemple, le personnel administratif. Le rapport cite le cas d’un établissement dont 96 % des salariés n’avaient jamais été exposés à l’amiante. Le défaut de ciblage sur les travailleurs les plus exposés à l’amiante entraîne une injustice et des dépenses publiques de fait plus élevées.
Le rapport évoque aussi les missions des sociétés d’aménagement foncier et rural, les SAFER, qui se sont éloignées de leurs missions originelles de remembrement agricole et d’aide à l’installation de jeunes agriculteurs pour servir le plus souvent de pur intermédiaire dans des transactions sur des biens fonciers dont la vocation est parfois résidentielle, mais en faisant bénéficier les parties privées de son privilège fiscal. Un contrôle plus étroit par l’État de l’activité des SAFER devrait permettre de les recentrer sur leurs missions d’intérêt général, avec des exigences déontologiques renforcées.
La simplification est un puissant levier d’économies et de ciblage de l’action publique. J’en prendrai un exemple tiré du rapport : des missions de recouvrement d’impôts divers ont été confiées au réseau des douanes pour compenser la perte de l’activité douanière traditionnelle. La Cour a relevé le nombre important d’impôts indirects à faible rendement : quarante-deux taxes ont un rendement inférieur à 100 millions d’euros. Certaines sont archaïques, comme la taxe sur les flippers qui a été réformée en 2007 sans être supprimée. Son coût de gestion dépasse son produit, qui est de 500 000 euros. La Cour invite les pouvoirs publics à supprimer les taxes obsolètes. Le retard d’informatisation des douanes est significatif : la Cour estime que 40 millions d’euros pourraient être économisés chaque année. Faut-il d’ailleurs que le ministère des finances conserve en son sein deux réseaux comptables de recouvrement des recettes fiscales ? La Cour pense que non. Elle recommande également la mise en place de l’auto-liquidation de la TVA à l’importation pour répondre à un enjeu important de compétitivité des plates-formes portuaires et aéroportuaires du territoire.
Vous le constatez à travers cet exemple : la mise en oeuvre d’économies n’est pas contradictoire avec l’amélioration de la qualité du service public, la simplification et le redressement de la compétitivité de notre économie, bien au contraire. C’est un constat que la Cour fait régulièrement et qui va souvent à l’encontre des idées reçues.
La Cour conçoit son rôle avant tout comme un aiguillon pour la modernisation des administrations. Pour cela, il est normal qu’elle souligne les insuffisances et les dérives. Mais il est important qu’elle souligne aussi les progrès constatés, qu’elle valorise ce que l’administration sait faire et bien faire et qu’elle encourage les réformes ainsi que les décideurs et les gestionnaires qui les conduisent. Le service civique doit répondre à une ambition forte : offrir dans trois ans à 100 000 jeunes par an l’opportunité de s’engager pour un projet d’intérêt général. Il en est encore à un premier stade de développement, avec 20 000 contrats par an, dont les premiers résultats sont encourageants. La poursuite du développement du service civique suppose de former les tuteurs, de maîtriser le coût pour l’État et de veiller à ce que les contrats ne se substituent pas à des emplois salariés.
Le rapport illustre les cas nombreux, où les exemples vertueux ne sont pas sans lien – nous nous en réjouissons – avec des travaux précédents de la Cour. Vous le savez, celle-ci est attentive aux suites concrètes données à ses recommandations. Elle répond ainsi à une prescription que vous-même avez inscrite dans la loi. Le nombre de recommandations partiellement ou totalement mises en oeuvre progresse, passant de 560 en 2011 à 1 033 en 2013, soit un quasi-doublement. Si le taux de recommandations suivies affiche un tassement, passant de 72 % à 62 %, ce résultat est imputable au caractère très récent de nombreuses recommandations et au choix de la Cour d’être sensiblement plus restrictive pour considérer qu’une recommandation est partiellement suivie.
Le rapport illustre des situations où les recommandations de la Cour ont été particulièrement suivies. La gestion des amendes de circulation et de stationnement routiers, dont le produit est de 1,6 milliard d’euros, s’est améliorée avec le développement des procès-verbaux électroniques, plus fiables, moins coûteux et laissant moins de prise à des possibilités d’indulgence, qui sont en rapide régression. La généralisation des PV électroniques doit être menée à son terme. Le redressement d’un régime de retraite complémentaire pour les enseignants du privé, récemment mis en place, avait été demandé par la Cour : il a été engagé rapidement.
Dans d’autres cas, les évolutions engagées sont trop lentes. C’est pourquoi la Cour insiste. C’est le cas par exemple de l’adoption internationale ou de l’accueil téléphonique de l’enfance en danger, encore très peu performant. Si Pôle emploi a fait de sensibles efforts pour lutter contre la fraude aux cotisations et aux indemnisations chômage, beaucoup reste à faire pour mieux cibler les contrôles, utiliser les données disponibles et rendre les sanctions plus rapides et plus efficaces.
Ce n’est pas non plus parce qu’une appréciation positive est formulée sur une politique publique qu’il faut se désintéresser de son avenir. Toutes sont soumises à des environnements changeants et certaines doivent être confortées pour préparer leur avenir. La Cour souligne l’importance des décisions à prendre concernant le transport spatial. Elle a examiné le recours aux partenariats public-privé pour le financement des investissements hospitaliers. La précipitation dans laquelle ces contrats ont été lancés explique une partie des dérives constatées, qu’il s’agisse des coûts ou de la qualité des réalisations, en particulier pour le Centre hospitalier sud francilien à Évry. La Cour formule des recommandations tirées de l’expérience passée, pour que les hôpitaux y aient recours à meilleur escient et dans des conditions financières beaucoup mieux maîtrisées. Les économies n’ont pas pour seule vocation de participer au redressement des comptes, elles permettent aussi de dégager des marges de manoeuvre, pour que les pouvoirs publics puissent investir dans des dépenses porteuses de croissance future et de donner à des services publics essentiels les moyens adéquats pour fonctionner de manière satisfaisante. Or, la Cour constate que ce n’est pas toujours le cas.
L’enquête sur la santé des détenus montre qu’en dépit des efforts des vingt dernières années, les importants besoins de soins de cette population en croissance continue sont encore très mal pris en charge, alors qu’elle se caractérise par une prévalence beaucoup plus forte des maladies psychiatriques et infectieuses que dans la population générale. Sur un autre sujet, la sécurité sanitaire des aliments, la Cour relève que le ministère de l’agriculture exerce de moins en moins ses missions de contrôle, particulièrement sur les produits phytosanitaires utilisés dans la culture et sur les établissements de transformation de denrées animales. La diminution des effectifs dans les services déconcentrés n’est pas pour rien dans cet affaiblissement. Alors que de nombreuses non-conformités sont détectées, les suites données aux contrôles sont rares et peu contraignantes, puisque 16 % seulement des contrôles ayant détecté des anomalies moyennes ou majeures ont débouché sur davantage qu’un simple avertissement. Ces deux exemples figurent pourtant au coeur des missions régaliennes de l’État.
Pour éviter que des situations de ce type ne se multiplient, la Cour invite les pouvoirs publics à recourir bien moins systématiquement à la réduction uniforme des dépenses dans l’ensemble des services, selon la méthode dite du « rabot ». Largement utilisée jusqu’ici, parce qu’elle était efficace pour produire rapidement des économies importantes, elle présente l’inconvénient d’affecter sans discernement les services les plus utiles et performants. Dans un nombre croissant de services de l’État, en particulier déconcentrés, elle conduit l’État à ne plus exercer certaines missions prévues par la loi, notamment les contrôles. C’est pourquoi, au rabot la Cour recommande de substituer des réformes ciblées sur les politiques les moins performantes, en s’appuyant sur les évaluations disponibles et en recentrant les politiques et les dispositifs publics sur les objectifs et sur les publics prioritaires.
En conclusion, je veux insister sur la dimension positive et constructive de ce rapport. Oui, les administrations peuvent largement progresser pour être plus efficaces dans l’exercice de leurs missions. Oui, il est possible de ralentir sensiblement la croissance des dépenses publiques pour entamer au plus vite le désendettement du pays. Oui, cette démarche est une opportunité sans précédent et, d’une certaine manière, une chance historique pour moderniser nos administrations, toutes nos administrations, petites ou grandes, et redonner confiance dans les services publics. Oui, ces évolutions peuvent permettre, sans retarder le retour à l’équilibre structurel des comptes, de redonner des marges de manoeuvre pour fixer de nouvelles priorités dans l’action publique, pour stimuler la croissance, pour répondre à des besoins en évolution constante ou pour alléger la pression fiscale.
Cela suppose d’engager rapidement les réformes utiles qui ont été régulièrement repoussées. Cela suppose qu’aucun acteur public ne s’exonère d’un nécessaire questionnement sur son utilité et son efficacité.
Cela suppose, je le redis, de s’intéresser bien davantage aux résultats des politiques publiques, à leur impact concret, qu’à l’importance des moyens qui leur sont confiées. Il est vrai que cela implique de tenir bon face aux inévitables résistances qui se manifestent, de dépasser, par la pédagogie, les frilosités, les corporatismes, les conformismes. De telles évolutions peuvent déranger des habitudes, remettre en cause des rentes de situation ou priver d’aides publiques certains qui ne devaient pas en bénéficier. On rappelle toujours que derrière chaque niche fiscale, il peut y avoir…
Certes, monsieur Terrasse, mais derrière chaque euro mal dépensé, il y a aussi des particuliers ou des intérêts catégoriels. L’intérêt général, qui n’est pas la somme des intérêts particuliers, doit toujours prévaloir.
Cette invitation aux réformes, au redressement des comptes, à la modernisation publique, n’a qu’un but, qui est la raison d’être des juridictions financières : éclairer les décideurs, les élus que vous êtes, mais aussi les citoyens, et donner les moyens d’adapter les services publics aux enjeux de demain. Je vous souhaite bonne lecture du rapport, mesdames, messieurs les députés, et vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le Premier président – cher Didier Migaud –, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la remise du rapport annuel de la Cour des comptes est un moment important dans l’organisation de nos travaux budgétaires. C’est l’occasion pour moi de saluer une nouvelle fois la qualité du travail des magistrats de la Cour ainsi que la constance et la ténacité de leurs prises de position, à l’instar de son Premier président. L’objectivité du travail mené par la Cour est le ciment de sa crédibilité. Je me concentrerai, dans cette courte intervention, sur la partie synthétisant la situation de nos finances publiques, mais je tiens à rappeler l’importance extrême de son travail d’évaluation et de contrôle de la dépense publique.
Le constat dressé par la Cour est triple.
Premièrement, la loi de programmation des finances publiques, que nous avons votée il y a à peine un an, est malheureusement largement obsolète.
Rappelons que la loi de finances pour 2013 avait prévu un déficit public à hauteur de 3 % du PIB et qu’il sera probablement de 4,1 %, certains évoquant même 4,2 %, voire 4,3 %.
Deuxièmement, les objectifs de déficit fixés pour 2014 – 3,6 points de PIB – sont aujourd’hui entachés d’une très forte incertitude sous l’effet de la poursuite de l’érosion des recettes fiscales – la Cour évoque dès à présent 2 milliards à 4 milliards de moins ; je rappelle que l’an dernier, 15 milliards de recettes fiscales n’étaient pas au rendez-vous par rapport à la prévision – et de la disparition de nouvelles recettes prévues – je pense, par exemple, à l’écotaxe. Et puis il y a bien sûr l’engagement de nouvelles dépenses, que souligne la Cour, les chiffrant à 2 milliards d’euros.
Troisièmement, des efforts structurels supplémentaires devront être consentis au cours des prochaines années, consistant notamment dans un fort ralentissement de la croissance des dépenses, en particulier dans deux domaines : en priorité celui de la dépense sociale, mais aussi celui des dépenses des collectivités locales.
De ce triple constat découle la nécessité pour le Gouvernement et pour le Parlement d’agir de concert pour éviter à tout prix qu’en 2014, la trajectoire de nos comptes publics ne s’écarte irrémédiablement de nos engagements européens. La Cour des comptes le rappelle fréquemment : les efforts non réalisés ces dernières années sont autant d’efforts qu’il conviendra de faire dans les années à venir, et ce dans des conditions de plus en plus difficiles.
Aussi, je saisis l’occasion de la remise du rapport pour demander au Gouvernement d’éclairer la représentation nationale quant au calendrier de l’examen de la nouvelle loi de programmation des finances publiques. Je rappelle en effet que le Haut conseil des finances publiques, que préside le Premier président de la Cour des comptes, a souligné, dans les avis qu’il a successivement émis sur les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2014, ainsi que sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013, que même si le Gouvernement était en mesure d’assurer la réalisation de ses prévisions pour 2013 en termes de solde structurel, il n’en demeurerait pas moins un écart de un point de PIB par rapport à la trajectoire fixée par l’article 2 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
Dès lors le Haut conseil, dans la perspective du dépôt du projet de loi de règlement pour 2013 – en mai prochain –, sera amené à constater l’existence d’un écart important au sens du II de l’article 23 de la loi organique. Si le Gouvernement choisit de reporter la date de retour à l’équilibre structurel au-delà de 2016 – ce qui me paraît l’hypothèse la plus probable – et de modifier de ce fait la loi de programmation, il me semble, et je le dis à notre président, qu’il serait beaucoup plus respectueux des droits du Parlement que la mise à jour de la loi de programmation soit examinée avant que soit transmis à Bruxelles le programme de stabilité. Certes, nous sommes contraints pas des échéances : interruption de nos travaux au mois de mars et transmission du programme de stabilité dans la seconde quinzaine d’avril. Mais je pense qu’il est réellement indispensable que la loi de programmation pluriannuelle, un acte national, qui dépend vraiment de notre Parlement, ne soit pas traitée comme la conséquence, le sous-produit, du programme de stabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je me permets, monsieur le président, d’insister sur ce point.
Il y a un deuxième point sur lequel, au vu de l’expérience de 2013, je veux insister : le Gouvernement ne peut pas rester sur une position de refus a priori de toute loi de finances rectificative en milieu d’année.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Le rapport de la Cour montre bien d’ores et déjà que nous avons un risque sérieux de moindres rentrées fiscales – je l’espère d’une ampleur plus limitée qu’en 2013 –, d’autant plus que les prévisions pour 2014 ont été faites à partir des bases 2013 qui se sont révélées erronées. L’effet bases va par conséquent être d’une certaine importance. Je vous livre juste un chiffre à ce sujet, mes chers collègues, et qu’il faut méditer : vous savez que nous avons inscrit en prévision d’impôt sur le revenu 75 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2014 ; or quelle a été l’exécution en 2013 ? Seulement 67 milliards d’euros. Nous aurions donc tout avantage, à la différence de l’exercice 2013, à examiner en milieu d’année, avant l’automne, un projet de loi de finances rectificative pour débattre des enjeux à relever au vu de la situation de nos finances publiques et nous prononcer ainsi au moment adéquat. Cette solution vaudrait également pour les dépenses. J’insiste sur ce point car il ne s’agit pas seulement d’un problème de recettes, mais aussi d’un problème de dépenses. En effet, et le Premier président l’a très bien dit à l’instant, la gestion du Gouvernement – dont le suivi par le Parlement laisse à désirer – qui consiste a gelé, surgelé, puis à annuler au fur et à mesure les crédits en maniant avant tout le rabot, n’est pas une bonne méthode.
Par ailleurs, je suis persuadé, madame la ministre, que si nous avions examiné une loi de finances rectificative au milieu de l’année dernière, comme le souligne d’ailleurs la Cour des comptes, le déficit public n’aurait pas atteint 4,1 %, voire 4,2 % ou 4,3 %, mais seulement 3,9 %.
Par conséquent, non seulement par respect pour le Parlement mais aussi pour l’efficacité budgétaire, il faut absolument débattre en milieu d’année d’un collectif.
Dernier point que je voudrais évoquer : la Cour appelle à un changement de méthode en ce qui concerne la réduction de nos dépenses publiques. Il est vrai, comme le rappelle toujours le ministre du budget, Bernard Cazeneuve, que la méthode dite de prévision de dépenses en tendance a été utilisée par tous les gouvernements, mais je crois qu’aujourd’hui, du fait de la difficulté de la situation, nous devons collectivement nous obliger à en changer parce que en raisonnant en tendance, on fait des choix discrétionnaires qui, selon le rapport, font que « les économies affichées pour 2014 par le Gouvernement ont [… ] un caractère conventionnel. De plus, leur montant ne conduit pas à une baisse des dépenses mais à un ralentissement de leur croissance. » Nous disposons de différentes évaluations sur l’évolution en tendance pour 2013 – celle de la Cour, celle du Gouvernement qui était beaucoup plus élevée, et puis celle de notre rapporteur général qui aboutissait à une estimation intermédiaire –, mais chacune montrait que la méthode n’était absolument pas satisfaisante et devait être revue.
Il est vrai qu’un certain nombre d’économies affichées par le Gouvernement ont été documentées, mais, pour l’exercice 2014, la Cour nous invite à nous interroger de façon beaucoup plus précise, monsieur le rapporteur général, sur les 3,9 milliards qui manquent à l’appel, s’agissant des dépenses du budget de l’État inscrites dans le périmètre « zéro valeur ». En effet, une partie seulement des douze milliards et demi d’économies sont documentés. Ainsi, et je cite à nouveau le rapport, « le respect des objectifs de dépenses repose donc sur la capacité du ministère du budget à geler ces crédits jusqu’à la fin de l’année et à en annuler une part importante. » Cette méthode, certes utilisée par tous les gouvernements, n’est, je le répète, pas satisfaisante et doit, vous le disiez à l’instant, monsieur le Premier président, le plus vite possible céder le pas à une véritable remise en cause de l’organisation et des missions des services de l’État.
Au passage, je note, qu’implicitement cette fois, la Cour des comptes nous dit toute son inquiétude quant au financement du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République. Elle évalue en effet non pas à 50 milliards mais à 57 milliards les efforts d’économies nécessaires au seul respect des engagements européens de la France de réduction des déficits, sans même parler du pacte de responsabilité.
On peut donc se demander comment, malgré des efforts significatifs et des économies chiffrées à 12 milliards d’euros, va-t-on réussir, en 2014, à poursuivre la réduction du déficit, à laquelle nous nous sommes engagés, tout en procédant à une baisse supplémentaire de charges de grande ampleur.
Voilà, mes chers collègues, le grand défi qui nous attend, et que nous devrons essayer de relever ensemble en améliorant, dans la discussion budgétaire, le travail entre le Parlement, en particulier notre assemblée, et le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le Premier président, mes chers collègues, je salue le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes qui, comme chaque année, me paraît riche d’enseignements à plus d’un titre.
A ce propos, je tiens à souligner une nouvelle fois l’étroite collaboration du Parlement et de la Cour dans le contrôle du Gouvernement et de l’exécution des lois de finances, ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Cette année encore, ses travaux constituent une source d’information précieuse, à l’origine de nombreux travaux au sein notamment de la commission des finances mais aussi de la mission d’évaluation et de contrôle ou d’autres structures propres à notre assemblée.
Je rappellerai ainsi le travail important qui a été réalisé, sur le fondement de l’article 58-2 de la LOLF, sur les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance-vie en déshérence, qui va aboutir dans quelques jours au dépôt d’une proposition de loi assez largement consensuelle. À ce propos, je voulais particulièrement saluer et remercier le président de la première chambre, M. Raoul Briet, pour sa disponibilité.
Je serai également intéressé par les résultats à venir de l’enquête, demandée à la même première chambre de la Cour, en application de la LOLF, sur les associations de gestion agréées. La Cour a inscrit cette enquête à son programme de travail pour l’année 2014 et je l’en remercie.
