Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 12 février 2014 à 21h30
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Madame la ministre, je profite de ma présence à cette tribune pour vous remercier publiquement de votre engagement et de votre écoute, sur un certain nombre de sujets, au Conseil national de la montagne.

Moteurs de notre économie nationale et locale, créateurs d’emplois, avec près de 6,5 millions d’actifs, véritable reflet du dynamisme de nos territoires, l’artisanat, le commerce et les TPE occupent une place de premier plan au sein de notre tissu économique.

Dans mon département, la Haute-Savoie – ô combien touristique, été comme hiver –, le commerce constitue le deuxième secteur d’activité, avec 13 000 établissements employant 41 350 salariés. Le tissu artisanal, secteur de poids du département, compte, quant à lui, 16 156 entreprises employant près de 45 000 actifs.

Ces acteurs économiques sont malheureusement confrontés à de graves difficultés en raison de conditions structurelles – je pense à internet – mais également conjoncturelles : ils sont notamment étranglés par le relèvement de la TVA dans certains secteurs, en particulier le bâtiment, et sont de surcroît fortement touchés par la hausse de certaines taxes, qui plombent de plus en plus leur trésorerie. Vous le savez, madame la ministre, leurs attentes vis-à-vis de ce projet de loi sont considérables.

Or, votre texte, s’il présente, certes, quelques avancées – et vous verrez, dans quelques instants, que j’ai le mérite de les souligner –, reste néanmoins, à mes yeux, en-deçà de leurs préoccupations et, me semble-t-il, manque cruellement d’ambition.

Permettez-moi, tout d’abord, de revenir rapidement – mes collègues l’ayant déjà très justement évoqué – sur la méthode employée, une fois de plus, par le Gouvernement. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celui qui avait été déposé devant notre assemblée le 21 août 2013, son passage en commission des affaires économiques l’ayant profondément modifié. À l’issue de cet examen, dix-sept amendements gouvernementaux ont été adoptés, dont cinq ont purement et simplement réécrit, en totalité, certaines dispositions. Nous sommes d’ailleurs habitués, depuis le début de la législature, à ce que des amendements du Gouvernement ou du rapporteur réécrivent entièrement les textes, en commission ou en séance.

Ces modifications considérables sont la preuve irréfutable d’un manque de concertation avec les principaux acteurs économiques, qui ne manquent pas, d’ailleurs, de le rappeler. Première question : pourquoi ne pas avoir attendu les conclusions du rapport de Laurent Grandguillaume sur la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l’entrepreneuriat, présenté le 17 décembre dernier, pour déposer votre projet de loi ? Cela aurait sans doute évité une profonde réécriture du texte en commission et nous aurait surtout permis de mener un débat plus approfondi et éclairé sur des mesures aussi importantes que les réformes du régime de l’auto-entrepreneur et de l’urbanisme commercial. La qualité du travail parlementaire va encore fortement en pâtir – nous y sommes malheureusement habitués depuis dix-huit mois – d’autant plus que la procédure d’urgence a été engagée, comme cela a été quasi-systématiquement le cas au cours de cette même période.

Quant au fond de votre projet de loi, je m’attarderai uniquement sur quelques mesures qui ont particulièrement retenu mon attention, et surtout celle des artisans et des commerçants de la Haute-Savoie, en particulier de la troisième circonscription.

Tout d’abord, la réforme du régime de l’auto-entrepreneur – mesure emblématique de ce texte – a suscité, lors de son annonce, de vives inquiétudes et beaucoup de remous. Entièrement réécrit en commission des affaires économiques, l’article 12 qui lui est consacré reprend maintenant les propositions du rapport de Laurent Grandguillaume.

Nous sommes d’accord avec vous, madame la ministre : quelques réajustements sont nécessaires pour lutter plus efficacement contre la concurrence déloyale et le salariat déguisé, mais aussi pour limiter les dérives qui sont apparues lors de la mise en oeuvre des dispositions relatives à l’auto-entrepreneur. Pour les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale, la capacité pour la chambre des métiers de vérifier les qualifications permettant l’exercice de certains métiers, l’obligation d’immatriculation généralisée et la fin de l’exonération du paiement de la taxe pour frais de chambre auront pour effet de placer tous les artisans sur un pied d’égalité et de gommer le risque d’une concurrence déloyale entre salariés et auto-entrepreneurs. En revanche, nous devons veiller à ne pas discréditer l’ensemble des auto-entrepreneurs alors que les pratiques abusives ne sont l’apanage que d’une minorité.

S’agissant ensuite de l’urbanisme commercial, nous avions déjà longuement débattu de cette question lors de l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – j’ai participé il y a quelques heures, en qualité de membre titulaire, à la CMP relative à ce texte. Nous avons rappelé combien nous aurions souhaité que ce projet de loi présente une vision globale de l’urbanisme, y compris de l’urbanisme commercial : il est regrettable, madame la ministre, que le Gouvernement n’ait pas souhaité l’intégrer immédiatement dans votre projet de loi.

L’examen de plusieurs amendements gouvernementaux en commission nous a malheureusement empêchés de déposer de nouveaux amendements. Je salue toutefois leur adoption car ils reprennent l’article 58 bis du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, issu de nos débats. Fusion des procédures, clarification des critères retenue par la CDAC et prise en compte de la fusion des procédures pour la CNAC : autant de mesures inspirées par la proposition de loi de nos collègues Patrick Ollier et Michel Piron. Il est dommage que votre texte n’aille pas aussi loin.

Autre mesure qui a retenu mon attention : la réforme du FISAC. Outil précieux pour le développement des entreprises, le maintien d’activités de proximité en milieu rural et l’attractivité de nos territoires, il fait l’objet d’un soutien particulier de l’Association nationale des élus de la montagne, quelle que soit leur sensibilité politique. Le FISAC est en effet un outil essentiel du maintien en vie de nos villages ruraux, en particulier de nos villages de montagne. Or, ce fonds a vu ses crédits progressivement diminuer, passant de 64 millions d’euros en 2010 et 2011 à 20 millions pour 2014.

La réforme que vous nous présentez, madame la ministre, soulève de nombreuses interrogations quant à son devenir. Pourquoi supprimer la part de la taxe sur les surfaces commerciales dans le financement du FISAC alors que, dans le même temps, les dotations budgétaires continuent de décroître ? Si je salue le recentrage du FISAC sur les territoires ruraux, les territoires de montagne et les quartiers prioritaires – dont nous attendons désespérément la liste, alors que le projet de loi de M. Lamy a fait l’objet d’une CMP –, je pense qu’il nous faut également y intégrer les littoraux et les zones touristiques.

De plus, compte tenu des difficultés rencontrées actuellement par les artisans, les petits commerçants ou certaines collectivités désireuses d’aménager leur centre-ville, je crains que le ciblage des projets, en ne retenant que ceux disposant des plus forts effets de levier, ne pénalise davantage certains projets indispensables, pour ne pas dire vitaux, pour certains villages de notre pays.

Enfin, je dirai quelques mots de la réforme des chambres consulaires. Bien qu’elles soient favorables à l’introduction de la parité des listes au moment de l’élection, les chambres des métiers et de l’artisanat m’ont interpellé sur une difficulté pouvant éventuellement survenir au moment de sa mise en oeuvre. En effet, dans certains secteurs, comme le bâtiment, la proportion de femmes chefs d’entreprise est très faible. Nous pouvons tous le regretter, mais c’est un état de fait. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions quant à l’application de cette disposition, notamment s’agissant de cet exemple précis ?

Si certaines mesures constitueront de réelles simplifications pour les acteurs du secteur du commerce, de l’artisanat et des TPE, notamment en matière de baux commerciaux, de consultation du fichier des interdits de gérer, d’accessibilité au régime de l’EIRL ou de sécurisation du fonctionnement des réseaux consulaires – que je souhaitais, à l’instar d’autres collègues, tels Guillaume Chevrollier – votre projet de loi, madame la ministre, ne va pas assez loin. Je regrette une nouvelle fois qu’il ne réponde pas pleinement aux inquiétudes des commerçants et des artisans et qu’il ne soit pas mieux préparé, plus global et plus ambitieux. Aussi, tout comme mes collègues du groupe UMP, à ce stade, je compte m’abstenir lors du vote de ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion