Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 11 février 2014 à 15h00
Géolocalisation — Article 1er

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Certes, mais les interceptions judiciaires sont décidées par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention.

Tel est le dispositif : les officiers de police judiciaire, les OPJ, peuvent décider de réaliser des interceptions sans l’autorisation du magistrat, ainsi que le prévoit désormais le texte. Le parquet peut également le décider, et nous avions prévu un système graduel avec l’intervention du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention. Je maintiens donc ma position car autrement, je le répète, on diminue l’efficacité de cette disposition.

Vous avez parfaitement raison sur un point : la gravité n’est pas déterminée par le quantum ; je suis d’accord également sur la question du vol simple. Mais je suis surprise par votre perception assez théorique tant du travail des OPJ que de celui des magistrats, qu’il s’agisse du ministère public ou des juges du siège. En effet, est-ce que la seule caractérisation du vol simple suffira à déterminer le choix ? Non ! Tant les OPJ que les magistrats apprécient les faits : même lorsqu’ils qualifient, ils apprécient ! Ils le font non seulement en fonction des éléments à leur disposition, mais également en fonction des projections qu’ils font de l’évolution de ces éléments. Ce faisant, ils déterminent un champ leur permettant d’agir, en fonction des projections qu’ils font à partir des éléments dont ils disposent.

Sur la question du vol simple, vous avez cité l’exemple du vol du camion contenant 11 millions d’euros – lesquels, pour tout vous dire, auraient bien arrangé le budget de la justice ! Chaque cas peut être illustré par un exemple : mais doit-on pour autant partir de cet exemple pour élaborer un paradigme et en déduire une doctrine ? Ou bien doit-on au contraire considérer qu’il s’agit d’un cas particulier et s’interroger sur ce qu’il convient de faire en pareille hypothèse ? Pour ma part, je pense que l’ingéniosité et la capacité des magistrats et des OPJ leur permet de savoir ce qu’il faut faire lorsqu’ils sont confrontés à des cas particuliers.

Je maintiens donc cet amendement. L’argument de l’étude d’impact ne me paraît pas recevable : certes, une étude d’impact explique sur quelles bases le projet de loi a été rédigé et sur quelles bases les arbitrages ont été rendus. Mais si on s’arrête à l’étude d’impact, alors ce n’est pas la peine de passer aux étapes suivantes – Conseil d’État, Sénat, Assemblée nationale !

Les textes sont enrichis, des débats ont lieu, nous confrontons des argumentations. Pour ma part, je trouve qu’il est plus raisonnable d’en rester au seuil de cinq ans assorti de quelques dérogations, même si j’ai moi-même souligné la difficulté, lorsque j’ai présenté cet amendement au Sénat – vous avez pu le lire dans le compte rendu des débats paru au Journal officiel – de déterminer dans quels cas il y aura dérogation parce qu’on risque toujours d’en oublier. C’est du reste ce que je vous ai fait valoir en m’opposant à vos amendements tout à l’heure.

J’entends cet argument ; il n’en demeure pas moins que le seuil de cinq ans, assorti de dérogations liées aux atteintes aux personnes, me paraît de nature à garantir une meilleure protection des libertés individuelles. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, même si j’ai bien compris qu’il a peu de chances de prospérer ; mais j’apprécierai d’autant mieux les votes favorables à cet amendement !

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