J’en viens au rapport annuel, que vous nous avez présenté, monsieur le Premier président, et, plus précisément, à sa première partie qui traite traditionnellement de la situation d’ensemble des finances publiques. Je dirai peu de chose des zooms que vous avez faits sur certains organismes, car le temps qui nous a été imparti entre la transmission de votre rapport et sa présentation cet après-midi ne nous a pas permis d’aller aussi loin. Mais nous en ferons l’analyse et nous en tirerons les enseignements au cours des prochaines semaines.
Parfois, les interprétations d’un même rapport sont si différentes que l’on peut se demander s’il n’y a pas eu un changement de paire de lunettes ou de lecteur.
Tout d’abord, la Cour des comptes note qu’en 2013, l’effort structurel s’établit à 1,7 % du PIB et « atteint un niveau inégalé dans le passé ». La Cour confirme donc l’engagement du Gouvernement et de la majorité à assainir les finances publiques. Elle confirme également une vérité mathématique que nous répétons régulièrement dans cet hémicycle : quand le déficit structurel passe de 3,9 % du PIB en 2012 à 2,6 % du PIB en 2013, il diminue.
Mon cher collègue, lorsque l’on passe de 3,9 % à 2,6 %, n’est-ce pas une diminution ?
Vous devriez peut-être acheter un boulier, mon cher collègue !
Avec son impartialité habituelle, la Cour souligne l’existence d’écarts entre la prévision et l’exécution du solde nominal et du solde structurel, comme vous l’avez souligné monsieur le président de la commission. Je constate néanmoins que l’analyse de la Cour sur les raisons de tels écarts est très proche de celle que j’ai présentée à l’automne dernier : ce sont des facteurs extérieurs à la politique budgétaire du Gouvernement qui expliquent en partie les écarts par rapport à cette prévision.
Ces facteurs sont à rechercher dans la sous-réaction des prélèvements obligatoires à la croissance, qui vient peser à la fois sur le solde structurel et sur le solde effectif. C’est un phénomène courant en période de ralentissement économique ; à moyen terme, ce manque à gagner pourrait être compensé par une surréaction de même ampleur. C’est en tout cas ce que tout le monde espère en cas de retournement de la croissance.
L’écart entre prévision et exécution du solde structurel pourrait atteindre, selon la Cour, 1 % du PIB, ce qui n’est pas une nouveauté puisque c’était écrit quasiment dans les mêmes termes dans le rapport que j’ai présenté à la fin de l’année dernière. Si tel devait être effectivement le cas, le Haut conseil des finances publiques devrait constater, en juin prochain, un « écart important » selon les termes de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, première étape de la procédure d’ajustement prévue par l’article 23 de cette même loi.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le caractère paradoxal de la procédure qui pourrait alors être enclenchée. Il est, en effet, tout à fait probable que la quasi-totalité des écarts ainsi constatés soient dus à des éléments extérieurs à la volonté du Gouvernement et que la réduction du déficit structurel due à des mesures discrétionnaires soit en ligne avec la prévision. Malgré cela, la procédure serait quand même enclenchée. C’est l’un des défauts de la notion de solde structurel : la notion d’effort structurel est sans doute plus représentative de l’action du Gouvernement – et je sais que le président Carrez ne me contredira pas sur ce point.
Au-delà de ce sujet très transversal, j’ai relevé que le rapport annuel traite de plusieurs sujets susceptibles d’intéresser directement le rapporteur général.
J’évoquerai tout d’abord les problématiques de la fiscalité liée au handicap, pour laquelle les mesures en vigueur, héritées du passé, semblent manquer de cohérence, ce qui est particulièrement critiquable pour un sujet aussi sensible et important. Puis, en tant qu’ancien enseignant, je ne peux ignorer la question des internats d’excellence et des internats de la réussite, qui m’interpelle également compte tenu notamment de ce qu’il est convenu d’appeler pudiquement « la marge de progrès possible » mise en évidence par la Cour.
S’agissant de la gestion publique, l’analyse par la Cour du thème des partenariats publics-privés met clairement en évidence une procédure mal maîtrisée en ce qui concerne les PPP du plan Hôpital 2007, mes chers collègues.
C’est particulièrement regrettable dans le domaine des dépenses sociales.
Enfin, je relève que la Cour souligne la nécessité de repenser l’organisation et le rôle de la douane en ce qui concerne ses missions fiscales. Il s’agit là d’un sujet important pour le ministère des finances ; nous en reparlerons.
Pour résumer et répondre à certaines interpellations, faut-il considérer qu’une loi de finances rectificative réduit automatiquement le déficit ? Si tel avait été le cas, chers collègues de l’opposition, la multiplication des lois de finances rectificatives que vous avez fait adopter durant l’année 2011 et au début de l’année 2012…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Cela dit, faudra-t-il examiner un tel texte avant ou après la coupure estivale ? Poser le débat est nécessaire. C’est un sujet sur lequel, à titre personnel, j’ai des échanges avec le Gouvernement auquel je laisse le soin d’annoncer sa décision le moment venu. Cela étant, nous pouvons nous rejoindre au moins sur un point : les contraintes de temps sont celles que vous avez signalées.
Faut-il changer la méthode d’évaluation des dépenses ? Les méthodes et les contenus des rapports que j’ai pu présenter en votre nom sont assez peu différents de ceux qui ont été retenus par la Cour. Ils sont sensiblement les mêmes et tous les pays d’Europe utilisent ce type de comparaisons. Nous pouvons toujours faire les deux, mais je ne crois pas que cela changerait grand-chose sur le fond.
Par ailleurs, je voudrais dire et redire certaines vérités qu’il ne faut pas oublier, monsieur Geoffroy.
En l’espace de quatre ans, nous aurons divisé le déficit public par deux. S’agissant des dépenses, reconnaissez qu’elles ont été contenues…
…et qu’elles sont conformes aux prévisions de la loi de finances, à quelques très rares exceptions près. J’admets que la prise en compte dans la norme de certaines dépenses peut susciter des interrogations, mais, quand on voit les reports qui ont été effectués suite à des non-inscriptions de prévisions de dépenses antérieures, force est de constater que, dans ce domaine, nous avons plutôt bien fait.
À cet égard, je relève que la Cour estime que les économies de dépenses sont nettement mieux documentées que par le passé. C’est écrit en toutes les lettres ; c’est le titre d’un chapitre.
S’agissant des recettes, les questions d’assiette ont été évoquées. Il faut toujours avoir présent à l’esprit que nous travaillons sur des prévisions de croissance et des prévisions d’élasticité des recettes par rapport à la croissance. Si la réalisation des recettes n’est pas certaine, elle est néanmoins jugée « plausible ». C’est possible, nous dit-on encore, mais il n’y a pas de marge de manoeuvre. Si celles-ci existaient, mes chers collègues,…
…nous n’en serions pas à faire la chasse aux crédits et à prendre les mesures d’économies nécessaires. Il faut donc avoir une lecture sereine de ce rapport,…
…sans prétention. L’examen attentif de nos débats de la fin de l’année dernière et des rapports qui ont été commis, y compris par votre serviteur, laissaient à penser que le déficit, prévu à 4,1 %, pour l’année 2013 serait très probablement légèrement dépassé.
Nous pourrons entrer dans les détails quand nous aurons tous les chiffes, notamment ceux des dépenses sociales. Selon les premières indications concernant les budgets sociaux, les dépenses devaient être légèrement moindres que prévues ; on évoque environ un milliard d’euros. Nous avons un certain nombre d’éléments contrastés, c’est vrai.
Mais, ne vous en déplaise, monsieur Geoffroy, sous la législature précédente, les déficits publics ont été supérieurs à 7 % du PIB et, en tout état de cause, n’ont jamais été inférieurs à 5 %.
En conséquence, lorsqu’ils s’élèvent à 4,1 % ou 4,2 %, voire à 4,3 %, nous pouvons tranquillement affirmer que les déficits publics ont été réduits.
Nous pouvons nous dire tout aussi tranquillement que nous pouvons et devons chercher à faire davantage par des mesures d’économies. Nous pourrons longuement discuter sur le rabot et la modernisation de l’action publique ; l’essentiel est d’arriver à des résultats et d’éviter les caricatures.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le Premier président, l’Assemblée nationale vous donne acte du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes et vous remercie.
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 7 avril 2014 :
Débat avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté ;
Questions au ministre de l’intérieur ;
Questions au ministre de l’éducation nationale ;
Débat sur l’industrie aéronautique française ;
Débat sur l’action des commissaires au redressement productif ;
Débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes ;
Débat sur la réforme territoriale.
Il n’y a pas d’opposition ?… Il en est ainsi décidé.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de procédure pénale que je vous présente en séance publique, après les travaux de votre commission, est un texte de liberté en ce qu’il établit des règles qui n’existaient pas. En effet, nous connaissons tous cet aphorisme du célèbre juriste Rudolf von Jhering qui, à propos de la procédure, disait : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la soeur jumelle de la liberté. »
Dans une démocratie, la puissance publique a l’obligation de veiller à la sécurité des citoyens, car c’est l’un des fondements du contrat social.
M. Christophe Sirugue remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.
Elle a également l’obligation d’assurer leur sûreté, cette notion étant définie à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, un texte qui appartient à notre bloc de constitutionnalité.
Cette sûreté, Habeas corpus à la française, implique simplement que la puissance publique protège tous les citoyens contre l’arbitraire de la force et qu’il ne peut être porté atteinte aux libertés que dans les cas de stricte nécessité que commande la préservation de la sécurité.
Le texte que nous examinons aujourd’hui satisfait à ces deux exigences : garantir la sécurité et la sûreté des citoyens.
Il consacre une technique policière utile à l’élucidation des affaires et à l’arrestation des auteurs d’infractions en définissant un cadre, un formalisme, grâce auquel cette technique policière pourra être mise en oeuvre sans que soit constituée, ainsi que l’avait relevé la Cour de cassation en ses deux arrêts du 22 octobre 2013, une ingérence grave dans la vie privée.
La géolocalisation recouvre deux techniques. La première consiste en un suivi dynamique, en temps réel, à partir d’un terminal téléphonique, afin de localiser une personne. Cette technique est par exemple utilisée dans la recherche de mineurs, de majeurs protégés, de personnes en fuite ou de majeurs dont la disparition est considérée comme inquiétante.
La seconde est un dispositif dédié, c’est-à-dire une balise posée sur un objet ou un véhicule de transport, à l’extérieur pendant assez longtemps mais de plus en plus souvent à l’intérieur depuis quelques années car les possibilités de dissimulation sont plus nombreuses. Ce dispositif permet également de suivre les déplacements d’une personne en temps réel.
Ces dernières années, ces techniques de géolocalisation ont connu une croissance exponentielle. Alors qu’en 2011, environ 4 500 balises étaient posées, nous en étions déjà à 5 500 en 2012, soit une hausse de 25 % en une seule année. Pour ce qui est de la géolocalisation par terminal téléphonique, nous sommes passés de 1000 à 3000 réquisitions en 2009 à 20 000 réquisitions en 2013, ce qui traduit une augmentation considérable et représente un coût de 10 millions d’euros pour la justice. Voilà pour les faits, qu’en est-il du droit ?
Justement, ces techniques de géolocalisation ne sont encadrées par aucun dispositif juridique puisqu’aucune loi n’autorise expressément le recours à la géolocalisation et ne pose les conditions ou le cadre dans lequel on peut y avoir recours. Le procureur et le juge d’instruction font procéder à des actes de géolocalisation. Le premier s’appuie sur l’article 41 du code de procédure pénale, article général qui dispose que le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale.
Le magistrat instructeur ne dispose pas d’instrument plus précis puisqu’il se réfère, quant à lui, à l’article 81 du code de procédure pénale, qui dispose que le juge d’instruction procède, conformément à la loi – or, en l’occurrence, justement, il n’en existe pas –, à tous les actes d’information nécessaires à la manifestation de la vérité et qu’il instruit à charge et à décharge.
Par ailleurs, les balises, considérées comme des aides à l’enquête, ne sont pas introduites dans la procédure. Il devenait donc nécessaire de poser un cadre juridique pour les actes de géolocalisation. Depuis 2010, les autorités françaises devaient savoir qu’il y avait péril en la demeure en raison de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Uzun contre Allemagne, dont il résulte que les actes de géolocalisation constituent des ingérences dans la vie privée, non conformes à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Une loi devait donc être prise, suffisamment précise pour ne pas autoriser les abus de pouvoir.
Puisque rien n’avait été préparé à cet effet, j’ai demandé, dès janvier, à l’administration et à mon cabinet de travailler à un projet de loi et de procéder aux consultations et concertations nécessaires. Ce texte a été écrit, soumis à toutes les réunions interministérielles nécessaires, notamment avec le ministère de l’intérieur et celui de la défense. Nous en étions pratiquement arrivés à la fin des arbitrages lorsque le projet de loi relatif à la programmation militaire est arrivé en discussion, projet de loi dans lequel il avait été envisagé, dans le cadre de ces réunions, d’introduire les dispositions relatives à la géolocalisation. Je n’ai pas validé cette intention, car les actes de procédure en question étant intimement liés aux libertés individuelles, il m’avait semblé périlleux d’introduire par voie d’amendement, dans un texte de loi déjà passé au Conseil d’État, des dispositions relatives à la géolocalisation. J’ai donc plutôt choisi de poursuivre le travail sur notre projet de loi.
Sur ces entrefaites, la Cour de cassation a rendu deux arrêts le 22 octobre 2013. L’un d’eux annule une procédure où un acte de géolocalisation avait été ordonné par le parquet. Ces arrêts sont plus restrictifs que celui de la Cour européenne des droits de l’homme de 2010 dans la mesure où, là où la Cour européenne se contentait d’indiquer qu’il était nécessaire de disposer d’un cadre juridique, la Cour de cassation, plus sévère, estime que la géolocalisation en temps réel constitue une ingérence grave dans la vie privée au titre de ce même article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et suffisamment grave pour justifier qu’elle ne soit exécutée que sous le contrôle d’un juge.
Nous avons pris acte de ces arrêts qui mettent en évidence le vide juridique entourant la géolocalisation et nous avons accéléré le travail que je viens de décrire, avec le ministre de l’intérieur, dans le souci d’élaborer un texte qui comprenne toutes les dispositions de nature à assurer à la fois la protection des libertés individuelles et l’efficacité des enquêtes. J’ai donc demandé à l’administration et au cabinet de travailler avec les enquêteurs de l’OCRTIS, l’Office central de répression des trafics illicites de stupéfiants, ainsi qu’avec la BRI, la Brigade de recherche et d’intervention spécialisée en grand banditisme. Je me suis moi-même déplacée au 36, quai des orfèvres, siège de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris, pour une séance de travail avec les services spécialisés dans la grande délinquance organisée afin de m’imprégner plus précisément du fonctionnement des dispositifs matériels, de leur doctrine d’emploi et des contraintes qui pèsent sur les officiers de police judiciaire.
Ce travail extrêmement fructueux nous a permis de présenter au Conseil d’État, à peine un mois et demi après les arrêts de la Cour de cassation, un projet de loi qu’il a méticuleusement examiné, qui a fait l’objet de nombreuses séances de travail et d’une vaste concertation et qui nous a permis de déposer sur le bureau des chambres du Parlement le texte que vous examinez aujourd’hui à la suite des modifications introduites par le Sénat.
Il nous est évidemment apparu indispensable de définir les cadres procéduraux du recours à la géolocalisation. Nous les avons donc définis comme étant l’enquête préliminaire, l’enquête de flagrance, l’enquête en recherche des causes de la mort, l’enquête en recherche des causes de la disparition, l’enquête en recherche d’une personne en fuite et, bien entendu, l’information judiciaire. Nous avons ainsi considéré que, dans tous ces cadres procéduraux, des actes de géolocalisation pouvaient être nécessaires même s’ils l’étaient de manière inégale.
Nous avons également souhaité définir le champ infractionnel parce que les dispositions de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme énoncent très clairement que les infractions visées doivent être d’une certaine gravité et que l’ingérence de la puissance publique dans la vie privée doit être proportionnée aux nécessités de la sûreté publique. Pour tenir compte de ces deux exigences, nous avons étudié les limites que nous pouvions poser au champ infractionnel.
Nous pouvions bien évidemment considérer que les magistrats pourraient étudier les procédures au cas par cas et, selon la gravité des infractions et les risques en cause, décider d’y recourir ou non. Vous admettrez qu’il y avait là une part de subjectivité susceptible d’introduire un risque d’insécurité juridique, aussi nous a-t-il semblé plus prudent de délimiter ce champ infractionnel. Nous nous sommes bien rendu compte à quel point cette question faisait débat, au Sénat comme ici. Le texte original du Gouvernement retenait en effet deux quantum : les infractions dont la peine encourue était de trois ans lorsqu’il s’agissait de poser une balise sur un véhicule situé sur la voie publique ou dans un entrepôt et les infractions dont la peine encourue était de cinq ans, lorsqu’il y avait lieu de s’introduire plus avant, c’est-à-dire dans des locaux professionnels ou, pis, dans des lieux d’habitation privés.
Le Sénat a choisi de ne retenir qu’un seul quantum, celui de cinq ans, ce que nous pouvons comprendre car il s’agit là d’une technique intrusive dont la Cour de cassation dit qu’elle constitue une ingérence grave dans la vie privée. L’on peut, à cet égard, juger que le vol simple puni d’une peine d’emprisonnement de trois ans est une infraction qui ne justifie pas vraiment le recours à un tel procédé.
J’ai lu le compte rendu de vos travaux en commission et je sais que vous vous êtes beaucoup interrogés à propos du vol simple,…
…en particulier des circonstances dans lesquelles le vol simple serait une première infraction qui permettrait d’en commettre d’autres – par exemple la participation à un trafic de stupéfiants. Dans ce cas d’espèce, l’enquête peut être ouverte pour trafic de stupéfiants ou association de malfaiteurs. Il ne serait donc pas judicieux de retenir le vol simple, infraction punie de trois ans.
Je crois en revanche, comme je l’ai expliqué au Sénat, que nous devons affiner le dispositif en distinguant les atteintes aux personnes, qui doivent appeler plus de sévérité, des atteintes aux biens qui peuvent souffrir une moindre intrusion. C’est ainsi que j’ai présenté au Sénat, au nom du Gouvernement, un amendement pour réintroduire, dans le quantum unique de cinq ans retenu par le Sénat, un quantum de trois ans pour les atteintes aux personnes : les menaces de mort, la non-représentation d’enfant aggravée par la durée, à partir de cinq jours, ou son caractère international, les contentieux familiaux internationaux étant souvent très difficiles, le harcèlement sexuel aggravé ou les violences aux personnes ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours.
Je sais que vous avez choisi, pour votre part, d’en revenir à trois ans. Il me paraît plus prudent d’en rester à l’interprétation qu’a faite le Sénat de la jurisprudence européenne, quitte à la préciser et l’élargir. C’est la raison d’être de l’amendement dont je viens de vous parler et d’un autre qui tend à ajouter l’évasion – déjà visée dans le premier mais les références introduites ne couvraient pas l’évasion et je savais pouvoir compter sur vous pour y remédier – ainsi que le recel de criminel.
Nous discuterons donc de cette question tout à l’heure. Il me paraît important de préserver les libertés individuelles en retenant un quantum de cinq ans, notamment lorsqu’il s’agit de poser une balise sur un véhicule ou sur un objet, mais de fixer ce quantum à trois ans lorsqu’il s’agit d’atteinte aux personnes, pour assurer la sécurité des personnes en agissant avec une plus grande sévérité contre ces infractions.
Ce projet de loi contient également des dispositions portant sur le contrôle, par le magistrat, des mesures de géolocalisation. Nous avions prévu un contrôle préalable par le magistrat. Je vous rappelle que les arrêts de la Cour de cassation énoncent très clairement que la géolocalisation en temps réel doit être exécutée sous le contrôle du juge. Mais nous savons que 97 % des affaires pénales font l’objet d’une enquête préliminaire ; seules 3 % d’entre elles font l’objet d’une information judiciaire.
Bien entendu, nous avons tiré rapidement les conséquences de ces arrêts de la Cour de cassation. La Direction des affaires criminelles et des grâces a adressé aux parquets généraux une dépêche pour les inviter à ouvrir, aussitôt que possible, une information judiciaire. Nous avons fait examiner et expertiser mot à mot ces arrêts de la Cour de cassation, et nous en avons retenu deux choses. D’une part, ces arrêts parlent de contrôle par le juge, et non d’autorisation par le juge. D’autre part, ils ont été rendus dans un vide juridique, en l’absence de loi encadrant la géolocalisation.
Nous avons donc considéré que nous pouvons interpréter ces arrêts comme autorisant ces mesures lorsqu’elles sont ordonnées par un magistrat, y compris du parquet, dans un cadre juridique énoncé très clairement. À partir de là, il est évident que ce cadre juridique doit rester cohérent avec notre code de procédure pénale. Or la procédure pénale reconnaît une hiérarchie : les actes relevant d’une décision prise par les officiers de police judiciaire ne peuvent être attentatoires aux libertés individuelles, tandis que les actes relevant des magistrats du ministère public peuvent conduire à une atteinte, disons, « moyenne », aux libertés ; viennent ensuite les actes pris par un magistrat du siège. Nous considérons donc que dans le cadre de cette hiérarchie, qui est classique dans notre procédure pénale, nous pouvons définir les conditions dans lesquelles les magistrats du ministère public peuvent décider d’actes de géolocalisation.
Pour ce qui concerne les officiers de police judiciaire, vous savez que les décisions de filature relèvent de leur autorité. Or la Cour de cassation n’a pas considéré que la géolocalisation est une filature réalisée au moyen de techniques modernes, dans la mesure où elle est quasiment infaillible, et surtout dans la mesure où elle est très intrusive. En effet, la pose d’une balise de géolocalisation ou un terminal téléphonique permettent de suivre les déplacements de la personne visée, y compris dans des lieux clos. Il y a donc une intrusion, y compris dans des lieux de grande intimité. Pour toutes ces raisons, la Cour de cassation a considéré que la géolocalisation n’est pas une filature améliorée : elle nécessite l’autorisation d’un magistrat. Nous avons donc choisi de permettre aux magistrats du ministère public de prendre ces décisions.
Je rappelle que les magistrats du ministère public, c’est-à-dire les parquetiers, appartiennent à l’autorité judiciaire. Nous avons discuté de ce point à plusieurs reprises dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen de la loi du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l’action publique, mais également à l’occasion de la discussion inachevée du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Les magistrats du ministère public appartiennent bien à l’autorité judiciaire. Cela a d’ailleurs été formulé très clairement, et à plusieurs reprises, par le Conseil constitutionnel. L’interprétation de la Cour de cassation diffère ; cette dernière estime en effet, sur le fondement des conventions internationales, que cette appartenance n’est pas établie. Pour notre part, nous considérons que le ministère public appartient à l’autorité judiciaire et que les magistrats du ministère public assurent eux aussi la protection des libertés individuelles, même si c’est dans un champ moins large que celui des magistrats du siège. C’est d’ailleurs à ce titre que les magistrats du ministère public assurent la direction de la police judiciaire.
Dans son projet de loi, le Gouvernement a décidé de permettre aux magistrats du ministère public de décider de ces actes de géolocalisation en temps réel. Nous avons prévu que la durée de validité de cette décision serait de quinze jours. Cette durée correspond à la durée d’une enquête préliminaire, d’une enquête flagrance prolongée, c’est donc un délai moyen de sécurité. Au-delà de quinze jours, l’intervention du juge des libertés et de la détention est nécessaire. Le Sénat a réduit cette durée à huit jours, mais votre commission des lois l’a rétablie à quinze jours : je l’en remercie.
Nous avons par ailleurs considéré que, pour respecter la logique de la hiérarchie que j’ai évoquée tout à l’heure, il faut y ajouter un niveau supplémentaire, afin de resserrer les conditions de sécurité en fonction de la gravité de l’atteinte à la vie privée. Nous avons donc prévu qu’il faudra une autorisation du juge des libertés et de la détention dans le cas où il est nécessaire de s’introduire dans un lieu d’habitation – donc un lieu privé – pour installer un dispositif de géolocalisation. Dans le cas où cette opération intervient de nuit, il faudra une autorisation du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d’instruction.
Le Sénat a introduit une disposition d’exception qui permet aux officiers de police judiciaire de décider seuls d’un acte de géolocalisation en temps réel. Nous avions nous-même envisagé cette solution, car elle a été demandée par les officiers de police judiciaire eux-mêmes. Nous avions donc inclus dans le projet de loi un dispositif permettant aux officiers de police judiciaire de procéder en urgence à une pose de balise, mais nous avions prévu que, pour cela, ceux-ci sollicitent l’autorisation du procureur de la République. Ce dernier pouvait donner son accord verbalement à la mesure de géolocalisation, cette mesure devant être confirmée dans un délai de douze heures.
Le Sénat a supprimé cette condition d’un accord nécessaire du procureur de la République. La commission des lois de l’Assemblée nationale a confirmé ce choix en ne modifiant pas sur ce point le texte issu des travaux du Sénat.
Cette disposition avait cependant suscité un fort débat au Conseil d’État. Celui-ci a considéré qu’il y avait lieu de la retravailler, parce que cette liberté donnée aux officiers de police judiciaire ne lui semblait pas conforme à la Constitution. Nous nous sommes donc engagés à la modifier. Nous avons ainsi assoupli la possibilité d’intervenir en urgence, en prévoyant que l’accord du procureur de la République puisse être donné oralement, par téléphone. Dans ces conditions, intervenir en urgence ne pose pas de difficulté parce qu’il est évidemment possible de joindre à tout moment un magistrat du parquet.
Le Sénat a donc supprimé cette disposition. Vous avez maintenu, sur ce point, la rédaction issue des travaux du Sénat, que le Gouvernement avait d’ailleurs améliorée par amendement lors de l’examen en séance publique au Sénat. Après l’adoption de cet amendement, le projet de loi prévoit d’une part que le magistrat, une fois contacté par l’officier de police judiciaire, peut décider d’une mainlevée, et, d’autre part, que ce magistrat doit préciser les circonstances qui justifient la poursuite de la géolocalisation, comme les risques de dépérissement de preuves ou d’atteintes graves aux personnes ou aux biens.
Une autre question délicate se pose : celle du « dossier occulte ». C’est une question extrêmement difficile. À l’origine, le Gouvernement a inclus ce « dossier occulte » dans le projet de loi, sous la forme d’un dispositif très proche de la procédure du témoignage sous X. Le Sénat a voulu aller plus loin, et a introduit une disposition d’occultation de toute une série de pièces, de manière à protéger les personnes qui ont apporté des renseignements aux policiers. Nous sommes tous soucieux de protéger l’intégrité physique de ces personnes dont les informations permettent souvent aux enquêtes d’aboutir. Il n’empêche que cette occultation de pièces, telle qu’elle a été prévue par le Sénat, pose un certain nombre de problèmes du point de vue du droit au procès équitable, des droits de la défense et du principe du contradictoire. La contestation de la procédure est soumise au principe du contradictoire : que des pièces de la procédure échappent à ce principe pose donc problème.
Vous vous êtes vous-mêmes rendu compte que le dispositif introduit par le Sénat pose problème. En outre, il ne garantit pas mieux le caractère opérationnel des enquêtes. Vous l’avez donc modifié, mais cette modification elle-même ne vous a pas paru satisfaisante puisque vous avez choisi de déposer un amendement dont nous débattrons tout à l’heure. Pour ma part, j’ai à la fois le souci de protéger ces personnes et de respecter les contraintes de procédure. Il faut par surcroît veiller à sécuriser juridiquement la procédure elle-même pour l’avenir. J’ai donc demandé à la chancellerie de travailler à un amendement qui nous permettrait éventuellement de consolider ce mécanisme. Pour vous parler franchement, nous n’y sommes pas parvenus. J’avais demandé de respecter deux contraintes : d’une part, veiller à l’efficacité du dispositif ; d’autre part, s’assurer de sa constitutionnalité. Nous n’y sommes pas parvenus.
Je me permets simplement, comme je l’ai fait au Sénat, d’appeler l’attention des illustres, honorables et presque vénérables législateurs que vous êtes, sur le fait qu’aujourd’hui, le contrôle de constitutionnalité a posteriori prévu par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui protège incontestablement les libertés individuelles, remet constamment en question les procédures pénales elles-mêmes. Aujourd’hui, non seulement les actes de procédures doivent être conformes à la loi, mais la loi elle-même doit être conforme à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme. Il me paraît que le dispositif prévu n’est pas absolument garanti contre ce risque-là. Nous en discuterons tout à l’heure à l’occasion de l’examen de l’amendement de M. le président de la commission des lois et de M. le rapporteur.
Selon ce qu’il ressortira de cette discussion, peut-être m’autoriserai-je à évoquer avec M. le président de la commission des lois, dans le respect de la séparation des pouvoirs, l’hypothèse d’une saisine a priori du Conseil constitutionnel, avant promulgation de la loi, de façon à s’assurer que ce mécanisme est bien constitutionnel. Ainsi, nous ne prendrions pas le risque qu’après la promulgation de la loi, une enquête conduite conformément à cette loi soit cassée à cause de l’inconstitutionnalité ou de l’inconventionalité de cette disposition. Une telle censure nous placerait tous dans une situation inconfortable, surtout s’il s’agit d’une enquête en matière de terrorisme ou de criminalité.
J’aborde à présent un dernier point : le statut des repentis. J’ai présenté au Sénat un amendement qui a été adopté : je souhaite vous en dire quelques mots. Vous savez que la loi du 9 mars 2004 a créé un statut pour les repentis, appelés officiellement « collaborateurs de justice ». Ce statut n’a jamais pu être mis en oeuvre, car aucun décret d’application n’a été publié, faute d’accord entre les trois ministères concernés – qui sont le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur et le ministère des finances.
À mon initiative, les discussions entre ces trois ministères sur ce sujet ont repris. Nous ne partons pas de zéro, car ces discussions avaient déjà débuté, mais en neuf ans elles n’avaient pas abouti. Depuis fin 2012, je les ai fait reprendre, et elles ont abouti. J’ai donc présenté, à la fin de l’année dernière, un projet de décret au Conseil d’État. Celui-ci a validé ce décret à la mi-janvier, sauf pour une de ses dispositions. Cette disposition permettait à l’AGRASC, l’Agence de recouvrement et de saisie des avoirs criminels, de prendre en charge financièrement ces personnes qui contribuent à repérer et à démanteler des réseaux de criminalité organisée, de grande délinquance économique et financière, de fraude fiscale et de blanchiment d’argent. Ces collaborateurs sont souvent très utiles aux enquêtes. L’amendement gouvernemental adopté par le Sénat permet donc à l’AGRASC d’étendre son champ de compétences au-delà de la lutte contre les stupéfiants, à la lutte contre la délinquance et la grande criminalité.
Voilà, en substance, les dispositions de ce projet de loi que je vous présente, après modification par le Sénat et par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Le souci du Gouvernement a été, en permanence, de concilier trois objectifs majeurs : d’abord, le respect et la préservation des libertés individuelles, car c’est la mission principale du ministère de la justice ; ensuite, l’efficacité des enquêtes ; enfin, la sécurité des procédures. Ce troisième objectif est important : nous ne devons pas prendre le risque que des dispositions fragilisent les procédures, quand bien même ces dispositions seraient introduites dans ce texte à la demande des services concernés. Si tel était le cas, des procédures concernant des actes graves risqueraient d’être annulées soit par le Conseil constitutionnel, soit par la Cour de cassation, soit par la Cour européenne des droits de l’homme. Nous n’avons pas voulu courir ce risque. Nous pensons que nous avons trouvé un bon équilibre. Nous saluons, bien entendu, les enrichissements apportés à ce texte, aussi bien du Sénat que de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi relatif à la géolocalisation, adopté par le Sénat le 20 janvier 2014, puis par notre commission des lois le 28 janvier dernier.
La géolocalisation est une technique d’enquête de plus en plus utilisée par les services de police, de gendarmerie et des douanes, en complément de la filature traditionnelle. Elle leur permet de suivre en temps réel les déplacements d’un objet ou d’un véhicule utilisé par une personne suspectée d’avoir participé à la commission d’infractions graves.
Si nous examinons la manière dont ont évolué, au cours de ces dernières années, les techniques spéciales d’enquête, force est d’admettre que la technique de la géolocalisation a connu une croissance exponentielle. En 2011, on estimait à 4 600 le nombre des balises posées ; en 2012, ce nombre dépassait 5 500. Cela représente une croissance de près de 25 % en un an. Pour ce qui est de la géolocalisation des téléphones portables, nous sommes passés d’une fourchette de 1 000 à 3 000 utilisations en 2009 à 20 000 utilisations environ en 2013.
À la lumière de ces données, vous en conviendrez comme moi, la géolocalisation en temps réel est devenue, ces dernières années, un outil de travail indispensable au bon déroulement des investigations menées par nos forces de l’ordre.
Or, dans le même temps, le législateur n’a pas su faire évoluer le droit en conséquence et offrir aux services enquêteurs un cadre juridique clair et précis pour recourir à la géolocalisation en temps réel. Faute d’encadrement législatif du recours à cette technique spéciale d’enquête, la question de sa validité a été posée aux différents stades de la procédure pénale.
Une première réponse a été apportée dès 2010 par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a indiqué, dans un arrêt Uzun contre Allemagne, que la géolocalisation ne méconnaissait pas, en elle-même, le droit au respect de la vie privée, à condition cependant qu’elle respecte deux conditions : premièrement, elle ne peut être autorisée que pour des infractions particulièrement graves et uniquement si aucune autre mesure d’investigation, moins attentatoire à la liberté individuelle, n’est envisageable ; deuxièmement, elle doit être prévue par la loi, dans des termes suffisamment clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions l’autorité publique est habilitée à y recourir.
Plus récemment, la chambre criminelle de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la conformité de la géolocalisation en temps réel aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme pour la protection du droit au respect de la vie privée.
Dans deux arrêts du 22 octobre 2013, la Cour de cassation a invalidé les opérations de géolocalisation en temps réel menées sous le contrôle du parquet pour deux motifs : premièrement, les dispositions générales du code de procédure pénale relatives à la police judiciaire et au procureur de la République ne prévoyaient ni les circonstances ni les conditions dans lesquelles une mesure de surveillance judiciaire par géolocalisation pouvait être mise en place ; deuxièmement, la mesure en question était placée sous le seul contrôle du procureur de la République, lequel n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme donne à cette notion, en raison de ce qui serait son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif et des parties.
À la suite de ces deux arrêts, le ministère de la justice a rédigé, en urgence, une dépêche demandant aux procureurs de la République de mettre fin à toutes les opérations de géolocalisation en temps réel menées par les forces de l’ordre dans le cadre des enquêtes, préliminaires ou de flagrance, conduites par le parquet.
L’objet même du projet de loi que nous examinons cet après-midi est de permettre la reprise rapide des opérations de géolocalisation en temps réel dans un cadre juridique rénové, conciliant le respect de la vie privée et les nécessités de l’enquête et définissant les modalités d’intervention respective des magistrats du paquet et du siège dans la conduite ces opérations.
Sans modifier l’équilibre de la législation existante sur les techniques spéciales d’enquête, ce projet de loi tend à lui apporter d’importantes améliorations et clarifications. Il comble ainsi un vide juridique en matière de géolocalisation, un vide déraisonnable parce qu’il fige aujourd’hui nombre de procédures en cours.
Je tiens, à cet égard, à saluer la rapidité avec laquelle le Gouvernement a cherché à répondre à l’insécurité juridique dans laquelle les arrêts de la Cour de cassation ont plongé nos services de police et de gendarmerie. Je voudrais également saluer ici la qualité du travail effectué par le rapporteur du texte au Sénat, M. Jean-Pierre Sueur, qui s’est efforcé de conforter et de préciser le dispositif sur plusieurs points. En définitive, le texte issu des travaux du Sénat reposait sur un équilibre globalement satisfaisant entre les nécessités de l’enquête et la protection de la vie privée.
Lors de l’examen de ce projet de loi, notre commission des lois a cependant souhaité renforcer ce dispositif d’ensemble, en adressant à cette fin un message de confiance à l’égard, tout d’abord, des services enquêteurs. Sous le contrôle d’un magistrat, ils sauront mettre en oeuvre avec discernement et responsabilité les mesures de géolocalisation. Leurs décisions ne pourront être prises que pour les nécessités de l’enquête, avec toutes les garanties procédurales qui s’y attachent.
Forte de cette confiance, notre commission des lois a fait le choix de ramener à trois ans au moins, toutes infractions confondues, la durée minimale de prison encourue pour permettre le recours aux opérations de géolocalisation. Le compromis issu du Sénat n’était pas suffisamment satisfaisant : il reposait sur une définition trop restrictive – presque craintive – du champ d’application de la géolocalisation, en excluant les délits d’évasion et de vol simple.
Prenons l’exemple, déjà évoqué par Mme la ministre, d’un véhicule de luxe volé puis retrouvé dans un parking. Les forces de l’ordre sont alors en présence d’un simple vol, mais peuvent, de manière légitime, soupçonner que ce même véhicule servira par la suite à commettre d’autres infractions, comme le trafic de stupéfiants, avec les « go fast ». Certes, il s’agira d’un vol simple, mais les services d’investigation auront pourtant besoin, afin de mener à bien leurs missions, de recourir à une mesure complémentaire de géolocalisation en temps réel.
De la même manière, nous avons porté, en commission, à quinze jours – au lieu de huit – la durée initiale pendant laquelle une opération de géolocalisation peut être autorisée par le procureur de la République, avant d’être ensuite soumise à une décision du juge des libertés et de la détention ; 80 % des opérations de géolocalisation demandées par les services enquêteurs s’effectuent dans la limite de quinze jours instituée par le présent projet de loi. Il y a donc une vraie cohérence à prévoir, au plan opérationnel, un tel délai.
C’est avec la même confiance dans nos services enquêteurs que je vous proposerai, au cours de la discussion, d’adopter un amendement portant de douze à vingt heures le délai maximal au cours duquel l’autorisation écrite du magistrat doit intervenir en cas de pose d’une balise en urgence par un officier de police judiciaire.
Ce message de confiance s’adresse également aux magistrats. Le Sénat leur avait reconnu la faculté, en matière de criminalité organisée, de disjoindre du dossier de la procédure les circonstances de la pose d’une balise – lieu, date, heure – et ce, dans le souci louable de protéger les témoins ou informateurs des services d’enquête. De fait, l’obligation de verser au dossier toutes ces circonstances aurait, dans certains cas, fait courir un risque grave à ces personnes.
Sur l’initiative de son président, M. Jean-Jacques Urvoas, la commission a préféré laisser à l’appréciation du juge des libertés et de la détention le soin de décider quelles informations relatives aux circonstances précises de l’installation ou du retrait d’une balise peuvent ne pas apparaître dans la procédure, dès lors qu’elles ne sont pas strictement nécessaires à la manifestation de la vérité.
