Séance en hémicycle du 20 février 2014 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative aux conditions de la vente à distance des livres (nos 1689, 1788).

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi dont vous allez à nouveau débattre est essentielle et moderne. Elle assurera la vitalité de toute une filière : celle du livre. En effet, vous le savez, auteurs, éditeurs et libraires se sont rassemblés derrière ce texte qui leur permettra de faire face à un même enjeu, celui de la transition numérique de l’économie du livre. C’est un beau symbole que cette tradition de solidarité interprofessionnelle entre les acteurs de la chaîne du livre ; c’est aussi un beau symbole que le consensus que vous avez d’ores et déjà su trouver entre la majorité et l’opposition sur cette question.

La première disposition qui est présentée à votre examen est le fruit de l’initiative du rapporteur, Christian Kert, qui a su susciter l’assentiment de la majorité et même correspondre à la volonté du Gouvernement que j’avais moi-même exprimée lors des Rencontres de la librairie indépendante de Bordeaux, en juin dernier. Il s’agit de revenir à l’esprit de la loi sur le prix unique du livre en évitant qu’elle soit détournée, contournée par les acteurs de l’internet en ce qui concerne la vente à distance des livres imprimés. J’avais alors eu l’occasion de redire à quel point la loi sur le prix unique du livre est essentiel à la vitalité du secteur du livre et, plus globalement, de tout le secteur culturel en France. Je sais, mesdames, messieurs les députés, que vous y êtes, vous aussi, attachés. C’est une loi d’égalité qui prévoit qu’en ce qui concerne le produit culturel si spécifique qu’est le livre imprimé, les lecteurs ne doivent pas être soumis au choix tarifaire de tel ou tel distributeur, mais se voir proposer le même prix partout en France, fixé par les éditeurs.

La loi sur le prix unique du livre a été efficace puisqu’on peut se féliciter qu’elle ait permis de préserver un réseau de libraires – 3 000 libraires – et la diversité éditoriale, faisant ainsi émerger chaque année de nouveaux auteurs. À cet égard, on peut aussi se féliciter, par exemple, de la fécondité des rentrées littéraires.

La loi sur le prix unique du livre est aussi une loi de concurrence. En effet, elle ne relève pas de l’économie administrée puisque le prix est fixé par l’éditeur. Elle ne s’est d’ailleurs pas traduite par une augmentation du prix des livres supérieure à celle constatée dans d’autres pays. Elle a permis, en créant les conditions d’une concurrence équitable, la coexistence de canaux de diffusion diversifiés : les libraires indépendantes, bien entendu, qui sont notre priorité, mais aussi les chaînes spécialisées et les chaînes de grande distribution.

Aujourd’hui, de nombreux pays ont emboîté le pas de la France concernant le prix unique du livre, et beaucoup nous envient la diversité de notre réseau et le dense maillage de nos librairies dans tous nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux, chacun d’entre eux, avec ses particularités, ayant une librairie, avec son âme.

Nous l’avions évoqué ensemble lors du premier examen de la proposition de loi, la pratique systématique de la livraison gratuite à domicile, dès le premier euro, par certains opérateurs spécialisés dans la vente à distance, quand elle est conjuguée avec l’application systématique du rabais de 5 % autorisé par la loi, constitue un risque pour l’équilibre fragile de l’écosystème du livre. Cette pratique représente une prestation supplémentaire que tous les détaillants ne peuvent évidemment pas se permettre d’offrir, notamment les libraires indépendants, surtout qu’ils se comportent, eux, d’une manière civique au regard de la législation fiscale, qu’ils payent leurs impôts en France, étant des acteurs territorialisés, au contraire de certains grands groupes multinationaux de l’internet – vous voyez à qui je fais allusion. Ces derniers, eux, adoptent des stratégies d’optimisation fiscale. On le sait bien, dans un marché global du livre qui a régressé – entre 1 % et 2 % en 2013 –, le secteur de la vente en ligne est le seul qui progresse, avec 5 % de hausse l’année dernière ; ce comportement de prédation se développe donc au détriment de l’ensemble des autres acteurs et de la filière en général.

La proposition de loi a donc pour objet d’en revenir à la philosophie initiale de la loi du 10 août 1981 en interdisant le cumul du rabais de 5 % et de la gratuité des frais de port lorsque le détaillant fait livrer son panier au particulier. J’insiste sur ce dernier mot car je veux préciser un point, ayant lu ici ou là des choses fausses : ce texte ne modifie en rien le dispositif spécifique de la loi de 1981 pour les collectivités locales lorsqu’elles acquièrent des livres pour les bibliothèques ou les écoles ; il ne concernera donc que les particuliers.

Lors de son examen au Sénat, il y a eu une double modification de la proposition de loi.

La première a consisté à préciser que le service de livraison ne pouvait être gratuit. Une telle précision est utile. Mme Bariza Khiari, la rapporteure au Sénat, a expliqué que cela permettra de supprimer un argument marketing, celui du zéro frais de port, et donc aux acheteurs de prendre conscience que le service qui leur est fourni, même pour un petit colis, a un coût pour l’ensemble des détaillants de la vente en ligne mais aussi pour toute la filière. Il faut le faire comprendre, sachant les difficultés que connaissent nos librairies indépendantes. Cette modification introduite par la rapporteure permet aussi, assez subtilement, de mettre un terme à la notion de gratuité sans pour autant tomber dans les écueils de la facturation au prix coûtant de la prestation de livraison. Cette hypothèse avait été envisagée, mais cela aboutirait à favoriser les plus gros car ils pourraient négocier des coûts de prestation plus bas.

La seconde modification adoptée au Sénat a consisté à différer de trois mois l’entrée en vigueur du dispositif pour donner aux opérateurs le délai d’adaptation nécessaire, s’agissant notamment de leur logiciel de facturation. Je vous proposerai, par voie d’amendement, de revenir sur ce délai de mise en oeuvre car un autre délai, un peu plus long, s’impose à nous, lié à la directive 9834 de la Commission européenne prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information. Les dispositions de l’article 1er adoptées par l’Assemblée nationale et modifiées au Sénat en première lecture constituent des règles techniques qui, en application de cette directive, doivent, préalablement à leur adoption, faire l’objet d’une procédure de notification à la Commission européenne ainsi qu’aux autres États membres. La notification a donc été faite juste après le passage au Sénat, tout à fait dans les temps. Néanmoins, il nous faut supprimer le délai de trois mois introduit par voie d’amendement au Sénat. En raison de l’importance de ce texte et de l’unanimité que la représentation nationale a manifesté à son égard, mais aussi et surtout du risque que les acteurs économiques concernés attaquent notre dispositif devant les tribunaux, le Gouvernement se doit de conférer la plus grande sécurité juridique à l’ensemble du dispositif.

C’est pourquoi il a donc été procédé à sa notification, conformément aux dispositions de la directive, ouvrant une période de trois mois qui pourrait être prolongée de trois mois supplémentaires si la Commission européenne émettait un avis circonstancié au terme du premier délai, avant que le texte ne soit définitivement adopté. Aux termes de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, le non-respect de cette période dite de statu quo entraînerait l’inapplicabilité de ce texte. Nous nous retrouverions alors dans une situation paradoxale puisque la volonté unanime de la représentation nationale ne serait d’aucune conséquence, tout juge saisi de l’application de cette loi devant en écarter tout effet utile, uniquement pour des raisons de procédure. Il faudrait alors voter une nouvelle loi dans les mêmes termes, avec une navette entièrement recommencée. Une telle situation n’est évidemment pas envisageable. C’est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer le délai de trois mois, devenu inutile, et que la navette actuelle se poursuive au Sénat afin que le texte puisse être adopté dans le courant de cette année. Nous pourrons ainsi envisager son adoption définitive en avril, si la Commission européenne rend son avis dans les trois mois, ou au plus tard au tout début de l’automne si elle demande trois mois supplémentaires.

Étant donné l’unanimité qui a présidé aux travaux parlementaires dans les deux chambres, on peut considérer que cette proposition de loi a été co-construite dans un bel ensemble assez inédit puisqu’il s’agit d’une co-construction entre non seulement la majorité parlementaire et l’exécutif, mais aussi entre l’opposition, la majorité et l’exécutif. Nous ne pouvons tous que nous en féliciter. Nous avons évidemment tous à coeur de voir la nouvelle régulation entrer en vigueur le plus rapidement possible, mais nous sommes tous aussi extrêmement vigilants car nous connaissons l’ardeur procédurière de certains de ses opposants. Aussi, je vous demande de consolider le plus fortement possible notre texte.

Enfin, j’insiste sur un point : si le passage au Sénat a eu pour conséquence de déclencher des délais procéduraux vis-à-vis de Bruxelles, plus important encore a été le vote des sénateurs en faveur de l’article 2, qui habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives aux contrats d’édition.

Comme vous le savez, les représentants des auteurs et les représentants des éditeurs négociaient depuis des années sans parvenir à un accord. Sous l’autorité du professeur Pierre Sirinelli, auquel j’avais demandé de lancer un processus de médiation, ils sont parvenus le 21 mars dernier à la signature d’un accord-cadre détaillant les modifications qu’il conviendrait d’apporter aux dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, afin d’offrir un cadre sécurisé pour la circulation numérique des livres. C’est ce que je vous propose dans l’article 2.

Par le biais de leurs représentants, les auteurs et les éditeurs, de manière unanime, ont dégagé trois séries de règles nouvelles qui réforment le contrat d’édition datant de 1957, et que je vais vous détailler car il s’agit d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

La première série de règles est applicable à l’ensemble des contrats d’édition. L’accord de mars modifie la notion de contrat d’édition en disposant expressément qu’il couvre désormais, dans des parties distinctes, à la fois l’édition papier et l’édition numérique.

Les professionnels se sont entendus pour préciser ce qui constitue l’obligation de reddition de comptes qui pèse sur l’éditeur et pour définir les cas où auteurs et éditeurs peuvent mettre fin au contrat sur la base d’un constat de défaut d’activité économique. Ces dispositions sont vraiment protectrices pour les auteurs.

La deuxième série de règles, là encore unanimement approuvée par auteurs et éditeurs, est spécifique à l’exploitation imprimée. Désormais, l’éditeur pourra connaître avec précision l’étendue de son obligation d’exploitation permanente et suivie de diffusion commerciale, alors que, de son côté, l’auteur verra simplifier la procédure de résiliation de son contrat – nombreux sont les auteurs qui la jugent actuellement beaucoup trop coûteuse et incertaine.

La troisième et dernière catégorie de règles est particulière à l’exploitation numérique. Il s’agit des modalités de rémunération des auteurs : une commission paritaire chargée de rendre des avis sur les cas litigieux sera mise en place, avec une clause de réexamen régulier des modalités de cession des droits d’exploitation numérique, ce qui permettra de les adapter à l’évolution des modèles économiques de diffusion numérique.

Avec ces trois ensembles de dispositions, les professionnels ont su aboutir à un équilibre extrêmement précis et subtil. Il permet de conforter la capacité des acteurs traditionnels de l’édition à s’adapter au nouvel environnement numérique et surtout de renforcer les droits des auteurs dans ce contexte, en leur garantissant des procédures plus simples et plus lisibles en ce qui concerne tant les ruptures de contrats que la reddition des comptes ou les niveaux de rémunération.

C’est donc une très belle avancée que cet accord historique signé entre les éditeurs et les auteurs le 21 mars dernier. C’est cet accord qu’il nous faut transcrire en termes législatifs. Je connais la sensibilité du Parlement quand il s’agit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, et j’y suis moi-même évidemment très sensible. Néanmoins, je crois que nous pouvons faire confiance aux représentants des éditeurs et aux représentants des auteurs qui ont adopté cet accord de manière unanime.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

J’ai soumis au Sénat un amendement qui autorise à prendre par voie d’ordonnance les mesures qui sont attendues par le secteur.

Les auditions menées par la commission des affaires culturelles, depuis la signature de cet accord il y a bientôt un an, montrent que les auteurs et les éditeurs manifestent une forte attente de la transcription législative des principes issus de la négociation. Beaucoup de signatures de contrats, en particulier pour leur volet numérique, dépendent de l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Vous savez aussi que cet accord est d’une précision extrême et le fruit d’un équilibre patiemment construit. La marge de manoeuvre de modification du code de la propriété intellectuelle est donc en réalité extrêmement réduite, sauf à vouloir remettre en cause les fruits mêmes de cette négociation, ce qui n’est évidemment pas ma volonté. Je pense que ce n’est pas non plus la vôtre.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Nous sommes unis dans la même volonté, cher Marcel Rogemont, de défendre les auteurs, les éditeurs, les libraires, l’ensemble de la chaîne du livre dans notre écosystème fragile à l’ère du numérique, et nous leur faisons confiance.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai proposé à la représentation nationale la voie de l’ordonnance. Vous êtes les mieux placés pour connaître la surcharge de travail des parlementaires et l’encombrement du calendrier législatif. Lorsqu’il s’agit de sujets sur lesquels tous les professionnels se sont mis d’accord, il est donc permis de voir réduite la capacité d’amendement du Parlement.

Vous avez entendu toutes les parties prenantes à ces négociations et je sais que vous en tiendrez compte. J’espère donc que l’Assemblée nationale pourra approuver le processus que je vous propose.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il en a fait du chemin, ce texte, depuis que Christian Jacob, au nom du groupe UMP, l’a déposé en juin 2013 !

Notre proposition de loi a été discutée en première lecture dans le cadre d’une séance d’initiative parlementaire, puis adoptée par l’Assemblée nationale le 3 octobre 2013 et, vous le disiez, madame la ministre, enrichie par le Sénat, qui l’a adoptée le 8 janvier dernier.

Avant d’évoquer l’analyse qu’a pu faire notre commission de ce texte, permettez-moi d’en souligner le caractère très consensuel : adopté par l’Assemblée nationale, puis à l’unanimité par le Sénat, il a fait l’objet, ce qui est rare s’agissant d’une proposition de loi émanant de l’opposition, d’amendements gouvernementaux.

En tant que rapporteur, je me sens autorisé à me réjouir de ce large consensus sur tous les bancs, qui prouve notre volonté de servir le livre, de préserver la diversité de la création et le maintien d’un réseau dense de libraires indépendants sur tout le territoire.

Ce texte doit en effet permettre de rétablir des conditions de concurrence un peu moins déloyales entre les libraires et les grandes plateformes de vente de livres en ligne.

Le Sénat a donc retravaillé le corps originel de notre proposition de loi avec l’article 1er et, dans un deuxième temps, il a créé un nouvel article en répondant à votre demande, madame la ministre, d’acter législativement l’accord-cadre sur le contrat d’édition.

De fait, ce texte nous revient avec deux articles sur lesquels je souhaiterais, au nom de la commission, revenir brièvement.

L’article 1er, dont la rédaction a été légèrement modifiée par le Sénat, encadre les conditions de vente à distance des livres, afin de faire cesser le contournement, dans la sphère numérique, de l’esprit de la loi Lang du 10 août 1981 relative au prix unique du livre.

Dans le contexte de l’essor du marché du livre sur internet, la question est d’importance. C’est en effet le seul segment du marché du livre qui soit en progression et ce, hélas, au détriment des librairies indépendantes, dont la rentabilité financière a été en moyenne divisée par trois en dix ans.

Les entreprises qui vendent des livres sur internet pratiquent quasi systématiquement la gratuité des frais de port – sans minimum d’achat – et cumulent bien souvent cet avantage avec la remise de 5 %, comme nous l’avions vu en détail lors de la première lecture, poursuivant ainsi une stratégie privilégiant les volumes de ventes plutôt que la marge unitaire.

Leur politique aboutit à la dilution de la notion même de prix unique du livre. Il en résulte une distorsion caractérisée de concurrence avec les libraires indépendants, qui, eux, ne peuvent se permettre d’accorder les mêmes avantages à leurs clients.

Qu’a changé le Sénat afin d’améliorer notre travail initial ?

Vous vous souvenez que la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, à issue d’un amendement du Gouvernement, visait à interdire le cumul des deux avantages commerciaux que sont le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port.

Au Sénat, Mme Bariza Khiari, rapporteure pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – une collègue sénatrice dont je tiens à saluer l’extrême courtoisie, puisqu’elle nous a tenus informés de sa démarche –, a jugé que le dispositif adopté par l’Assemblée demeurait incomplet s’agissant de la livraison et des frais de port, qui auraient pu continuer d’être proposés à titre gratuit. Elle a donc complété utilement le dispositif afin d’indiquer que le service de livraison ne peut être offert à titre gratuit.

En séance publique, le Sénat a par ailleurs adopté un amendement présenté par M. Jacques Legendre, qui vise à reporter la date d’entrée en vigueur de la loi de trois mois à compter de sa publication, ce délai étant destiné à rendre possibles les adaptations techniques nécessaires.

Sur cet article, je ne peux que souscrire à l’ajout relatif à la non-gratuité des frais de port, qui est pleinement conforme à l’objectif poursuivi par la proposition de loi initiale déposée par M. Christian Jacob.

Pour ce qui est du report de l’entrée en vigueur, on pouvait estimer de bonne pratique de laisser le temps aux opérateurs de s’adapter au nouveau cadre législatif. Mais, madame la ministre, si nous avons bien compris votre intervention, ce délai ne pourra se cumuler avec celui qui nous est imposé par la notification de ce texte auprès de la Commission européenne.

En effet, il est apparu que l’article 1er de la proposition de loi doit, en application d’une directive du 22 juin 1998, être notifié à la Commission européenne, au même titre que tout projet de règle technique relative à la commercialisation d’un bien.

Le délai qu’il convient de respecter est donc de trois mois à compter de la notification. De plus, la directive impose que la notification soit faite à la Commission lorsque le Gouvernement dispose d’une version stabilisée de la mesure envisagée.

Faisant application de ces dispositions, le Gouvernement a, comme vous venez de l’indiquer, madame la ministre, notifié la présente proposition de loi à la Commission européenne le 16 janvier dernier, à la suite de l’adoption du texte par le Sénat.

Le report de trois mois de l’entrée en vigueur de l’article 1er de la proposition de loi tel que voté au Sénat, soit fin mai si le texte était définitivement adopté ce 20 février, a, dans un premier temps, été analysé comme permettant à la France de se conformer au délai de statu quo imposé par la Commission européenne.

Or il ressort de la lecture de l’article 9 de la directive que l’État membre doit reporter de trois mois l’adoption de règles techniques, ce qui laisse penser que l’obligation de statu quo n’est pas respectée si la mesure est adoptée avant ce délai, quand bien même son entrée en vigueur serait différée.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement se trouve aujourd’hui dans l’obligation de présenter l’amendement à l’article 1er, que vous nous présenterez tout à l’heure, madame la ministre, afin de maintenir la présente proposition de loi en navette et d’ouvrir ainsi la voie à son adoption par le Sénat dans un délai permettant à notre pays de respecter les termes de la directive communautaire.

Et si nous sommes persuadés de l’urgence qu’il y a à faire appliquer ce texte, il est de notre responsabilité de parlementaires de faire adopter un texte conforme aux procédures communautaires.

Je tenais, madame la ministre, à vous faire part de mon soutien, en tant que rapporteur, dans cette étape un peu surprise du texte qui, certes, va voir son application décalée dans le temps, mais sera au moins solide au vu de nos contraintes communautaires.

Pour terminer, je me dois d’évoquer aussi l’article 2 qui a été introduit au Sénat sur votre initiative, madame le ministre. Il vous habilite à transposer par ordonnance un accord-cadre sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère du numérique, qui a été conclu en mars 2013 par le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national des éditeurs.

Les auditions que nous avons pu effectuer nous ont permis de mesurer le caractère historique de cet accord. Il marque l’aboutissement de près de quatre années de débats et d’âpres négociations entre ces deux institutions sur les conditions de cession et d’exploitation des droits numériques.

Il faut dire que le droit positif, mes chers collègues, est particulièrement peu adapté à l’ère numérique. Il est donc urgent d’adapter la définition que le code de la propriété intellectuelle donne du contrat d’édition ; vous avez, madame la ministre, rappelé les avantages dudit contrat.

L’accord fait obligation au contrat d’édition de prévoir une partie distincte regroupant toutes les dispositions concernant l’exploitation numérique de l’oeuvre. En second lieu, auteurs et éditeurs se sont également accordés sur une définition des critères permettant d’apprécier l’obligation aujourd’hui faite à l’éditeur d’« exploitation permanente et suivie » de l’oeuvre, tant dans l’imprimé que pour le numérique. En troisième lieu, en vertu de cet accord, le code de la propriété intellectuelle devra préciser que le contrat d’édition comporte obligatoirement une clause permettant à l’auteur ou à l’éditeur de demander la renégociation des termes économiques du contrat avant son échéance. Enfin, l’accord prévoit également que l’éditeur devra, au moins une fois par an et, pendant toute la durée du contrat, adresser à l’auteur une reddition de compte.

En application de l’article 2 de la proposition de loi, le Gouvernement sera autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à modifier les articles relatifs au contrat d’édition contenus dans la partie législative du code de la propriété intellectuelle, en conséquence de la signature de cet accord. Alors, pourquoi une ordonnance ? La question s’est posée lors de nos débats en commission. Je ne suis, madame la ministre, pas plus enthousiaste que beaucoup de mes collègues ici présents pour la formule de l’ordonnance, mais je me suis rangé aux arguments qui nous ont été donnés. Cet accord nécessite une transcription législative rapide, et le Gouvernement semble ne pas avoir trouvé d’autre véhicule législatif que celui-ci – nous en sommes heureux, puisqu’il a été porté par l’opposition.

Dans ce contexte, près d’un an après la signature de l’accord, les signataires eux-mêmes nous disent qu’il serait très périlleux d’attendre plus encore, au risque de laisser retomber, en quelque sorte, cette dynamique favorable dont il procède. De plus, l’habilitation a un champ d’application très circonscrit, et le Gouvernement dispose d’une marge de manoeuvre très limitée pour l’écriture de l’ordonnance. Je le dis avec insistance à nos collègues Marie-George Buffet, Annie Genevard et Rudy Salles, qui, tous trois, se sont inquiétés, lors des travaux en commission, de ce recours à l’ordonnance. Encadré sur le fond, le Gouvernement est aussi contraint dans le temps puisque l’article 2 dispose que l’ordonnance doit être publiée dans un délai de six mois. Je pense, compte tenu du décalage que va connaître l’adoption définitive de ce texte, que vos services, madame la ministre, n’attendront pas la fin de ce délai. De plus, un projet de ratification de l’ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication.

Ce nouvel article vise, comme l’article 1er, l’objectif, qui était essentiel pour nous, d’adapter le marché du livre et les conditions de sa commercialisation à l’univers numérique.

En remerciant Mme la présidente de m’avoir autorisé à dépasser de deux minutes mon temps de parole, je conclus, madame la ministre, en disant que, pour l’ensemble de ces raisons, j’invite, en tant que rapporteur, l’Assemblée à adopter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, chers collègues, en déposant cette proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres, Christian Kert, au nom du groupe UMP, entendait apporter une solution concrète à la concurrence déloyale à laquelle certaines plateformes de vente en ligne se livrent sur le marché de la librairie, en offrant à leurs clients le double avantage du rabais de 5 % et de la gratuité du port. Cela faisait des mois, madame la ministre, que vous dénonciez la concurrence déloyale d’Amazon. Par cette proposition de loi, nous avons, nous, posé des actes.

Après plusieurs tentatives rédactionnelles, il semble que la version de l’article 1er adoptée au Sénat soit satisfaisante pour tous. En effet, si elle reprend le dispositif, certes alambiqué, qui avait été imposé par le Gouvernement en première lecture – soit l’interdiction du rabais de 5 % sur le prix des livres achetés en ligne mais avec la possibilité, pour le détaillant, de faire un rabais sur le tarif de livraison à hauteur de 5 % du prix du livre en question, proposition, vous en conviendrez, à peu près totalement illisible pour le consommateur –, elle y ajoute le principe, celui-là fort clair, de la non-gratuité du service de livraison, ce qui correspond, finalement, à l’esprit de la rédaction initiale de la proposition de loi déposée par le groupe UMP.

La politique de prix agressive de ces plateformes est sur le point d’avoir raison de nombreux libraires indépendants, un peu partout en Europe d’ailleurs : 20 % des librairies ont fermé en Espagne ; en Angleterre c’est un tiers des librairies indépendantes qui a disparu en dix ans ; en France aussi, pays de naissance de la loi sur le prix unique du livre, la situation est alarmante, comme le crie le Syndicat de la librairie française. De tous les commerces de proximité, la librairie est l’un de ceux qui sont le plus exposés à la faillite. En période de crise, le consommateur se replie instinctivement sur les achats de première nécessité : les livres, les fleurs, le restaurant, les achats d’impulsion, tout cela régresse, ce qui met à mal des pans entiers du commerce de proximité. À ce phénomène conjoncturel, s’ajoute un phénomène structurel, plus préoccupant celui-là, et qui touche à de nouvelles formes de consumérisme.

Madame la ministre, je ne sais pas si vous avez regardé les réactions des réseaux sociaux après l’adoption de ce texte en première lecture. C’était assez éclairant, je dois dire : quel contraste entre notre belle unanimité autour d’un sujet dont l’importance, à nos yeux, n’est pas discutable, à savoir la défense du livre, de la diversité de la création et de la librairie indépendante, quel contraste, donc, entre cette unanimité et les réactions d’humeur, voire d’hostilité, de lecteurs internautes attachés à un prix bas et à des facilités d’accès que permet la vente en ligne ! « Des nantis passéistes, déconnectés de la réalité de leur quotidien » : tel était l’esprit de ces messages, qui nous visaient tous. Cela pose question. Nous pensons tous que cette loi sera utile, et il est bien sûr hors de question de ne pas assumer nos choix, dictés par de légitimes préoccupations, mais cette incompréhension, chez certains, des objectifs que nous poursuivons est préoccupante car, on le sait, finalement, c’est le lecteur consommateur qui a la clé.

Je me souviens d’une campagne d’affichage conduite dans une ville importante de mon département, qui m’avait frappé. On lisait ceci sur d’immenses panneaux : « Pourquoi n’allez-vous jamais à la piscine que vous avez tant réclamée ? » Dans le même esprit, les libraires anglais ont conçu une publicité faisant appel au même esprit de civisme des citoyens : « Use us or lose us ! », « Utilisez-nous ou perdez-nous ! » Peut-être faudra-t-il, après que cette loi aura été votée, et concomitamment au déploiement du plan en faveur de la librairie que vous avez mis sur pied, madame la ministre, lancer avec les libraires une communication institutionnelle en faveur du commerce de proximité en général, et, singulièrement, en faveur de la librairie.

Voilà une piste que je suggère au Gouvernement, car je pense qu’il faut activer la citoyenneté chez le lecteur.

Mais je ne peux passer sous silence la façon cavalière, à tous les sens du terme, dont le Gouvernement a profité de l’examen au Sénat pour inclure dans le texte une habilitation à prendre une ordonnance rendant effectif l’accord-cadre sur le livre numérique signé le 21 mars 2013 ; vous aviez d’autres opportunités législatives, la loi sur l’audiovisuel public, par exemple, ou le texte annoncé et sans cesse repoussé, sur la création artistique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bien que le recours aux ordonnances dessaisisse les députés de leur pouvoir législatif, notre groupe mesure l’importance de cet accord pour la profession, obtenu après plusieurs années de négociations entre auteurs et éditeurs. Il permet d’intégrer l’édition numérique dans le cadre légal du contrat d’édition en adaptant le code de la propriété intellectuelle à ces nouveaux usages. Il répond ainsi à l’urgence et à la demande des professionnels, comme le président du Syndicat national de l’édition ou la présidente du Conseil permanent des écrivains, qui ont rappelé que tout délai risque maintenant de fragiliser la teneur de l’accord. Et on le sait bien : lorsqu’un accord a été difficile à conclure, il faut le formaliser au plus vite pour éviter la rétractation. C’est au nom de cette urgence, signalée par tous, que notre groupe accepte la proposition de modification par ordonnance de la partie législative du code de la propriété intellectuelle. Je ne peux m’empêcher, tout de même, madame la ministre, de souligner l’ironie de la situation qui voit le Gouvernement recourir aux ordonnances, en vertu desquelles les députés renoncent à leur pouvoir législatif, dans un texte d’initiative parlementaire. Vous conviendrez qu’il y a là une curieuse conception de l’autonomie du Parlement.

Mais, et c’est la deuxième bizarrerie qui pourrait faire de ce texte un cas d’école, voilà que, par incurie, vos services n’ont pas respecté la procédure européenne, retardant de fait l’adoption de cette loi, qui serait inapplicable sans l’avis de la Commission européenne, que l’on a omis d’informer. Ainsi, nous sommes dans une situation totalement ubuesque qui nous conduit à retarder délibérément, volontairement l’adoption d’un texte sur lequel nous sommes tous d’accord. Quelle invraisemblable légèreté ! Je n’ose formuler l’hypothèse qu’elle serait due au fait que ce texte émane de notre groupe. Il vous appartient donc, madame la ministre, de tirer les professionnels de ce mauvais pas dans lequel vous les avez mis.

Une concurrence de plus en plus étouffée, et pour laquelle chaque jour compte, une hégémonie qui se renforce de jour en jour… Il est symptomatique, mes chers collègues qu’un succès que l’on qualifiait hier « de librairie » ou « d’édition » soit aujourd’hui mesuré à l’aune du classement des ventes sur amazon. Je continue ma liste : un ministère entaché d’amateurisme, des auteurs qui signent des contrats dans l’incertitude. Voilà le résultat.

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C’est la raison pour laquelle, par protestation contre le travail qui gâche cette unanimité remarquable et contre le coupable retard que prend l’adoption de ces dispositions indispensables que notre groupe a proposées pour répondre à l’impatience légitime des professionnels, nous voterons la proposition de loi, bien sûr, puisque nous en sommes à l’origine et qu’elle fait consensus, mais nous ne voterons pas l’amendement proposé. Nous nous abstiendrons, par protestation, contre cette légèreté qui nous met dans l’obligation de retarder l’adoption de cette loi que nous attendons tous.

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon collègue Yannick Favennec le disait lors de la discussion en première lecture de cette proposition : c’est un plaisir rare dans cet hémicycle que de voir une exception faire l’unanimité. Je veux parler de cette exception culturelle que nous défendons et qui doit s’entendre au sens le plus large possible, jusqu’à englober une certaine façon de vendre des livres dans ces écrins que sont les librairies à l’odeur d’encre fraîche et de papier neuf, au silence apaisant, aux discussions feutrées, ces petits labyrinthes où l’on pérégrine, d’une couverture à l’autre, d’un plaisir tactile de la découverte à un autre.

Voilà pourquoi l’achat d’une oeuvre de la pensée ne peut, quoi qu’on en dise, être anonyme. Voilà pourquoi il n’est rien d’automatique dans cet acte si particulier. Voilà pourquoi cet achat normalement singulier ne saurait être orienté par des algorithmes relayés par des plates-formes, sans qu’il y ait jamais eu un passeur.

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Il me semble que l’ensemble de la discussion parlementaire n’a fait que confirmer cet esprit de culture, en permettant d’amender le texte initial, toujours avec l’accord unanime des groupes parlementaires. Cette unanimité me semble extrêmement importante : permettez-moi donc d’adresser mes sincères félicitations à notre rapporteur, Christian Kert,…

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…aux présidents des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues, pour cette démonstration d’intelligence collective.

La question des frais de port pour les livres commandés sur internet, c’est évidemment celle du dumping économique et social que pratiquent certains acteurs surpuissants de la vente en ligne. Mais il ne s’agit pas seulement de protéger le réseau des librairies indépendantes ; il s’agit en réalité d’un véritable choix de société, qui ne vise pas pour autant un retour à l’âge de pierre en matière de relations humaines et commerciales, y compris dans ce domaine à part qu’est le livre. Il est évident que des évolutions technologiques et comportementales ont modifié la façon dont les livres sont vendus : il ne s’agit pas, ici, de le nier. On le sait, aujourd’hui, deux livres sur cinq sont vendus dans les grandes surfaces alimentaires ou généralistes et dans les grandes surfaces consacrées à la culture. Et malgré le fait que 24 % des ventes de livres soit réalisé dans les librairies indépendantes, tandis que le commerce en ligne représente 15 %, il est évident que la littérature n’est pas plus inextricablement liée à son support physique et à ses formes de distribution que ne l’était la musique : en font foi toutes ces tables tournantes sur le dessus desquelles s’accumule la poussière dans le fond de nos armoires. À voir les ados consommer des MP3 plus vite que des bonbons, nous pouvons prédire le même sort au lecteur de CD.

Quant au rituel presque charnel lié à l’achat physique d’un livre, rien ne dit que Sony et Amazon ne finiront pas par mettre au point une machine qui dégage des effluves d’encre fraîche et de papier neuf !

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Plus prosaïquement, il faut avoir en tête que nous n’habitons pas tous à dix minutes d’une librairie, et que nous ne sommes pas tous urbains ou Parisiens ! Dans les profondeurs de la vallée d’Aspe, par exemple, ne verrait-on pas un intérêt particulier à l’installation de guichets de librairie virtuels ? Il me semble d’ailleurs que cela avait été envisagé un moment, en lien avec une grande librairie bordelaise et le réseau postal. Ce qui est certain, c’est que, dans nombre de territoires, il n’existe pas d’autres moyens de se procurer un ouvrage que de recourir à des services de vente en ligne.

Pour autant, il ne faut pas faire des réalités de l’instant une fatalité. Oserai-je dire que ces petites librairies sont un outil d’aménagement du territoire ? Non, je ne le dirai pas, car, vous le voyez bien, c’est plus que cela. C’est un réseau de vie. Derrière un libraire, on aperçoit en filigrane tout un réseau de métiers : auteurs, éditeurs, imprimeurs, brocheurs, relieurs, typographes, papetiers, graphistes, correcteurs, traducteurs, commerciaux, magasiniers, coursiers, transporteurs, bibliothécaires… Bref, tout ce monde du livre représente autant de compétences et de savoir-faire qui peuvent demeurer là où ils sont.

Voilà le grand rôle de ces petits libraires : animer, au sens presque étymologique du terme, des territoires, mais aussi défendre les petits éditeurs – il en existe 8 000 en France. Les plus importants d’entre eux jouent un autre rôle : évoquer tous les livres dont on ne parle pas à la télévision.

Quel est, selon nous, le sens profond de cette proposition de loi ? C’est simplement le refus du moins-disant culturel, et même civilisationnel. Quand nous évoquons les stratégies d’optimisation de ces grands groupes de distribution, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d’une contradiction ontologique entre l’acte de culture présumé et ce qui le rend possible. Or ce qui le rend possible, c’est une tricherie fiscale. En effet, selon la Fédération française des télécommunications, Google, Amazon, Facebook et Apple dégageraient entre 2,2 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, mais n’acquittent que 4 millions d’euros par an en moyenne au titre de l’impôt sur les sociétés !

Ce qui le rend possible, c’est aussi une tricherie sur l’intérêt général. Ce sont des aides publiques locales pour l’implantation d’immenses entrepôts, tout cela pour aboutir, en l’état actuel des choses, à la création de 8 000 emplois au maximum, à comparer aux 80 000 emplois du secteur de la librairie. La contradiction ontologique que j’évoquais, c’est celle qui signe, on le voit bien, un certain modèle de société. De ce point de vue, la question qui nous est posée appelle une réponse très claire de notre part.

Ainsi, cette proposition de loi permettra d’offrir une petite bouffée d’oxygène aux librairies indépendantes. Mais ce n’est qu’un courant d’air rafraîchissant, pas nécessairement salvateur ! Plus profondément, nous avons à repenser la fiscalité de ces entreprises qui, établies dans des paradis fiscaux, échappent à la TVA, et ne sont pas imposées sur les bénéfices au même taux que les entreprises taxées en France. Nous avons aussi à imaginer une fiscalité qui colle aux nouvelles réalités de la création de valeur, notamment via l’économie numérique.

La question ultime qu’il faut se poser est peut-être celle-ci : où est donc l’Union européenne ? La directive européenne permettant l’application de la TVA dans le pays de consommation d’ici à 2015 est un premier pas dans cette direction. Il nous paraît néanmoins indispensable que les librairies indépendantes elles-mêmes prennent place sur le marché numérique du livre. Il semble qu’aujourd’hui, seules 500 librairies participent à la vente en ligne. Nous sommes très loin du compte pour imaginer de nouvelles complémentarités.

Voilà donc une proposition de loi qui appelle, naturellement, tout notre soutien. Elle appelle également une mobilisation plus structurante et plus ambitieuse. Nos librairies ont une véritable utilité publique, qu’il nous faut préserver dans un monde en mouvement. C’est en réalisant cette synthèse que nous parviendrons à faire la démonstration sincère et indubitable d’un choix collectif pour le maintien d’une exception culturelle sur notre territoire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera en faveur de cette proposition de loi.

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La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

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Madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi du groupe UMP sur l’encadrement des conditions de la vente à distance des livres revient aujourd’hui à l’Assemblée nationale après avoir été examinée par le Sénat. Elle ne présente pas de changement notable au sujet de la vente de livres. Les sénateurs y ont cependant ajouté un second article sans rapport avec l’objet initial de ce texte – j’y reviendrai.

Je commencerai donc par rappeler, pour la quatrième fois, les nombreux oublis de cette proposition de loi. Il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier, dit-on parfois. Rarement cette expression aura été plus adaptée. En effet, nous n’en avons pas encore fini avec cette question.

D’abord, vous ne proposez pas de renforcer les moyens de contrôle juridique et financier des entreprises, ce qui aurait permis de mieux surveiller les multinationales de la vente en ligne – car il ne s’agit pas que d’Amazon – et donc d’éviter un manque à gagner de plusieurs centaines de millions d’euros pour les finances de l’État. Ensuite, vous ne proposez pas d’harmoniser la fiscalité européenne. Les multinationales ont fait du contournement des lois nationales un sport de haut niveau. Les paradis fiscaux, qu’ils soient européens comme Jersey, ou plus lointains comme les Bermudes, ne sont pas inquiétés par votre proposition de loi.

Vous ne proposez pas non plus de mieux contrôler le travail dans les entrepôts logistiques qui fleurissent partout en France. Qu’il s’agisse d’Amazon ou des nombreux drive des supermarchés, les conditions de travail des salariés sont laissées au bon vouloir des employeurs, faute d’une inspection du travail suffisante. Mais le Gouvernement s’est saisi de cette problématique. C’est par un cavalier législatif, dans la loi sur la formation professionnelle, que l’inspection du travail aurait pu être améliorée. Il n’en sera malheureusement rien. Je sais bien que ce n’est pas de ce projet de loi que nous discutons aujourd’hui, mais puisque le Gouvernement se permet d’insérer des cavaliers dans ses projets de loi, je peux bien, moi aussi, me permettre d’en inclure dans mon discours.

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Ce n’est pas en imposant des objectifs nationaux et individuels à l’inspection du travail que l’on améliorera le travail de terrain. La course aux chiffres a déjà montré ses aberrations dans la police. Ce n’est pas non plus en remettant en cause l’indépendance et l’autonomie des inspecteurs du travail qu’ils pourront faire du bon travail. Vous n’êtes donc pas le seul, monsieur le rapporteur, à ne pas prendre les mesures urgentes dont ont besoin les salariés français.

Je rappelle, enfin, la conclusion à laquelle j’avais abouti lors de mon intervention en première lecture sur ce texte : votre proposition de loi ne peut prétendre changer en profondeur l’état du commerce du livre en France.

Certes, il est possible que certains acheteurs passent par leur libraire plutôt que par des sites en ligne. Mais pour l’immensité des achats qui ne peuvent pas être réalisés localement – et pas seulement dans la vallée d’Aspe – par manque de librairies ou à cause de l’épuisement des stocks, votre proposition de loi ne fera qu’augmenter les marges des multinationales de la vente en ligne. Vous laissez en effet Amazon et ses concurrents louer des droits d’accès à des livres numériques en appelant cela des ventes : c’est une escroquerie sémantique ! Le contrat que leurs clients acceptent ne leur donne qu’un droit à lire, pas la possession d’un fichier électronique. La meilleure preuve en est qu’Amazon se réserve le droit de supprimer des livres des comptes Kindle de ses clients. Il est donc urgent, madame la ministre, de nous pencher sur la façon de mettre fin à ces systèmes fermés et privateurs, qui enferment les clients sans leur donner de possibilité de sortie.

Je suis donc fort déçue, monsieur le rapporteur, que, en tant que grand défenseur des libraires, vous n’ayez pas voté pour mon amendement au projet de loi de finances, qui proposait d’appliquer le taux réduit de TVA à la vente de livres sous forme de fichier en format ouvert, alors que les systèmes fermés comme ceux d’Amazon ou Apple, qui relèvent de la prestation de service numérique, auraient subi le taux normal de TVA. Vous n’avez d’ailleurs pas été le seul à ne pas voter pour cet amendement.

Monsieur le rapporteur, vous semblez sincèrement inquiet de l’avenir des librairies : je trouve cela très louable, car les libraires sont indispensables à la diffusion de la culture. Vous auriez donc pu proposer un soutien plus marqué envers eux, que ce soit financièrement ou légalement. Par exemple, je connais des libraires qui souffrent beaucoup des conditions imposées par les grandes maisons d’édition : commandes imposées, expéditions facturées à tort, livres abîmés mais non repris… Les abus sont nombreux et avérés. Quelles sont vos propositions pour rétablir un équilibre entre les principales maisons d’édition, fortes de leur concentration, et la myriade de libraires indépendants ?

J’en reviens à présent au second article de cette proposition de loi. Le Gouvernement a souhaité obtenir le droit de légiférer par voie d’ordonnance, en conséquence de l’accord-cadre sur le livre numérique signé le 21 mars 2013 par le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains. Cet accord me semble équilibré : je n’aborderai donc pas le fond du sujet. Encore une fois, c’est la méthode qui me pose problème. La proposition de loi que nous avons étudiée en première lecture n’a aucun rapport avec ce second article. Je peux comprendre, madame la ministre, qu’il soit urgent de légiférer pour traduire dans la loi cet accord-cadre, mais je désapprouve formellement la méthode choisie, qui témoigne d’un manque de respect envers le rôle du Parlement.

Madame la ministre, vous nous avez expliqué tout à l’heure que cette proposition de loi retournerait au Sénat pour y attendre l’avis de la Commission européenne. Je comprends cette démarche : il n’est pas utile de voter des lois qui seront attaquées dès leur promulgation. Je n’en suis pas moins perplexe. Vous avez demandé aux sénateurs de voter un amendement vous permettant de prendre, par ordonnance, les mesures de nature législative correspondant à l’accord-cadre. La raison que vous invoquiez était l’urgence. Or nous débattons aujourd’hui pour la quatrième fois de ce texte quasiment inchangé, qui sera examiné encore une fois en commission mixte paritaire dans un futur proche ! Vous avez demandé au Parlement de se dessaisir de son pouvoir législatif pour que vous puissiez légiférer en urgence. Mais ces mesures urgentes vont être repoussées de plusieurs mois : nous avons bien du mal à comprendre la cohérence de ce plan d’action.

Le Gouvernement nous a pourtant promis un projet de loi portant sur la création, entre autres pour prendre en compte les effets de la révolution numérique. Ce véhicule législatif nous paraît beaucoup plus adapté à cette autorisation de légiférer par ordonnance. Madame la ministre, envisagez-vous d’inclure dans le projet de loi sur la création l’amendement autorisant le Gouvernement à traduire dans la loi l’accord-cadre conclu par le SNE et le CPE ? Ou faut-il comprendre que le Gouvernement, qui a déjà pris beaucoup de retard à ce sujet, compte encore repousser ce projet de loi ?

Enfin, vous avez mentionné un agenda législatif trop rempli. Et là, je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est pourquoi je déplore vraiment les cinq semaines de vacances parlementaires du mois de mars. Alors que notre assemblée a voté contre le cumul des mandats, nous trouvons totalement anormal que nos travaux s’interrompent pendant si longtemps.

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Les candidatures aux municipales n’ont aucune raison objective d’interférer avec le déroulement des travaux législatifs. Nous espérons que ce genre d’anomalie sera bientôt une bizarrerie du passé, en tout cas à partir de 2017.

Pour finir, je rappellerai que le groupe écologiste votera en faveur de cette proposition de loi ou de tout projet de loi qui comportera des avancées notables en la matière.

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La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe RRDP.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le livre n’est pas une marchandise comme les autres. Vecteur incontournable de la diffusion des idées, sa survie est bien évidemment essentielle et je veux, moi aussi, rappeler ici que c’est à l’unanimité que notre assemblée a voté, le 3 octobre dernier, en première lecture, la présente proposition de loi « tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition ».

Cette unanimité sur un tel sujet est un signe fort, dans notre démocratie qui traverse une crise qui nous préoccupe, nous, députés du groupe RRDP. L’année que nous venons de passer n’est pas sans rappeler une des périodes sombres de notre histoire. Je veux parler ici des années trente : nombre de livres étaient alors mis à l’index, brûlés car jugés subversifs ou contraires à une certaine morale des plus douteuses.

Aujourd’hui, des librairies et des bibliothèques sont assaillies et vidées méthodiquement par des groupuscules extrémistes, obscurantistes. Défendre le livre, c’est défendre notre démocratie et notre République. C’est défendre la pluralité et la diffusion des idées. Protéger la filière du livre dans sa diversité est un impératif absolu et je souhaite que nous puissions, à l’issue de nos débats d’aujourd’hui, rencontrer la même unanimité qu’en première lecture. Le groupe RRDP, en tout cas, compte bien oeuvrer dans cette direction.

Une remarque, cependant : il n’aura échappé à aucun d’entre nous que l’intitulé du texte dont nous débattons aujourd’hui a été sensiblement modifié. Le texte adopté en première lecture ne visait pas à habiliter le Gouvernement à modifier, par ordonnance, les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition.

Certes, les ordonnances sont un outil fort opportun pour permettre de légiférer plus vite que la procédure parlementaire habituelle ; mais elles ont l’inconvénient, non négligeable, de déposséder le Parlement de sa prérogative essentielle, qui est, précisément, de faire la loi.

L’accord-cadre du 21 mars 2013, entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition, sur le contrat d’édition dans le secteur du livre à l’ère numérique, est une avancée qui a été saluée par l’ensemble des acteurs du livre. Que cet accord apparaisse dans le texte de la proposition de loi est donc un point positif, dont le groupe RRDP se félicite. Néanmoins, le recours à l’ordonnance pour que cet accord-cadre soit transposé dans le code de la propriété intellectuelle nous a gênés, nous aussi.

II n’en demeure pas moins qu’il existe une situation d’urgence qu’il faut garder à l’esprit, et qui doit nous obliger, nous, représentants de la nation et garants de l’intérêt général et des libertés publiques : je veux parler ici de la situation plus que préoccupante dans laquelle se trouve le secteur du livre.

Plus précisément, la rentabilité moyenne des librairies indépendantes se situe entre 0,6 et 2 %, selon le Syndicat de la librairie française. En parallèle, on observe une explosion de la vente par internet de livres imprimés, passée de 3,2 % du marché du livre en 2003 à 17 % en 2012.

À l’heure des nouvelles pratiques de lecture et de l’essor du commerce électronique, soutenir le livre imprimé suppose de défendre, à la fois, le réseau des librairies et la vivacité du catalogue des éditeurs, dont dépend l’offre proposée aux lecteurs. La littérature ne peut pas se limiter à la vente de best-sellers et à la diffusion d’une pensée hégémonique. Il suffit d’ailleurs d’observer ce qui se passe chez nos voisins anglo-saxons pour constater les ravages d’une commercialisation libéralisée : un réseau complètement sinistré, les têtes de gondoles achetées par les grands distributeurs, dont l’unique objectif se résume à la vente de ces fameux best-sellers.

Soutenir la pluralité des éditeurs, c’est soutenir la création littéraire. Or, le support papier, qui est le plus fragile, est celui qu’il faut absolument protéger. Jusqu’à aujourd’hui, les sites internet de vente à distance de livres imprimés avaient la possibilité de cumuler deux avantages : une TVA réduite et la gratuité des frais de livraison. Avec ce texte, s’il est adopté, le cumul de ces deux avantages ne sera plus possible.

Il ne s’agit pas tant de favoriser les librairies indépendantes que de rétablir une équité dans leurs pratiques commerciales par rapport à celles pratiquées par les sites internet. Ce rééquilibrage est nécessaire, mais accuser le numérique de précipiter dans la crise l’édition papier et le réseau des librairies indépendantes nous semble un raccourci un peu rapide.

Entre 1990 et 2011, la part des livres dans la consommation des biens culturels des ménages est passée de 10,8 % à 8 %. En 2012, lorsque la TVA sur le livre est passée de 5,5 % à 7 %, les prix des livres ont augmenté en moyenne de 2,9 %. On a alors pu constater une baisse de 4,5 % du volume des livres vendus, alors même que, dans le même temps, la vente des livres de poche – moins chers – se maintenait. La question du pouvoir d’achat n’est

donc pas étrangère à la baisse des ventes des éditions papier. Certes, le pouvoir d’achat n’est pas l’unique cause de la baisse des ventes des éditions papier en librairie, mais la question du coût des livres n’est pas à négliger.

Enfin, il est bon de souligner que l’adoption de la présente proposition de loi, trente ans après la loi Lang, n’entraînera pas une augmentation du prix du livre. Il s’agit de réguler un marché qui était faussé.

Autre point, sur lequel je souhaite insister, plus large, et qui n’est pas abordé dans la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui : la lecture. Avec la multiplication des écrans de télévision et d’ordinateur, avec la possibilité de voir et revoir des émissions audiovisuelles en replay ou en streaming, il est indéniable que la lecture recule.

Des efforts conséquents doivent être déployés en direction des établissements scolaires. À cet égard, la réforme des rythmes scolaires doit être une chance à saisir pour engager cette dynamique nécessaire. L’État et les collectivités territoriales ont ici un rôle fondamental à jouer pour encourager les territoires à tisser des liens entre les écoles et les bibliothèques.

Mais revenons-en à la vente par internet de livres imprimés. La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui est surnommée « loi anti-Amazon ». C’est un peu excessif. Certes, le géant américain a des pratiques commerciales peu louables. Les conditions de travail de ses employés sont peu conformes aux règles françaises en matière de droit du travail et, qui plus est, le géant américain prend certaines libertés en matière fiscale.

Cette entreprise détient en effet 70 % des parts du marché de la vente en ligne en France de livres imprimés, mais pratique une politique d’optimisation fiscale systématique, qui a pour effet de minimiser son taux d’imposition. Face à ce mastodonte de la vente en ligne de livres imprimés, on peut comprendre la défiance que peuvent avoir à son endroit les petites librairies de quartier.

Cependant, il ne faut pas non plus refuser le progrès des nouvelles technologies. Elles existent et, plutôt que de les combattre, il s’agit aussi de trouver des solutions appropriées pour vivre avec – pour bien vivre avec, dirais-je même. La vente par internet de livres imprimés est une avancée technologique, mais elle doit aussi pouvoir représenter une avancée pour nos concitoyens.

Si l’on y réfléchit bien, c’est déjà le cas. La vente par internet de livres imprimés est aussi un outil indéniable qui permet de démocratiser encore plus l’offre de lecture, notamment dans les territoires ruraux ou de montagne, souvent éloignés des librairies auxquelles nous pouvons avoir accès dans les zones urbaines. En d’autres termes, la vente de livres imprimés par internet est aussi un moteur, un outil en faveur d’une égalité d’accès à la lecture et aux catalogues des éditeurs.

Aplanir les conditions de vente des livres imprimés par internet et les rendre plus équitables au regard des conditions commerciales applicables dans les librairies indépendantes est, en réalité, une mesure simple et des plus normales. La proposition de loi ne fait que réguler une situation qui faussait les règles normales de la concurrence. II s’agit d’instaurer un équilibre et d’apporter plus de sécurité juridique et commerciale. Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP soutiendra ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe GDR.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous avons adopté, à l’unanimité, en première lecture, cette proposition de loi tendant à encadrer les conditions de vente à distance des livres. Elle s’est vue adjoindre, par amendement gouvernemental, un nouvel article, nous invitant à procéder par ordonnance, pour ratifier un accord entre auteurs et éditeurs sur le livre numérique.

Il me semble que cet accord, datant d’un an, aurait dû, vu son importance, motiver un projet de loi dès l’an dernier. Mais, alors que l’on nous pressait de travailler dans l’urgence et par ordonnance sur l’article 2, nous apprenons aujourd’hui qu’il serait finalement « urgent d’attendre » sur l’article 1er. Une question de délai de notification à la Commission européenne amène le Gouvernement à nous proposer, par un nouvel amendement à l’article 1er, un vote non conforme au texte adopté au Sénat, et donc de retarder l’adoption définitive de cette proposition de loi. Cela donne un peu le tournis.

Pourtant, il y a bien une urgence : celle de travailler sur la situation du livre et de la lecture dans notre pays, à un moment où ils font l’objet de graves attaques. Je veux, comme d’autres collègues, me faire l’écho, au sein de notre assemblée, des inquiétudes qui montent face à la stigmatisation de certains titres. Quand on s’attaque à des livres et donc à la liberté d’écrire et de lire, on s’avance sur de mauvais chemins où la démocratie, voire la République, peuvent se perdre.

À juste titre, l’Association des bibliothécaires de France s’alarme de sites internet qui ont lancé des appels au retrait de livres achetés par des bibliothèques municipales, et réaffirme le rôle des bibliothécaires qui, en achetant livres et autres documents, sont fidèles à la vocation des bibliothèques inscrite dans le manifeste de l’UNESCO, les invitant à proposer « des collections reflétant les tendances contemporaines de l’évolution des sociétés ».

L’association rappelle le code de déontologie de la profession, qui affirme que « le bibliothécaire s’engage à favoriser la réflexion de chacun et chacune par la constitution de collections répondant à des critères d’objectivité, d’impartialité, de pluralité d’opinion, à ne pratiquer aucune censure, et à offrir aux usagers l’ensemble des documents nécessaires à sa compréhension autonome des débats publics et de l’actualité ».

Notre assemblée s’honorerait de répondre à cet appel des bibliothécaires en réaffirmant, solennellement, le droit à la lecture pour tous et toutes, avec, comme premiers moyens, la diversité, le pluralisme, la liberté de création et de diffusion.

Mais revenons à la proposition de loi qui nous est soumise. Elle a pour vocation, selon notre excellent rapporteur lui-même lors du débat en commission, de rendre « un peu moins déloyale la concurrence entre la vente en ligne et les libraires ».

Cela ne suffit pas, à mes yeux, pour répondre à la dégradation de la situation du livre dans notre pays, mais c’est un premier élément positif. Depuis la première lecture de cette proposition de loi, nous avons malheureusement assisté à la fermeture de librairies, comme celle de La Traverse à La Courneuve, ou encore certaines de la chaîne Chapitre. Huit d’entre elles ont d’ailleurs été occupées par leur personnel, avec le soutien de leurs clients. Je veux ici, avec vous, chers collègues, saluer cette lutte pour le maintien des librairies !

J’en viens maintenant aux articles. S’agissant de l’article 1er, on ne peut que se réjouir de voir, sur tous les bancs de l’hémicycle, une même volonté de faire respecter la loi du 10 août 1981sur le prix unique du livre. Le livre n’est pas, en effet, une marchandise comme une autre. Quand on parle de livre, on ne parle pas d’abord de commerce, mais de culture ; on parle d’enrichissement de chaque personne, au sens de son émancipation, avant de parler profit.

Il y a un énorme besoin de dynamiser la lecture dans notre pays et, dans cet objectif, d’aborder les conditions de l’achat et de la vente de livres. Entre 1990 et 2011, la part des livres dans la consommation des biens culturels des ménages est passée de 10,8 % à 8 %. Ne faut-il pas y voir, bien sûr, une des conséquences de la baisse du pouvoir d’achat des ménages, avec, en 2012, la hausse du taux de la TVA sur le livre de 5,5 à 7 % ? Cette année-là, nous avons pu constater une augmentation de 2,9 % du prix du livre et une baisse de 4,5 % du volume des livres vendus ! La question de la TVA est donc posée.

De plus, la survie et le développement des librairies indépendantes nécessitent une action sur les charges financières qui pèsent sur elles. Elles ont besoin de mesures particulières pour vivre et jouer leur rôle indispensable auprès des populations auxquelles elles s’adressent. Et je reprends l’idée de ma collègue Annie Genevard d’une campagne de communication pour valoriser le rôle des librairies, et surtout, bien sûr, des libraires.

Car si, en France, le secteur de la librairie indépendante emploie, selon le Syndicat de la librairie française, 13 000 personnes, le chiffre d’affaires global du secteur a reculé de 8 % entre 2003 et 2012.

J’en viens au second article. Le contenu de l’accord, que l’on nous propose de transcrire, sur le contrat d’édition va dans le bon sens. Il a été conclu par les représentants des auteurs et des éditeurs pour que les rapports entre les uns et les autres évoluent, le secteur de l’édition étant adapté à l’ère numérique sans qu’aucun des partenaires ne soit lésé. Nous ne pouvons donc que souscrire à sa ratification. Mais, il est demandé au Parlement de permettre au Gouvernement de procéder par ordonnance pour transcrire cet accord dans le code de la propriété intellectuelle.

Alors que nous l’interrogions en commission sur cette méthode, M. le rapporteur nous a répondu qu’il y avait urgence à répondre aux souhaits des partenaires de l’accord en question. Nous comprenons, en effet, cette volonté des partenaires concernés, mais nous comprenons moins que cette urgence n’ait été perçue ni dès la première lecture, en octobre dernier, ni dès le lendemain de la signature de cet accord, en mars 2013. Comme nos collègues du groupe CRC du Sénat, nous émettons de profondes réserves sur ce recours aux ordonnances, recours toujours justifié par l’urgence.

Une telle remise en cause du rôle du Parlement constitue, à nos yeux, une dérive dangereuse de nos institutions. Quand on sait que le Président de la République a déclaré récemment vouloir faire un usage plus systématique des ordonnances, on ne peut que s’inquiéter de cette première qui touche la politique culturelle. Madame la ministre, chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi constitue un petit pas en avant, mais il y a du chemin à faire. Comment traiter, en effet, du numérique sans traiter du nécessaire encadrement réglementaire et législatif des entreprises de vente par internet ? Je pense, notamment, aux conditions de travail des personnels et aux comportements citoyens de ces entreprises.

De même, il faudra s’attaquer, pour défendre l’exception culturelle à laquelle nous tenons tous et toutes ici, aux rapports marchands qui régissent de plus en plus les pratiques culturelles. À ce propos, nous devons rester vigilants sur le contenu de l’accord de libre-échange transatlantique, malgré la résolution que nous avons adoptée ici même.

Je ne doute pas, madame la ministre, que nous aurons de belles lois à venir sur le livre et la création s’inscrivant dans cette réflexion globale nécessaire. Nous voterons cette proposition de loi, mais nous tenons à redire nos doutes sur ses limites et notre réprobation de l’utilisation des ordonnances dans ce cadre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il suffit de deux petits articles pour faire un beau texte. Mais avec ces deux petits articles-là, on pourrait écrire un roman. Mieux, je vais vous raconter une histoire ! Et je la commence par « il était une loi » ! Nous partîmes, en décembre dernier avec un article encadrant les conditions de vente à distance des livres, article qui avait pour but de desserrer les doigts crochus des vendeurs de livres en ligne, tel Amazon, autour du cou des librairies et de la création. Ces revendeurs contournent sans scrupule la loi Lang, fraudent le fisc impunément et détruisent plus d’emplois spécialisés qu’ils n’en créent de précaires.

Aujourd’hui, nous revenons sur ce texte, après l’ajout au Sénat de quelques précisions et d’un second article relatif au contrat d’édition entre auteurs et éditeurs à l’ère du numérique. Cet accord est très attendu par tout le monde du livre, de nombreux contrats étant en suspens tant que la loi ne sera pas effective. À cela, s’ajoute un léger souci de délai, une directive européenne nous interdisant d’adopter le texte avant au moins trois mois. Heureusement, notre ministre, dans sa grande sagesse – reconnue aujourd’hui par tous –, nous propose de solutionner le problème avec un amendement gouvernemental.

L’histoire pourrait s’arrêter là, et ce ne serait qu’une loi de plus votée dans cet hémicycle. En fait, l’aventure ne fait que commencer. Je ne peux m’empêcher de vous raconter les deux chapitres suivants : « Le livre dans tous ses états » et « Un nouveau regard sur Jeff Bezos ».

Il faut vous dire qu’en ce moment, avec le livre, tout est possible. Nous savions déjà que c’est par lui que les révolutions arrivent, ce livre que certains considéraient comme moribond. Et voilà ti pas que les bibliothèques sont envahies, que certains livres sont mis à l’index, que des albums pour enfants sont brandis à la télévision, dénoncés comme instrument de corruption de la jeunesse !

Parmi les 140 000 albums édités chaque année, est propulsé sur le devant de la scène un ouvrage édité en 2011, un album resté dans l’ombre et l’anonymat, jusqu’à ce jour, et qui montre des gens, qui, c’est vrai, ne sont pas très habillés, mais ni plus ni moins que ceux que l’on voit tous les étés sur les plages ! Mais si l’on doit s’en offusquer, que penser d’Ève, que je n’ai jamais vu habillée et à cause de qui nous, les femmes, portons le poids du péché du monde ? Depuis qu’elle a soumis à la tentation, avec sa pomme, ce gros couillon d’Adam, tout aussi à poil qu’elle, l’homme, vexé de n’avoir pas su résister, ne s’en est jamais remis et, chassé du paradis, il a créé la théorie du genre, que l’on appelait encore à l’époque l’inégalité homme-femme. Le tout est raconté dans un gros livre à ne pas mettre entre toutes les mains !

Et si le Printemps français ou, pire, le Salon beige, s’inquiètent toujours de la corruption de la jeunesse, que n’appliquent-ils le principe « action, réaction », si en vogue à Athènes en 399 avant Jésus-Christ, quand Mélétos de Lampsaque a décrété Socrate coupable de ne pas croire aux dieux reconnus par la Cité, d’en introduire de nouveaux et, ainsi, de corrompre la jeunesse ! Cela n’a fait ni une, ni deux : un bon verre de ciguë et de Socrate on ne parle plus. Ou plutôt si, c’est là que l’on a commencé à en parler. C’est tout le problème avec les livres…

Quant à Galilée, en voilà un qui était vraiment dans la lune… Il s’est échiné à écrire un livre sur la trajectoire du Soleil et de la Terre. Heureusement que l’Inquisition y a mis bon ordre en le forçant à abjurer et à renier ses écrits. Mais où allait-on ? Et les contes de fées que l’on met entre les mains de nos chères têtes blondes, brunes ou rousses ? Savez-vous bien ce qu’ils racontent ? Peau d’âne parle d’inceste, Barbe Bleue de maltraitance et d’assassinat de femmes, Le Petit Poucet d’abandon d’enfant, Le Petit Chaperon rouge de pédophilie, La Belle au bois dormant de cannibalisme, etc. Et là, que fait Copé ? Que ne s’indigne-t-il ! Il tolère ? Est-ce à l’ENA que l’on apprend à avoir une lecture aussi « bovariste » de la littérature de jeunesse ?

Et si nous faisions tout simplement confiance à nos enfants, qui se construisent grâce aux livres, et à leurs parents, qui leur choisissent des albums pour répondre à leurs questions incessantes et déstabilisantes ? C’est à ce moment que Jeff Bezos arrive dans notre histoire. Je vous propose de le regarder d’un oeil nouveau. Bien cachée sous les responsabilités de l’homme d’affaires, comment lui faire redécouvrir son âme d’enfant et les joies simples du livre et de la création ? Ses parents l’ont-ils seulement emmené une fois dans une librairie ? En connaît-il les parfums, les sons, le plaisir de caresser un livre encore inconnu que l’on ne possédera qu’en s’en étant imprégné, pénétré, qu’en ne faisant plus qu’un avec les personnages ?

C’est sous l’un des piliers de la salle des Quatre Colonnes que la révélation m’est venue. Ce ne sont pas nos deux articles, aussi bien ficelés soient-ils, qui empêcheront l’armée des juristes d’Amazon de contre-attaquer, de s’engouffrer dans chacune des failles décelées et de facturer les frais de port à un tarif ridiculement bas ! Aussi, maintenant que nous avons fait notre travail de législateur, il est temps de nous retrousser les manches, Christian Kert, car notre devoir est de tenter Jeff Bezos comme sut si bien le faire Ève et de lui faire découvrir un univers inconnu, aux rivages exotiques, de l’aider à passer de l’autre côté du miroir, dans le monde merveilleux du livre et des libraires !

Conduisons-le à Bayonne, par exemple. Surprenons-le, par exemple, devant une de ces librairies qui existent encore, la Librairie de la Rue en Pente. Il suffit de pousser la porte et la magie opère. Le temps ne s’écoule plus ; pas d’envie de livre a priori ; on fouine ; on feuillette ; on perd son temps ; on picore de livre en livre… Quand arrive le libraire, il raconte à Bezos ce qu’il a aimé dans celui-ci, pourquoi il a détesté celui-là, hésitant à conseiller à ce client d’un autre monde la lecture d’A la recherche du temps perdu.

Puis, ressortir, Jeff Bezos serrant son ouvrage sous le bras et prolonger l’instant ; s’asseoir à la terrasse du café d’en face, se réchauffer au soleil printanier, déguster un chocolat chaud, ouvrir le roman conseillé au titre invraisemblable : Tu montreras ma tête au peuple d’un certain Désérable. Et Jeff de lire et relire à voix haute certains passages pour partager l’émerveillement de l’écriture, fasciné par le choc du sens et du son ; savourer chaque mot, reprendre chaque idée, vivre l’expérience du texte qui bouleverse, à mille lieues des hangars sans fin de ses immenses bazars et se dire qu’après tout cela lui plairait assez et le changerait tellement de mettre son énergie à défendre la librairie et la création, les plaisirs simples et sans prix de la vie, la société de l’être plutôt que celle de l’avoir…

Je vois, j’entends déjà les sourires polis ou crispés à l’écoute de cette histoire, les ricanements plus ou moins discrets, les haussements d’épaule blasés ! Aussi, puisque les contes se terminent toujours par une moralité, il doit en être de même pour conclure ces articles de loi. Et parce que nous croyons tous ici en la force et dans le rôle de la culture, cette moralité pourrait être empruntée à John Fitzgerald Kennedy partant à la conquête de l’espace : « Quand on peut le rêver, on peut le faire » !

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je serai beaucoup moins lyrique que ma collègue Sophie Dessus, mais on ne peut l’égaler !

Nos modes de consommation ont profondément évolué. L’avenir de la diffusion du livre et du commerce de détail passe désormais par la vente en ligne et le livre numérique. À cet effet, je tiens à saluer, madame la ministre, votre initiative commune prise, hier, avec Mme Monika Grütters, votre homologue allemande, pour peser sur l’Union européenne, afin qu’elle porte enfin, grâce à des engagements fermes, une vision globale et cohérente des enjeux économiques et culturels du livre.

Donner les moyens aux librairies indépendantes de se battre et d’affronter une concurrence devenue internationale tout en préservant l’esprit de la loi de 1981, tel est le rôle du législateur. Les chiffres publiés au début du mois de février sur le marché du livre en 2013 montrent que le secteur du livre baisse moins que le commerce en général. Toutefois, en dépit de cette érosion des ventes, les librairies indépendantes tiennent bon malgré tout et résistent mieux que les grandes surfaces culturelles.

Les mesures déjà prises depuis plusieurs mois en faveur du secteur de la librairie et des éditeurs par ce gouvernement vont dans le bon sens, qu’il s’agisse de la baisse de la TVA, des différentes aides financières, ou de la création du médiateur du livre. Néanmoins, il restait à aborder la question de la vente en ligne, seul segment du marché du livre en progression. Sur les 3 000 librairies indépendantes existant aujourd’hui dans notre pays, plus d’un tiers d’entre elles sont présentes sur le marché de la vente en ligne et ont besoin de l’aide du législateur pour être plus compétitives.

Face aux stratégies dévastatrices de conquêtes de marchés venues des opérateurs internationaux, il est encore temps d’agir avec détermination.

C’est l’esprit de cette proposition de loi, enrichie et complétée par nos collègues sénateurs, qui a donc pour objet de rétablir une concurrence et un rapport de forces équitable entre librairies physiques et plateformes internationales, dont le leader contrôle déjà le marché à 70 %. Une problématique de monopole que, chers collègues de l’opposition, et permettez-moi ce petit clin d’oeil, vous avez su nous démontrer avec brio, la semaine dernière, par une efficace campagne de publicité en faveur d’un livre de jeunesse qui a hissé ce même livre en tête des ventes d’Amazon.

En interdisant à la fois le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port pour tous les livres dès lors qu’ils ne seront pas retirés dans un commerce de vente au détail de livres, nous arrivons, par le travail législatif conjoint de l’Assemblée et du Sénat, à un texte équilibré et utile pour les libraires.

Quant à l’article 2 introduit par le Sénat, il est effectivement nécessaire de mettre en oeuvre le plus rapidement possible ce contrat d’édition à l’ère du numérique conclu en mars dernier par le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains, cité d’ailleurs en exemple dans le rapport Lescure de mai 2013. D’autant que cet accord sur les conditions de cession et d’exploitation des droits numériques est le fruit d’une très longue discussion entre les deux parties, entamée dès la fin 2009, qui n’avait pas abouti de manière consensuelle, mais que vous avez relancée dès votre arrivée, madame la ministre, en confiant à Pierre Sirinelli une nouvelle mission de médiation. Il s’agit de la plus importante réforme depuis 1957 des dispositions du code de la propriété intellectuelle régissant le contrat d’édition dans le secteur du livre. Au-delà de nouvelles dispositions propres au numérique, c’est l’ensemble des relations entre auteurs et éditeurs qui sont concernées par les mesures proposées.

Au final, ce texte est un soutien supplémentaire offert aux librairies de proximité. Nous ne sommes pas naïfs et gageons ici que les grandes plateformes internationales trouveront bien un moyen de détourner l’esprit de cette loi par d’autres pratiques commerciales avantageuses pour leurs clients, mais jamais elles ne pourront concurrencer la valeur ajoutée que représente l’humanité de nos librairies, vecteurs de notre exception culturelle.

Cet appui est très attendu par les professionnels de la librairie. Comme le souligne le Syndicat de la librairie française, même symbolique, l’avancée n’en est pas moins importante lorsque l’on connaît l’atout que la gratuité intégrale constituait pour Amazon ou la FNAC dans leur stratégie de communication.

Le cumul de ces deux mesures signifie que, désormais, l’achat avec retrait des livres en librairie sera systématiquement moins cher qu’un achat sur internet livré à domicile. Nous saluons donc, unanimement, je pense, cette proposition de loi, sécurisée juridiquement par l’amendement du Gouvernement. Et que vive la librairie indépendante !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Annie Genevard, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite faire ce rappel au règlement, madame la présidente, fondé sur l’article 58, alinéa 3, relatif au déroulement de la séance, à la suite de l’intervention de notre collègue Sophie Dessus. J’ai été surprise et même choquée par la teneur de certains de ses propos. Nous connaissons sa vivacité, son naturel, qui peut être sympathique en commission, encore que les séances en commission soient parfois filmées elles aussi et à la disposition du public, mais il me semble que, dans cette enceinte, devant un public dans lequel se trouvent de très jeunes gens, la solennité doit régner. Pour qualifier par exemple un personnage biblique ou une personnalité de l’opposition, il me semble qu’elle aurait pu y mettre un tout petit peu les formes, parler peut-être de Jean-François Copé plutôt que de Copé.

Nous avons un devoir d’exemplarité dans la tenue, dans la teneur de nos propos, dans la façon de conduire les débats. Je ne suis pas sûre que, ce matin, surtout à propos du livre, de la littérature, des oeuvres de l’esprit, qui peuvent plus que d’autres mettre en valeur la civilité, nous ayons donné en la matière le meilleur exemple.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Je tiens d’abord à vous rassurer, madame Genevard. J’ai, comme, je crois, la majorité de ceux qui se trouvent dans cet hémicycle, écouté l’intervention de Sophie Dessus avec beaucoup de plaisir et d’amusement. Il faut aussi savoir prendre avec l’humour nécessaire ces élans poétiques.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’hémicycle n’est pas un lieu d’amusement !

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

De grands auteurs se sont d’ailleurs parfois laissés aller. Je pense par exemple à Montaigne soulignant que, sur quelque trône que l’on siège, on n’y est jamais assis que sur son…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Décidément, ce sont des références qui vous plaisent !

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

C’est Montaigne, je n’y peux rien. Pour moi, en tout cas, le livre Tous à poil est une manière de rappeler que, quelle que soit notre position sociale, nous sommes toujours des êtres humains,

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

et qu’il y a heureusement entre les êtres humains un certain nombre de points communs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous ne venez pas ici en jeans et en baskets, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

L’on peut aussi saluer la poésie qu’a mise Sophie Dessus dans son intervention.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Ce n’est pas toujours le cas sur ces bancs. Nous sommes souvent, – et nous au Gouvernement les premiers –, assez techniques, et ce n’est pas toujours extrêmement attrayant, y compris pour le public, auquel je fais confiance pour prendre avec le recul nécessaire les propos des uns et des autres.

Vous vous interrogez, madame Genevard, sur l’ampleur de la proposition de loi. Il me semble qu’elle répond aux usages d’aujourd’hui. Ce n’est pas un texte contre le commerce électronique. Bien au contraire, nous souhaitons améliorer le service en ligne offert par nos libraires, en particulier les libraires indépendants, les accompagner, notamment sur les délais de livraison en quarante-huit heures. C’est évidemment une évolution indispensable, et les éditeurs doivent pouvoir eux aussi livrer les libraires en quarante-huit heures afin qu’ils ne soient pas trop désavantagés par la concurrence des sites de vente en ligne.

C’est une loi contre les stratégies commerciales prédatrices de certains acteurs. Elle ne résoudra évidemment pas tous les problèmes, mais elle s’inscrit dans un cadre plus général, le plan d’aide à la librairie, que vous avez évoqué.

Sur la notification, vous avez parlé de l’« incurie » de mes services. Je ne peux pas vous laisser dire cela. Nous sommes tous extrêmement impatients de voir s’appliquer ces dispositions que nous avons imaginées ensemble, et la notification a été faite à Bruxelles dans les délais impartis, c’est-à-dire moins de quinze jours après la dernière discussion au Sénat. Il ne peut y avoir de notification qu’une fois que le texte est stabilisé. Donc, même si on l’avait notifié après son examen à l’Assemblée, on aurait dû recommencer après le passage au Sénat puisque ce n’était pas le même. Courait alors le délai de trois mois. Mais entretemps, notre fougue commune – et nous sommes évidemment très fiers et très heureux d’avoir cette passion commune pour le livre –, nous a conduit à préciser les choses avant une nouvelle lecture au Sénat. Cela n’alourdira pas la procédure parlementaire. Il y aura simplement deux lectures à l’Assemblée et au Sénat, comme c’est toujours le cas lors des navettes, et la loi sera définitivement applicable soit en avril, si la Commission prend trois mois, soit en septembre, si elle prend six mois.

Ce texte n’est évidemment pas le seul élément du plan librairie. Les librairies sont des lieux de vie, comme l’a souligné Rudy Salles, des lieux essentiels aussi pour la sociabilité dans les territoires ruraux. C’est pourquoi j’y suis attachée. Le plan librairie, je le rappelle, a permis de dégager des crédits importants pour l’ADELC afin de favoriser la transmission des entreprises et d’améliorer la trésorerie des entreprises, pour l’IFCIC, afin que l’on prête aux entreprises de vente de livres. Cela représente 5 et 4 millions d’euros, 2 millions d’euros ayant été ajoutés aux crédits du CNL en faveur de la libraire, ce qui fait donc 11 millions des pouvoirs publics, ce à quoi s’ajoutent les 7 millions d’euros promis par les éditeurs, qui veulent s’engager eux aussi dans le soutien à la librairie indépendante. Ce sont donc en tout 18 millions d’euros supplémentaires qui sont disponibles pour nos libraires.

Une partie de ces fonds ont déjà été mobilisés pour résoudre la crise des librairies du réseau Chapitre, auxquelles faisait allusion Marie-George Buffet et, s’il reste certes des cas douloureux, notamment les huit qu’elle a cités, sur lesquels nous continuons de travailler, trente-quatre librairies sur les cinquante-sept ont été reprises. L’on a ainsi sauvé d’ores et déjà 750 emplois, et notre mobilisation ne faiblit pas, avec, notamment, un projet à l’étude sur la librairie Les Volcans à Clermont-Ferrand. C’est tout de même un beau succès face à la crise des librairies Chapitre.

Pour compléter le plan librairie, madame Attard, a été créé enfin un médiateur du livre, qui va permettre de résoudre les litiges entre les différents acteurs de la chaîne du livre, et les agents du ministère de la culture seront désormais assermentés pour faire constater toutes les infractions à la loi sur le prix unique du livre.

Enfin, vous l’avez souligné, madame Bourguignon, nous avons fait hier avec la ministre allemande de la culture, Monika Grütters, une déclaration conjointe extrêmement importante puisque c’est la première fois que l’Allemagne s’engage de manière aussi forte en faveur de la TVA réduite sur le livre numérique, une TVA homogène avec celle sur le livre physique, c’est-à-dire que l’Allemagne a désormais rejoint la position française, ce qui sera donc pour nous un appui majeur vis-à-vis de la Commission européenne.

Il y a aussi dans les tuyaux le projet de loi sur le commerce, qui permettra de lisser l’évolution des baux commerciaux, pour qu’ils ne puissent pas augmenter de plus de 10 % par an. Les collectivités qui souhaitent accompagner les librairies auront la possibilité d’exonérer de CET celles qui ont le label LIR.

Notre solidarité est évidemment totale avec les bibliothécaires, chère Marie-George Buffet. Je l’ai fait savoir immédiatement, dès que j’ai pris connaissance des pressions qui s’exerçaient sur certaines bibliothèques pour exiger le retrait de certains titres. C’est évidemment inacceptable.

Parmi les autres mesures, je rappelle que la TVA sur le livre a été ramenée à 5,5 % dès 2012. Le taux que vous avez voté pour le livre numérique permettra d’avoir une TVA à taux réduit sur tous les livres, qu’ils soient physiques ou numériques.

La campagne « Mars, le mois des mots » va permettre de mettre en avant l’ensemble de notre réseau, les libraires, les éditeurs, les bibliothécaires, les auteurs bien sûr. « Mars, le mois des mots », c’est à la fois le Printemps des poètes, la semaine de la presse à l’école, la semaine de la langue française et de la francophonie, et ce sera aussi, à la fin du mois, le Salon du livre. Le mois de mars sera donc un mois où l’on pourra beaucoup parler de livres, de littérature, et c’est une excellente chose.

Cela n’empêche évidemment pas que l’on puisse examiner la proposition d’organiser une campagne de communication particulière en faveur de nos librairies.

Monsieur Charasse, la promotion de la lecture dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle dans le temps périscolaire est évidemment essentielle. Les jeunes doivent être bien dans leur langue. Il faut continuer de se battre contre l’illettrisme. Il y a encore en France 2,5 millions de personnes qui souffrent d’illettrisme et je souhaite que l’on profite aussi de ces temps d’éducation artistique périscolaire dégagés par la réforme des rythmes scolaires pour favoriser une autre approche du livre et de la lecture.

Concernant l’habilitation à légiférer par ordonnance, je crois que nous sommes tous favorables sur le fond à l’accord sur le livre numérique passé entre les auteurs et les éditeurs. Le moyen le plus rapide de le mettre en oeuvre, c’était d’utiliser le premier véhicule législatif qui s’offrait à nous. C’est cette proposition de loi, et je remercie d’ailleurs l’opposition d’avoir accepté que l’on puisse y inclure une habilitation à légiférer par ordonnance. C’est vrai que tout cela est assez inédit du point de vue du droit parlementaire, mais c’est, nous le reconnaissons tous, dans l’intérêt du livre, de la lecture et de nos librairies.

Nous sommes dans l’urgence, bien entendu, mais l’on ne va pas décaler de plus de trois ou six mois la mise en oeuvre de ces différentes dispositions. Eu égard aux menaces en général qui pèsent sur le secteur du livre mais, surtout, à la force de frappe procédurale de nos adversaires en cette matière, nous devons être prudents, et il vaut mieux prendre un peu plus de temps pour consolider le texte. Je vous rappelle qu’il y avait eu quatre ans de discussion et de négociation avant la signature de l’accord sur l’édition numérique au mois de mars dernier. Le temps parlementaire a aussi ses exigences, que nous devons respecter.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de cette belle solidarité que vous témoignez en faveur du livre et de la librairie. Face à un acteur de la mondialisation aux stratégies commerciales particulièrement agressives, comme Isabelle Attard l’a souligné, nous devons nous montrer tous très mobilisés et vigilants, afin de ne pas laisser détruire un écosystème fragile, celui du livre et de la lecture.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.

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J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

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À l’article 1er, la parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1 .

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Cet amendement a précisément pour objet de supprimer le délai de trois mois introduit par le Sénat avant l’entrée en vigueur effective de la disposition encadrant les conditions de la vente à distance de livres. Ces conditions, adoptées à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat en première lecture, sont des règles techniques qui, en application de la directive 9834, doivent, préalablement à leur adoption, faire l’objet d’une procédure de notification à la Commission européenne ainsi qu’aux autres États membres. Compte tenu de l’importance de ce texte et de l’unanimité que vous avez manifestée lors de son adoption, le Gouvernement a souhaité lui conférer la plus grande sécurité juridique. C’est pourquoi je vous propose de supprimer ce délai de trois mois, devenu inutile étant donné qu’un délai analogue s’applique désormais du fait de la notification de notre proposition de loi à la Commission européenne.

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La parole est à M. Michel Ménard, vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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Le Gouvernement a notifié la présente proposition de loi à la Commission européenne à la mi-janvier, à la suite de son adoption par le Sénat, afin de permettre à la Commission ou à un État membre d’émettre, le cas échéant, un avis circonstancié sur les éventuels obstacles que créerait ce texte à la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur. Ainsi que l’a rappelé Mme la ministre, l’article 9 de la directive prescrivant un délai de trois mois minimum, une adoption conforme la proposition de loi ne pourrait intervenir avant la mi-avril. L’amendement du Gouvernement me paraît d’une grande sagesse : il permet de respecter les termes de la directive européenne, et plus spécifiquement le délai de statu quo requis avant l’adoption des dispositions notifiées.

J’ai entendu Mme Genevard regretter l’arrivée de cet amendement alors que nous avions stabilisé le texte : il s’agit tout simplement d’un amendement de prudence. Il est d’ailleurs courant que des amendements gouvernementaux viennent sécuriser et préciser un texte. Il ne répond à aucun autre objectif.

La commission, le rapporteur le confirmera, n’a évidemment pas pu se prononcer sur cet amendement présenté en séance, mais, à titre personnel, et en tant que représentant du président de la commission, je le voterai et j’invite mes collègues à faire de même.

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Quel est l’avis de la commission sur cet amendement no 1  ?

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Je confirme les propos du vice-président de la commission. Notre commission n’a pas examiné cet amendement, qui n’est toutefois pas une surprise. Comme je l’ai dit à la tribune, j’y suis favorable, car il permet, me semble-t-il, de bien huiler la marche de ce texte. J’ajouterai seulement qu’il serait bon et pour tout dire prudent, madame la ministre, d’aller expliquer aux acteurs du domaine la nécessité de reporter quelque peu l’application de ce texte. Nous n’avons cessé de plaider l’urgence et, dans la mesure où c’est nous-mêmes qui mettons à présent un petit frein à l’urgence, un peu de pédagogie me paraît s’imposer… Et je me permets de penser, madame la ministre, que c’est là votre mission.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Tout à fait.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je trouve intéressante la rédaction de l’exposé sommaire de l’amendement, qui tend, comme toujours, à reporter sur l’Europe la responsabilité de nos maux et de ce qui nous embarrasse. Je persiste à penser, madame la ministre, que quelque chose ne s’est pas bien passé de votre côté. Le texte a été adopté en première lecture le 3 octobre 2013. Il était quasiment stabilisé. Il aurait pu être notifié à ce moment. Admettons que cette stabilisation n’ai pas été suffisante ; il fallait alors le présenter au lendemain de l’adoption en première lecture par le Sénat, le 9 janvier au matin. Or vous avez attendu près de trois semaines, puisque vous l’avez notifié à la Commission européenne aux alentours du 20 janvier.

C’est vous qui nous avez demandé d’avancer l’examen de ce texte dans notre niche parlementaire. Nous avions prévu de le présenter en avril, vous donnant ainsi un délai supplémentaire qui vous était nécessaire. Vous avez demandé d’en anticiper l’examen et c’est à ce moment-là que vous vous êtes rendu compte que la Commission européenne n’avait pas été sollicitée comme elle aurait dû l’être. Ne nous racontons pas d’histoires : il y a eu, reconnaissez-le, un oubli fâcheux, tout le monde s’en est d’ailleurs ému. Le voilà corrigé par cet amendement nécessaire. On est souvent trop technique, avez vous dit ; en l’occurrence, vous ne l’avez pas été assez. Et pour protester contre ce manque de technicité, nous nous abstiendrons.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Je vais faire oeuvre de pédagogie, en tout cas essayer… Tout le monde est d’accord sur ce texte. Nous avons utilisé une proposition de loi de l’opposition, en l’occurrence de l’UMP, dans laquelle nous avons introduit une habilitation pour le Gouvernement à légiférer par ordonnance – initiative tout à fait originale. La discussion au Sénat a eu lieu le 9 janvier. Le texte a été notifié à la Commission européenne le 16 janvier. Le délai de trois mois courait à partir de ce moment. Nous avions discuté avec Christian Kert de la possibilité d’inscrire le texte dans la niche parlementaire UMP d’aujourd’hui, ce qui a été fait, mais il n’a pas été possible de le déprogrammer dès lors que courait ce délai de trois mois.

Nous avons tous notre part de responsabilité, mais, de grâce, dédramatisons. Concrètement, la seule chose que cela changera, c’est qu’une lecture sera ajoutée au Sénat, dont nous aurions pu nous passer mais que nous ne pouvions finalement éviter puisqu’il nous fallait attendre le retour de notification pour adopter un texte stabilisé. En fait, nous revenons à la procédure normalement suivie pour tous les textes : une première lecture à l’Assemblée et au Sénat, puis une deuxième lecture. Pour ce qui est du calendrier, ce sera avril, ou au plus tard septembre si la Commission demande un délai supplémentaire de trois mois. Voilà ce que cela changera concrètement pour les professionnels, auxquels le rapporteur a raison de penser.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Convenez, madame la ministre, qu’il aurait tout de même été plus logique, plus lisible, plus cohérent de notifier le texte et d’attendre la réponse de l’Europe avant de voter définitivement la loi.

L’amendement no 1 est adopté.

L’article 1er, amendé, est adopté à l’unanimité.

L’article 2 est adopté.

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Je n’ai pas reçu de demande d’explication de vote.

Je mets donc aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.

(Applaudissements sur divers bancs.)

Vote sur l’ensemble

La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique créant des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie (nos 13, 1790).

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La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, aujourd’hui encore plus qu’hier, notre pays est confronté à un défi de taille : comment garantir la pérennité de notre modèle social et de ses résultats de matière de santé tout en cassant la dynamique des dépenses qui ne peuvent être couvertes par des recettes stables ? La proposition de loi organique que j’ai l’honneur de vous présenter offre une solution en vous proposant de dépenser mieux plutôt que de dépenser plus, en dotant une politique régionalisée de santé de véritables moyens décloisonnés, sous le contrôle du Parlement.

Depuis le vote de la loi constitutionnelle du 22 février 1996, la maîtrise des dépenses de santé repose notamment sur le vote par le Parlement d’un objectif national des dépenses d’assurance maladie, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Cet ONDAM, dont le montant annuel est de l’ordre de 175 milliards d’euros, était jusqu’à peu décomposé en six sous-objectifs, auxquels s’est ajouté, depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, le fonds d’intervention régional. En outre, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a mis en place les agences régionales de santé, qui devaient permettre de décloisonner les différents secteurs de la santé – hôpital, prévention, ambulatoire et médico-social – pour favoriser une approche transversale des sujets. Les ARS se sont vu confier plusieurs missions majeures dont l’organisation, les autorisations, la régulation et le contrôle des acteurs de l’ensemble du champ de la santé.

Cependant, près de quatre ans après, nous avons pu constater, chacun dans nos territoires, les limites de cette démarche. Si la logique de contractualisation, la régionalisation de la démocratie sanitaire ou encore la régulation de l’offre de soins de proximité apparaissent comme de véritables avancées, les agences régionales de santé ne disposent pas encore des leviers d’action indispensables à la bonne conduite de ces objectifs, ni même d’une autonomie budgétaire réelle vis-à-vis du niveau national.

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Ainsi, des projets innovants ont été mis en place par les territoires, qui ont permis notamment de s’engager dans des démarches de prévention et de limitation des hospitalisations, mais la pérennité de leur financement est souvent difficile à garantir. De fait, les ARS ne disposent pas d’un volant suffisant pour engager des dépenses qui conduisent à une amélioration du service et à une diminution des coûts, car leurs ressources sont affectées à des objectifs sans fongibilité des enveloppes.

C’est la raison pour laquelle, au début de la présente législature, avec Patrice Martin-Lalande, Gilles Carrez, Denis Jacquat, Maurice Leroy, Bernard Perrut et Bérengère Poletti, nous avions déposé la présente proposition de loi organique, afin d’introduire au sein des lois de financement de la Sécurité sociale des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie. Cette part régionale de l’ONDAM permettrait d’orienter une partie des dépenses d’assurance maladie, en fonction des spécificités et des besoins de santé constatés, vers le financement de projets innovants porteurs d’efficacité.

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Dans le cadre de cette nouvelle enveloppe régionale, le Parlement serait également amené à déterminer le montant des vingt-six ORDAM, construits sur le modèle de l’ONDAM. En outre, le montant de chaque sous-objectif de l’ONDAM et des ORDAM ne serait plus fixé qu’à titre indicatif, afin de favoriser la fongibilité des crédits entre les sous-enveloppes. En conséquence, le contenu du rapport annexé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale de l’année devrait être modifié, afin que celui-ci décrive notamment la part de l’ONDAM consacrée aux ORDAM pour les quatre années à venir. De la même manière, l’annexe spécifique du PLFSS consacrée à l’ONDAM devrait présenter l’évolution, au regard des besoins de santé publique dans chaque région, des soins financés au titre des ORDAM ainsi que les modifications de périmètre éventuelles des ORDAM. Enfin, la présente proposition de loi organique modifierait les conditions de vote de la loi de financement de la Sécurité sociale afin de permettre au Parlement de se prononcer, par un vote distinct de l’ONDAM, sur le montant de la part régionale de l’ONDAM consacrée aux ORDAM, ainsi que sur le montant des vingt-six ORDAM.

Cependant, mes chers collègues, depuis le dépôt de notre proposition de loi organique le 27 juin 2012, il y a plus de dix-huit mois, le législateur n’a cessé de promouvoir la démarche de régionalisation qui la sous-tend. Ainsi, l’article 65 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 a créé le fonds d’intervention régional, en fusionnant des crédits et des dotations existants au sein de l’ONDAM, afin de donner à nos agences régionales de santé des instruments financiers souples et faciles d’emploi pour les mettre en situation de responsabilité. La création du FIR visait ainsi à promouvoir une plus grande transversalité des moyens de financement des agences, en favorisant en particulier le décloisonnement entre l’offre ambulatoire et hospitalière, l’offre sanitaire et médico-sociale, ainsi qu’entre les soins et la prévention.

D’un montant de 1,5 milliard d’euros en 2012, le FIR est passé à 3,3 milliards d’euros en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, en raison d’un élargissement de son périmètre initial à certaines missions d’intérêt général ainsi qu’à des enveloppes destinées à améliorer les parcours de soins. Enfin, il y a quelques semaines seulement, l’article 65 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 a érigé le FIR en nouveau sous-objectif de l’ONDAM.

Cette démarche doit être aujourd’hui élargie. Le rapport au Parlement du comité d’évaluation de la loi HPST, conduit par M. Jean-Pierre Fourcade et dont j’étais l’un des membres, estimait il y a trois ans que, les ARS devraient bénéficier à court terme d’une importante fongibilité de leurs moyens d’intervention et que, à moyen terme, le financement de la santé devrait évoluer vers la définition d’objectifs régionaux de dépenses de l’assurance maladie.

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Ainsi, si les auditions menées ont démontré que la création du FIR répondait parfaitement aux objectifs de transversalité et de mise en responsabilité des agences régionales de santé, en pratique cela s’avère insuffisant.

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En effet, le FIR n’est jusqu’à maintenant constitué que d’une compilation de sous-enveloppes de dépenses préexistantes, de sorte que les directeurs des agences régionales de santé ont toujours l’impression que l’essentiel des crédits du FIR sont en réalité fléchés. Selon M. Claude Évin, directeur de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, plus de 90 % de l’enveloppe consacrée au FIR en 2013 pour son agence correspondrait ainsi à des dépenses contraintes, si bien que les marges de manoeuvre pour financer des projets innovants dans cette région au titre du FIR seraient limitées à 5 ou 10 % des crédits, soit moins de 58 millions d’euros sur une enveloppe d’environ 580 millions d’euros consacrée au FIR.

Pour tirer les conséquences des évolutions législatives antérieures, il serait pertinent de mettre à jour la présente proposition de loi organique en consacrant, sur le plan tant organique que politique, la création du FIR en lieu et place des ORDAM. Je vous proposerai par conséquent, madame la ministre, mes chers collègues, plusieurs amendements visant à adapter le présent texte aux évolutions intervenues depuis 2012. Ceux-ci ont le mérite de confier aux parlementaires que nous sommes le soin de fixer le montant global de la part de l’ONDAM qui revient au FIR avant de déterminer la répartition des dépenses affectées aux autres sous-objectifs de l’ONDAM. Il ne s’agira donc plus de créer vingt-six ORDAM, comme le prévoyait notre texte initial, mais simplement de donner une plus grande latitude d’action aux agences régionales de santé.

Avec cette proposition de loi organique, madame la ministre, nous souhaitons ainsi sanctuariser politiquement et juridiquement le FIR afin qu’il puisse être voté chaque année par le Parlement, puisqu’il est devenu un outil fondamental pour l’action des agences régionales de santé. Ces amendements constituent l’aboutissement de la démarche de déconcentration de la politique de santé publique au niveau régional, sous le contrôle du Parlement, sans toutefois remettre en cause la capacité de l’État à arbitrer la répartition du FIR en fonction des besoins de santé et des spécificités de chaque région.

Lors des débats en commission, pour expliquer pourquoi la majorité refuserait de débattre la présente proposition de loi organique, notre cher collègue Gérard Bapt nous a annoncé que le Gouvernement serait sur le point de soumettre au Parlement, d’ici à quelques mois, un projet de loi portant à la fois sur l’organisation des soins et la santé publique. Cependant, cela n’est pas un argument suffisant…

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…pour écarter l’adoption de la présente proposition d’un revers de la main. De fait, ses dispositions ne pourront pas être reprises dans le cadre d’un projet de loi ordinaire, monsieur Bapt, car les modalités de présentation des projets de loi de financement de la Sécurité sociale relèvent de la loi organique et non pas de la loi ordinaire.

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Si la majorité soutient notre démarche, qui me semble avoir convaincu de nombreux députés sur tous les bancs, il convient de lui donner dès à présent une traduction juridique, au moyen d’un texte qui pourra être amélioré au cours de la navette parlementaire. C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, sans esprit partisan, je vous invite à adopter non pas le texte que nous avions déposé il y a presque deux ans, mais celui, adapté et mis à jour, qui résulterait de l’adoption des amendements que je vous présenterai. Ainsi amendée, cette proposition de loi organique permettra de pérenniser et de consacrer une démarche engagée en 2012 par le Parlement – c’est bien cette responsabilité des parlementaires qui est fondamentale – : donner aux agences régionales de santé un réel budget régional de santé, permettant de mener une politique de santé innovante et décloisonnée, sous le contrôle du Parlement. Votre région, madame la ministre, souhaite également en bénéficier, tout comme votre agence régionale de santé.

Il s’agit donc d’une démarche complémentaire, et non pas fongible, dans le cadre de l’examen d’un futur projet de loi de santé publique. Elle met à jour les dispositions organiques grâce auxquelles la régionalisation et le contrôle parlementaire constitueront deux axes d’une politique de santé que tous nous appelons de nos voeux, loin de tout esprit partisan.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

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Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à introduire dans la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale des objectifs de dépenses d’assurance maladie définis par région, couramment appelés entre connaisseurs « objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie ». Ces ORDAM seraient votés en même temps que les sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, le fameux ONDAM, constitué des dépenses de ville, des dépenses des établissements de santé, des dépenses en faveur des personnes handicapées, des personnes âgées en perte d’autonomie et de publics spécifiques, et enfin du fonds d’intervention régional sur lequel je reviendrai ultérieurement.

Votre objectif, ainsi que vous l’expliquez dans votre rapport, monsieur Door, consiste à donner aux agences régionales de santé des marges de manoeuvre pour dépenser mieux en créant au sein de l’ONDAM une part régionale orientant une partie de la dépense d’assurance maladie en fonction de spécificités et de besoins de santé constatés vers le financement de projets innovants et efficients. Nous approuvons cet objectif. Votre texte, monsieur le rapporteur, tente d’atteindre l’objectif d’une régionalisation accrue du pilotage de la dépense de santé et vise à donner des leviers d’action budgétaire aux agences régionales de santé afin qu’elles puissent adapter au mieux leur politique aux besoins de la région et soutenir les projets innovants émergeant des territoires.

Ces objectifs, vous le savez, sont pleinement les nôtres. Vous avez déposé la présente proposition de loi il y a déjà près d’un an et demi et nous avons pris depuis des décisions qui la rendent inopérante, permettez-moi de le dire. En effet, nous avons renforcé la dynamique des fonds d’intervention régionale et nous nous sommes engagés avec force dans la lutte contre les inégalités territoriales de santé dans le cadre du pacte territoire santé, sur lequel je reviendrai. Le FIR est réparti entre les agences régionales de santé ; grâce au FIR, les ARS disposent de moyens financiers à leur main pour orienter les efforts budgétaires vers les politiques et les projets qu’elles jugent prioritaires.

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Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Nous avons renforcé le FIR de plusieurs façons. Nous avons d’abord considérablement augmenté ses moyens budgétaires, dont vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, qu’ils sont passés de 1,328 milliard d’euros en 2012 à 3,407 milliards d’euros en 2014, soit une multiplication par plus de 2,5. Par ailleurs, nous avons permis dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 le transfert d’une partie de la dotation annuelle de financement, aux établissements de santé et au FIR, dans la limite de 1 % de la dotation. Cette décision relève de la direction générale de l’agence régionale de santé, preuve, là encore, que nous croyons en une responsabilisation accrue des décideurs de terrain en matière d’orientation de la dépense de santé.

Enfin, nous avons inscrit le FIR comme sous-objectif au sein de l’ONDAM. Le Parlement peut ainsi vérifier chaque année l’évolution des crédits du FIR et de ceux des autres sous-objectifs. Nous estimons qu’une telle visibilité, en loi annuelle de financement de la Sécurité sociale, est satisfaisante pour la représentation nationale. Une inscription du FIR comme sous-objectif au niveau même la loi organique nous paraît inutile. Aucun des sous-objectifs de l’ONDAM ne figure dans la loi organique ; seul leur principe s’y trouve. Pourquoi les crédits du FIR bénéficieraient-ils d’une telle sanctuarisation, au niveau de la loi organique, et non un autre sous-objectif, par exemple celui, qui m’est cher, des moyens de l’assurance maladie consacrés aux personnes âgées en perte d’autonomie ? L’objectif et le fonctionnement du FIR sont aussi importants que ceux des autres sous-objectifs de l’ONDAM.

Pour ce qui est de l’égalité territoriale de santé, la proposition de loi que nous examinons est animée d’une intention légitime, celle de répartir équitablement les ressources budgétaires destinées au financement du système de santé. Plusieurs enveloppes intégrées aujourd’hui au FIR sont calculées selon des critères prenant en compte les besoins des territoires en fonction d’indicateurs sociaux, médicaux et démographiques : c’est le cas, par exemple, des crédits de prévention. Un effort de péréquation régionale a également été réalisé pour les crédits d’aide à la contractualisation des établissements de santé. Mais l’équité entre régions et territoires n’est pas qu’une affaire de quantum : aucun indicateur budgétaire, aussi sophistiqué soit-il, ne peut s’assurer que les ressources vont au bon endroit.

Le rapport daté du mois de décembre 2011 du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, jugeait que la construction des ORDAM et leur taux d’évolution seraient beaucoup plus complexes et imprécis que ceux déjà délicats de l’ONDAM national. En outre, il est peu souhaitable de focaliser les débats du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sur des comparaisons région par région, opposant bons et mauvais élèves, gros et petits consommateurs de soins. Un tel affichage ne peut être envisagé qu’avec une très grande prudence et une très grande circonspection afin de ne pas heurter la logique profondément solidaire de notre système universel d’assurance maladie.

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Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Au lieu de nous lancer dans des constructions budgétaires de plus en plus complexes nécessitant de la part de notre administration une mobilisation de spécialistes réunis en conclave pour peaufiner des critères abstraits, pensons en termes de résultats pour nos concitoyens et pour les patients qui en ont bien évidemment besoin. C’est bien ce que le Gouvernement a initié avec le pacte territoire santé, dont Marisol Touraine a récemment fait le bilan à l’occasion de son premier anniversaire. Nous avons pris des engagements pour l’égal accès aux soins des Français et avons commencé à les tenir. Aujourd’hui, un million de Français sont à plus de trente minutes d’une prise en charge en urgence ; ils étaient deux millions il y a un an et avant la fin du mandat, il n’y en aura plus. Lorsque nous prenons des engagements de ce type, c’est bien sûr vers les territoires et les populations qui en ont le plus besoin que les moyens budgétaires sont orientés.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement donnera un avis favorable aux amendements déposés par le groupe socialiste. Nous vous invitons, mesdames et messieurs les députés, à poursuivre le débat dans le cadre des travaux relatifs à la stratégie nationale de santé menés actuellement dans les territoires. Vous êtes d’ailleurs nombreux, ce dont ma collègue Marisol Touraine vous remercie, à avoir participé aux forums organisés par les agences régionales de santé afin de penser et construire ensemble notre système de santé.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier mon groupe et son président Christian Jacob de l’inscription de la discussion de notre proposition de loi organique à l’ordre du jour de cette séance de l’Assemblée nationale. Avec mes collègues Gilles Carrez, Jean-Pierre Door, notre excellent rapporteur de ce jour, Denis Jacquat, Maurice Leroy, Bernard Perrut et Bérangère Poletti, nous avions en effet déposé le 27 juin 2012 l’une des premières propositions de loi de la présente législature. Comme l’a bien rappelé Jean-Pierre Door et confirmé Mme la ministre à l’instant, cette proposition de loi organique vise un objectif rejoignant les réflexions menées actuellement dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Les évolutions importantes intervenues depuis fin 2011 que sont la création du fonds d’intervention régional, le FIR, puis son développement fin 2012 et fin 2013 dans les PLFSS successifs, nous conduisent à réviser les moyens juridiques à mettre en oeuvre pour atteindre notre objectif budgétaire et sanitaire, comme l’a dit il y a quelques instants Jean-Pierre Door.

C’est la raison pour laquelle, après une série d’auditions tout à fait intéressantes, nous avons déposé des amendements adaptant notre proposition de loi initiale au nouveau contexte. Je crains néanmoins que, même adaptée, notre texte n’obtienne pas le soutien du Gouvernement et de sa majorité parlementaire – Mme la ministre le laissait entendre à l’instant. Je me réjouis malgré tout que la discussion permette d’avancer ce matin dans la définition de l’indispensable statut d’adaptation des financements de la Sécurité sociale pour donner leur place aux innovations dont résultent à la fois une meilleure réponse aux problèmes de santé et des économies budgétaires pour la Sécurité sociale.

Telle est en effet la préoccupation à l’origine de la proposition de loi déposée avec le soutien de mes amis cosignataires. Elle est née du constat, dressé en commun avec Maurice Leroy dans notre département du Loir-et-Cher, de la grande difficulté à mobiliser durablement les financements nécessaires pour pérenniser les innovations de présence médicale en zone rurale, comme la plate-forme alternative d’innovation en santé – PAIS – ou la réorganisation des soins grâce à la présence permanente d’un médecin dans l’EHPAD de Châteauvieux.

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Certes, nous avons obtenu des éléments de réponse positifs, mais au prix d’une mobilisation des ministres et des directeurs généraux d’ARS successifs dépassant ce que l’on peut raisonnablement considérer comme un processus normal de décision pour le financement durable d’une innovation ! Pourtant, les objectifs fixés ont bien été atteints, en particulier celui d’une nette amélioration de l’accès aux soins médicaux permettant une forte réduction du recours à l’hospitalisation et des coûts qui en découlent. On a ainsi constaté à l’EHPAD de Châteauvieux depuis trois ans une économie annuelle moyenne de plus de 850 000 euros en coûts d’hospitalisation et de médicaments grâce à la présence d’un médecin épaulé par tout le personnel.

La mise en place d’assistants de régulation et d’orientation des appels dans le cadre de la plate-forme PAIS libère entre une heure et une heure et demie chaque jour pour les médecins. Ce temps est utilisé à une meilleure prise en charge des soins, en particulier les soins imprévus, et à une action de prévention. Une économie annuelle de plusieurs centaines de milliers d’euros a été constatée dans le secteur de la Vallée du Cher autour de Saint-Aignan, Soings-en-Sologne et Saint-Georges-sur-Cher en évitant l’hospitalisation et son cortège de dépenses. Son autre avantage considérable, peut-être même le premier, est de favoriser le maintien et l’implantation de médecins en zone rurale en leur assurant un mode de vie plus conforme aux attentes des médecins d’aujourd’hui, ce qui constitue un important moyen de lutte contre la désertification médicale de nos campagnes.

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Pour cette dernière opération, les difficultés rencontrées viennent du fait qu’au-delà des crédits apportés à titre expérimental par l’ARS pendant trois ans, ce dont nous la remercions, il est demandé aujourd’hui aux collectivités territoriales de prendre le relais du financement de cette opération, pourtant, source d’économies substantielles pour la Sécurité sociale. Nous pourrons en convenir ensemble sur tous les bancs : c’est à la fois budgétairement insupportable pour les collectivités et politiquement injustifié de les mettre à contribution alors que c’est le budget de la Sécurité sociale qui est le grand gagnant de ces évolutions.

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Non. Si les moyens restent à mobiliser, le gain, lui, est avéré ; reste à le redistribuer.

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Tout à fait. Venez donc le vérifier dans mon département, monsieur Bapt : je vous y invite !

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Je souhaite vivement que notre discussion et les engagements du Gouvernement puissent contribuer à résoudre le problème de l’adaptation des financements de la Sécurité sociale pour prendre en compte les innovations grâce à une meilleure fongibilité. En effet, avec M. Jean-Pierre Door et les autres cosignataires du texte dont M. Gilles Carrez, président de la commission des finances que je remercie de sa présence, nous pensons aujourd’hui que le renforcement du statut du FIR et du contrôle parlementaire annuel sur ce Fonds permettra d’atteindre à coup sûr cet objectif de meilleure fongibilité.

À mes yeux, plusieurs problèmes restent à résoudre. Tout d’abord, il faut que le FIR apporte aux ARS une marge de décision de financement supérieure aux 5 % à 10 % rappelés tout à l’heure par notre rapporteur et dont M. Claude Évin avait fait état lors de son audition par la commission. En effet, le FIR, dans l’état actuel des choses, regroupe un certain nombre de fonds préexistants dont les financements sont déjà affectés – et le restent – à des opérations antérieures. Il n’apporte donc en lui-même qu’un principe et une possibilité virtuelle, mais finalement peu de marge de manoeuvre concrète.

Ensuite, nous sommes tous conscients que la fongibilité exige une démarche d’évaluation permettant de mesurer précisément et objectivement les aspects positifs et négatifs des innovations. Cette évaluation est pour l’instant confiée aux ARS, dont la charge de travail et le niveau d’expertise ne permettent pas toujours d’accomplir cette mission. Il faudrait renforcer et mutualiser les moyens d’évaluation des ARS, sans doute en y ajoutant une capacité d’expertise nationale pour aider les expériences les plus réussies, afin qu’elles soient rapidement validées.

Enfin, lorsque l’évaluation a permis de constater la nécessité de pérenniser le financement d’une innovation qui apporte à la fois une meilleure réponse sanitaire et une économie budgétaire, il faut transformer un « financement expérimental » en « financement de droit commun ». De ce point de vue, chacun comprend bien que l’une des difficultés tient naturellement au temps nécessaire pour qu’une non-consommation, par exemple de journées d’hospitalisation, se transforme en une économie dans le budget de la Sécurité sociale par l’adaptation de l’offre de soins à la nouvelle demande. Nous sommes conscients de ces réalités, mais ce temps d’adaptation ne suffit pas à justifier le blocage du financement des innovations, car le rythme de mise en oeuvre des innovations souhaitables dépendrait alors de ce qui demande à être changé. Or, en ces temps de recherche de la meilleure efficacité des dépenses de santé, il serait paradoxal d’attendre passivement cette adaptation pour libérer des ressources indispensables au financement des innovations.

L’idée pourrait être de transformer le FIR en une « enveloppe de santé publique », en quelque sorte, pour le financement transitoire des innovations qui ne sont pas finançables par les lignes budgétaires de droit commun, en attendant que l’évaluation de ces actions permette, si elles le méritent, de pérenniser leur financement en les incluant dans les financements de droit commun. Le FIR pourrait ainsi devenir l’outil budgétaire privilégié pour préparer l’adaptation des financements requis par les réformes. Pour lui donner toute sa dimension, il faudrait enfin lui attribuer un caractère de pluriannualité.

Les dispositions de renforcement du FIR relevant de la loi organique, comme l’a rappelé M. le rapporteur, le groupe UMP votera les amendements que M. Door défendra afin de pérenniser la démarche engagée en faveur d’une politique de santé innovante et décloisonnée depuis la fin 2011 avec la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012. Nous sommes tous convaincus qu’il nous faut dépenser mieux pour dépenser moins pour pérenniser notre système de protection sociale et de santé, auquel nous sommes tous attaché ; j’espère que ce débat et les votes qui en découleront y contribueront.

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Je vous remercie, monsieur Martin-Lalande, d’avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Maurice Leroy.

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Nous abordons l’examen de cette proposition de loi dans un contexte d’inquiétude générale, comme M. le rapporteur l’a parfaitement indiqué, concernant le dynamisme économique de notre pays, l’équilibre de nos finances publiques et, aussi, l’avenir de notre système de santé. Les Français, s’ils sont particulièrement attachés à leur protection sociale, perçoivent aussi clairement que la Sécurité sociale doit aujourd’hui faire face à des défis d’ampleur. De récentes études sont là pour en attester : une majorité de nos concitoyens estime que l’argent public consacré chaque année à la politique de protection sociale et de santé est utilisé de manière inefficace.

Dans un tel contexte, une évolution du financement de notre système de santé semble indispensable. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur : dépenser mieux plutôt que dépenser plus, tel est précisément l’objectif louable de cette proposition de loi, que j’ai cosignée avec plusieurs de mes collègues.

Le groupe UDI a toujours défendu, notamment lors des examens des différents projets de loi de financement de la Sécurité sociale, la mise en oeuvre d’objectifs régionaux de dépenses de l’assurance maladie.

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Vous en savez quelque chose, monsieur le rapporteur, puisque chaque année vous participez fidèlement aux débats sur le PLFSS ; je pense aussi à notre ancien collègue Jean-Luc Préel, qui n’avait de cesse de défendre cette proposition, y compris au temps de l’UDF.

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…et cela s’est produit quels que soient les gouvernements en place, monsieur Bapt ; je croyais pourtant que le changement, c’était maintenant !

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Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Oui, mais en bien !

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Réformer ainsi la composition de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, constitue à nos yeux une initiative respectueuse des équilibres territoriaux, soucieuse de mieux prendre en compte les disparités territoriales non pour les figer, mais pour les corriger et responsabiliser davantage les acteurs locaux.

Le rapport du comité d’évaluation de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, dit « rapport Fourcade », a d’ailleurs évoqué la question de la création d’ORDAM : « Un facteur majeur du succès de l’action des ARS sera les marges financières dont elles disposeront pour orienter le fonctionnement du système de santé dans leur région ». Et plus loin : « Certains estiment que dans un second temps on doit s’orienter vers la définition d’objectifs régionaux des dépenses d’assurance-maladie. Outre l’effet de décloisonnement, les ORDAM responsabiliseront les directeurs généraux d’ARS sur le maintien des équilibres financiers de l’assurance maladie ». Tout est dit.

Ainsi, en améliorant la fongibilité – car tel est bien le maître mot : il ne s’agit pas que d’un simple sous-objectif de l’ONDAM – des crédits du budget de la Sécurité sociale, la réforme que nous proposons permettrait de faciliter le financement de projets médico-sociaux menés à l’échelon local et dont les résultats apportent des économies avérées. À cet égard, je tiens à confirmer les propos que vient de tenir mon collègue et ami, Patrice Martin-Lalande. L’un des exemples d’expérimentations innovantes dans le département du Loir-et-Cher qu’il a cités devrait vous tenir à coeur, madame la ministre, puisqu’il s’agit d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui, en trois ans, aura permis de réaliser des économies non négligeables en matière d’hospitalisations et de médicaments. Je suis sûr que M. Martin-Lalande aura à coeur de vous inviter à visiter cet établissement.

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Je suis sûr également qu’il étendra cette invitation à notre éminent collègue Gérard Bapt, que cette visite de terrain convaincra sans nul doute de retirer ses amendements et de soutenir la proposition de loi.

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Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Il sera trop tard !

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Il y aura la navette : il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Dans la vallée du Cher, une plateforme alternative d’innovation en santé citée par M. Martin-Lalande, regroupe onze médecins généralistes. Or cette expérimentation arrive à son terme et sa poursuite est menacée pour des raisons financières. Or, cette structure a fait ses preuves et démontre que l’on peut ainsi être attractif et s’attaquer au problème de la démographie médicale, particulièrement dans les territoires ruraux. Au-delà du Loir-et-Cher, nous pourrions citer bien d’autres exemples de ce type d’initiatives, menacées de disparaître et qu’il convient pourtant d’encourager et de promouvoir.

Mes chers collègues, ce débat n’est pas le premier que nous avons sur le sujet. Nous savons que la régionalisation des dépenses de santé est un objectif partagé par bon nombre d’entre nous, majorité et opposition confondues. Ces dernières années, de nombreuses avancées ont été effectuées en la matière. L’adoption du présent texte s’inscrirait dans le prolongement de ces démarches. La création des agences régionales de santé fut une première étape ; elle était l’expression, pour reprendre les termes du rapport Fourcade, « d’un consensus pour faire de la région le niveau privilégié pour la conduite des politiques de santé ». Il s’agissait alors de corriger l’un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, entre la ville et l’hôpital, entre le sanitaire et le médico-social.

Puis, à partir de 2011, on a pu observer un mouvement en faveur d’une certaine fongibilité des moyens financiers accordés aux ARS. Ce début de fongibilité devait permettre une meilleure adaptation aux spécificités locales et une plus grande territorialisation des politiques de santé publique. Il devait favoriser une plus grande transversalité au sein des agences.

Ensuite, la création du fonds d’intervention régional à l’occasion de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 a, il est vrai, permis de mettre à disposition des agences régionales de santé des ressources partiellement fongibles et, de ce fait, d’adopter une approche décloisonnée de la santé. Nous vous en rendons acte, madame la ministre ; vous voyez bien qu’un consensus peut exister dans ces domaines, comme l’a d’ailleurs dit M. le rapporteur tout à l’heure.

La dernière loi de financement de la Sécurité sociale a érigé le FIR en nouveau sous-objectif de l’ONDAM. Je le dis clairement au nom de l’UDI : nous saluons ce progrès. Dans une période de restrictions budgétaires impératives, cet outil devrait fournir une vision plus consolidée des crédits des agences régionales de santé et de leur consommation. Il permettra de déterminer de façon plus transparente les conditions d’attribution des crédits par les ARS et apportera une analyse qualitative plus approfondie des réalités et des inégalités territoriales. Dans ce même esprit, la proposition de loi organique créant des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie serait vraiment l’occasion, madame la ministre, de parachever cette démarche – à laquelle elle ne s’oppose pas – en faveur d’une plus grande responsabilisation des ARS et d’une transversalité des politiques régionales de santé publique.

Hélas, comme vous le savez, l’ensemble des articles de ce texte a été repoussé par la commission et les arguments alors avancés par la majorité pour rejeter cette excellente initiative sont loin de nous convaincre.

Tout d’abord, nous en convenons, les dispositions du texte doivent être actualisées, ce qui justifie les amendements que défendra M. le rapporteur. Le texte a été déposé le 27 juin 2012, soit avant l’élargissement du périmètre du fonds d’intervention régional et avant qu’il ne soit érigé en sous-objectif de l’ONDAM.

Afin de prendre en compte ces dernières innovations, notre rapporteur a proposé, par voie d’amendements, malheureusement tous rejetés, de consacrer, sur le plan juridique et politique, la création du FIR au sein de l’ONDAM.

Ainsi, la loi de financement de la Sécurité sociale, dans sa partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours, devrait rectifier non seulement l’ONDAM, mais également sa part consacrée au FIR. De même, cette loi devrait, dans la partie consacrée aux dépenses pour l’année à venir, fixer la part consacrée au FIR. La proposition de loi ainsi modifiée serait donc justement adaptée aux dernières évolutions législatives et parfaitement applicable dès aujourd’hui.

Par ailleurs, nous savons que le projet de loi que l’on nous promet ne pourra comporter de telles dispositions qui sont de nature organique ; il est regrettable de remettre à plus tard des mesures qui nous permettraient de faire évoluer notre système de santé dans le sens d’une régionalisation de nos dépenses et d’orienter une partie de ces dépenses en fonction des spécificités et des besoins des régions, pour promouvoir la pérennité du financement de projets innovants et efficients.

Voilà pourquoi les députés du groupe UDI considèrent l’examen de cette proposition de loi organique comme une occasion de faire évoluer le financement de notre système de santé dans le bon sens. Nous soutiendrons donc cette excellente initiative.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il nous revient aujourd’hui d’étudier une proposition de loi organique présentée par nos collègues de l’opposition et créant les objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie – les ORDAM.

Cette proposition de loi organique propose de mettre en place une déclinaison régionale de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Cet ONDAM constitue une cible, ainsi que le cadre financier des politiques de maîtrise médicalisée et de régulation.

Afin d’améliorer le suivi de l’exécution de l’ONDAM en cours d’exercice budgétaire, la loi du 13 août 2004 a créé le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. Ce comité est chargé d’alerter le Parlement, ainsi que le Gouvernement et la CNAM, lorsque l’évolution des dépenses d’assurance maladie est incompatible avec le respect de l’objectif national voté par le Parlement.

Il faut rappeler que la volonté de mettre en place des ORDAM ne date pas d’hier. En effet, la création des agences régionales de santé – les ARS –, via loi HPST de 2009, a notamment fait émerger la question relative à la mise en place d’une déclinaison régionale de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie à travers un objectif régional de dépenses d’assurance maladie. N’oublions pas non plus qu’en 2007, Mme Bachelot avait également proposé d’introduire une marge de bonification des conventions nationales pour les médecins libéraux, une enveloppe régionale, un ORDAM.

Supprimé in extremis de la loi Bachelot après un bras de fer avec les médecins libéraux, le projet de création d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie a toutefois reçu un avis favorable du comité d’évaluation de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé en juillet 2011, puisque ce dernier préconisa la création, à court terme, d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie.

Venons-en maintenant au contenu de cette proposition de loi organique : l’article 1er propose de modifier l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale afin de permettre au Parlement de créer, au sein de l’ONDAM, une part régionale dont le montant serait fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale de l’année, et rectifié, le cas échéant, pour l’année en cours, par le Parlement.

Au sein de cette nouvelle enveloppe régionale, le Parlement serait également amené à fixer le montant de vingt-six objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie, construits sur le modèle de l’ONDAM. En outre, le montant de chaque sous-objectif de l’ONDAM – ou des ORDAM – ne serait plus fixé qu’à titre indicatif afin de favoriser la fongibilité des crédits entre chaque sous-enveloppe de l’ONDAM et des ORDAM.

L’article 2 propose, quant à lui, de modifier l’article LO 111-4 du code de la sécurité sociale en modifiant, par conséquence, le contenu du rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, afin que ce dernier décrive, notamment, la part de l’ONDAM consacrée aux ORDAM pour les quatre années à venir.

Enfin, l’article 3 modifie les conditions de vote de la loi de financement de la Sécurité sociale afin de permettre au Parlement de se prononcer, par un vote distinct de l’ONDAM, sur le montant de la part régionale de l’ONDAM consacrée aux ORDAM, ainsi que sur le montant de chaque ORDAM.

Pour le groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste, il est utile de rappeler qu’un tel changement risque de mettre les régions en concurrence les unes avec les autres, ce qui n’est pas idéal. De plus, les taux ne seraient pas les mêmes suivant les régions et seraient calculés selon l’offre des soins ou le nombre d’hôpitaux, ce qui créerait une distorsion entre les différentes régions. Cela n’est pas acceptable.

En outre, il aurait été intéressant, le cas échéant, de regarder les implications concernant les territoires, et non pas les régions ; ainsi, en regardant le tout à travers le prisme d’un niveau territorial concernant des projets de santé adaptés aux territoires par les territoires, cela aurait été nettement plus intéressant.

Rappelons également que l’ORDAM pourrait devenir un instrument de maîtrise comptable pure et dure des dépenses ciblant prioritairement les soins de ville, alors que ceux-ci sont, non seulement déjà maîtrisés, mais également en recul de plus d’un milliard d’euros sur 2013.

Instituer des mécanismes régionaux de régulation de la dépense nécessaire pour tenir les ORDAM reviendrait tout simplement à renoncer à une gestion uniforme et nationale du système d’assurance maladie.

Enfin, il serait difficile de fixer le montant et les taux d’évaluation des ORDAM, notamment en tenant compte des disparités liées aux habitudes de consommation, ou encore des disparités épidémiologiques, aux modes d’organisation des soins et à l’incertitude de l’évaluation d’un taux de progression tendanciel des dépenses.

Tout en sachant qu’il existe déjà des coefficients géographiques servant à compenser des surcoûts identifiés dans certaines régions, il faut également rappeler que, depuis 2012, il existe aussi une revalorisation du fonds d’intervention régional – le FIR. Nous devons également tenir compte du fait que la création d’un septième sous-objectif au sein de l’ONDAM est consacré au FIR dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2014.

Enfin, le groupe des radicaux de gauche et apparentés estime que la stratégie nationale de santé qui nous sera prochainement présentée par le Gouvernement, permettra de mieux se pencher sur ce problème, et de façon plus poussée.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste voteront donc, vous l’aurez compris, contre cette proposition de loi organique.

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Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, ce texte aura eu à mes yeux un mérite particulier puisque M. le président de la commission me permettra d’inscrire dans mon CV parlementaire le fait que, pendant quarante-huit heures, j’aurai appartenu à la prestigieuse commission des lois…

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

C’est historique !

Sourires.

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…pour revenir, tout comme mon collègue M. Door, à la commission des affaires sociales.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous entrons dans un débat paradoxal. D’abord parce que l’ancienne majorité avait refusé l’inscription des ORDAM, bien que certains de ses membres – nous avons cité tout à l’heure M. Préel – en aient été de chauds partisans. Débat paradoxal ensuite, parce que cette proposition de loi, M. Martin-Lalande l’a dit, a été déposée le 27 juin, soit une semaine après l’élection au second tour de notre assemblée.

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Autrement dit, entre le refus du groupe UMP de la précédente majorité et la révélation de la nécessité d’introduire les ORDAM dans notre législation, il s’est produit en une semaine des changements significatifs…

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Oui, et vous étiez passés de la majorité à l’opposition. C’était effectivement un fait notable !

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Mes chers collègues, merci de bien vouloir laisser s’exprimer M. Bapt !

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Débat paradoxal, ai-je dit, mais également baroque. J’ai participé, en toute urbanité, à côté de M. le rapporteur, aux auditions préparatoires. Et c’est à ce moment les signataires de cette proposition de loi se sont rendu compte de son caractère particulièrement décalé et inapproprié, car tous nos interlocuteurs ont marqué soit leur opposition, soit leur réticence à l’idée d’inscrire des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie dans notre législation.

Cela étant, nous comprenons la préoccupation que vous avez exprimée dans l’exposé des motifs à propos de votre région : il est évident que l’arrivée à terme des expérimentations menées pose un sérieux problème au moment où le financement de certaines actions innovantes doit s’interrompre alors qu’aucun mécanisme de prise de relais automatique par l’assurance maladie n’a été prévu.

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Quelle en est la cause ? Il y a toujours ce cloisonnement dans le pilotage de nos politiques de santé, entre l’État, d’une part, et l’assurance maladie, d’autre part.

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L’assurance maladie est commandée par la négociation conventionnelle. Là est la difficulté : les actions de regroupement pluridisciplinaire autour de certaines maisons ou pôles de santé relèvent désormais de la négociation conventionnelle. La ministre et la majorité insistent régulièrement sur la nécessité de faire en sorte que les négociations conventionnelles débouchent rapidement sur un accord-cadre interprofessionnel permettant de mieux rémunérer les actions qui sont désormais de dimension pluridisciplinaire. J’ai bien compris que tel était le cas de la plate-forme alternative d’innovation en santé dont vous vantiez tout à l’heure les mérites.

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Nous espérons que ces accords interviendront au cours des prochains mois.

La seconde réticence que nous avons à l’égard de votre proposition de loi tient au fait d’abord qu’elle romprait – M. Charasse l’a remarqué – avec le caractère national de l’organisation de l’offre de soins, qui garantit au patient, où qu’il soit, les mêmes droits et les mêmes conditions d’accès à l’offre de soins.

Cela poserait également des difficultés techniques. Comment évaluer précisément, d’une année à l’autre, les besoins d’une région en matière de dépenses de santé lorsqu’on ne connaît pas le transfert de patients d’une région à l’autre ? Car les frontières de ces régions sanitaires ne sont pas infranchissables : nombre de patients vont chercher des soins sur les territoires d’excellence, comme l’Île-de-France, territoire de référence dans bien des domaines : récemment encore, une greffe de coeur artificiel a été réalisée au sein de l’AP-HP. Il n’y a qu’en Île-de-France qu’une telle intervention peut avoir lieu. Inversement, on observe dans d’autres régions une migration des patients : on nous a même rapporté pendant les auditions que 12 à 15 % des patients de Picardie iraient vers des centres de référence extrarégionaux.

Se pose enfin une difficulté supplémentaire. À plusieurs reprises, nos collègues de l’opposition ont souligné la nécessité de faire des économies, M. Martin-Lalande l’a lui-même admis. Mais il est difficile d’évaluer le montant de ces économies : comment mesurer, par exemple, l’économie que représente une hospitalisation évitée lorsque les capacités hospitalières ne bougent pas ? L’essentiel des dépenses hospitalières étant constitué de frais de structure, de frais fixes, une économie ne peut être mesurée que si l’investissement dans l’innovation – hautement souhaitable – est lui-même gagé par une réduction…

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…des capacités hospitalières correspondantes, autrement dit des frais fixes. Autant de paramètres que Mme la ministre inscrira dans son projet de loi, dans le cadre de la stratégie nationale de santé.

Ce texte devrait être déposé en conseil des ministres en juillet 2014.

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Mais c’est le ministre de la santé qui parle !

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Pas du tout : je vous parle, moi, de la réalité de notre programme parlementaire. À ce propos, vous avez beaucoup parlé des économies à réaliser et des contraintes budgétaires. Je vous rejoins tout à fait là-dessus, après avoir passé les difficultés de la discussion, M. Door me l’a suffisamment reproché, concernant les recettes de la Sécurité sociale et de ce malheureux épisode des prélèvements sur les gains concernant certains produits d’épargne, notamment le PEL.

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Vous savez à quel point ces problèmes de contrainte budgétaire sont aujourd’hui très présents et prégnants. Mais que se passerait-il si, dans une région, la prévision de dépenses était dépassée par l’exécution ? Faudrait-il donc réfléchir à la création d’une évaluation des déficits régionaux ? Et pourquoi pas des caisses d’amortissement de dettes sociales régionales ? Encore un point sur lequel vous n’avez pas su répondre. C’est d’ailleurs ce qui explique cet ensemble baroque d’amendements que vous nous proposez, et qui visent à démonter totalement le dispositif de création d’objectifs et de sous-objectifs voté par le Parlement pour ce qui touche aux dépenses d’assurance-maladie régionales.

Au vu de tous ces arguments et après les explications techniques très précises de Mme la ministre, sur lesquelles il est inutile de revenir pour ne pas épuiser les vingt-cinq minutes du groupe socialiste,…

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…nous vous indiquons que nous déposerons des amendements visant à supprimer les trois articles que vous proposez, tout en vous répétant, même si cela peut vous sembler paradoxal, que nous participons aux objectifs qui sont les vôtres d’améliorer l’offre de soins tout en prenant en compte les contraintes budgétaires que nous connaissons bien.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi organique dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté le texte.

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La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement de suppression no 11.

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Cet amendement vise en effet à supprimer l’article pour les raisons que je viens d’exposer.

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Bien entendu, avis défavorable à titre personnel, même si la commission a accepté cet amendement. L’adoption de cet amendement nous ferait revenir en arrière, puisque nous proposons de rendre fongibles les enveloppes mises à la disposition des ARS, de leur donner des marges de manoeuvres beaucoup plus importantes comme le réclament les directeurs d’ARS. Je vous renvoie aux articles écrits par les directeurs de l’ARS Île-de-France, de l’ARS de Bretagne : tous appellent à une plus grande fongibilité, une plus grande marge de manoeuvres parce qu’ils sont contraints. Leurs crédits étant trop fléchés, ils doivent faire face à de nombreuses difficultés sur le plan territorial.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Nous nous sommes largement exprimés à ce sujet : la création du septième sous-objectif assure une pleine visibilité des dépenses régionales. Pour cette raison, nous sommes favorables à cet amendement de suppression.

L’amendement no 11 est adopté, en conséquence, l’article 1er est suppriméles amendements nos 1 et 2 tombent.

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La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement de suppression no 12.

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Il s’agit d’un amendement de suppression de conséquence.

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M. Bapt ne s’étonnera pas que je donne à nouveau un avis défavorable à son amendement dans la mesure où il vise supprimer l’ensemble de cette proposition de loi organique. L’article 2 vise à apporter quelques modifications éventuelles au périmètre des ORDAM afin d’évoluer vers une toujours plus grande fongibilité des enveloppes et de donner, là encore, plus de responsabilité aux ARS sur le plan financier.

J’ai l’impression que vous refusez d’accorder aux directeurs d’ARS ce qu’ils demandent : une plus grande liberté d’action afin de développer des politiques de santé sur le plan territorial. Vous vous trouvez contraint de leur dire non, alors que je sais que, dans votre for intérieur, vous êtes d’accord avec nous.

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La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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M. le rapporteur l’avait précisé à l’occasion du premier amendement, mais nous vous remercions de l’avoir rappelé.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Avis favorable à cet amendement de suppression pour les mêmes raisons.

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Nous n’allons pas reprendre tout le débat de la discussion générale, surtout à cette heure, mais je voudrais tout de même vous dire combien l’intervention de notre collègue Gérard Bapt m’a déçu. Je n’ai entendu aucune contre-proposition de votre part, cher collègue, alors que nous vous avions bien indiqué, avec M. Patrice Martin-Lalande, avec M. Jean-Pierre Door, avec le président de la commission des finances, M. Gilles Carrez, avec les auteurs de cette proposition de loi, que nous ne nous plaçions pas dans un débat « majorité contre opposition ». D’ailleurs, preuve que nous sommes constants, nous défendions ces positions quand nous étions dans la majorité… Vous pourriez au moins nous rendre cet hommage ! Mais je le redis, afin que les choses soient claires dans le Journal officiel. Je vous vois sourire, mes chers collègues, mais vous verrez dans cinq ans, lorsque l’on fera le bilan, que vous aussi, vous aurez des propositions de loi « rentrées », comme on dit, des interventions « rentrées », des amendements que vous aurez dû retirer à la demande du Gouvernement. C’est ce que l’on vit quand on est dans la majorité, pardonnez-moi de vous le rappeler. Vous l’avez déjà vécu, mais vous allez encore le vivre. Patientez un peu.

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Et s’il y a une alternance en 2017, nous ne reviendrons pas en vous faisant un procès, en vous rappelant que le 27 juin, vous avez déposé des textes. Eh bien oui, nous avons été élus députés, nous redéposons des textes, mon cher Gérard Bapt, de même que vous redéposez les vôtres, car vous aussi étiez député avant !

Je voudrais vraiment clarifier la situation. Ce texte-là n’est pas révélateur d’un clivage politique comme on en connaît souvent ici. Avec Patrice Martin-Lalande, nous avons fait part à Gérard Bapt – qui l’a d’ailleurs bien compris, et je l’en remercie – des expérimentations qui ont été conduites notamment au sein de nos territoires ruraux, et dont nous souhaitons qu’elles puissent perdurer. Car il y va de l’intérêt de tous : nous ne sommes pas dans des querelles de régions, entre les gros, les petits et l’attractivité. Nous sommes des représentants de la nation et nous avons à coeur de défendre ce qui se passe sur le plan national et non d’opposer une région à une autre.

Je n’en fais d’ailleurs pas de procès à Gérard Bapt : il n’a pas pouvoir de nous faire ici des contre-propositions. Mais je me tourne vers le Gouvernement en vous demandant, madame la ministre déléguée, d’entendre notre appel. Vous avez ressenti nos préoccupations et notre invitation est sincère. Nous vous la représenterons très officiellement, avec mon collègue Patrice Martin-Lalande. Nous vous montrerons des expériences menées sur le terrain. Comment faisons-nous, derrière, alors qu’il faut faire face aux problèmes de démographie médicale que l’on connaît dans les territoires ruraux, pour réussir avec les collectivités territoriales à nous mobiliser, à rassembler ? Nous avons fait des expérimentations, tirons-en les enseignements. Le seul moyen que nous avons à notre disposition, c’est de déposer une proposition de loi. Nous sommes dans notre rôle. Vous êtes dans le vôtre de la rejeter, les choses sont claires. Mais, de grâce, ne nous faisons pas de mauvais procès entre nous. N’entrons pas dans ce petit jeu classique : vous étiez dans l’opposition, vous êtes dans la majorité. Rassurez-vous, cela nous arrive à tous, chacun à notre tour !

L’amendement no 12 est adopté, en conséquence, l’article 2 est suppriméles amendements nos 3 , 4 , 6 et 5 tombent.

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La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement de suppression no 13.

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Cet amendement tend effectivement à supprimer l’article 3.

J’ai bien cité M. Préel comme ayant été le héraut des ORDAM au cours de la législature précédente. Je veux bien rendre à César ce qui est à César et à votre groupe, à travers M. Préel, le mérite ou à tout le moins l’opportunité d’avoir procédé ainsi. Néanmoins, vous n’avez pas répondu aux objections techniques développées par Mme la ministre déléguée, puis par moi-même concernant les difficultés qui pourraient survenir, notamment en cas de dépassement des dépenses d’assurance-maladie, telles que fixées au niveau de chaque région par le Parlement.

Admettez par ailleurs que les amendements de l’opposition qui auraient pu être examinés s’il n’y avait pas eu ces amendements de suppression, aboutissaient à déconstruire totalement votre proposition de loi du 27 juin, en n’en conservant qu’une seule chose : le caractère symbolique de la fixation par voie organique de l’existence du FIR. Mais depuis deux ans, à l’occasion du vote des deux PLFSS 2013 et 2014, nous avons pratiquement doublé l’enveloppe, nous relevé les marges de manoeuvres, accru les possibilités de fongibilité mises à la disposition des directeurs d’ARS. M. Claude Evin nous a rapporté que pour la seule Île-de-France, les crédits affectés au FIR étaient passés de 280 à 580 millions d’euros. Avant de nous accuser de rejeter vos propositions par pure position partisane et de principe, prenez acte de ces actions, qui devraient vous satisfaire.

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Là encore, la commission des lois a accepté cet amendement, mais à titre personnel, votre rapporteur y est défavorable. Voilà déjà un certain temps, vous l’avez rappelé, monsieur Bapt, que nous avions déposé cette proposition de loi. Depuis, la situation a évolué. Et qui a inscrit le FIR dans le PLFSS ? L’ancien gouvernement. Autrement dit, le FIR aussi depuis un certain temps. Nous l’avons réévalué l’an dernier, bien entendu, et consacré en sous-objectif.

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Nous évoluons peu à peu et nous voulons à présent, pour notre part, sanctuariser ce fonds d’intervention régional, à la demande d’ailleurs de nombreux directeurs d’ARS, que nous avons auditionnés ensemble. Vous savez bien qu’ils demandent que nous allions beaucoup plus loin.

Notre souhait est de permettre au Parlement de voter, de manière distincte, le fonds d’intervention régional. J’ai été rapporteur, comme vous, du PLFSS pendant dix ans. Pour ce qui était des recettes et des dépenses, on voyait très bien qu’on votait un ONDAM globalement, comme une grande enveloppe. Certes, on avait des sous-objectifs, mais on y allait, on votait. Ce que nous vous demandons aujourd’hui, c’est d’aller un peu plus loin et de sanctuariser ce FIR par la loi organique, de lui donner véritablement une matière vivante. Mais vous, vous ne le voulez pas. C’est dommage, nous le regrettons, mais nous y reviendrons probablement un jour.

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Merci, monsieur le rapporteur. Je reprécise que si votre avis personnel est défavorable, celui de la commission est favorable.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Avis favorable, pour les mêmes raisons.

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À ce stade de la discussion, on voit bien comment les choses vont se finir, si je puis dire.

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Je voudrais simplement préciser que nous avions déjà déposé cette proposition de loi au cours de la précédente législature, en mars 2012 si ma mémoire est bonne. Nous l’avions déjà faite nôtre avant le changement de Président de la République et de majorité législative.

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Je renouvelle à Mme la ministre déléguée notre invitation à venir en Loir-et-Cher, déjà formulée par Maurice Leroy, où nous serons très heureux de l’accueillir. Mais j’aimerais également qu’elle nous précise si les intentions du Gouvernement, au-delà des propos de M. Bapt, sont bien de profiter de la prochaine discussion autour du projet de loi sur la stratégie nationale de santé pour faire progresser les marges de manoeuvres, en particulier pour ce qui touche au FIR. Pour le moment, l’essentiel des fonds ont été regroupés avec les obligations de financement correspondant aux opérations déjà engagées, ce qui laisse des marges de manoeuvres sont insuffisantes. Il faudrait également permettre que ce FIR soit pluriannuel. Si l’on veut engager des opérations expérimentales et être à même d’en tirer une évaluation conséquente, encore faut-il leur assurer une certaine pérennité, ce que ne permet pas, pour le moment, le financement par le FIR.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Monsieur le député, je vous confirme que le débat sur la stratégie nationale de santé sera l’occasion de mettre tous les sujets sur la table. Nous pourrons ainsi progresser sur tous ces sujets, ce qui est l’objectif de Mme Touraine, à la fois dans le sens d’une plus grande proximité de l’offre de soins pour chacun de nos concitoyens et dans le sens de la territorialisation de notre système de santé, qui s’impose à nous. Cet objectif de la stratégie nationale de santé constitue – avec le débat qui l’entourera – une raison de plus pour le Gouvernement de vouloir écarter ce texte aujourd’hui.

L’amendement no 13 est adopté et les amendements nos 7 rectifié , 8 et 9 tombent.

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Mes chers collègues, nous avons achevé la discussion des articles de la proposition de loi organique.

Sourires.

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L’ensemble des articles ayant été supprimés, l’examen du titre de la proposition de loi organique est sans objet. De même, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel sur le texte qui avait été décidé par la conférence des présidents.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Proposition de loi visant à affirmer le caractère intangible de l’appellation de la « Voie sacrée nationale ».

La séance est levée.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron