Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 25 février 2014 à 21h30
Questions à la garde des sceaux ministre de la justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la garde des sceaux, à la suite des recommandations de la commission dite d’Outreau, la loi du 5 mars 2007, votée à l’unanimité, remplace le juge d’instruction par un collège de l’instruction composé de trois juges. Cette loi devait entrer en vigueur au 1er janvier 2014. Malgré son bien-fondé, ce projet n’a pourtant pas toujours reçu un écho favorable, notamment parce que cette collégialité systématique menaçait l’existence de l’instruction dans les tribunaux de grande instance ne comportant pas de pôle de l’instruction.

Aussi, en date du 24 juillet dernier, vous avez présenté un nouveau projet de loi, lequel, sans modifier l’objectif à atteindre, a assoupli les dispositions du texte, et je vous en remercie, en supprimant le caractère systématique et obligatoire de la collégialité.

Cette réforme prévoit cependant la concentration des services de l’instruction dans les juridictions qui sont pôles de l’instruction et la suppression progressive des fonctions de juge dans les tribunaux de grande instance infra-pôles.

Madame la garde des sceaux, je souhaite aujourd’hui mettre l’accent sur les territoires isolés où toute juridiction d’instruction se trouvera située à une longue distance des grands tribunaux de grande instance, éloignant ainsi la justice des justiciables. Pour un département comme celui dont je suis l’élu, les Hautes-Alpes, cela entraînerait de facto la suppression du juge d’instruction du TGI de Gap.

Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple concret. Imaginez un justiciable domicilié dans le nord de mon département, à Briançon, par exemple. Il devra, pour se rendre à Grenoble, au mieux, franchir un col situé à plus de 2 000 mètres d’altitude, pas toujours ouvert selon l’enneigement, et, au pire, passer par l’Italie. Il convient de garder à l’esprit que nous parlons de personnes qui peuvent être, dans de très nombreux cas, dans un état de détresse morale, psychologique, physique ou matérielle. Quant à l’accompagnement des prévenus, il nécessitera de tels moyens au vu des temps de parcours que les forces de gendarmerie et de police ne seront plus en mesure d’assurer d’autres missions.

On le voit bien, la mise en oeuvre de cette réforme va à l’encontre de la loi montagne qui s’attache à compenser les handicaps naturels des communes situées en zone de montagne et il ne saurait être question aujourd’hui de remettre en cause toutes les avancées obtenues depuis des années au titre de cette spécificité.

Madame la garde des sceaux, comment comptez-vous prendre en compte les spécificités propres aux territoires ruraux et de montagne, dont les conditions géographiques et climatiques et les caractéristiques sociétales impliquent un nécessaire ajustement à la réalité du terrain et aux besoins des populations ?

L’isolement nous a souvent contraints à travailler en visioconférence dans de nombreux domaines. Tous les tribunaux de grande instance sont aujourd’hui équipés en matériel de visioconférence, un outil dont l’efficacité a été éprouvée dans de nombreux contentieux relevant de la matière pénale. La collégialité de l’instruction ne pourrait-elle relever d’un tel dispositif ? Êtes-vous prête à mener une expérimentation de ce type sur quelques territoires isolés comme les Hautes-Alpes et à rencontrer les acteurs de la justice de ces départements pour trouver les chemins d’une innovation qui ne sacrifie pas les territoires isolés ?

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