Intervention de Hugues Fourage

Séance en hémicycle du 11 février 2014 à 15h00
Géolocalisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHugues Fourage :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui saisie en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la géolocalisation. Ce texte vise à remédier au vide juridique laissé par deux arrêts rendus le 22 octobre 2013 par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Celle-ci, interprétant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, a considéré que les opérations de géolocalisation menées par les policiers et les gendarmes au cours de leurs enquêtes, notamment en matière de criminalité organisée, devaient être autorisées par un magistrat du siège. Or ces opérations en temps réel étaient jusqu’à présent conduites sous la seule responsabilité du parquet, qui n’est pas reconnu par la CEDH comme une autorité judiciaire puisqu’il est membre du ministère public. Il convient donc de conférer une base légale au recours par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle d’un magistrat du siège, aux dispositifs de géolocalisation au stade de l’enquête préliminaire.

On peut souligner votre réactivité, madame la ministre, pour combler ce vide juridique et donner aux OPJ cette base légale.

La géolocalisation est un ensemble de techniques permettant de surveiller les déplacements d’un individu. Une telle méthode est de plus en plus fréquente en matière pénale car elle permet d’assurer une efficacité de nos services de police mais aussi leur sécurité, il ne faut pas l’oublier. Toutefois, le débat est complexe et cette base légale soit concilier le respect de la vie privée et les nécessités de l’enquête. Le danger d’un tel débat est d’opposer les tenants de la liberté par principe à ceux de l’efficacité et de la sécurité avant tout, même si chacun reconnaît aujourd’hui l’absolue nécessité d’un texte encadrant la géolocalisation.

Le texte qui nous est proposé est équilibré, et je salue ici le formidable travail d’écoute de notre rapporteur, qui, à travers ses amendements, soutenus par le groupe SRC, a su maintenir cet équilibre.

À cet égard, notre commission a adopté un amendement qui rétablit la durée initialement prévue par le projet de loi de quinze jours au lieu de huit jours pour permettre au procureur de la République d’autoriser une mesure de géolocalisation avant l’intervention du juge des libertés et de la détention passée ce délai, cette durée de quinze jours apparaissant plus opérationnelle sans pour autant être excessive.

Dans le même ordre d’idées, nous sommes revenus sur le texte adopté par le Sénat afin de permettre le recours à la géolocalisation pour tous les délits punis de trois ans d’emprisonnement.

Aujourd’hui, nous pensons qu’il convient de maintenir ce seuil. Nous devons faire confiance au discernement des forces de police dans la mise en oeuvre des mesures de géolocalisation.

Il nous faut également trancher la question du délai dans lequel l’officier de police judiciaire, sur son initiative et en cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteintes graves aux personnes ou aux biens, peut recourir à ce procédé de géolocalisation sans avoir recueilli au préalable l’accord d’un magistrat. Le texte initial soumis à l’examen du Sénat prévoyait un délai de quarante-huit heures, que le Sénat a ramené à douze heures. La question posée est celle de la capacité opérationnelle des parquets ; or ces derniers sont aujourd’hui organisés sous forme de permanences. Nous souscrivons à l’amendement du rapporteur, qui porte le délai à vingt heures. Là encore, un équilibre a été trouvé entre le texte initial, celui adopté par le Sénat et certains amendements visant à porter ce délai à trente heures ; par ailleurs, cet amendement a le mérite de prendre pour base l’article 803-3 du code de procédure pénale.

Il en est de même s’agissant des dossiers disjoints. Là encore, nous devons concilier les éléments fondamentaux de notre procédure de jugement, notamment le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable, qui visent à garantir les droits de la défense – cela a été rappelé tout à l’heure –, avec la protection des sources qui ont permis la mise en place d’un dispositif de géolocalisation. L’ouverture d’un dossier distinct, sous le contrôle du juge, est un élément fondamental pour la protection des sources.

Enfin, je ne crois pas qu’il faille revenir, comme certains le demandent, sur la liste des infractions pouvant faire l’objet d’une géolocalisation. Dans cette bataille contre le crime organisé, qui a souvent un temps d’avance, il est nécessaire que la loi soit souple et permette aux enquêteurs de s’adapter aux évolutions technologiques futures.

Mes chers collègues, ce projet de loi est nécessaire et équilibré. Il doit permettre à nos forces de police de travailler avec efficacité et sécurité, tout en préservant les libertés fondamentales, comme cela a été souligné tout à l’heure. Bien entendu, le groupe SRC votera ce texte avec enthousiasme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion