Je me félicite tout d’abord que plusieurs de mes collègues, à la suite de l’initiative que j’ai prise en commission sur cette question, soient aujourd’hui au rendez-vous. Nous avons été unanimes à considérer qu’il fallait absolument répondre à cette préoccupation relayée par des acteurs professionnels qui, quoique parfaitement connus et reconnus, se trouvent dans une situation précaire, aussi bien pour ce qui est de leurs droits à la retraite que pour leur capacité à valoriser le métier qu’ils ont exercé pendant des années, souvent en se levant à quatre heures du matin.
Le débat est complexe, car le Gouvernement a présenté non seulement un amendement qui sera examiné immédiatement après celui-ci, mais aussi un sous-amendement au présent amendement. Pour que l’on se comprenne bien, je vais donc essayer d’expliquer en quelques mots comment nous essayons de parvenir ensemble à une solution.
Le problème se présente de la façon suivante : un commerçant ayant exercé son activité pendant toute sa vie a tout de même le droit de voir son activité pérennisée, au moment de son départ à la retraite ou en cas de décès. Il faut que quelqu’un puisse prendre le relais. Cela vaut pour les commerçants exerçant sur un marché, dans une halle ou, plus généralement, utilisant une partie de l’espace public – à cet égard, l’amendement du Gouvernement, que Mme la ministre défendra tout à l’heure, est très important.
Il faut prendre en compte tous ceux qui utilisent une partie du domaine public pour y commercer. Ces gens se font une clientèle, mais leur situation est assez précaire : si l’autorisation d’utiliser le domaine public leur est retirée ou si, parce qu’ils arrêtent leur activité, leur repreneur n’y a plus accès, le fonds de commerce ne vaut plus grand-chose, car il ne leur reste rien, si ce n’est la remorque – compte tenu, parfois, de sa vétusté, cela ne représente pas grand-chose – et le stock, s’il y en a un. Au contraire, dans le cas d’un magasin, il y a le droit au bail et le fonds de commerce – bref, on peut valoriser un certain nombre de choses.
Cette situation empêche donc toute valorisation du fonds de ces commerçants et même, d’une certaine façon, tout droit à la retraite. Cela empêche aussi la pérennisation des métiers concernés sur nos marchés. Si l’on voit disparaître un certain nombre d’activités, c’est justement parce qu’il n’y a pas d’intérêt à les reprendre et à les transmettre. Nous avons donc, tous ensemble, le devoir de veiller à ce que les personnes exerçant ces métiers aient, s’agissant de leur avenir, une forme de visibilité, de façon à ce que nos marchés conservent un certain nombre de métiers qualifiés, mais aussi diversifiés. En effet, ce ne sont pas les gens qui viennent faire des coups – par exemple parce qu’ils ont acheté un stock – et qui ne reviennent pas d’une semaine sur l’autre qui entretiennent la vie et la qualité des marchés sur les places de nos villages, dont nous nous réjouissons qu’ils existent.
L’idée est donc de faire en sorte que celui qui veut vendre ou passer le relais – à son fils, à l’un de ses collaborateurs ou à un repreneur quelconque – ait la faculté de donner des garanties, s’agissant de la continuité du droit d’utilisation du domaine public, à celui ou celle qui reprend son activité.
Le présent amendement vise à autoriser le commerçant qui s’apprête à partir à présenter son successeur au maire. L’autorité concernée pourra alors, c’est l’objet de l’amendement du Gouvernement qui sera examiné après le mien, donner une garantie – ou non, car nous n’enlevons pas aux maires, bien entendu, la faculté de construire leurs marchés et de les transformer. Cela dit, il faut aussi que celui qui reprend l’activité ne risque pas d’être la victime d’un marché de dupes ; il faut qu’il ait des garanties, ce que permet précisément la sensibilisation préalable. Si la garantie existe, le fond de commerce a effectivement une valeur.
En tout état de cause, notre démarche vise à garantir la continuité d’une activité commerciale, sans pour autant empêcher le maire d’exercer son pouvoir de police en la matière, mais en donnant des garanties préalables à la transmission pour que celle-ci soit possible.
Tels sont les éléments que je pouvais vous fournir ; ils s’emboîtent les uns dans les autres, dans la mesure où mon approche est complémentaire de celle du Gouvernement – je pense au sous-amendement et à l’amendement qu’il a déposés. À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir donné suite, comme vous vous y étiez engagée, à la première proposition que je vous avais faite – c’était un amendement d’appel, mais c’est à cela que sert le travail en commission, puis dans l’hémicycle. D’autres groupes nous ont également rejoints. Nous sommes arrivés à un dispositif qui respecte le droit des collectivités locales – en l’occurrence, celui des maires –, tout en donnant une nouvelle faculté aux marchands et aux commerçants, dont le métier est extrêmement difficile, d’avoir de la visibilité, aussi bien sur leur propre avenir, par rapport à leur retraite, que sur celui de leur métier. Je crois que c’est là une avancée considérable. Nous pouvons tous nous réjouir d’avoir fait en sorte qu’elle aboutisse aujourd’hui.