Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 15h00
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance-vie en déshérence — Présentation

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, depuis le début du quinquennat, la majorité présidentielle mène un combat – du moins, tente de mener ce combat car il n’est pas facile – pour renforcer la justice au coeur de la cité et garantir les droits et les devoirs de chacun en vue d’un meilleur vivre-ensemble. Le Gouvernement considère que la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui y contribue.

Le problème des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence constitue une injustice qui a, depuis de nombreuses années, mobilisé le Parlement tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. À l’initiative de Christian Eckert, votre rapporteur général que je tiens à saluer tout particulièrement, ce sujet a fait l’objet d’un travail approfondi – sans doute le plus abouti conduit sur le sujet jusqu’à présent. À partir du diagnostic établi avec l’appui de la Cour des comptes, il a conduit à la proposition de loi qui est en débat aujourd’hui. Avant même qu’elle ne soit déposée, Pierre Moscovici, lors des débats sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires et moi-même, lors des débats sur la loi relative à la consommation, avions, au nom du Gouvernement, apporté notre soutien à cette démarche et exprimé notre volonté de voir ce texte aboutir au plus vite. C’est pourquoi il a été décidé d’engager la procédure accélérée pour son examen. Le Gouvernement le fait avec d’autant plus de conviction que le texte proposé est de très grande qualité. Je souhaite à cet égard féliciter votre rapporteur général, les membres de la commission des finances et leurs équipes pour l’excellence du travail conduit sur ce sujet délicat. De surcroît, cette proposition de loi a été adoptée en commission à l’unanimité des suffrages exprimés.

Elle poursuit deux objectifs : d’une part, protéger les clients et épargnants, ou leurs ayants droit, dont les fonds sont conservés de manière indue par les banques et les compagnies d’assurance ; d’autre part, protéger les intérêts financiers de l’État, à qui ces fonds doivent être retournés lorsque s’exerce la prescription trentenaire.

Avant de développer ces deux volets, j’aimerais souligner à quel point la résolution de ce problème, dont la traduction en chiffres révèle l’ampleur, doit être une des priorités de l’action publique. Dans son rapport établi à la demande de la commission des finances, la Cour des comptes évalue ainsi le montant des encours concernés à plus d’1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires et plus de 2,7 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés. Récemment, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a eu également l’occasion d’indiquer que le sujet demeurait mal pris en compte chez certains professionnels, où les avoirs en déshérence s’accumulaient, et que cela allait la conduire à sévir.

Le premier volet de la loi, relatif aux comptes bancaires, prévoit une définition des comptes bancaires inactifs et un ensemble d’obligations à la charge des banques, dont le recensement de ces comptes et l’obligation de transfert des fonds à la Caisse des dépôts.

Le second volet relatif aux contrats de capitalisation et d’assurance vie prévoit de nouvelles obligations portant sur les assureurs dont le renforcement des contrôles, la revalorisation, le plafonnement des frais de gestion, ainsi que l’obligation, là aussi, de transfert des sommes détenues à la Caisse des dépôts.

Sur quoi porte le constat de la Cour des comptes ? Premièrement, sur les lacunes en matière de traitement des avoirs en déshérence qui portent atteinte à la protection des épargnants et de leurs ayants droit. Ceux-ci ne sont pas en mesure d’identifier les fonds dont ils ne savent pas, soit par oubli, soit par ignorance, qu’ils en sont les propriétaires légitimes. L’usufruit de ces ressources revient alors aux institutions financières qui, en l’état du droit, ne sont pas suffisamment incitées à réaliser les démarches nécessaires pour rendre les avoirs à qui de droit. Deuxièmement, le rapport souligne le problème des avoirs bancaires et des contrats d’assurance vie en déshérence qui porte atteinte à la capacité de l’État à faire pleinement jouer son droit en matière de recouvrement des avoirs frappés par la prescription trentenaire.

Les conclusions du rapport de la Cour des comptes confirment donc la nécessité de procéder à des modifications législatives pour assurer un traitement satisfaisant des avoirs en déshérence. Le débat sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence traîne depuis trop longtemps ; il convient donc de le traiter, et de le traiter pleinement, en s’attaquant à tous les problèmes qu’il soulève et à tous les enjeux qui y sont liés.

Pour chaque question soulevée, la proposition de loi de Christian Eckert propose une solution efficace, que le Gouvernement soutient et à laquelle il donne raison.

Tout d’abord, Christian Eckert propose à juste titre de prévoir, au sein du code monétaire et financier, une définition des comptes bancaires inactifs. Le Gouvernement soutient cette proposition qui permet de combler les lacunes du cadre juridique applicable aux comptes bancaires inactifs qui, je le rappelle, ne sont toujours pas définis par la loi et sur lesquels l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne peut donc exercer un contrôle efficace.

Cette proposition de loi propose également une obligation annuelle de recherche d’information sur l’éventuel décès des titulaires de ces comptes, que les banques devraient assurer sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cela permet de résoudre le problème du manque d’incitation des établissements de crédit à assurer le respect de la prescription, actuellement de trente ans, certains d’entre eux n’hésitant pas à prélever des frais substantiels de gestion sur ces comptes dormants.

S’agissant des contrats d’assurance-vie en déshérence, les premières avancées adoptées dans le cadre du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires répondent en partie – mais pas en totalité – à la question de la recherche d’information des bénéficiaires. Cette proposition de loi va donc dans le bon sens et reçoit de ce fait l’appui du Gouvernement.

En complément des obligations imposées au teneur de comptes, votre proposition de loi prévoit d’organiser une consultation systématique des fichiers détenus par l’administration fiscale recensant les comptes bancaires – fichier FICOBA – et les contrats d’assurance vie – fichier FICOVIE – par les notaires réglant une succession.

Il s’agit d’une garantie supplémentaire pour éviter que les comptes ou contrats ne restent en déshérence. Même si le Gouvernement en comprend la logique, elle pourrait toutefois imposer une charge de gestion importante aux services chargés du contrôle fiscal qui gèrent ces fichiers ; nous devons donc veiller à ce qu’elles n’entravent pas leur mission de lutte contre la fraude, qui reste prioritaire. Il faudra, ainsi que vous l’avez dit, rechercher au cours de la navette les conditions permettant d’atteindre l’objectif légitime poursuivi en tenant compte de cette contrainte.

Autre point, s’agissant du problème de transfert des fonds : ce texte propose une solution efficace avec l’obligation de transfert des fonds, après un certain délai, à la Caisse des dépôts, qui serait chargée de les consigner jusqu’à l’application de la prescription. Le rôle ainsi confié à la Caisse des dépôts, qui devient un pilier central du dispositif, est essentiel et permet de donner au nouveau dispositif toute son efficacité. C’est vrai pour la préservation des droits des clients ou de leurs ayants droit ; c’est vrai également pour permettre à la prescription trentenaire de jouer pleinement en faveur de l’État.

En effet, la bonne application du principe de prescription trentenaire devrait permettre à l’État de percevoir in fine les fonds dont les propriétaires ne peuvent pas être identifiés. Le manque de diligence des établissements de crédit et des entreprises d’assurance ainsi que les insuffisances de la législation actuelle privent actuellement l’État de ces recettes qui lui reviennent de droit. Le Gouvernement donne donc entièrement raison à cette proposition.

Voilà donc, mesdames et messieurs les députés, les enjeux et les solutions de cette proposition de loi pour la protection des clients, assurés et épargnants et pour la préservation des intérêts financiers de l’État. C’est un double objectif que le Gouvernement soutient ardemment, en vue du respect des droits et des devoirs de chacun.

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