Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 11 février 2014 à 15h00
Géolocalisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Adapter les méthodes d’investigation à l’évolution des méthodes criminelles et des pratiques délictueuses va donc dans le sens de l’histoire. D’autres avant nous, en d’autres temps, ont jugé nécessaire de créer des brigades mobiles, ou plus tard de remiser le système anthropométrique d’Alphonse Bertillon – qui constitua lui-même, à son époque, une forme de progrès – au profit de mesures biométriques, puis génétiques, auxquelles le progrès technique confère bien davantage de fiabilité et d’efficacité.

J’ai la conviction que les autorités chargées d’assurer notre protection ne sont pas vouées à demeurer toujours à la traîne de l’innovation. Si la technologie est une opportunité pour les entreprises criminelles et crapuleuses, elle doit aussi être un instrument au service de l’État dans l’exercice de sa mission de sécurité publique. Reste à savoir si la loi que nous examinons aujourd’hui parvient à concilier les nécessités de disposer des moyens d’enquêter de manière performante et le respect des libertés individuelles, auquel le droit de notre pays est légitimement attaché.

Certains de nos collègues, sur tous les bancs, ont exprimé des craintes envers un texte qui pourrait se révéler liberticide ou dont ils estiment, à tout le moins, qu’il ne serait pas assorti de garanties suffisantes du point de vue de la protection du droit à la vie privée. Cette approche est nécessaire au débat. Elle nous rappelle que la tradition républicaine dans laquelle nous nous inscrivons – celle qui a fait de la France la patrie des libertés – nous invite à nous défier de toute atteinte à nos principes.

Les opérations de géolocalisation, comme toutes les techniques d’enquête intrusives, constituent bien évidemment une ingérence dans la vie privée, même si l’intrusion est moindre qu’une procédure d’écoute. C’est sur ce postulat que se sont fondés les arrêts d’octobre 2013 de la Cour de cassation, qui rendent nécessaire d’adapter aujourd’hui notre droit, mais nous invitent à le faire avec vigilance.

Certains de nos collègues auraient préféré, à ce titre, que l’on s’en tienne à la version du projet de loi, telle qu’amendée par le Sénat, qui avait souhaité donner une définition plus restrictive du champ d’application des opérations de géolocalisation ordonnées par le parquet.

Ceux-là considèrent qu’en limitant les possibilités de recours aux techniques de géolocalisation aux infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans et en abaissant à huit jours la durée maximale du recours à ce procédé sur le seul contrôle du procureur avant de soumettre l’autorisation de sa prolongation à un magistrat du siège, la loi serait de nature à mieux répondre aux exigences de protection du droit à la vie privée.

Avec Hugues Fourage, nous avons souhaité proposer lors de l’examen du texte par la commission des lois – en pleine harmonie avec le rapporteur et en cohérence avec la tonalité dominante des auditions qu’il a conduites – d’en revenir à la version initiale du projet, c’est-à-dire viser les infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans et donner quinze jours d’ « autonomie » aux procureurs. Sur le deuxième point, j’ai compris qu’il n’y avait pas débat. En revanche, nous débattrons du premier lors de la discussion des articles.

Je veux dire à ceux qui s’en émeuvent que la modification de ces deux curseurs, qu’il s’agisse de restreindre ou d’accroître les possibilités de recours à ce procédé, ne change en rien la volonté qui anime chacun d’entre nous, de veiller au plus strict respect des libertés fondamentales. Ce projet de loi est précisément la traduction de cette volonté, en ce qu’il constitue un progrès par rapport aux fondements légaux insuffisants et inadéquats sur lesquels reposait jusqu’ici l’utilisation de cette technique d’enquête. Parce qu’il introduit un cadre juridique clair, parce qu’il comble un vide qui posait le risque de dérives et d’abus, au-delà de celui de la fragilité des procédures, il est davantage protecteur des droits et des libertés.

Conserver les deux verrous introduits par le Sénat ne permet pas de satisfaire pleinement l’objectif de donner aux autorités les moyens légaux et appropriés de mieux combattre le crime et la délinquance. Notre intention n’est bien évidemment pas d’encourager l’avènement d’une société épiée par les forces de sécurité, mais de mieux protéger les Français contre la diversité des atteintes dont ils peuvent être la cible. N’oublions pas, mes chers collègues, qui sont les véritables ennemis de nos libertés fondamentales et des valeurs communes qui fondent notre société. Il ne s’agit ni du Gouvernement, ni des parlementaires, ni de la police républicaine, pas davantage des magistrats, qu’ils soient du siège ou du parquet.

Les adversaires dont nous avons vocation à nous défier, ceux qu’il nous faut combattre, ce sont ceux qui bafouent la loi en méprisant une dignité humaine, dont ils s’affranchissent souvent eux-mêmes en commettant leurs actes.

Toutes les lois que nous avons examinées depuis le début de cette législature pour contribuer à améliorer la sécurité des Français conjuguent les préoccupations de respect des libertés et d’efficacité. Le dispositif relatif à l’usage de techniques de géolocalisation ne déroge pas à cette ligne de conduite. Je me réjouis qu’il ait fait l’objet d’un large consensus lors de son examen en commission. Il continue de bénéficier aujourd’hui, dans l’hémicycle, du soutien du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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