Là encore, en reconnaissant au magistrat garant des libertés individuelles un large et nécessaire pouvoir d’appréciation, la commission a voulu lui témoigner sa confiance en sa capacité à rechercher et constater les infractions, sans que soit pour autant mise en danger la vie ou l’intégrité physique des personnes – informateurs, témoins ou simples citoyens – qui apportent leur concours aux forces de sécurité dans leurs missions.
C’est d’ailleurs dans le même esprit que le président Urvoas et moi-même vous proposerons, tout à l’heure, un amendement destiné à conforter davantage encore la rédaction de ces dispositions.
Enfin, nous adressons un message de confiance aux justiciables. En commission, nous avons décidé d’étendre cette protection qu’est la possibilité de garder secrètes ces informations aux membres de la famille ainsi qu’aux proches des personnes aidant la police ou la gendarmerie pour la pose d’une balise. Nous tous, ici, savons que la criminalité organisée n’hésite pas à se livrer à des représailles à l’encontre de l’environnement familial de ces personnes et à formuler des menaces qui constituent autant de moyens de pression nuisant à la manifestation de la vérité.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre assemblée est aujourd’hui saisie d’un texte important et particulièrement attendu. Je vous invite donc à adopter ce projet de loi et à adresser, comme nous l’avons déjà fait en commission, un message de confiance tant aux magistrats qu’aux services de police, de gendarmerie et des douanes, qui se trouvent aujourd’hui bien démunis pour recourir à la géolocalisation en temps réel et mener à bien leurs investigations.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RDDP.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi pose les termes d’un débat d’actualité, qui revêt un caractère d’urgence, même s’il est récurrent et inévitable lorsque nous sommes confrontés au développement de nouvelles technologies, et plus généralement aux évolutions de notre société : celui de la protection de la vie privée à l’heure de la surveillance numérique, alors que les recours à la géolocalisation sont de plus en plus fréquents.
Comment assurer un juste équilibre entre, d’une part, cette valeur fondamentale, garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qu’est le respect de la vie privée, et, d’autre part, les nécessités de l’enquête et la sécurité que chacun de nos concitoyens est en droit d’attendre ?
Le 22 octobre dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation, à la lumière des interprétations de la Cour européenne des droits de l’homme, a partiellement répondu à cette question en invalidant les opérations de géolocalisation en temps réel réalisées sous le contrôle du procureur de la République.
Selon ces deux arrêts, une mesure de géolocalisation en temps réel d’un téléphone mobile peut être mise en place sur autorisation et sous le contrôle du juge d’instruction. En revanche, dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée sous le contrôle du procureur de la République, elle constituerait une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge.
La Cour de cassation a ainsi révélé une faille de notre système judiciaire : notre législation n’encadre pas ou, du moins, pas suffisamment le recours à cette technique. Au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme, elle n’offre pas toutes les garanties nécessaires au respect de la vie privée des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.
D’une part, les dispositions générales du code de procédure pénale, sur lesquelles se fondait jusqu’à présent le recours à ce procédé, ne prévoient ni les circonstances ni les conditions dans lesquelles une mesure de surveillance judiciaire peut être mise en place. D’autre part, la mesure est placée sous le seul contrôle du procureur de la République, lequel, en raison de son manque d’indépendance, n’est pas une « autorité judiciaire » au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ainsi, ce n’est pas tant le recours à cette technique, dont, comme l’a dit le rapporteur, chacun reconnaît l’utilité dans les enquêtes, qui est remis en cause, mais bien l’ingérence dans la vie privée qu’elle peut constituer aux différents stades de la procédure pénale, lorsqu’elle n’est pas décidée par un juge. En provoquant une interruption de ces opérations, ces arrêts nous ont aussi mis devant le fait accompli d’un vide juridique qui dure depuis maintenant quatre mois et laisse sans recours les services de police et de gendarmerie.
Du fait de ces deux décisions, les mesures de géolocalisation doivent être interrompues ou exclues dans les enquêtes diligentées sous la direction du procureur de la République pour requérir, si nécessaire, l’ouverture d’une information judiciaire afin de permettre la poursuite de la mesure sous le contrôle du juge d’instruction, ce qui, en réalité, reviendrait à noyer les juges d’instruction sous des milliers de procédures qu’ils ne sont pas en mesure de suivre. De même, les procédures en cours s’appuyant sur une géolocalisation ordonnée par le procureur doivent être annulées, ce qui peut notamment entraîner la remise en liberté des personnes interpellées.
S’agissant des procédures à venir, si nous ne légiférons pas, aucune mesure de géolocalisation ne pourra être prise lors d’une enquête diligentée sous la direction du procureur de la République. Ces décisions portent gravement atteinte à l’efficacité de la lutte contre la délinquance et la criminalité, notamment les cambriolages, dont nous savons que le nombre, croissant, constitue un sujet d’inquiétude grandissant pour nos concitoyens.
Le recours à la géolocalisation, qui a connu une forte croissance au cours des dernières années, est désormais une technique d’enquête à part entière, un outil indispensable au bon déroulement des missions d’investigation des services de police et de gendarmerie.
Dans ces circonstances, notre devoir est de légiférer rapidement pour permettre la reprise des opérations et ainsi redonner une efficacité à l’action policière, en l’entourant d’un cadre juridique suffisamment précis, sécurisé et limité. C’est d’ailleurs conscient de l’urgence de la situation que j’ai déposé, avec des collègues du groupe UDI et certains sénateurs du groupe UDI-UC, une proposition de loi sur le sujet au mois de décembre dernier.
Sur le fond, la commission des lois a choisi, sur plusieurs points, de revenir au projet de loi initial du Gouvernement, et nous nous en félicitons. Pour ne pas entraver l’action de la police et de la gendarmerie, nous devons veiller à ne pas définir de façon trop restrictive le champ d’application de la géolocalisation.
À ce titre, la solution retenue par notre commission des lois, qui fut d’ailleurs celle du Gouvernement avant l’examen du Sénat, semble préférable. En fixant à trois ans au moins, toutes infractions confondues, la durée minimale d’emprisonnement justifiant le recours aux opérations de géolocalisation, le texte actuel trouve un équilibre et permet de recourir à ces procédés pour des délits punis de trois ans d’emprisonnement qui ne constituent pas une atteinte aux personnes mais pour lesquels une telle opération peut s’avérer indispensable.
Le rapporteur a notamment cité l’exemple de l’évasion d’un détenu ou les faits de vol simple. Il me semble que nous pourrions également l’étendre au délit de non-représentation d’enfant pour lequel le recours à la géolocalisation peut s’avérer utile, rapide et efficace, notamment dans des cas d’enlèvements d’enfants conduisant au franchissement de la frontière. Tel sera l’objet d’un amendement que je proposerai.
De même, la décision de notre commission de fixer à quinze jours, au lieu de huit jours comme le prévoyait le Sénat, la durée initiale pendant laquelle une opération de géolocalisation peut être autorisée par le procureur de la République avant d’être soumise à une décision du juge des libertés et de la détention va dans le bon sens, car je ne pense pas que la machine judiciaire soit capable de répondre en huit jours. Si nous ne voulons pas nous exposer au risque de nullité, quinze jours sont nécessaires pour permettre aux échanges d’avoir lieu. Je ne sais pas quel équilibre sera trouvé dans cette assemblée, mais, en tout cas, le travail de la commission nous satisfait sur ce point.
Je proposerai néanmoins, en cas d’urgence, de porter à vingt-quatre heures – et non à vingt heures comme l’a évoqué M. le rapporteur –…
Sans doute devrons-nous en débattre tout à l’heure. Je proposerai donc de porter à vingt-quatre heures le délai pendant lequel le juge des libertés et de la détention devra donner son accord pour prescrire la poursuite des opérations. Le délai de douze heures prévu par le texte de la commission serait difficilement applicable, puisqu’il imposerait une permanence de jour et de nuit des magistrats, ce qui engendrerait évidemment des coûts supplémentaires et des risques de désorganisation importants dans nos tribunaux.
Concernant, en outre, l’introduction dans des lieux privés, nous pourrions, me semble-t-il, aligner les dispositions du texte sur la procédure applicable en matière de perquisition, et ce sans encourir de sanction au regard de la Convention européenne : d’une part en l’autorisant en cas d’urgence ou dans le cadre d’une enquête de flagrance sans condition concernant les qualifications, et d’autre part en soumettant l’introduction dans ces lieux la nuit à la seule approbation du juge d’instruction. Le juge d’instruction étant une autorité judiciaire, il ne paraît pas nécessaire d’ajouter celle du juge de la liberté et de la détention.
Plus généralement, l’urgence de la situation ne nous permet pas d’avoir une réflexion plus aboutie aujourd’hui, mais nous pourrions évoquer la nécessité de donner au procureur de la République un statut d’autorité judiciaire, au sens des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lui donnant qualité pour autoriser les atteintes à la vie privée. Tel est notre sentiment, mais c’est un autre débat que nous aurons, je l’imagine, dans les temps qui viennent, considérant les chantiers annoncés !
Pour conclure, il s’agit d’un texte utile, attendu et, surtout, exigé par les circonstances et les incertitudes qui entourent aujourd’hui le recours à la géolocalisation. Le groupe UDI souhaite que ses amendements soient adoptés, mais votera ce projet de loi qui permettra, il l’espère, la reprise rapide des opérations dans un cadre juridique rénové et sécurisé.
Madame la garde des sceaux, « il n’y a pas de liberté sans lois » : c’est en citant Rousseau que vous avez commencé votre intervention au Sénat à l’ouverture de la discussion du projet de loi relatif à la géolocalisation. Il est vrai que le texte soumis à notre discussion aujourd’hui, en procédure accélérée, concerne à la fois nos libertés et notre sécurité. Ce débat se déroule dans un contexte lourd d’inquiétudes que nous avons, pour notre part, eu l’occasion d’évoquer à de multiples reprises.
D’une part, les révélations d’Edward Snowden sur le programme d’espionnage américain PRISM ont mis en lumière une situation problématique et inquiétante de surveillance généralisée et sans contrôle à l’échelle planétaire. La somme d’informations récoltées, d’autre part, augmente sans cesse et, dans ce volume d’informations, la part des données personnelles croît également grâce aux progrès des nouvelles technologies.
Cette somme d’informations ne fera qu’augmenter encore dans les années qui viennent. Qui plus est, nous savons désormais que le contenant est tout aussi important que le contenu, que le contenant donne même, parfois, des informations sur le contenu. Nous assistons ainsi à la mise en données de l’ensemble des aspects de notre vie et à leur collecte : qui appelons-nous, à quelle heure, pendant combien de temps, de quel endroit, quels sites visitons-nous, quels mots-clés tapons-nous dans les moteurs de recherche ?
Le croisement d’informations multiples permet d’identifier les corrélations entre différents événements. Par exemple, Google peut aujourd’hui identifier en temps réel les foyers de grippe existants, grâce à la récurrence des recherches de certains mots-clefs. Face à ce contexte qui exige des pouvoirs publics une position claire et des principes intangibles, il y a, de la part du Gouvernement, et je tenais à vous le dire ici, madame la garde des sceaux, une sorte de flou sur les questions relatives aux données personnelles et aux dispositifs de surveillance et de contrôle.
On a parfois le sentiment que le Gouvernement arrête ses positions au fil des débats. Il lui arrive même de se contredire. Nous l’avons constaté lors du débat sur le texte relatif à la lutte contre la prostitution et à la réintroduction du filtrage administratif, puis, à nouveau, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire. Ce sentiment ne s’est pas dissipé lorsque nous nous avons eu avec Mme Pellerin, pendant la semaine de contrôle, un débat sur les libertés numériques.
Vous avez, madame la garde des sceaux, un rôle crucial à jouer dans tous ces débats qui mettent en jeu la défense de nos libertés fondamentales. Vous avez un rôle crucial à jouer pour qu’aucune mesure de surveillance et de contrôle ne puisse jamais s’affranchir de l’intervention du juge. Nous comptons sur vous.
Sur le sujet qui nous occupe cet après-midi – la géolocalisation – nous partageons l’avis rendu par la CNIL ce matin, selon lequel l’utilisation de dispositifs de géolocalisation est particulièrement problématique au regard des libertés individuelles, dès lors qu’ils permettent de suivre de manière permanente et en temps réel des personnes aussi bien dans l’espace public que dans des lieux privés.
Il est donc nécessaire qu’un encadrement strict soit respecté dans le cadre des enquêtes prévues par le code de procédure pénale. En effet, ces dispositifs ne sont pas uniquement des aides techniques à la réalisation de filatures sur la voie publique telles que réalisées par les enquêteurs, mais peuvent également, vous l’avez rappelé ici, révéler des éléments relatifs à la vie privée qui n’auraient pas pu être portés à la connaissance des enquêteurs dans le cadre d’une filature traditionnelle.
Vous l’avez indiqué devant nos collègues sénateurs et venez de nouveau de le préciser, la géolocalisation est, dans le domaine judiciaire, une technique utilisée par la police, la gendarmerie et les douanes dans le cadre d’enquêtes pénales. Elle peut également servir à la recherche d’un mineur ou d’un majeur protégé lorsque sa disparition a été récemment signalée, ou encore d’un majeur dont la disparition paraît inquiétante.
Cette technique permet un suivi dynamique en temps réel, via un téléphone portable ou une balise posée sur un objet – valise, colis – ou sur un véhicule. De fait, les balises sont de plus en plus souvent placées à l’intérieur des véhicules, car il est ainsi plus facile de les dissimuler. Le recours à la géolocalisation a connu une croissance exponentielle : près de 25 % en un an. Ces chiffres ont été rappelés par notre rapporteur. Le recours à cette technique est en augmentation permanente sans qu’il y ait toutefois de véritable cadre juridique. De ce point de vue, nous considérons que la discussion que nous ouvrons est un progrès. Aucune loi n’encadre aujourd’hui le recours à la géolocalisation.
Le procureur de la République peut recourir à cette technique sur la base de l’article 41 du code de procédure pénale, aux termes duquel il « procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale ». Le juge d’instruction ne dispose pas d’un texte plus précis : l’article 81 du même code lui confère seulement des pouvoirs équivalents à ceux du procureur de la République. Par ailleurs, la pose de balises, qui est considérée comme une aide à l’enquête, n’est pas intégrée à la procédure.
C’est donc une bonne chose que l’État prenne ses responsabilités et ne se défausse pas sur le dos des magistrats, des officiers de police ou des douaniers. Depuis l’arrêt du 22 octobre 2013 de la Cour de cassation, il y a effectivement urgence. Alors que des mesures de géolocalisation avaient été placées sous le seul contrôle du procureur de la République, la Cour de cassation a considéré, en vertu de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a considéré que « la technique dite de « géolocalisation » constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge ».
Comme il a été rappelé lors de nos débats en commission, la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà considéré, dans son arrêt « Uzun contre Allemagne » de septembre 2010, que le recours à la géolocalisation en temps réel constituait une atteinte grave à la vie privée au sens dudit article 8 de la Convention européenne et que le recours à cette technique devait donc être encadré par des dispositions législatives suffisamment précises pour éviter les abus. Compte tenu du caractère urgent de certaines investigations, de l’inadaptation de la procédure d’information à certaines situations et du vide juridique existant, il est effectivement urgent de légiférer.
Nul ici ne souhaite entraver le travail d’enquête des forces de police et nuire à la protection des victimes. Nous souhaitons néanmoins que, dans le cadre de notre débat, certains points soient éclaircis. Le texte ne précise pas, par exemple, les typologies de terminaux pouvant être géolocalisés, et ce afin de prendre en compte les évolutions technologiques, nous dit-on, alors que nous savons que, dans les années qui viennent, tout objet aura vocation a être connecté. Il convient donc, soit par décret en Conseil d’État, soit par arrêté, de dresser la liste des objets qui peuvent faire l’objet d’une géolocalisation. Nous l’avons dit en commission, mais n’avons pas été entendus.
Nous souhaitons, comme le Gouvernement, je le crois, limiter aux délits sanctionnés par cinq ans de prison la possibilité de recourir à la géolocalisation, en ménageant toutefois plusieurs exceptions. Je regrette d’ailleurs que les amendements du Gouvernement aient été repoussés lors de la réunion de la commission des lois au titre de l’article 88 du règlement. Nous les voterons, et j’espère que nous ne serons pas les seuls, car ils respectent, je le crois, un équilibre nécessaire entre libertés et sécurité.
Nous aurions également voulu que le rapport annuel de politique pénale au Parlement, prévu à l’article 30 du code de procédure pénale, contienne des informations relatives à la géolocalisation. Nous proposerons par ailleurs, mais ce ne sera une surprise pour personne, une réécriture de l’article 20 de la loi de programmation militaire pour mieux définir les informations concernées par cet article. Nous pensons enfin, s’agissant du « dossier occulte », que la saisine a priori du Conseil constitutionnel est une sage décision.
Madame la garde des sceaux, chers collègues, notre sécurité sera d’autant mieux assurée que nos libertés fondamentales seront respectées. Dans cet état d’esprit, je considère que l’équilibre trouvé au Sénat est meilleur que celui proposé par notre commission des lois aujourd’hui.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mesdames, messieurs, les policiers ne comptent plus le nombre d’affaires judiciaires résolues grâce à la géolocalisation. On doit, bien entendu, en prendre acte. Cependant, un certain nombre de faits nouveaux et de nouvelles décisions m’ont fortement interpellé : premièrement, et j’y reviendrai, la délibération du 19 décembre 2013, par laquelle la CNIL donne son avis, opportunément publié aujourd’hui, sur le présent projet de loi, et, deuxièmement, la déclaration du bâtonnier du barreau de Paris, Pierre-Olivier Sur, qui considère qu’en légiférant ainsi nous nous aventurons vers une possible et dangereuse introduction dans notre système juridique d’un équivalent du Patriot Act mis en place aux États-Unis après 2001.
Je proposerai ensuite de réfléchir à un « bloc intangible des libertés » qui, à mon sens, ne doit pas être entamé. Je comprends parfaitement qu’il faille s’adapter à tel ou tel procédé scientifique, surtout lorsqu’il permet d’arrêter un certain nombre de malfaiteurs. Pour autant, madame la garde des sceaux, je suis mal à l’aise. En effet, depuis un certain nombre de mois, voire d’années, le bloc des libertés se restreint constamment, au motif qu’il conviendrait de donner davantage de moyens aux services de police et de gendarmerie pour poursuivre les délinquants, les malfaiteurs, la pègre, ce que je comprends tout à fait par ailleurs.
Je me pose donc un certain nombre de questions, qui me conduisent à proposer une sorte de Patriot Act à l’envers. En quoi consistait le Patriot Act ? Il a été adopté par les États-Unis après 2001. Les seize dispositions prises alors devaient rester en vigueur pendant quatre ou cinq ans seulement. Elles concernaient les pouvoirs donnés à un certain nombre d’agences – CIA, FBI ou autres –, la réduction des droits de la défense, le statut des personnes détenues à Guantanamo. Plusieurs mesures intrusives ont été également mises en place, telles que les possibilités d’intervenir sur toutes les sources électroniques – téléphones et autres.
Les associations de défense des droits de l’homme aux États-Unis se sont dressées vent debout contre toutes ces mesures – en vain. Au bout de cinq années, il a été finalement décidé d’intégrer quatorze des seize dispositions dans le bloc législatif. C’est un peu vers cela, je le crains, que nous nous orientons. Je comprends, monsieur le président de la commission des lois, que l’argumentation du bâtonnier Sur aurait sans doute pu être plus juridique. Je pose toutefois le problème en termes de « bloc des libertés », pour constater qu’il se délite en ce qui concerne certains éléments fondamentaux : la garde à vue, la détention provisoire, le rôle du parquet, l’absorption par la notion de terrorisme d’un ensemble d’autres considérants juridiques.
Ne pourrait-on essayer de réfléchir, madame la garde des sceaux, à la constitution d’un bloc intangible des libertés, en tout cas à une consultation préalable, comme cela existe en matière sociale, de la CNIL et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, institution accréditée auprès des Nations unies en 1947 pour éclairer l’action du gouvernement et du Parlement dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? Certes, elle peut s’autosaisir, mais c’est l’exception et, dans les faits, elle n’est pas saisie systématiquement.
Finalement, jusqu’où peut-on aller ? Un amendement déposé dernièrement par le groupe socialiste réservait la possibilité de prolonger la garde à vue jusqu’à quatre-vingt-seize heures, y compris en dehors de tout phénomène de terrorisme. Il a été retiré, mais c’est dire quels dangers il peut y avoir à ce niveau. Il n’est pas du tout certain que la référence au crime organisé tienne sur le plan constitutionnel, et je crains que nous ne nous exposions à certaines déconvenues.
En tout cas, il est impératif de rappeler l’existence d’un bloc intangible de libertés, qu’il s’agisse de la garde à vue ou de la détention provisoire. J’avais été le premier à proposer, en 1997, qu’on ne puisse pas placer quelqu’un en détention provisoire pour une infraction passible de moins de trois ans d’emprisonnement s’agissant des délits contre les personnes et de moins de cinq ans s’agissant des délits contre les biens. C’était un grand progrès, mais je crains que l’on ne prévoie ici telle ou telle exception, que ce soit pour une évasion, pour un vol qualifié ou non, ou pour je ne sais quoi encore. Il ne faut pas instaurer de telles exceptions. Il faut poser des principes et s’y tenir : c’est le seul moyen de défendre ce que j’appelle le bloc des libertés.
Nous aurons toujours des services de police pour nous expliquer que, s’ils avaient eu tels ou tels moyens, ils auraient réussi, que ce serait tellement mieux s’ils n’étaient pas obligés de respecter le délai pour saisir le procureur de la République, et qu’on les entrave dans leurs recherches en et que ce serait tellement mieux s’il ne fallait pas les respecter et qu’en soumettant un officier de police judiciaire à telle déclaration, on les entrave dans leurs recherches. Je comprends parfaitement cette argumentation et le fait que le ministre de l’intérieur la soutienne, poussé par les forces de police, il devrait d’ailleurs leur résister beaucoup plus, mais il faudrait arriver à tenir sur un bloc intangible et je suis extrêmement gêné en l’occurrence.
Je m’appuie d’ailleurs sur la délibération de la CNIL : « À titre liminaire, la Commission rappelle que l’utilisation de dispositifs de géolocalisation est particulièrement sensible au regard des libertés individuelles, dès lors qu’ils permettent de suivre de manière permanente et en temps réel des personnes, aussi bien dans l’espace public que dans les lieux privés. Il est donc nécessaire qu’un encadrement strict soit respecté dans le cadre des enquêtes prévues par le code de procédure pénale. En effet, ces dispositifs ne sont pas uniquement des aides techniques à la réalisation de filatures sur la voie publique telles que réalisées par les enquêteurs, mais peuvent également apporter des éléments relatifs à la vie privée qui n’auraient pas pu être portés à la connaissance des enquêteurs dans le cadre d’une filature traditionnelle. »
L’avis de la Commission sur la protection de certaines professions et le caractère intrusif en matière de domicile doit également être rappelé : « Ainsi, en raison de la violation du droit à la vie privée qu’occasionne une telle intrusion, la Commission considère que la rédaction proposée de l’article 706-96 du code de procédure pénale entraîne une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles dans le cadre d’enquêtes préliminaires ou de recherches de personnes disparues… » Elle estime donc nécessaire de modifier cette rédaction.
Madame la ministre, votre discours était fort bon. Nous sommes en effet devant un vide juridique, et c’est donc la loi qui protège. Je le conçois très bien, mais je voudrais rappeler avec force les principes fondamentaux sur lesquels je m’appuie. Ce sont finalement les grands principes de la Déclaration des droits de l’homme, et il me semble dangereux et attentatoire à nos libertés fondamentales de trouver toujours des exceptions. On essaie systématiquement de permettre aux forces de police de mener une action incontestable, mais le résultat ne doit pas se faire au détriment de nos libertés.
Voilà pourquoi je suivrai vos propositions. Je crois que le Sénat en la matière, avait fait preuve d’une grande sagesse.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été souligné dès le début de notre discussion, le recours à la géolocalisation dans le cadre d’investigations en matière pénale a connu ces dernières années une forte augmentation sans qu’une loi encadre expressément ce recours. C’est pourquoi nous approuvons globalement le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Celui-ci répond en effet aux conditions posées par les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation en érigeant un cadre juridique pour permettre l’utilisation de la géolocalisation en temps réel dans toutes les procédures pénales et pour définir strictement les conditions de cette utilisation afin d’apporter les garanties nécessaires au respect des libertés individuelles.
La question posée ici est, bien sûr, celle de l’équilibre entre les nécessités de l’enquête et la protection de la vie privée, et c’est à l’aune de cet indispensable équilibre que je ferai quelques remarques sur le texte.
Concernant d’abord le champ d’application, nous regrettons pour notre part le retour au texte initial, qui fixe à trois ans au moins, toutes infractions confondues, la durée minimale d’emprisonnement encourue justifiant le recours aux opérations de géolocalisation en temps réel. Cette ouverture très large autorisera le recours à la géolocalisation pour des infractions très diverses sans qu’elles soient nécessairement d’une particulière gravité.
Nous considérons, nous aussi, que le compromis adopté au Sénat est plus équilibré, puisqu’il consiste à autoriser l’usage de cette géolocalisation pour les délits contre les personnes définis au livre II du code pénal et punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans ainsi qu’à tout autre crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans. Cette solution nous paraît d’ailleurs plus conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, car elle renvoie à des faits d’une particulière gravité.
Concernant ensuite les conditions d’intervention des magistrats du parquet et du siège dans les opérations de géolocalisation en temps réel, la solution retenue est certes conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle n’oblige pas le législateur à prévoir une autorisation d’un juge du siège préalablement à toute mesure et considère qu’un délai d’un mois est satisfaisant. Il n’en reste pas moins que l’intervention du juge du siège le plus tôt possible dans la procédure est une garantie plus forte. A fortiori, l’intervention du juge des libertés de la détention au bout de huit jours, telle que le Sénat l’a prévue, nous paraît plus satisfaisante.
Le projet de loi prévoit également que la décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction est écrite. Il s’agit là d’une garantie essentielle contre un recours abusif à ces mesures foncièrement attentatoires à la vie privée, même si le projet de loi prévoit une procédure d’urgence « résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’un risque imminent d’atteinte grave aux personnes ou aux biens », qui permet à l’officier de police judiciaire de se passer dans un premier temps d’accord écrit. Dans ce cas, l’autorisation du magistrat compétent pourra être donnée par tout moyen. Toutefois, le magistrat ayant autorisé l’opération dispose d’un délai de quarante-huit heures pour prescrire, par écrit, la poursuite des opérations.
S’agissant de l’introduction dans un lieu privé, nous approuvons la distinction établie entre les véhicules et parkings, où il sera possible de s’introduire pour un délit puni de trois ans de prison, et les autres lieux privés, professionnels et d’habitation, qui nécessiteront que l’enquête ou l’instruction porte sur une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement pour pouvoir s’y introduire. L’autorisation pourra être donnée par écrit par le procureur de la République ou le juge d’instruction selon la procédure concernée. Il est prévu que seul le juge des libertés et de la détention peut délivrer une telle autorisation à la requête du procureur de la République s’il s’agit d’un lieu d’habitation, ce qui constitue à nos yeux une garantie importante. En outre, le texte prévoit logiquement que le magistrat qui autorise la mesure ou qui en a autorisé la poursuite en contrôle l’exécution.
Enfin, nous n’avons pas d’objection au recours à la géolocalisation par les agents des douanes tout en limitant, comme pour les enquêtes pénales, l’utilisation de ces mesures aux délits punissables d’une peine égale ou supérieure à cinq ans et non pas trois ans comme le prévoit le projet de loi.
Pour conclure, les députés du Front de gauche estiment urgent de mettre en place un cadre légal pour autoriser le recours à la géolocalisation en temps réel afin de garantir le respect des libertés individuelles et de sécuriser les procédures engagées. C’est pourquoi ils voteront ce projet de loi, qui, en définissant clairement les conditions du recours à des mesures foncièrement attentatoires à la vie privée, constitue une indéniable avancée.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui saisie en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la géolocalisation. Ce texte vise à remédier au vide juridique laissé par deux arrêts rendus le 22 octobre 2013 par la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Celle-ci, interprétant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, a considéré que les opérations de géolocalisation menées par les policiers et les gendarmes au cours de leurs enquêtes, notamment en matière de criminalité organisée, devaient être autorisées par un magistrat du siège. Or ces opérations en temps réel étaient jusqu’à présent conduites sous la seule responsabilité du parquet, qui n’est pas reconnu par la CEDH comme une autorité judiciaire puisqu’il est membre du ministère public. Il convient donc de conférer une base légale au recours par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle d’un magistrat du siège, aux dispositifs de géolocalisation au stade de l’enquête préliminaire.
On peut souligner votre réactivité, madame la ministre, pour combler ce vide juridique et donner aux OPJ cette base légale.
La géolocalisation est un ensemble de techniques permettant de surveiller les déplacements d’un individu. Une telle méthode est de plus en plus fréquente en matière pénale car elle permet d’assurer une efficacité de nos services de police mais aussi leur sécurité, il ne faut pas l’oublier. Toutefois, le débat est complexe et cette base légale soit concilier le respect de la vie privée et les nécessités de l’enquête. Le danger d’un tel débat est d’opposer les tenants de la liberté par principe à ceux de l’efficacité et de la sécurité avant tout, même si chacun reconnaît aujourd’hui l’absolue nécessité d’un texte encadrant la géolocalisation.
Le texte qui nous est proposé est équilibré, et je salue ici le formidable travail d’écoute de notre rapporteur, qui, à travers ses amendements, soutenus par le groupe SRC, a su maintenir cet équilibre.
À cet égard, notre commission a adopté un amendement qui rétablit la durée initialement prévue par le projet de loi de quinze jours au lieu de huit jours pour permettre au procureur de la République d’autoriser une mesure de géolocalisation avant l’intervention du juge des libertés et de la détention passée ce délai, cette durée de quinze jours apparaissant plus opérationnelle sans pour autant être excessive.
Dans le même ordre d’idées, nous sommes revenus sur le texte adopté par le Sénat afin de permettre le recours à la géolocalisation pour tous les délits punis de trois ans d’emprisonnement.
Aujourd’hui, nous pensons qu’il convient de maintenir ce seuil. Nous devons faire confiance au discernement des forces de police dans la mise en oeuvre des mesures de géolocalisation.
Il nous faut également trancher la question du délai dans lequel l’officier de police judiciaire, sur son initiative et en cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteintes graves aux personnes ou aux biens, peut recourir à ce procédé de géolocalisation sans avoir recueilli au préalable l’accord d’un magistrat. Le texte initial soumis à l’examen du Sénat prévoyait un délai de quarante-huit heures, que le Sénat a ramené à douze heures. La question posée est celle de la capacité opérationnelle des parquets ; or ces derniers sont aujourd’hui organisés sous forme de permanences. Nous souscrivons à l’amendement du rapporteur, qui porte le délai à vingt heures. Là encore, un équilibre a été trouvé entre le texte initial, celui adopté par le Sénat et certains amendements visant à porter ce délai à trente heures ; par ailleurs, cet amendement a le mérite de prendre pour base l’article 803-3 du code de procédure pénale.
Il en est de même s’agissant des dossiers disjoints. Là encore, nous devons concilier les éléments fondamentaux de notre procédure de jugement, notamment le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable, qui visent à garantir les droits de la défense – cela a été rappelé tout à l’heure –, avec la protection des sources qui ont permis la mise en place d’un dispositif de géolocalisation. L’ouverture d’un dossier distinct, sous le contrôle du juge, est un élément fondamental pour la protection des sources.
Enfin, je ne crois pas qu’il faille revenir, comme certains le demandent, sur la liste des infractions pouvant faire l’objet d’une géolocalisation. Dans cette bataille contre le crime organisé, qui a souvent un temps d’avance, il est nécessaire que la loi soit souple et permette aux enquêteurs de s’adapter aux évolutions technologiques futures.
Mes chers collègues, ce projet de loi est nécessaire et équilibré. Il doit permettre à nos forces de police de travailler avec efficacité et sécurité, tout en préservant les libertés fondamentales, comme cela a été souligné tout à l’heure. Bien entendu, le groupe SRC votera ce texte avec enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par deux arrêts du 22 octobre 2013, la Cour de cassation a validé le principe de mise en oeuvre d’une géolocalisation en temps réel lorsque cette dernière est pratiquée sous le contrôle d’un juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire. Elle a, en revanche, exercé sa censure contre une géolocalisation effectuée dans le cadre d’une enquête dirigée par le procureur de la République.
La Cour de cassation n’a fait que suivre la position de la Cour européenne des droits de l’homme qui avait considéré, dans l’arrêt « Uzun contre Allemagne » rendu en 2010, que le procédé de la géolocalisation ne méconnaissait pas en lui-même le droit au respect de la vie privée, à condition que la mesure de surveillance judiciaire par géolocalisation respecte deux conditions cumulatives. D’une part, elle ne peut être autorisée que pour des infractions particulièrement graves, et si aucune autre mesure d’investigation moins attentatoire à la liberté n’est envisageable. D’autre part, elle doit être prévue par la loi, dans des termes suffisamment clairs pour indiquer en quelles circonstances et sous quelles conditions l’autorité publique est habilitée à y recourir.
Ces deux arrêts ont donc entraîné une véritable paralysie dans l’action des forces de police et de gendarmerie. En effet, la géolocalisation en temps réel est devenue un outil indispensable à nos services de police et de gendarmerie, qui l’utilisent dans leurs missions d’investigation, en particulier contre la délinquance organisée. C’est la raison pour laquelle l’urgence a été déclarée, à juste titre, sur ce projet de loi.
Sur un sujet aussi important, nous sommes néanmoins nombreux à regretter que Mme la garde des sceaux ne soit pas venue présenter son projet de loi devant la commission des lois.
Je n’y ai pas été invitée !
Malgré l’urgence déclarée sur ce texte, madame la garde des sceaux, vous auriez dû trouver des disponibilités dans votre agenda, certes très chargé, pour venir exposer votre position sur ce texte.
Quand je suis invitée, je viens !
Nous demanderons donc au président de la commission de vous inviter la prochaine fois !
Et quand je suis invitée à une réunion qui dure dix heures, je reste jusqu’à la fin !
Sourires.
Comme cela a déjà été indiqué, le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui a pour objet de mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme concernant la géolocalisation.
Il s’agit de compléter le code de procédure pénale et le code des douanes en précisant dans quelles conditions les services concernés peuvent géolocaliser en temps réel des véhicules, des individus, ou des objets dont ces derniers sont porteurs. À la différence des dispositions de la loi de programmation militaire, il s’agit de géolocalisation en temps réel. Cet outil est mis à la disposition de l’autorité judiciaire, et non de l’autorité administrative : son usage est donc soumis au contrôle du juge, du parquet ou du siège.
Deux techniques de géolocalisation permettent aux services de police, de gendarmerie et des douanes d’organiser en temps réel la surveillance physique d’une personne ou d’un bien pour les besoins d’une enquête : le suivi dynamique d’un terminal de télécommunication, et l’utilisation d’une balise installée sur un objet ou un moyen de transport. Il s’agit donc de suivre un contenant et non de se servir du contenu, même si la géolocalisation est effectuée par téléphone portable.
La géolocalisation ne sera désormais possible que dans le cadre d’une enquête relative à une infraction punie d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans pour les atteintes aux biens et aux personnes, ainsi que dans le cadre d’une enquête en recherche des causes de la mort, des causes de la disparition, ou en recherche d’une personne en fuite.
Lors d’une enquête dirigée par le parquet, le procureur de la République pourra autoriser une mesure de géolocalisation pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. La poursuite des opérations devra être prescrite par décision du juge des libertés et de la détention. Le Sénat avait prévu de réduire ce délai à huit jours consécutifs. Cependant, suite à l’arrêt Uzun, l’Allemagne a prévu que le juge du siège intervienne dans un délai d’un mois : puisque ce délai a été jugé satisfaisant par la Cour européenne des droits de l’homme, le délai de quinze jours paraît tout à fait satisfaisant. Lors d’une information judiciaire, les opérations de géolocalisation seront autorisées par le juge d’instruction pour une durée maximale de quatre mois renouvelables.
En outre, en cas d’urgence et pour faire face à un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, le Sénat a opportunément prévu la possibilité d’une initiative spontanée de l’officier de police judiciaire, donnant lieu à une autorisation a posteriori du procureur dans un délai de douze heures. Le groupe UMP proposera un amendement visant à porter le délai d’autorisation a posteriori à vingt-quatre heures, ce qui paraît plus raisonnable si les faits se passent de nuit ou le week-end. Il s’agit de ne pas entraver l’action de l’officier de police judiciaire en raison d’une difficulté à joindre le parquet, et de ne pas rendre les procédures caduques si l’autorisation écrite ne peut être produite en douze heures.
À ce titre, l’amendement déposé par le rapporteur dans le cadre de l’article 88 du règlement et qui vise à porter ce délai de douze à vingt heures – et non de douze à vingt-quatre heures, comme le propose le groupe UMP – me paraît préjudiciable à double titre. Sur le fond, un délai de vingt-quatre heures, c’est-à-dire d’une journée, serait tout à fait raisonnable et probablement plus facile à manier par l’enquêteur qu’un délai de vingt heures. Sur la forme, cet amendement est révélateur de l’état d’esprit de la majorité, prête à tout inventer pour éviter d’adopter un amendement de l’UMP, alors même que nous faisons, sur ce texte important pour la lutte contre la délinquance, preuve de responsabilité.
Nous préférons vingt heures parce que ce délai existe déjà dans le code de procédure pénale.
Madame la garde des sceaux, le Gouvernement et la majorité parlementaire ne peuvent pas d’un côté nous reprocher constamment de ne pas être constructifs, et de l’autre être fermés à toute proposition de l’UMP. Mais bon, passons ! Nous avons l’habitude de vos leçons qui ne fonctionnent, comme d’habitude, que dans un sens.
Revenons au texte. Une procédure spécifique est prévue en matière de criminalité organisée : le juge des libertés et de la détention, et lui seul, pourra décider que l’heure, le lieu et les premières données de géolocalisation figureront dans un second dossier, non joint à la procédure, afin notamment de protéger les témoins.
En définitive, le texte qui nous est soumis aujourd’hui a bien pour but de rendre à nouveau possible l’utilisation des moyens de géolocalisation dans le cadre des enquêtes préliminaires et des enquêtes de flagrance. Il permettra aux policiers, aux gendarmes et aux magistrats de s’appuyer à nouveau sur ces moyens technologiques avec la sécurité juridique requise. Il permettra enfin de trouver un équilibre acceptable entre intérêt général et protection des libertés publiques. C’est donc dans l’intérêt de la sécurité de nos concitoyens, mais aussi pour un bon fonctionnement de notre justice pénale, que le groupe UMP votera sans ambiguïté ce texte, d’autant que les délinquants, eux, continuent allègrement d’utiliser les moyens offerts par les nouvelles technologies.
Enfin, bien que la géolocalisation judiciaire n’ait rien à voir avec le dispositif administratif d’accès aux données de connexion et aux données d’interception dont nous avons eu à débattre récemment, dans le cadre de la loi de programmation militaire, le dépôt de plusieurs amendements relatifs à ce sujet me pousse à rappeler à mes collègues ce qui me paraît une évidence. L’article 20 de la LPM est issu d’un dispositif d’accès administratif aux données de connexion qui existait déjà dans notre droit positif depuis 2006 et que le Conseil constitutionnel avait validé en son temps, au nom de la participation du renseignement à la préservation des intérêts fondamentaux de la nation.
Cet article étend effectivement le régime existant pour l’adapter aux missions et à la réalité de nos services de renseignement, mais cette démarche répond à une demande de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Il renforce surtout le contrôle par rapport à la situation actuelle. Ce contrôle est à la fois politique, démocratique et technique, notamment du fait de l’intervention du Premier ministre, auprès duquel sera désormais placée la personnalité qualifiée désignée par la CNCIS qui autorisera l’accès aux documents et données de connexion, et du fait des pouvoirs accrus de cette commission, qui est une autorité administrative indépendante. Là encore, lors des débats, nous étions parvenus, dans une quasi-unanimité, à un bon équilibre entre l’efficacité opérationnelle, qu’il convient évidemment de préserver, et le respect des libertés publiques, auquel nous sommes tous très attachés.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur ce projet de loi relatif à la géolocalisation, deux questions méritent d’être posées : d’une part, son opportunité ; d’autre part, l’équilibre qu’il propose entre l’indispensable garantie du respect du droit à la vie privée et la nécessité d’étoffer les techniques d’enquête à la disposition des autorités chargées de combattre les entreprises criminelles ou délictueuses dans notre pays.
S’agissant du contexte qui a conduit le Gouvernement à proposer de légiférer sur les règles d’usage et les modalités d’emploi des techniques de géolocalisation dans les investigations, l’opportunité de ce texte ne fait, me semble-t-il, nullement débat. En rendant illégales les mesures de géolocalisation prescrites par le parquet, de récentes décisions de la Cour de cassation nous imposent, de fait, de réviser et d’approfondir le cadre légal du recours à ces procédés de filature dans les enquêtes préliminaires et de flagrance. Qui pourrait, en effet, se satisfaire et plaider sérieusement pour le statu quo, pour le maintien d’un régime juridique incomplet privant aujourd’hui les forces de l’ordre d’une méthode d’enquête utile, pour ne pas dire parfois indispensable, au service des investigations contre le crime, le terrorisme ou la délinquance ? Je veux donc saluer, à mon tour, la réactivité du Gouvernement dans cette affaire. Il n’était pas imaginable de laisser, sur le terrain, les enquêteurs dépourvus de la possibilité de recours aux techniques de géolocalisation.
Au-delà de la fragilisation de certaines procédures et du préjudice que représente l’impossibilité de fait d’utiliser cette technologie dans certaines enquêtes et certaines circonstances concrètes, l’opportunité et l’utilité de ce texte se justifient aussi, à mon sens, par le fait qu’il permet de mettre notre droit en conformité avec la réalité de notre temps. Je suis de ceux qui estiment que notre devoir de législateur nous appelle à adapter sans cesse les moyens de protéger notre société aux mutations qui la traversent, aux usages évolutifs qui transforment nos modes de vie. Nous devons aussi adapter notre droit au bon moment, c’est-à-dire sans accuser un retard qui le rendrait inopérant, obsolète ou hors sujet. C’est souvent un véritable défi puisque le temps législatif, qui requiert recul, réflexion et sérénité, n’est parfois pas compatible avec la rapidité d’apparition, sur le terrain, de certaines mutations techniques.
En matière de lutte contre les atteintes à la sûreté de l’État et contre toutes les formes d’insécurité, un fait ne peut être contesté. II est d’ailleurs reconnu par l’ensemble des chercheurs et des experts qui s’intéressent aux faits de délinquance : les méthodes de ceux qui veulent s’affranchir de la loi évoluent très vite et atteignent un haut niveau de sophistication. L’innovation technologique a largement servi les ambitions de ceux qui sont animés par la volonté de nuire aux intérêts de la nation et des Français. II suffit de voir comment les réseaux terroristes se sont approprié les nouvelles technologies pour en faire un instrument d’embrigadement, de propagation de leur idéologie et de structuration de leurs organisations. Il suffit d’observer les méthodes actuelles du grand banditisme, qui a gagné en intelligence logistique grâce à ces mêmes outils. Il en va de même des procédés de la petite criminalité, qui n’hésite pas à s’appuyer sur ces moyens pour progresser vers des méthodes quasi-professionnelles, à élargir son champ d’action en parvenant à mieux déjouer les forces de l’ordre. Le temps du folklore façon « tontons flingueurs » n’est bel et bien qu’un lointain souvenir. Et pourtant, beaucoup continuent de tout oser, sans qu’il soit forcément aisé de les reconnaître !
Sourires.
Adapter les méthodes d’investigation à l’évolution des méthodes criminelles et des pratiques délictueuses va donc dans le sens de l’histoire. D’autres avant nous, en d’autres temps, ont jugé nécessaire de créer des brigades mobiles, ou plus tard de remiser le système anthropométrique d’Alphonse Bertillon – qui constitua lui-même, à son époque, une forme de progrès – au profit de mesures biométriques, puis génétiques, auxquelles le progrès technique confère bien davantage de fiabilité et d’efficacité.
J’ai la conviction que les autorités chargées d’assurer notre protection ne sont pas vouées à demeurer toujours à la traîne de l’innovation. Si la technologie est une opportunité pour les entreprises criminelles et crapuleuses, elle doit aussi être un instrument au service de l’État dans l’exercice de sa mission de sécurité publique. Reste à savoir si la loi que nous examinons aujourd’hui parvient à concilier les nécessités de disposer des moyens d’enquêter de manière performante et le respect des libertés individuelles, auquel le droit de notre pays est légitimement attaché.
Certains de nos collègues, sur tous les bancs, ont exprimé des craintes envers un texte qui pourrait se révéler liberticide ou dont ils estiment, à tout le moins, qu’il ne serait pas assorti de garanties suffisantes du point de vue de la protection du droit à la vie privée. Cette approche est nécessaire au débat. Elle nous rappelle que la tradition républicaine dans laquelle nous nous inscrivons – celle qui a fait de la France la patrie des libertés – nous invite à nous défier de toute atteinte à nos principes.
Les opérations de géolocalisation, comme toutes les techniques d’enquête intrusives, constituent bien évidemment une ingérence dans la vie privée, même si l’intrusion est moindre qu’une procédure d’écoute. C’est sur ce postulat que se sont fondés les arrêts d’octobre 2013 de la Cour de cassation, qui rendent nécessaire d’adapter aujourd’hui notre droit, mais nous invitent à le faire avec vigilance.
Certains de nos collègues auraient préféré, à ce titre, que l’on s’en tienne à la version du projet de loi, telle qu’amendée par le Sénat, qui avait souhaité donner une définition plus restrictive du champ d’application des opérations de géolocalisation ordonnées par le parquet.
Ceux-là considèrent qu’en limitant les possibilités de recours aux techniques de géolocalisation aux infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans et en abaissant à huit jours la durée maximale du recours à ce procédé sur le seul contrôle du procureur avant de soumettre l’autorisation de sa prolongation à un magistrat du siège, la loi serait de nature à mieux répondre aux exigences de protection du droit à la vie privée.
Avec Hugues Fourage, nous avons souhaité proposer lors de l’examen du texte par la commission des lois – en pleine harmonie avec le rapporteur et en cohérence avec la tonalité dominante des auditions qu’il a conduites – d’en revenir à la version initiale du projet, c’est-à-dire viser les infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans et donner quinze jours d’ « autonomie » aux procureurs. Sur le deuxième point, j’ai compris qu’il n’y avait pas débat. En revanche, nous débattrons du premier lors de la discussion des articles.
Je veux dire à ceux qui s’en émeuvent que la modification de ces deux curseurs, qu’il s’agisse de restreindre ou d’accroître les possibilités de recours à ce procédé, ne change en rien la volonté qui anime chacun d’entre nous, de veiller au plus strict respect des libertés fondamentales. Ce projet de loi est précisément la traduction de cette volonté, en ce qu’il constitue un progrès par rapport aux fondements légaux insuffisants et inadéquats sur lesquels reposait jusqu’ici l’utilisation de cette technique d’enquête. Parce qu’il introduit un cadre juridique clair, parce qu’il comble un vide qui posait le risque de dérives et d’abus, au-delà de celui de la fragilité des procédures, il est davantage protecteur des droits et des libertés.
Conserver les deux verrous introduits par le Sénat ne permet pas de satisfaire pleinement l’objectif de donner aux autorités les moyens légaux et appropriés de mieux combattre le crime et la délinquance. Notre intention n’est bien évidemment pas d’encourager l’avènement d’une société épiée par les forces de sécurité, mais de mieux protéger les Français contre la diversité des atteintes dont ils peuvent être la cible. N’oublions pas, mes chers collègues, qui sont les véritables ennemis de nos libertés fondamentales et des valeurs communes qui fondent notre société. Il ne s’agit ni du Gouvernement, ni des parlementaires, ni de la police républicaine, pas davantage des magistrats, qu’ils soient du siège ou du parquet.
Les adversaires dont nous avons vocation à nous défier, ceux qu’il nous faut combattre, ce sont ceux qui bafouent la loi en méprisant une dignité humaine, dont ils s’affranchissent souvent eux-mêmes en commettant leurs actes.
Toutes les lois que nous avons examinées depuis le début de cette législature pour contribuer à améliorer la sécurité des Français conjuguent les préoccupations de respect des libertés et d’efficacité. Le dispositif relatif à l’usage de techniques de géolocalisation ne déroge pas à cette ligne de conduite. Je me réjouis qu’il ait fait l’objet d’un large consensus lors de son examen en commission. Il continue de bénéficier aujourd’hui, dans l’hémicycle, du soutien du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la garde des sceaux, je voterai sans état d’âme le texte que vous présentez ce soir. C’est une première pour moi s’agissant d’un texte que vous présentez.
Sourires.
Sourires.
Voter ce texte est sans doute nécessaire, même s’il n’était peut-être pas indispensable. Mais il est sans doute nécessaire suite aux deux arrêts de la Cour de cassation du 22 octobre dernier, même si ces décisions sont apparues à certains, aussi bien sur le plan juridique que du point de vue du suivi des enquêtes policières, pour le moins surprenantes sur le fond comme sur la forme.
Sur la forme, il eût été loisible à la Cour de cassation de différer dans le temps les effets de sa nouvelle jurisprudence comme elle l’avait fait en ce qui concerne la garde à vue. Cela aurait évité de fragiliser brutalement le déroulement de nombreuses enquêtes qui se sont vues gravement menacées, ce qui nécessite aujourd’hui notre intervention, intervention dont je veux souligner, pour m’en féliciter, la célérité.
Sur le fond, madame la garde des sceaux, certaines interprétations juridiques s’éloignent assez largement de l’interprétation de la position de la Cour de cassation. À cet égard, je veux citer – et en procédant ainsi, je ne veux pas être désagréable à votre endroit – un magistrat, même s’il est apparu qu’il ne partageait pas votre sensibilité politique, le procureur général près la cour d’appel de Paris François Falletti qui, le lundi 16 décembre 2013, avait, devant la chambre de l’instruction de ladite cour qui examinait le renvoi des deux affaires concernées, soutenu la légalité de la géolocalisation. Dans ses réquisitions, il avait fort opportunément rappelé la base légale qui confie à la police judiciaire, sous le contrôle du procureur, le soin de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs. Il a également fait valoir que, pour la mise en oeuvre des actes d’investigation portant atteinte à la vie privée, aussi bien la Cour européenne des droits de l’homme que la Cour de cassation n’exigent pas un recours systématique à un magistrat du siège.
Pour autant, madame la garde des sceaux, le texte que nous examinons doit permettre – c’est l’objectif – la reprise rapide des opérations de géolocalisation en temps réel pour concilier à la fois le respect de la vie privée et les nécessités absolues de l’enquête en définissant précisément les modalités d’intervention des magistrats du parquet et du siège.
Le travail parlementaire en commission a permis de rétablir l’équilibre caractérisant le texte initial, en ce qui concerne à la fois le délai maximum de quinze jours prévu pour l’intervention du juge des libertés et de la détention et le seuil de trois ans pour le quantum de la peine encourue s’agissant une enquête relative à une atteinte aux biens.
S’agissant des cas d’urgence, le Sénat avait amendé le projet de loi en autorisant l’officier de police judiciaire à procéder à la géolocalisation, à charge pour lui d’en informer le procureur ou le juge d’instruction par tous moyens, lequel doit donner son autorisation écrite dans les douze heures. Nous déposerons des amendements – Patrice Verchère l’a dit – pour allonger ce délai qui nous paraît trop bref et concrètement impossible à respecter.
Pour conclure, et sous réserve du résultat définitif de nos travaux, je dirai que le texte parvient à un équilibre acceptable entre les nécessités de l’enquête et les préoccupations relatives à la protection des libertés individuelles. C’est une bonne chose, car vous n’ignorez pas, madame la garde des sceaux, l’émoi soulevé par les décisions de la Cour de cassation au sein des policiers et des gendarmes impliqués dans des enquêtes difficiles, souvent dangereuses, fruit d’un long travail et qu’ils voyaient remettre en cause brutalement. Nous réparerons cette situation, et c’est une bonne chose.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
L’article 1er du projet de loi relatif à la géolocalisation vient définir strictement les cas où la géolocalisation en temps réel d’une personne et d’un bien peut intervenir. Rappelons que ce projet de loi répond à une nécessité et à une urgence. Les arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation les 22 octobre et 19 novembre derniers ont en effet créé un vide juridique. Ils ont privé les enquêteurs de moyens d’enquête précieux dans leur lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. En ces temps où les chiffres de la grande délinquance et de la criminalité restent malheureusement trop élevés, il est nécessaire de légiférer afin de renforcer les moyens des enquêteurs. Certains y voient une menace quant à la préservation des libertés publiques et le respect de la vie privée. C’est pourquoi cet article vient apporter une indispensable base légale aux pratiques de géolocalisation en posant des limites, soumettant ces opérations à des conditions précises et en les réservant aux délits d’une gravité certaine. Nous ne pouvons donc que soutenir cet article et ce texte qui viennent renforcer l’efficacité de nos services contre une criminalité, réelle gangrène pour notre société, et mieux protéger nos concitoyens. Il était donc légitime de légiférer dans les meilleurs délais pour leur permettre d’y avoir de nouveau accès.
Je suis saisi de trois amendements, nos 2 rectifié , 32 et 3 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2 rectifié et 32 sont identiques.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 2 rectifié .
Vous me permettrez de défendre en même temps l’amendement no 3 , qui est un amendement de repli. Lors de la discussion générale, j’ai rappelé qu’il était nécessaire de préciser la référence « tout objet ». L’amendement propose qu’une liste dresse le détail de ces objets et que cette liste soit fixée par décret en Conseil d’État ou par arrêté.
Nous avons été un certain nombre à soulever ce point en commission. Mon collègue Tardy avait du reste déposé un amendement dans le même sens. Il ne s’agit pas d’entraver le travail des forces de l’ordre, mais de lever le flou lequel peut être préjudiciable pour nos libertés. Aujourd’hui, tout objet a vocation à devenir un objet connecté. Il paraît donc justifié que la liste des objets faisant l’objet d’une géolocalisation puisse être connue et que celle-ci soit très claire. Dans le premier amendement, nous proposons qu’elle soit établie par décret en Conseil d’État, dans le second par arrêté.
Mes observations iront dans le même sens que celles de mon collègue Coronado. Je crains que, si l’on ne précise pas ce que recouvre le mot « objet », il n’y ait censure constitutionnelle par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Je vois assez mal comment, à partir d’un terme aussi général, on peut asseoir la légalité du texte.
Avis défavorable. Il faut faire confiance aux magistrats pour garantir les libertés individuelles. C’est avec discernement et responsabilité que le procureur de la République autorise les mesures de géolocalisation : il n’autorise pas tout et n’importe quoi. Si une telle décision devait être prise pour les nécessités d’une enquête, elle serait entourée de toutes les garanties procédurales qui s’imposent.
En outre, la liste fixée par le Conseil d’État est susceptible de constituer un obstacle à l’avancement de certaines enquêtes : elle risque de se trouver en décalage avec les dernières avancées technologiques compte tenu de la rapidité des évolutions en ce domaine et des mesures réglementaires ou législatives d’actualisation prendraient du temps.
L’avis du Gouvernement est aussi défavorable.
Premièrement, une liste a toujours les défauts intrinsèques aux listes. D’une part, elles sont toujours soumises au risque d’un oubli. D’autre part, leur actualisation ne suit pas forcément le rythme des évolutions technologiques, surtout dans un domaine comme celui qui nous occupe où les progrès sont particulièrement rapides.
Deuxièmement, des dispositions sont prises pour la protection des libertés.
Troisièmement, je crains qu’il n’y ait un malentendu. Les objets en question font l’objet d’une géolocalisation et non pas d’une interception. Il s’agit de localiser les personnes grâce à ces objets et non pas d’entrer dans les contenus, potentiellement confidentiels, des supports technologiques, qu’il s’agisse d’ordinateurs ou de téléphones comme dans le cas des interceptions.
Je vous demande donc, messieurs les députés, de bien vouloir retirer vos amendements.
Monsieur le rapporteur, je fais bien évidemment confiance aux magistrats. Il m’arrive même de leur faire confiance pour protéger les sources des journalistes. Pourtant, ils prennent parfois quelques libertés avec la loi. Il nous faut donc être précis et rigoureux dans la définition des objets visés par le dispositif.
La réponse de Mme la ministre m’a paru plus pertinente pour justifier un avis défavorable, mais je maintiens mes amendements.
L’amendement no 32 est retiré.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, nous estimons que le Sénat avait trouvé un équilibre entre impératifs liés au maintien de la sécurité et l’exigence posée par la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle ce procédé doit être réservé à une infraction particulièrement grave. J’ai fait allusion tout à l’heure à la notion de détention provisoire et je crains que la rédaction actuelle du texte ne permette d’avoir recours à la géolocalisation pour des infractions qui n’ont plus rien à voir avec la notion de gravité. D’où cet amendement.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’argumentaire d’Alain Tourret, nos amendements étant similaires. L’équilibre établi par le Sénat nous semble en effet plus adéquat : il réserve le recours à la géolocalisation aux délits pour lesquels cinq ans de prison sont encourus. Toutefois, pour faciliter nos débats, je me rallierai volontiers à l’amendement déposé par le Gouvernement en espérant que les membres de la commission des lois, qui dans un premier temps n’ont pas eu la bienveillance d’adopter notre amendement, ont pu réfléchir et changer de position.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 40 .
J’espère convaincre.
Le seuil retenu par le Sénat d’une peine de cinq ans d’emprisonnement pour les infractions justifiant le recours à la géolocalisation manifeste un grand souci de protection des libertés individuelles. Rappelons que la géolocalisation consiste tout de même à localiser des personnes, à suivre tous leurs déplacements, y compris, dans certaines circonstances, dans des lieux clos, intimes. Néanmoins, le quantum unique qu’il fixe – le texte du Gouvernement ayant fixé, quant à lui, deux quantums davantage liés aux lieux qu’aux infractions elles-mêmes – me pose problème. Nous avons déjà eu un débat sur ces questions : il m’est déjà arrivé moi-même de souligner que les modifications du code de procédure pénale intervenues ces dernières années avaient introduit de l’incohérence dans l’échelle des peines, certaines atteintes aux biens étant plus sévèrement punies que certaines atteintes aux personnes. C’est pour cette raison que j’ai souhaité que nous procédions à un affinement.
Au nom du respect des libertés individuelles, nous avons souhaité retenir un seuil de cinq ans, mais avec une modulation. Certaines infractions d’atteintes aux personnes peuvent en effet avoir des conséquences majeures si on ne les interrompt pas. Je pense, par exemple, aux menaces de mort : la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement car on ne connaît pas à l’avance leur issue mais, même si la plupart ne sont pas suivies d’effets, les risques de passage à l’acte peuvent dans certains cas justifier une géolocalisation. Il en va de même pour l’évasion : l’auteur peut ne purger qu’une courte peine pour une infraction peu grave mais il peut aussi purger une longue peine pour des faits beaucoup plus graves comme un crime et on ne peut être certains à l’avance qu’il ne commettra pas d’autres délits graves. Ne peut-on en ce cas se donner les moyens de géolocaliser un prisonnier qui s’évade ? J’ajouterai le harcèlement sexuel aggravé – mais seulement aggravé contrairement à ce que proposait M. Lagarde – et la non-présentation d’enfant, aggravée elle aussi, pour éviter toute action précipitée au bout de seulement huit heures.
Nous proposons par cet amendement de rétablir la rédaction du Sénat en revenant à un double seuil : seuil de cinq ans d’emprisonnement et seuil ajouté à l’initiative du Gouvernement de trois ans d’emprisonnement pour les délits contre les personnes. Mais nous voulons aussi lui apporter une amélioration, en prévoyant un élargissement du recours à la géolocalisation aux délits d’évasion, que nous n’avions pas réussi à introduire à la Haute assemblée, et de recel de criminel. La géolocalisation, rappelons-le, n’est jamais décidée de manière désinvolte. Elle suppose un acte de procédure, elle coûte de l’argent et peut faire l’objet d’une contestation dans le cadre d’une procédure contradictoire. Nous pouvons considérer que les circonstances dans lesquelles elle sera utilisée sauront être appréciées correctement.
J’espère convaincre car il nous semble délicat de maintenir un seuil de trois ans d’emprisonnement, qui couvre toute une série d’infractions. Il y a même eu tout à l’heure la proposition de recourir à la géolocalisation pour une infraction punie d’un an de prison. Nous pouvons toujours continuer à abaisser le seuil. Mais il nous paraît préférable de mettre en avant notre souci pour la préservation des libertés sinon la gradation des peines et la gradation des fonctions n’auraient plus de sens.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Même si l’élargissement au délit d’évasion va dans le bon sens, c’est surtout dans l’étude d’impact que Mme la ministre m’a convaincu. À propos du champ d’application du dispositif, elle évoque l’option retenue par le Gouvernement : « Permettre la géolocalisation en temps réel dans les enquêtes et informations judiciaires portant sur une infraction punie d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans ainsi que pour les enquêtes en recherche des causes de la mort, en recherche des causes de la disparition et en recherche d’une personne en fuite ». « Cette option, qui permet de recourir largement aux opérations de géolocalisation en temps réel a été retenue. Ce choix répond à une véritable demande opérationnelle dès lors que les opérations de géolocalisation sont très largement utilisées par les juridictions pour rassembler des preuves et identifier les auteurs d’infraction. Ce seuil de trois ans d’emprisonnement encouru permet d’intégrer à la réforme une partie significative des infractions traitées par les juridictions, tout en la réservant à des faits d’une certaine gravité. » Cette option qui figure dans le projet initial est frappée au sceau du bon sens. Rappelons en outre que le Conseil d’État a validé le seuil de trois ans.
Sur la question du vol simple, il faudra compter bien sûr sur le discernement des officiers de police judiciaire qui mèneront l’enquête sous le contrôle du procureur de la République. Ils ne vont évidemment pas recourir à la géolocalisation pour n’importe quel vol simple comme un vol de pommes. Mais un vol simple, cela peut être aussi un vol commis par le convoyeur de fonds Tony Musulin : des mesures de géolocalisation auraient pu être utiles pour retrouver son butin de 11,6 millions d’euros. De la même manière, le vol de voitures de luxe peut relever du vol simple mais aussi du trafic de stupéfiants avec la technique du go fast.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je vais aller dans le sens du rapporteur. La Cour européenne des droits de l’homme a indiqué dans l’arrêt Uzun que le recours à la géolocalisation devait être réservé à des infractions particulièrement graves. Il faut donc se donner une marge pour apprécier ce que recouvre cette particulière gravité.
L’amendement du Gouvernement est un peu moins radical que ceux de M. Tourret et de M. Coronado puisqu’il prévoit un seuil de cinq ans et pour certains délits un seuil de trois ans. Il est bon que dès la première lecture au Sénat le seuil de trois ans pour les seuls délits contre la personne ait été introduit. À présent, le Gouvernement introduit le délit d’évasion. Reste la question du vol simple. Vous avez dit, madame la ministre, dans votre présentation qu’il était possible de requalifier les faits en trafic de stupéfiants. Oui, mais à condition de le savoir au moment où l’opération peut être lancée. Selon votre rédaction, le vol simple serait exclu ce qui interdirait d’utiliser le procédé de géolocalisation de manière totale.
Si nous retenons les délits punis d’une peine d’emprisonnement de trois ans et plus, nous n’aboutirons pas pour autant à un recours systématique à la géolocalisation pour l’ensemble de ces délits mais nous aurons cette faculté.
C’est exactement la même chose que pour les objets dont nous parlions tout à l’heure en examinant l’amendement de Sergio Coronado et en écoutant votre réponse, madame la ministre : à force d’énumérer les exceptions, nous allons finir par en oublier ! Certes, vous avez une puissante force de conviction mais, en l’occurrence, sur cette question, nous avons plutôt été convaincus par la version initiale du projet de loi proposée par le Gouvernement.
Monsieur le président, je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement. Je voudrais simplement dire que, avec les propositions de nos amis socialistes, nous aurions pu sans aucun doute géolocaliser Jean Valjean lorsqu’il a dérobé deux candélabres au malheureux évêque de Digne !
Pour autant, Jean Valjean était-il un criminel ? Pour vous peut-être, mais certainement pas pour moi !
L’amendement no 29 est retiré.
L’amendement no 8 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Malheureusement, madame la garde des sceaux, je ne suis pas convaincu par votre argumentation. Selon moi, l’extrême gravité évoquée par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, mérite discussion. Je ne crois pas en effet que l’on puisse qualifier la gravité à partir du quantum des peines ; de ce point de vue, trois ans valent bien cinq ans !
Ce qui m’intéresse dans l’arrêt Uzun contre Allemagne de la CEDH, c’est la question de la proportionnalité. L’arrêt en question indique que les interceptions de sécurité sont beaucoup plus intrusives que la géolocalisation. Or, on peut recourir à des interceptions de sécurité pour tous les délits passibles d’une peine égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement ; cela figure à l’article 100 du code de procédure pénale qui, depuis la loi du 10 juillet 1991, n’a pas été remis en cause. Dès lors que la mesure la plus intrusive peut s’appliquer à des peines de deux ans, on ne voit pas pourquoi la géolocalisation ne pourrait pas s’appliquer en cas de peine encourue de trois ans. Au nom de cette proportionnalité, la commission, ainsi que le rapporteur l’a très bien dit, préfère sa version à celle que le Gouvernement tente à nouveau de nous proposer.
Je pense que l’on peut de bonne foi introduire et accumuler les malentendus. Tout d’abord, nous ne tentons pas de proposer l’ancienne version puisque, je le rappelle, lorsque nous avions introduit le seuil de trois ans dans le texte initial, nous nous étions fondés sur le lieu, sur son accessibilité et sur son caractère intime ou non – donc sur le caractère intrusif ou non. De plus, le débat sur la gravité des faits définie en fonction du quantum des peines, qui a débuté au Sénat, me paraît fondé.
La première version du projet de loi rédigée par le Gouvernement et la discussion qui s’est tenue au Conseil d’État étant de très grande qualité, ainsi que je l’ai dit à la tribune, on pourrait considérer qu’il n’y a pas moyen d’aller au-delà du choix du Gouvernement, qui est définitif. Mais alors – pardon de le dire avec une légère brutalité, mais vous savez bien que l’ancienne parlementaire que je suis ne peut pas le penser un quart de seconde ! –, il ne reste plus qu’à dissoudre le Parlement ! Pour ma part, je suis persuadée que le travail parlementaire est de qualité et qu’il enrichit les textes. Ainsi, la modification introduite par le Sénat a permis de discuter et de voir les choses plus précisément.
J’entends les arguments de M. le président de la commission des lois sur l’arrêt Uzun contre Allemagne et sur le caractère plus intrusif des interceptions ; mais les interceptions sont décidées par un juge : le juge d’instruction ou le…
Certes, mais les interceptions judiciaires sont décidées par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention.
Tel est le dispositif : les officiers de police judiciaire, les OPJ, peuvent décider de réaliser des interceptions sans l’autorisation du magistrat, ainsi que le prévoit désormais le texte. Le parquet peut également le décider, et nous avions prévu un système graduel avec l’intervention du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention. Je maintiens donc ma position car autrement, je le répète, on diminue l’efficacité de cette disposition.
Vous avez parfaitement raison sur un point : la gravité n’est pas déterminée par le quantum ; je suis d’accord également sur la question du vol simple. Mais je suis surprise par votre perception assez théorique tant du travail des OPJ que de celui des magistrats, qu’il s’agisse du ministère public ou des juges du siège. En effet, est-ce que la seule caractérisation du vol simple suffira à déterminer le choix ? Non ! Tant les OPJ que les magistrats apprécient les faits : même lorsqu’ils qualifient, ils apprécient ! Ils le font non seulement en fonction des éléments à leur disposition, mais également en fonction des projections qu’ils font de l’évolution de ces éléments. Ce faisant, ils déterminent un champ leur permettant d’agir, en fonction des projections qu’ils font à partir des éléments dont ils disposent.
Sur la question du vol simple, vous avez cité l’exemple du vol du camion contenant 11 millions d’euros – lesquels, pour tout vous dire, auraient bien arrangé le budget de la justice ! Chaque cas peut être illustré par un exemple : mais doit-on pour autant partir de cet exemple pour élaborer un paradigme et en déduire une doctrine ? Ou bien doit-on au contraire considérer qu’il s’agit d’un cas particulier et s’interroger sur ce qu’il convient de faire en pareille hypothèse ? Pour ma part, je pense que l’ingéniosité et la capacité des magistrats et des OPJ leur permet de savoir ce qu’il faut faire lorsqu’ils sont confrontés à des cas particuliers.
Je maintiens donc cet amendement. L’argument de l’étude d’impact ne me paraît pas recevable : certes, une étude d’impact explique sur quelles bases le projet de loi a été rédigé et sur quelles bases les arbitrages ont été rendus. Mais si on s’arrête à l’étude d’impact, alors ce n’est pas la peine de passer aux étapes suivantes – Conseil d’État, Sénat, Assemblée nationale !
Les textes sont enrichis, des débats ont lieu, nous confrontons des argumentations. Pour ma part, je trouve qu’il est plus raisonnable d’en rester au seuil de cinq ans assorti de quelques dérogations, même si j’ai moi-même souligné la difficulté, lorsque j’ai présenté cet amendement au Sénat – vous avez pu le lire dans le compte rendu des débats paru au Journal officiel – de déterminer dans quels cas il y aura dérogation parce qu’on risque toujours d’en oublier. C’est du reste ce que je vous ai fait valoir en m’opposant à vos amendements tout à l’heure.
J’entends cet argument ; il n’en demeure pas moins que le seuil de cinq ans, assorti de dérogations liées aux atteintes aux personnes, me paraît de nature à garantir une meilleure protection des libertés individuelles. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, même si j’ai bien compris qu’il a peu de chances de prospérer ; mais j’apprécierai d’autant mieux les votes favorables à cet amendement !
Une pression amicale et publique !
L’amendement no 40 n’est pas adopté.
Article 1er
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.
La séance est reprise.
L’amendement no 10 de M. le rapporteur est rédactionnel.
L’amendement no 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Comme nous l’avons rappelé à cette tribune, dans ses arrêts du 22 octobre 2013 la Cour de cassation a estimé qu’au vu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la technique dite de « géolocalisation » constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge.
S’il peut être justifié de n’avoir qu’un contrôle a posteriori en cas d’urgence ou pour des enquêtes de flagrance, il semble important que pour une enquête préliminaire le contrôle ait lieu a priori. Cet amendement propose un dispositif proche de celui prévu pour les perquisitions dans le cadre des enquêtes préliminaires, à savoir l’autorisation préalable, écrite et motivée, du juge des libertés et de la détention.
Avis défavorable.
Je rappelle à M. Coronado que, dans l’arrêt Uzun contre Allemagne, la Cour européenne de Strasbourg a demandé l’approbation de la mesure de géolocalisation par un juge du siège, non immédiatement mais à un certain stade de la procédure. Elle a également validé le délai d’un mois retenu en Allemagne à la suite d’une modification législative. Le procureur de la République a donc parfaitement son rôle dans les enquêtes judiciaires.
Avis défavorable.
Monsieur le député, il y a un tropisme que j’ai encore entendu tout à l’heure à cette tribune et qui revient de façon récurrente. J’espère parvenir à le dissoudre dans cette maison et dans la maison soeur qu’est le Sénat. Il s’agit de la suspicion générale à l’encontre des magistrats du ministère public. Mais ce n’est pas ce mot que je dois utiliser aujourd’hui puisque dans vos propos il n’y avait pas de suspicion. En fait, vous considérez que le magistrat du ministère public n’appartient pas à l’autorité judiciaire.
Oui, les magistrats du ministère public appartiennent à l’autorité judiciaire. Oui, les magistrats du ministère public sont garants des libertés individuelles, même si leur champ est beaucoup moins large que celui des magistrats. Oui, les magistrats du ministère public appartiennent à notre autorité constitutionnelle. Oui, en votant la loi du 25 juillet 2013 qui prohibe les instructions individuelles, vous interrompez, vous coupez, vous supprimez un lien qui peut être effectivement un vecteur de suspicion à l’égard des magistrats du ministère public. Oui, le projet de réforme constitutionnelle, que vous avez voté mais qui n’est pas parvenu au bout de son parcours, consolide l’appartenance des magistrats du ministère public à l’autorité judiciaire.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a réaffirmé, de façon régulière, que les magistrats du ministère public appartiennent bien à l’autorité judiciaire. La Cour de cassation a une autre interprétation parce qu’elle se fonde sur des dispositions de la Convention européenne. Mais le fameux arrêt Medvedyev à partir duquel la Cour européenne conteste ou interroge au moins l’appartenance des magistrats du ministère public à l’autorité judiciaire est antérieur à la loi du 25 juillet 2013 et à la réforme dont vous savez que le Président de la République et le Premier ministre m’ont demandé d’en reprendre les travaux.
Je souhaite que nous parvenions à restituer aux magistrats du ministère public la plénitude de leur mission et que nous leur garantissons, grâce à vos votes, la liberté dont ils font preuve chaque fois qu’ils sont chargés de la conduite d’affaires individuelles.
Pour ces raisons, Je suis défavorable à cet amendement. Je rappelle que 97 % des affaires pénales font l’objet d’une enquête préliminaire.
Je ne ferai pas l’injure à Mme la ministre de considérer que les pratiques qui ont eu lieu précédemment ont toujours cours sous cette législature, malgré quelques volontés de polémiques exprimées ces jours derniers. Je retire l’amendement.
Merci beaucoup !
L’amendement no 4 est retiré.
Cet amendement vise à revenir au texte adopté par le Sénat concernant le délai maximum dans lequel doit se faire la saisine du juge des libertés et de la détention par le procureur de la République lorsque ce dernier a ordonné des mesures de géolocalisation.
Nous l’avons dit en commission, le contrôle d’un juge au bout de huit jours est plus protecteur pour les libertés individuelles et le délai qui avait été fixé au Sénat me paraît tout à fait opérationnel. A contrario, le délai de quinze jours nous paraît un peu excessif. C’est également ce qu’a jugé la CNIL dans un avis qu’elle a rendu ce matin. Elle note en effet que, dans le cadre des procédures de flagrance, la durée de l’autorisation du procureur de la République devrait être de huit jours et reconductible éventuellement une fois pour être en cohérence avec l’article 53 du code de procédure pénale.
Je ne voudrais pas que l’on donne l’impression que le Sénat est plus attaché au maintien et au respect des libertés que notre Assemblée.
Je soutiens cet amendement identique pour les raisons suivantes.
Premièrement, c’est le groupe RDSE qui a convaincu le Sénat. Aussi, vous comprendrez que j’ai les yeux de Chimène pour ce groupe…
…malgré les piques qu’il envoie parfois au Gouvernement.
Deuxièmement, il y a un problème par rapport aux décisions qui sont prises sur le plan européen puisque le procureur n’apparaît pas comme un juge totalement indépendant comme le juge du siège, ce qu’est le juge des libertés et de la détention, le JLD.
Au vu de l’avis de la CNIL, le risque de sanction me paraît important si le délai est trop grand entre le moment où la géolocalisation a lieu et le moment où un magistrat indépendant est saisi. Bien évidemment, nous aurions obtenu satisfaction devant le Congrès sur le rôle du procureur que la question ne se poserait pas. Mais dès lors que notre système juridique ne considère pas le procureur comme une autorité indépendante, il est préférable de s’en tenir au délai de huit jours plutôt qu’à celui de quinze jours.
En tant que député des Hauts-de-Seine, je vais défendre le rôle des procureurs de la République…
Comme l’a dit Mme la ministre, 80 % des opérations de géolocalisation en temps réel demandées par les services enquêteurs s’effectuent dans la limite de la nouvelle durée maximale de quinze jours. Prévoir un tel délai a donc une réelle cohérence opérationnelle.
Par ailleurs, si j’entends l’avis de la CNIL, j’entends aussi la jurisprudence de la Cour européenne qui indique ceci : « Lorsque la surveillance systématique d’un suspect dépasse une durée d’un mois, elle doit en fait être ordonnée par un juge du siège. La Cour se félicite de ce renforcement de la protection du droit d’un suspect au respect de sa vie privée ». Si l’on autorise un délai d’un mois, j’imagine que l’on peut autoriser un délai de quinze jours. Et c’est ce que nous souhaitons.
C’est parce que nous nous étions fondés sur la durée d’une enquête de flagrance prolongée que nous avions estimé que le délai de quinze jours ne mettait pas en péril l’efficacité de l’enquête. Je répète que je me réjouis que la commission des lois soit revenue à ce délai de quinze jours, sinon on ferait peser quelques risques sur les enquêtes de flagrance.
Pour cette raison, tout en entendant vos arguments, messieurs les députés, il est souhaitable que nous nous en tenions à ce délai de quinze jours.
L’amendement no 31 est retiré.
L’amendement no 5 n’est pas adopté.
L’amendement no 11 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’alinéa 12 de l’article 1er prévoit que : « La décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction est écrite. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours ». Il s’agit d’une reprise d’une disposition qui existe en matière d’écoutes téléphoniques. Toutefois, dès lors que les autorisations de recours à la géolocalisation ne peuvent intervenir que dans des conditions précises, il semble important qu’il y ait une possibilité de recours afin de rendre nulle l’autorisation qui n’aurait pas respecté les conditions prévues par la loi. Si un mécanisme spécifique de nullité n’est pas prévu, en cas de non-régularisation d’une autorisation donnée dans l’urgence, le dispositif prévu serait en effet privé de toute effectivité. Tel est le sens de cet amendement.
Avis défavorable. Comme c’est à son insu que la personne est géolocalisée, elle ne peut donc pas faire appel. En revanche, le justiciable peut tout à fait faire l’objet d’un contrôle de légalité pour l’exercice d’une action en nullité lorsque la mesure de géolocalisation est utilisée en justice.
C’est une disposition qui figure déjà aux articles 100 et 756-58 du code de procédure pénale, sur les interceptions téléphoniques et le témoignage anonyme.
J’émets un avis défavorable, mais j’ai quand même un doute sur le droit de faire appel qui n’est possible ni pour l’intéressé, ni pour le parquet. Je pense qu’il y aura une troisième étape pour examiner ce point.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
Je les retire car ils sont devenus sans objet à la suite du rejet de l’amendement n° 40 .
L’amendement no 12 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous abordons les amendements évoqués par le rapporteur sur la durée accordée au procureur pour autoriser, suite à l’information donnée par un officier de police judiciaire, les opérations de géolocalisation.
Le Sénat a introduit opportunément un amendement qui permet aux officiers de police judiciaire d’informer le magistrat en charge de l’enquête préliminaire ou de l’enquête de flagrance, au lieu d’avoir besoin d’une autorisation préalable, comme le prévoyait le texte initial.
La question se pose du délai de régularisation. L’information peut être verbale ou par SMS et il convient ensuite que le procureur autorise formellement, par écrit, les opérations de géolocalisation. Dans quels délais doit-il le faire ? Le Sénat a prévu une durée de douze heures. Je propose par mon amendement une durée de trente-six heures, pour des raisons pratiques et pour faciliter l’enquête. Nous sommes dans des circonstances difficiles, la nuit, le week-end, parfois en situation d’extrême urgence et de gravité : les nécessités de l’enquête justifient un délai un peu plus important que les douze heures prévues par le Sénat.
Il faut que nous ayons tous à l’esprit que nous devons faciliter le déroulement des enquêtes. La violence ne cesse d’augmenter dans notre pays, les forces de l’ordre sont confrontées à des situations extrêmement difficiles, à des enquêtes de plus en plus lourdes, contre des réseaux de criminalité organisée très complexes qui utilisent des moyens de plus en plus sophistiqués : il faut lutter à armes égales, il faut nous adapter. C’est l’objet de ce texte. Il faut donner de la souplesse aux enquêteurs.
J’ai entendu les débats sur les libertés publiques : nous y sommes tous attachés et il n’y a pas, d’un côté ou de l’autre de l’hémicycle, des parlementaires qui seraient plus attachés à la défense de ces libertés, mais prenons soin de faciliter le déroulement des enquêtes et de ne pas entraver le travail déjà ô combien difficile des forces de police et de gendarmerie.
Mon amendement est presque identique : c’est uniquement le nombre d’heures qui diffère.
Je souscris aux arguments d’Éric Ciotti. Le groupe UMP propose de passer de douze à vingt-quatre heures : c’est un délai tout à fait raisonnable, qui permet de prendre en compte les difficultés que pourrait rencontrer un officier de police judiciaire, la nuit ou le week-end, à trouver un magistrat.
Surtout, vingt-quatre heures, c’est assez logique : c’est une journée. L’OPJ n’a pas de calcul à faire.
Je sais qu’un amendement de notre rapporteur vise à fixer le délai à vingt heures : nous pourrions nous en satisfaire, mais la bonne durée est celle de vingt-quatre heures. Je voudrais rappeler, s’il en était besoin, que dans le code de procédure pénale, on trouve trois occurrences d’un délai de vingt heures, contre une cinquantaine d’un délai de vingt-quatre heures. C’est dire si celui-ci s’impose.
Par exemple, l’article 63 du code de procédure pénale fixe à vingt-quatre heures la durée de la garde à vue. L’article 133 dispose que la personne saisie en vertu d’un mandat d’arrêt doit être présentée devant le juge d’instruction dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation. Selon l’article 501 encore, lorsque le tribunal statue sur une demande de mise en liberté, de modification du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique, l’appel doit être formé dans un délai de vingt-quatre heures. Je crois que vingt-quatre heures, c’est un délai raisonnable, simple pour l’OPJ, et je souhaite que vous l’acceptiez – sachant que le groupe UMP votera naturellement ce texte.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 18 .
Il faut partir du texte initial : l’OPJ devait obtenir un avis du procureur de la République par tout moyen de communication. Le Sénat a bien travaillé en prévoyant cette initiative spontanée de l’OPJ et sa régularisation a posteriori dans un délai de douze heures.
Nous en avons discuté en commission et nous avons auditionné les représentants des syndicats de police. On peut toujours faire plus ; l’amendement que je propose fixe un point d’équilibre entre les douze heures et les vingt-quatre heures. Cette formule tient compte des aspects opérationnels de l’enquête. C’est un délai, vous l’avez rappelé, qui est déjà reconnu et utilisé, dans le cas de la retenue judiciaire des prévenus déférés en comparution immédiate à l’issue de leur garde à vue. Je propose vingt heures et je crois que ce n’est pas la peine de pinailler ni de faire des comptes d’apothicaire. Cette question a fait l’objet d’un grand débat en commission : nous avions tous la volonté d’aller un peu au-delà du texte voté par le Sénat et cet amendement répond favorablement à ce souhait.
Défendant mon amendement, je suis donc défavorable aux deux autres.
Dans le texte du Gouvernement, le délai est fixé à douze heures. Il s’agit quand même pour le magistrat de valider ou d’interrompre les opérations de géolocalisation.
Il y a un créneau qui peut poser problème, c’est une information à vingt heures qui nécessiterait donc une validation pour le lendemain à huit heures, à supposer par ailleurs que le lendemain soit un dimanche.
Ce que je peux vous dire, c’est que les magistrats du parquet sont toujours joignables. La position du Gouvernement est d’en rester au délai de douze heures. Je comprends qu’on veuille passer à vingt heures, mais, si vous estimez qu’il faut absolument allonger la durée prévue, le délai de vingt-quatre heures, qui représente un tour d’horloge, est plus simple pour les magistrats comme pour les OPJ.
Pour ma part, j’en reste à douze heures et j’émets un avis défavorable aux trente-six heures, sans états d’âme je dois le dire. Sur les vingt-quatre heures, j’entends la logique et le parallélisme des formes, mais je préfère très clairement le délai de douze heures, car je sais que les parquetiers sont tout à fait capables de travailler dans ce cadre.
Je retire mon amendement, mais propose à mes collègues de la majorité de nous rallier à l’amendement no 1 de notre collègue Verchère qui semble faire consensus, y compris sur les bancs du Gouvernement, et qui atteint cet équilibre que nous recherchons tous.
L’amendement no 26 est retiré.
…il faut prendre date. Si Mme la garde des sceaux est d’accord sur les vingt-quatre heures…
Je n’ai pas dit cela.
Vous êtes en tout cas plus favorable à vingt-quatre heures qu’à vingt heures. Puisque nous souhaitons allonger le délai, je retire mon amendement.
L’amendement no 18 est retiré.
Nous avons une mesure d’équilibre. Même si la garde des sceaux préférerait conserver le délai de douze heures, celui de vingt-quatre heures est simple et nous y sommes favorables.
Il faut essayer d’avoir les mêmes durées dans les différentes procédures. C’est déjà compliqué en matière d’appel, le code pénal multiplie les incertitudes, ce qui entraîne de nombreuses nullités.
Je vous parle en tant qu’avocat, il est indispensable d’avoir des durées logiques et qu’on retrouve au long du code de procédure pénale. C’est pourquoi je pense qu’en la matière, le délai de vingt-quatre heures s’impose.
L’amendement no 1 est adopté.
L’amendement no 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 19 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 14 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 20 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour soutenir l’amendement no 15 .
L’amendement no 15 est adopté.
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour soutenir l’amendement no 39 rectifié .
C’est un amendement qui vient modifier quelque peu le texte adopté par la commission : il apporte une précision au 2 du II, surtout il ajoute un troisième point qui en fait un amendement de protection. Nous parlons ici, au sujet de la criminalité organisée, de ceux qui sont souvent les premières victimes des règlements de comptes, c’est-à-dire les informateurs et leur famille.
Nous avons travaillé sur cette notion de dossier distinct créée par le Sénat. Il y a un problème de conventionnalité qu’il nous faut résoudre. Le dossier tel que nous l’envisageons est compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment avec son arrêt du 15 décembre 2011, arrêt qui a d’ailleurs été cité dans un autre arrêt le 12 décembre 2013. C’est une jurisprudence par laquelle la Cour autorise un dossier distinct pour protéger les adjuvants à l’enquête. Cela reste une possibilité : ce n’est pas une obligation et ce n’est pas systématique.
Je rappelle en outre que, selon l’article 230-43, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de ce dossier distinct. Au final, c’est le juge des libertés et de la détention qui décide et ce dossier ne constitue qu’une preuve accessoire. Compte tenu de ces précisions, l’amendement nous paraît éviter tous les problèmes de conventionnalité.
C’est du rapide, monsieur le rapporteur !
Sourires
Vous auriez pu chercher à nous éclairer plus encore mais il est vrai que c’est difficile après l’intervention de M. le président de la commission des lois !
J’entends M. Urvoas, précisément, selon lequel il n’existe strictement aucun risque de conventionnalité, s’agissant donc de la conformité à la convention en question. Comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, nous nous sommes préoccupés de cette situation.
Nous évoquons les procédures pénales et je rappelle que l’une d’entre elles a été censurée par la Cour de cassation dans le cadre des arrêts rendus au mois d’octobre 2013 quant à un acte de géolocalisation qui avait été décidé par un Parquet.
Nous partageons donc la même préoccupation, la question étant de savoir comment l’écrire dans la loi. Le Sénat était dans le même état d’esprit, il a inscrit cela dans la loi à sa façon mais vous-mêmes avez dû admettre que le champ retenu était trop large et que cela présentait des risques, y compris d’ailleurs s’agissant de l’efficacité, donc de l’opérationnalité.
Nous tenons également à préserver ces personnes. Nous y tenons tellement que nous avons tout de même réussi à aboutir : c’est bien dans ce texte que nous avons introduit la disposition permettant à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC, d’intervenir dans le cadre de la protection des collaborateurs de justice contribuant aux enquêtes.
La rédaction de l’amendement comporte une liste dont le caractère limitatif est sécurisant mais elle comprend aussi une formule générale puisque vous évoquez dans un troisième alinéa « Tout autre élément relatif aux circonstances de l’installation ou du retrait du moyen technique mentionné à ce même article. »
Cette ouverture-là me paraît fragiliser le dispositif. J’appelle votre attention sur ce point parce que nous avons beaucoup travaillé, que la Chancellerie a réfléchi à plusieurs rédactions et m’a proposé d’ailleurs un amendement que je n’ai pas souhaité vous soumettre faute de disposer d’une garantie totale de conformité à la Constitution – alors que, j’insiste, cet amendement a été écrit avec une très grande précision. Comme nous ne disposions pas d’une sécurité suffisamment grande, j’ai préféré ne pas introduire un élément qui, apparemment, sécuriserait le dispositif mais, objectivement, pas de façon absolue.
Si vous adoptez cet amendement, compte tenu de cette phrase, il serait peut-être prudent que le président de l’Assemblée nationale, au titre de l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution l’autorisant à saisir le Conseil constitutionnel, fasse usage de cette prérogative en y déférant le texte a priori, avant qu’il ne soit promulgué.
Je rebondis sur les propos de Mme la Garde des Sceaux.
Il est évident que nous sommes favorables à la saisine du Conseil constitutionnel par le Président Bartolone, le pire étant qu’une question prioritaire de constitutionnalité affaiblisse les procédures en cours. Une éventuelle censure ne porterait que sur le troisième alinéa ; les autres dispositions étant intactes, l’objectif que nous poursuivons serait de toute façon atteint.
Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, le reste de mes propos ayant été consigné au Journal officiel.
L’amendement no 39 rectifié est adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, pour soutenir l’amendement no 16 .
Je devrais m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, mais comme cet amendement est de conséquence, je suis cohérente et j’émets un avis favorable à son adoption.
Sourires
L’amendement no 16 est adopté.
Je suis très ennuyé par l’article 230-44 du code de procédure pénale prévoyant que les enregistrements de données de localisation sont détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l’expiration du délai de prescription de l’action publique.
La proposition de loi que je rapporterai le 27 février prochain n’a pas prévu un dispositif comparable s’agissant de la conservation des scellés. Je crains donc que les deux textes, dès lors, ne soient contradictoires.
Je rappelle que les scellés sont normalement détruits au bout de six mois et que dans le cadre de la révision des décisions pénales, nous constatons que la plupart d’entre eux ont disparu – dans l’affaire Leprince, nous en avons retrouvé un seul sur vingt.
Ne serait-il donc pas préférable de nous rallier à ce que je défendrai dans la PPL et qui a été adopté dans le cadre du rapport que nous avons présenté à la commission des lois, soit, un délai de cinq ans renouvelable sur proposition du procureur de la République ?
Voilà les observations que je tenais à faire.
Je précise, enfin, que la situation ne change pas lorsqu’il s’agit de crimes mais qu’elle change dans le cadre des délits puisque les prescriptions ne sont pas les mêmes.
Il s’agit en effet d’une question importante.
Je rappelle tout d’abord qu’il n’est pas possible de conserver les données sans limite de temps et qu’il importe évidemment de définir un délai. Cela est important, vous l’avez rappelé.
En outre, vous avez rappelé que, la semaine prochaine, une PPL relative aux procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive, dont vous êtes le rapporteur, sera présentée en commission des lois. Nous pourrons aborder ce problème d’une manière plus globale et cohérente dans ce cadre-là. Dans cette attente, avis défavorable.
La garde des Sceaux est un peu contrariée.
J’ai en effet été auditionnée par la mission Tourret-Fenech au mois de décembre et la PPL sera discutée à la fin de ce mois. Nous sommes typiquement confrontés à un problème de préservation des données concernant des personnes afin de les protéger. Il s’agit de ne pas détruire les éléments susceptibles d’entrer en jeu.
Chronologiquement, nous ne pouvons pas anticiper aujourd’hui, en discutant ce texte, l’adoption éventuelle de la PPL à la fin du mois.
Il n’est pas possible de légiférer en anticipant une disposition qui n’existe pas encore au sein de notre arsenal législatif.
Ensuite, la destruction des éléments constitue aussi une mesure de protection. Si elle est effectuée dans le cadre du délai de prescription de l’action publique, la protection me semble réelle.
J’entends donc votre argument et votre inquiétude, monsieur Tourret, mais je serais plutôt favorable au maintien de cette dernière disposition, qui me paraît plus protectrice.
Essayons de bien voir la situation, madame la Garde des Sceaux.
La PPL sur la révision des décisions pénales concerne les décisions correctionnelles et criminelles. Le problème, nous sommes d’accord, est de faire en sorte que nous puissions conserver les scellés qui, actuellement, disparaissent. Je rappelle qu’en l’état du droit, le procureur de la République peut les faire disparaître au bout de six mois.
Leur conservation pendant le cadre de l’action publique « colle » sur le plan criminel mais pas sur le plan correctionnel puisque le délai de conservation passera à trois ans. Voilà mon problème ! Nous avons quant à nous prévu, avec l’accord de la Chancellerie d’ailleurs – je tiens à le dire –, un délai de cinq ans renouvelable.
En matière d’infractions délictuelles, nous allons nous retrouver avec un texte bancal, et cela m’ennuie beaucoup.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L’amendement no 30 est retiré.
L’article premier, amendé, est adopté.
Depuis l’adoption de la loi du 25 juillet 2013, nous avons décidé qu’un rapport annuel de politique pénale serait adressé au Parlement. Je ne veux certes pas que le président de la commission des lois se mette dans tous ses états car il ne s’agit pas de proposer un nouveau rapport mais d’inclure dans ce dernier les questions des techniques spéciales d’enquêtes, notamment, la géolocalisation.
Avis défavorable. Ce rapport étant global, il n’a pas vocation à comprendre la liste exhaustive de tous les actes ou techniques spéciales d’enquête.
Néanmoins, je rappelle à M. Coronado que le contrôle de la mise en application des lois appartient au premier chef au Parlement, qu’il vote ces dernières et doit pleinement exercer sa fonction de contrôle et d’évaluation qu’il détient par l’article 24 de la Constitution.
Le 15 janvier 2014, nous avons désigné M. Verchère comme co-rapporteur sur la mise en application de la loi qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi relatif à la géolocalisation. Nous aurons alors l’occasion de fournir un certain nombre de données.
Vous vous souvenez de notre discussion, monsieur Coronado, dans le cadre de la loi promulguée le 25 juillet 2013. C’est très volontiers que le Gouvernement a fait droit à cette demande du Parlement d’un rapport annuel. Il sera donc présenté de façon tout à fait sérieuse.
Je ne crois pas que l’on puisse retenir aujourd’hui qu’un acte particulier de procédure fasse partie de ce rapport – non qu’il n’en fera pas partie mais, dès lors, pourquoi ne pas lister l’ensemble des actes de procédure qui ont un caractère particulièrement attentatoire aux libertés ou qui ont une signification spécifique dans le cadre d’un certain nombre de contentieux ?
Le Gouvernement élaborera très consciencieusement et scrupuleusement ce rapport. Toutes les questions pourront être posées et tous les éléments supplémentaires d’information qui serviront à éclairer l’application de la politique pénale seront mis à disposition du Parlement.
L’amendement no 6 est retiré.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié .
Je serai bref puisque nous avons déjà débattu de ce sujet dans le cadre de la discussion de la loi de programmation militaire. Cet amendement propose de revenir sur une disposition qui avait fait l’objet d’affrontements un peu polémiques.
La rédaction de cet article a été contestée, notamment, en ce qui concerne les informations qui pourront être collectées par les services. Il permet aux agents habilités d’avoir accès, par exemple, à tous les documents stockés dans un service de cloud souscrit par un internaute et ne prend pas assez en compte les évolutions importantes du monde numérique.
Comme des scandales récents ont pu le démontrer, le contenant est désormais tout aussi important et porteur d’informations que le contenu. C’est pourquoi cet amendement propose de préciser cet article et de remplacer la collecte de tout type d’information par la collecte habituelle des seules données de localisation et de celles concernant l’auteur, le destinataire, la durée et la date des communications.
Cela me paraît important.
Avis défavorable.
Sur la forme tout d’abord. La loi de programmation a été votée au mois de décembre, l’encre est à peine sèche et l’on voudrait y revenir !
Il y a ensuite une réelle confusion entre le contenu et le contenant. La LPM fait référence aux documents traités ou conservés qui ne visent pas le contenu des documents personnels d’un particulier qui seraient conservés dans le cloud. Elle désigne des documents dans lesquels les opérateurs de communication recenseraient des données de connexion.
Il peut s’agir par exemple d’une facture détaillée, c’est-à-dire d’un document recensant plusieurs communications, sans que leur contenu soit pour autant divulgué. Il est donc important de maintenir la notion de document. En outre, l’intitulé du chapitre VI du code de la sécurité intérieure, « Accès administratif aux données de connexion », montre bien qu’il ne s’agit pas d’accéder au contenu, mais seulement aux données de connexion, c’est-à-dire au contenant.
Avis défavorable, puisque cet amendement revient sur une disposition qui vient d’être votée.
L’amendement no 9 rectifié n’est pas adopté.
L’amendement no 43 est retiré.
L’amendement no 44 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 2 est adopté.
Article 2
L’article 2 bis est adopté.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 17 .
Cet amendement de coordination vise à permettre l’application de la géolocalisation dans toutes les collectivités d’outre-mer.
L’amendement no 17 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron