Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 15h00
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance-vie en déshérence — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en première lecture, et que j’ai l’honneur d’avoir déposée au nom du groupe SRC, vise à apporter une réponse définitive au problème des avoirs financiers en déshérence et à satisfaire l’objectif essentiel de protection des droits des épargnants.

Elle est destinée à compléter les efforts engagés par le législateur, en particulier dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires ; des amendements au sujet des avoirs bancaires en déshérence et du dépôt à la Caisse des dépôts et consignations des sommes non réclamées au titre de ces avoirs et des contrats d’assurance-vie avaient en effet été retirés au profit de la présente proposition de loi, avec l’accord du ministre de l’économie.

La proposition de loi est le résultat d’un travail de longue haleine, qui a impliqué la Cour des comptes pour l’établissement du constat, les services administratifs compétents ainsi que les acteurs et parties prenantes pour consultation.

Maintenant que le constat est établi sans ambiguïté, il est nécessaire de légiférer rapidement. S’agissant des comptes bancaires inactifs, les montants sont significatifs : au sein de l’échantillon représentatif de banques consultées par la Cour des comptes, 1,8 million de comptes inactifs ont été recensés pour un encours de 1,6 milliard d’euros, les encours sur les comptes dont les titulaires sont décédés pourraient être de l’ordre de 1,2 milliard d’euros.

Il y a 674 014 comptes bancaires dont le titulaire est centenaire, alors que, selon l’INSEE, notre pays ne compte que 20 106 centenaires. En l’état du droit, hormis le principe général de la déchéance trentenaire, aucune obligation n’est prévue pour les banques pour ce qui concerne les comptes bancaires inactifs. Il s’agit de protéger les épargnants puisque les banques tendent à ponctionner ces ressources pour « frais de gestion », dans des proportions importantes et parfois abusives, surtout pour des comptes inactifs.

Il s’agit de traiter le problème du respect de la déchéance trentenaire pour l’État : selon la Cour, toutes les banques n’ont pas mis en place les procédures permettant d’assurer le respect de cette déchéance trentenaire. Par exemple, une banque ne conserve pas les mouvements passés sur un compte au-delà de dix ans, elle est donc incapable d’assurer le respect de la loi. De surcroît, aucun service administratif n’assure réellement de contrôle sur les banques : selon la Cour, la DGFIP n’assure qu’un contrôle très partiel ; l’ACPR, quant à elle, estime qu’il ne lui revient pas d’assurer le respect de la déchéance trentenaire dès lors que la disposition est prévue dans le code général de la propriété des personnes publiques et non dans le code monétaire et financier. Certes, après l’audition devant la commission des finances du nouveau vice-président de l’ACPR, M. Jean-Marie Levaux, préalablement à sa nomination, l’ACPR a indiqué publiquement que cette question faisait maintenant partie de ses priorités Mais la marge de progrès est indéniable.

Les points soulevés au titre des comptes bancaires inactifs sont valables pour les contrats d’assurance vie. les assureurs sont défaillants dans la mise en oeuvre des obligations législatives et réglementaires qui leur ont été progressivement imposées depuis 2003. Les raisons de cette application partielle ou insuffisante de la loi tiennent à la fois aux difficultés que les assureurs rencontrent pour réunir les informations permettant le versement des sommes dues et à une réticence certaine au regard de l’accroissement de leurs obligations. En conséquence, l’encours des contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés est encore relativement important malgré les dispositifs législatifs adoptés : il représente, en valeur relative, 0,2 % de l’encours total – ce qui peu paraître peu –, mais en valeur absolue, 2,76 milliards d’euros au minimum selon la Cour.

Nous avons souhaité légiférer dans les meilleures conditions possibles. Je tiens à redire que le texte soumis aujourd’hui à l’Assemblée nationale en première lecture est le fruit d’un travail de longue haleine, mené parallèlement à la session budgétaire. Je voudrais remercier particulièrement mes équipes, Philippe, Chloé et Sébastien, entre autres.

Dans un premier temps, sur la base du 2°) de l’article 58 de la LOLF, la commission des finances a demandé à la Cour des comptes, en décembre 2012, une enquête approfondie sur cette question des avoirs en déshérence. La Cour a rendu son rapport au mois de juillet 2013, et son premier président l’a présenté en commission dans la foulée, en présence des représentants des banques et des assurances, qui ont ainsi pu présenter leurs observations oralement. Sur cette base, nous avons lancé une concertation qui a impliqué l’ensemble des parties prenantes : les administrations fiscales – DLF, DGFIP –, financières – Caisse des dépôts, Direction générale du Trésor –, et juridiques – Chancellerie –, leurs auxiliaires, les notaires, les autorités de contrôle et de régulation – ACPR, CNIL –, les entreprises d’assurance et les établissements de crédit, les généalogistes et les représentants des consommateurs.

Sur la base des observations recueillies dans le cadre de cette concertation, le texte de la proposition de loi a été rédigé en lien étroit avec les services de la Direction générale du Trésor puis déposé dans le courant du mois de novembre dernier.

Enfin, j’ai demandé au président de l’Assemblée nationale – lequel a bien voulu accepter – d’appliquer les dispositions constitutionnelles qui permettent que le Conseil d’État nous éclaire sur les problèmes juridiques qu’un texte pourrait poser, en nous faisant ainsi bénéficier de son expertise juridique. L’avis du Conseil d’État a permis de valider l’économie générale du dispositif et sa rédaction. Cet avis est présenté, dans ses éléments essentiels, dans le rapport.

Les consultations ont continué ensuite avec les principales parties prenantes. Plusieurs amendements tirant les conséquences de toutes ces consultations ont été adoptés à mon initiative en commission ; ils devraient permettre, je l’espère, d’aboutir à un texte consensuel. J’insisterai en particulier sur le fait que j’ai tenu le plus grand compte des suggestions du Conseil d’État, dont je ne peux que me féliciter de l’apport à cette proposition. Certains amendements, que nous n’avons pas pu retenir car le dispositif proposé n’était pas techniquement prêt, abordent des questions qui ont leur sens, notamment le cas des coffres-forts.

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