Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, chers collègues, je saluais à cette même tribune, le 2 décembre dernier, le plan national de lutte contre le travail illégal et le détachement abusif. J’appelais le Gouvernement à tenir une position ferme lors des négociations européennes sur la révision de la directive européenne sur le détachement des travailleurs. C’est aujourd’hui chose faite. Je rends hommage à la détermination du Gouvernement, en particulier à Michel Sapin, ministre du travail, et à Thierry Repentin, ministre des affaires européennes, qui ont tenu bon malgré l’opposition féroce de certains pays et arraché un très bon compromis en nouant des alliances stratégiques avec plusieurs pays comme la Pologne ou la Roumanie, qui ont privilégié l’intérêt collectif et le progrès social.
La libre circulation des personnes constitue l’un des principes fondamentaux de l’Union européenne. La directive européenne de 1996 devait en assurer la jouissance aux travailleurs détachés en limitant le dumping social et en garantissant la protection de leurs droits, mais elle a été largement dévoyée et contournée. Les travailleurs ont souffert de son détournement, leurs droits minimums n’étant plus respectés. Les entreprises en ont souffert, car la concurrence déloyale a fait s’effondrer des pans entiers de nos économies nationales. Les États en ont souffert car les rentrées fiscales ont été diminuées. Il fallait agir, la France l’a fait. Notre pays est aujourd’hui à la pointe de la défense des travailleurs et de son économie, grâce à la présente proposition de loi du groupe socialiste, que j’ai cosignée. Je salue l’excellent travail du rapporteur Gilles Savary et de ses co-rapporteurs de la commission des affaires européennes, Chantal Guittet et Michel Piron.
La proposition de loi s’inscrit dans le droit fil de l’accord européen et permet de le rendre tangible en France. Elle vise à transposer les avancées obtenues au niveau européen et à renforcer la protection des travailleurs. Il ne s’agit pas ici de limiter la mobilité des travailleurs mais bien de les protéger lorsqu’ils sont détachés. La proposition de loi traduit concrètement les différents points sur lesquels la France a insisté lors des négociations européennes, en les renforçant. Tout d’abord, les États membres doivent être libres de leurs choix en matière de démarches administratives à imposer pour contrôler les entreprises qui détachent des travailleurs. Nous proposons donc d’ajouter les documents relatifs aux prestataires de services établis à l’étranger et intervenant en France à la liste de ceux que les agents de contrôle habilités à lutter contre le travail illégal peuvent se faire présenter.
La proposition de loi met en place une liste noire d’entreprises et de prestataires de main-d’oeuvre condamnées pour travail illégal. Une autre mesure pour laquelle la France a oeuvré, c’est la responsabilité conjointe et solidaire des donneurs d’ordre, qui sera désormais appliquée à l’ensemble des secteurs concernés par le détachement des travailleurs. En effet, afin d’éviter que les entreprises ne se déchargent de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs employés, nous voulons renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre en instaurant une solidarité financière en cas de défaut de paiement des salaires ou de paiement de salaires inférieurs au salaire minimum légal. Les entreprises qui sous-traitent ou font appel à des agences de placement et d’intérim sont aussi responsables des conditions d’embauche des travailleurs qui accomplissent des tâches pour elles.
En outre, la proposition de loi reprend une proposition que j’ai souvent défendue consistant à renforcer les règles d’attribution des marchés publics. En effet, les rendre plus strictes permettra aux pouvoirs adjudicateurs de limiter la dilution des responsabilités des entreprises, qui pénalise, in fine, les travailleurs. La proposition de loi est pour le moins bienvenue après dix ans d’immobilisme des gouvernements conservateurs en Europe, qui ont érigé en principe le laisser-faire, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Tian, qui semblait très nostalgique de cette époque. C’est à une telle inaction qu’est imputable la désaffection des citoyens à l’égard de l’Europe. Nous faisons aujourd’hui un pas supplémentaire vers la réorientation de l’Europe amorcée par le Président de la République. C’est une victoire pour l’Europe sociale ! La course à la dérégulation, chers collègues, n’est pas une fatalité !
Avec de la volonté politique, il est possible de faire avancer l’Europe qui protège et la coopération entre États, les avancées sur la directive relative au détachement des travailleurs et la proposition de loi que nous discutons en sont les preuves. En cette année européenne, chers collègues, c’est sur nos actes et nos projets que les citoyens nous jugeront. Oui, l’Europe a progressé depuis vingt mois ! Oui, la réorientation de l’Union est en marche ! Oui, les travailleurs sont aujourd’hui mieux protégés ! Je suis fier de me battre pour une Europe qui protège ses citoyens et ses travailleurs tout en oeuvrant pour faciliter leur mobilité !