Intervention de Brigitte Bourguignon

Séance en hémicycle du 20 février 2014 à 9h30
Non-intégration de la livraison dans le prix unique du livre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Bourguignon :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je serai beaucoup moins lyrique que ma collègue Sophie Dessus, mais on ne peut l’égaler !

Nos modes de consommation ont profondément évolué. L’avenir de la diffusion du livre et du commerce de détail passe désormais par la vente en ligne et le livre numérique. À cet effet, je tiens à saluer, madame la ministre, votre initiative commune prise, hier, avec Mme Monika Grütters, votre homologue allemande, pour peser sur l’Union européenne, afin qu’elle porte enfin, grâce à des engagements fermes, une vision globale et cohérente des enjeux économiques et culturels du livre.

Donner les moyens aux librairies indépendantes de se battre et d’affronter une concurrence devenue internationale tout en préservant l’esprit de la loi de 1981, tel est le rôle du législateur. Les chiffres publiés au début du mois de février sur le marché du livre en 2013 montrent que le secteur du livre baisse moins que le commerce en général. Toutefois, en dépit de cette érosion des ventes, les librairies indépendantes tiennent bon malgré tout et résistent mieux que les grandes surfaces culturelles.

Les mesures déjà prises depuis plusieurs mois en faveur du secteur de la librairie et des éditeurs par ce gouvernement vont dans le bon sens, qu’il s’agisse de la baisse de la TVA, des différentes aides financières, ou de la création du médiateur du livre. Néanmoins, il restait à aborder la question de la vente en ligne, seul segment du marché du livre en progression. Sur les 3 000 librairies indépendantes existant aujourd’hui dans notre pays, plus d’un tiers d’entre elles sont présentes sur le marché de la vente en ligne et ont besoin de l’aide du législateur pour être plus compétitives.

Face aux stratégies dévastatrices de conquêtes de marchés venues des opérateurs internationaux, il est encore temps d’agir avec détermination.

C’est l’esprit de cette proposition de loi, enrichie et complétée par nos collègues sénateurs, qui a donc pour objet de rétablir une concurrence et un rapport de forces équitable entre librairies physiques et plateformes internationales, dont le leader contrôle déjà le marché à 70 %. Une problématique de monopole que, chers collègues de l’opposition, et permettez-moi ce petit clin d’oeil, vous avez su nous démontrer avec brio, la semaine dernière, par une efficace campagne de publicité en faveur d’un livre de jeunesse qui a hissé ce même livre en tête des ventes d’Amazon.

En interdisant à la fois le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port pour tous les livres dès lors qu’ils ne seront pas retirés dans un commerce de vente au détail de livres, nous arrivons, par le travail législatif conjoint de l’Assemblée et du Sénat, à un texte équilibré et utile pour les libraires.

Quant à l’article 2 introduit par le Sénat, il est effectivement nécessaire de mettre en oeuvre le plus rapidement possible ce contrat d’édition à l’ère du numérique conclu en mars dernier par le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains, cité d’ailleurs en exemple dans le rapport Lescure de mai 2013. D’autant que cet accord sur les conditions de cession et d’exploitation des droits numériques est le fruit d’une très longue discussion entre les deux parties, entamée dès la fin 2009, qui n’avait pas abouti de manière consensuelle, mais que vous avez relancée dès votre arrivée, madame la ministre, en confiant à Pierre Sirinelli une nouvelle mission de médiation. Il s’agit de la plus importante réforme depuis 1957 des dispositions du code de la propriété intellectuelle régissant le contrat d’édition dans le secteur du livre. Au-delà de nouvelles dispositions propres au numérique, c’est l’ensemble des relations entre auteurs et éditeurs qui sont concernées par les mesures proposées.

Au final, ce texte est un soutien supplémentaire offert aux librairies de proximité. Nous ne sommes pas naïfs et gageons ici que les grandes plateformes internationales trouveront bien un moyen de détourner l’esprit de cette loi par d’autres pratiques commerciales avantageuses pour leurs clients, mais jamais elles ne pourront concurrencer la valeur ajoutée que représente l’humanité de nos librairies, vecteurs de notre exception culturelle.

Cet appui est très attendu par les professionnels de la librairie. Comme le souligne le Syndicat de la librairie française, même symbolique, l’avancée n’en est pas moins importante lorsque l’on connaît l’atout que la gratuité intégrale constituait pour Amazon ou la FNAC dans leur stratégie de communication.

Le cumul de ces deux mesures signifie que, désormais, l’achat avec retrait des livres en librairie sera systématiquement moins cher qu’un achat sur internet livré à domicile. Nous saluons donc, unanimement, je pense, cette proposition de loi, sécurisée juridiquement par l’amendement du Gouvernement. Et que vive la librairie indépendante !

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