Intervention de Dominique Tian

Séance en hémicycle du 18 février 2014 à 21h30
Travail : sous-traitance et lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Tian :

Votre article 7 bis manque à la fois de souplesse et de cohérence. Les entreprises condamnées pour travail dissimulé seront exclues de toute aide publique, émanant de l’État ou des collectivités, pendant une durée de cinq ans. Nous en avons beaucoup discuté en commission. Que se passera-t-il si l’entreprise est reprise dans l’intervalle des cinq ans ? Le nouveau dirigeant ne peut pas être tenu pour responsable de ce qui s’est passé avant. Où est la cohérence avec une inscription sur la liste noire pour une durée d’un an seulement ? Au fond, le mieux étant l’ennemi du bien, ne sont-ce pas les salariés de l’entreprise qui feront les frais de cette mesure ?

Nous vous remercions d’avoir supprimé les articles 5 et 8, à la demande du groupe UMP. C’est une action de bon sens, et je salue l’esprit consensuel du rapporteur.

L’article 9, et j’en terminerai par là, est en quelque sorte un cavalier. Il n’a pas vraiment sa place dans le texte, même si vous pensez, monsieur le rapporteur, que le sujet fait partie du dumping social. Évidemment, chacun connaît les abus, salaires de misère et pratiques sociales inacceptables, commis par certaines entreprises de transport installées dans des pays européens, et nous partageons votre point de vue. Mais votre texte, en créant une situation spécifiquement française, pourra-t-il s’appliquer ?

Par voie d’amendement, vous avez décidé d’encadrer les pratiques sociales des entreprises de transport. Vous prévoyez l’encadrement du cabotage routier pour les véhicules légers et l’interdiction pour un conducteur routier de prendre son repos hebdomadaire normal dans la cabine. Cette dernière disposition a-t-elle son utilité dans le présent texte ?

Au sein des prestations de service, le cas du transport, et notamment du transport routier, doit être traité de manière spécifique. En effet, il n’est pas envisageable, ni réalisable, de demander à toute entreprise établie hors de France et assurant du transport international avec une partie du trajet seulement sur le territoire national d’appliquer les règles du détachement et de faire une déclaration préalable de détachement pour des salariés qui ne resteraient sur le territoire français que pour une très courte période.

De même, la durée maximale de cabotage routier, telle que prévue à l’article L. 3421-4 du code des transports, n’est que de sept jours. Il s’agit d’une durée maximale. Le cabotage peut n’être que d’une journée. Il n’est pas envisageable d’appliquer le détachement, avec ses obligations déclaratives, pour une durée aussi courte. J’ai déposé des amendements pour sécuriser ces aspects.

Vous créez l’interdiction pour le conducteur routier de prendre son repos hebdomadaire normal à bord de la cabine du véhicule. Je vous lis l’article 8 du règlement européen no 5612006 : « Si un conducteur en fait le choix, les temps de repos journaliers et temps de repos hebdomadaires réduits loin du point d’attache peuvent être pris à bord du véhicule, à condition que celui-ci soit équipé d’un matériel de couchage convenable pour chaque conducteur et qu’il soit à l’arrêt. » Il paraît difficile d’envisager brutalement une telle interdiction, assortie de lourdes sanctions, sans être sûr que les infrastructures d’accueil existantes soient suffisantes.

J’ai interrogé les syndicats de transporteurs, qui m’ont dit que le souci des conducteurs était de ne pas être pillés sur les aires d’autoroute. Ils préfèrent être dans leur camion plutôt que d’avoir la trouille, dans un hôtel de zone industrielle, loin du camion. Ce n’est de toute façon pas applicable. L’ensemble des conducteurs préfèrent rester dans la cabine. C’est un mode de vie ; ils ont aménagé leur cabine comme une sorte de seconde maison. Les transporteurs pensent, majoritairement, que ce n’est pas une bonne disposition. Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, d’y réfléchir.

En conclusion, le groupe UMP s’abstiendra. Même si ce texte propose quelques avancées, le vrai problème, celui du coût du travail dans notre pays, n’est pas abordé. Les entreprises françaises sont écrasées par les charges et votre pacte de responsabilité relève pour l’instant d’une vue de l’esprit.

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