Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur ce projet de loi relatif à la géolocalisation, deux questions méritent d’être posées : d’une part, son opportunité ; d’autre part, l’équilibre qu’il propose entre l’indispensable garantie du respect du droit à la vie privée et la nécessité d’étoffer les techniques d’enquête à la disposition des autorités chargées de combattre les entreprises criminelles ou délictueuses dans notre pays.
S’agissant du contexte qui a conduit le Gouvernement à proposer de légiférer sur les règles d’usage et les modalités d’emploi des techniques de géolocalisation dans les investigations, l’opportunité de ce texte ne fait, me semble-t-il, nullement débat. En rendant illégales les mesures de géolocalisation prescrites par le parquet, de récentes décisions de la Cour de cassation nous imposent, de fait, de réviser et d’approfondir le cadre légal du recours à ces procédés de filature dans les enquêtes préliminaires et de flagrance. Qui pourrait, en effet, se satisfaire et plaider sérieusement pour le statu quo, pour le maintien d’un régime juridique incomplet privant aujourd’hui les forces de l’ordre d’une méthode d’enquête utile, pour ne pas dire parfois indispensable, au service des investigations contre le crime, le terrorisme ou la délinquance ? Je veux donc saluer, à mon tour, la réactivité du Gouvernement dans cette affaire. Il n’était pas imaginable de laisser, sur le terrain, les enquêteurs dépourvus de la possibilité de recours aux techniques de géolocalisation.
Au-delà de la fragilisation de certaines procédures et du préjudice que représente l’impossibilité de fait d’utiliser cette technologie dans certaines enquêtes et certaines circonstances concrètes, l’opportunité et l’utilité de ce texte se justifient aussi, à mon sens, par le fait qu’il permet de mettre notre droit en conformité avec la réalité de notre temps. Je suis de ceux qui estiment que notre devoir de législateur nous appelle à adapter sans cesse les moyens de protéger notre société aux mutations qui la traversent, aux usages évolutifs qui transforment nos modes de vie. Nous devons aussi adapter notre droit au bon moment, c’est-à-dire sans accuser un retard qui le rendrait inopérant, obsolète ou hors sujet. C’est souvent un véritable défi puisque le temps législatif, qui requiert recul, réflexion et sérénité, n’est parfois pas compatible avec la rapidité d’apparition, sur le terrain, de certaines mutations techniques.
En matière de lutte contre les atteintes à la sûreté de l’État et contre toutes les formes d’insécurité, un fait ne peut être contesté. II est d’ailleurs reconnu par l’ensemble des chercheurs et des experts qui s’intéressent aux faits de délinquance : les méthodes de ceux qui veulent s’affranchir de la loi évoluent très vite et atteignent un haut niveau de sophistication. L’innovation technologique a largement servi les ambitions de ceux qui sont animés par la volonté de nuire aux intérêts de la nation et des Français. II suffit de voir comment les réseaux terroristes se sont approprié les nouvelles technologies pour en faire un instrument d’embrigadement, de propagation de leur idéologie et de structuration de leurs organisations. Il suffit d’observer les méthodes actuelles du grand banditisme, qui a gagné en intelligence logistique grâce à ces mêmes outils. Il en va de même des procédés de la petite criminalité, qui n’hésite pas à s’appuyer sur ces moyens pour progresser vers des méthodes quasi-professionnelles, à élargir son champ d’action en parvenant à mieux déjouer les forces de l’ordre. Le temps du folklore façon « tontons flingueurs » n’est bel et bien qu’un lointain souvenir. Et pourtant, beaucoup continuent de tout oser, sans qu’il soit forcément aisé de les reconnaître !