La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle les questions à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par le groupe UMP.
La parole est à M. Bernard Gérard.
Madame la garde des sceaux, chacun a pris connaissance du calendrier d’examen de votre projet de réforme pénale qui interviendra à partir du 2 avril prochain – juste au lendemain des élections municipales. Ce projet entraîne de nombreuses inquiétudes. J’ai déjà pu exprimer ici mon opposition sur un texte déconnecté de la réalité du terrain : on voit en effet dans nos circonscriptions des délinquants arrêtés et aussitôt relâchés récidiver en toute impunité, ce qui suscite l’incompréhension légitime des forces de l’ordre et de nos concitoyens.
Je souhaite axer mes questions autour de l’évaluation des personnes placées sous main de justice. Cette évaluation est cruciale en ce qu’elle permet d’adapter la prise en charge au profil du condamné et qu’elle est un maillon essentiel de la prévention de la récidive. Par une politique volontariste en la matière, la précédente majorité a marqué le pas en adoptant plusieurs dispositifs pour l’élargissement et le renforcement de l’évaluation des personnes condamnées.
A ainsi été décidée la création de nouveaux centres d’évaluation de la dangerosité – dont un a ouvert en octobre 2012 à Sequedin dans le Nord –, ainsi que l’élargissement de leur champ de compétence. Ces évaluations pluridisciplinaires, se déroulant sur plusieurs semaines, sont capitales : elles doivent permettre d’empêcher de remettre en liberté des criminels dangereux dont le risque de récidive est important.
Votre projet entend réformer l’application des peines, mais aussi les aménager au maximum. Aussi, si je ne partage pas votre volonté de rendre automatiques les aménagements de peines, étant convaincu que cela renforcera la relativité de la peine et ainsi le sentiment d’impunité, je souhaiterais savoir quelle place vous entendez accorder à l’évaluation pluridisciplinaire et au suivi adapté des criminels dangereux et des délinquants sexuels, et selon quelle méthode. Pouvez-vous également nous faire un état des lieux du centre d’évaluation de Sequedin ?
Enfin, madame la ministre, vous avez un jour condamné la rétention de sûreté en disant : « La rétention de sûreté, c’est juste pas concevable ». J’aimerais savoir si, dans le cadre de notre débat, vous vous opposerez à tout amendement qui demanderait la suppression de la rétention de sûreté.
Monsieur le député, quand vous évoquez l’éventualité de déposer des amendements lors du débat, je suppose que vous ne parlez pas du débat de ce soir, mais de celui qui aura lieu début avril au sujet de la réforme pénale !
Votre question, qui porte sur un sujet important, aurait gagné à ne pas être précédée d’une introduction qui n’avait vraiment pas lieu d’être. Quand vous parlez de délinquants qui sont relâchés sitôt après avoir été arrêtés, je vous rappelle que nous n’avons pas encore modifié une seule virgule du code pénal. Par conséquent, toutes les critiques que vous cherchez à porter à l’égard de mon action et de ma personne, vous les portez en réalité à l’égard de l’institution judiciaire et des magistrats, ce qui ne me paraît pas un acte témoignant d’un grand respect de la démocratie !
Ces critiques, vous les portez également à l’égard du code pénal et du code de procédure pénale, que vous avez modifiés durant dix ans. Par conséquent, le bilan désastreux que vous évoquez est le vôtre, ce dont je prends acte !
Je n’ai pas de conseils à recevoir de votre part, monsieur le député – de mon côté, je pourrais vous en donner une douzaine, mais je préfère me l’épargner.
Il n’est pas prévu d’aménagement automatique des peines…
C’est facile de frapper, monsieur le député, mais encore faut-il savoir encaisser !
Sachez prendre un peu de hauteur, madame la ministre, comme le veut votre fonction !
Je fais de grands efforts pour ne pas dégringoler là où vous essayez de m’entraîner, monsieur le député !
Je disais donc que le texte de loi ne prévoit pas d’aménagement automatique des peines. Ce texte est déjà à votre disposition, puisque cela fait des mois qu’il a été transmis à l’Assemblée nationale, et si vous affirmez qu’il prévoit des aménagements automatiques, c’est parce que vous ne l’avez pas lu et n’en connaissez donc pas le contenu – à moins qu’il ne s’agisse que de mauvaise foi de votre part.
Je vous rappelle que la loi pénitentiaire de 2009 est toujours en vigueur, et que c’est ce texte qui établit les conditions dans lesquelles les juges d’application des peines ou les tribunaux d’application des peines peuvent prononcer des aménagements de peine. Nous parlons là de dispositions de droit ayant été élaborées par votre majorité, monsieur le député.
Pour ce qui est des centres d’évaluation, il n’est pas question d’y toucher. Les trois centres actuels, situés à Fresnes, Réau et Sequedin, sont extrêmement utiles en ce qu’ils permettent de mieux apprécier l’affectation selon le détenu concerné ; ils constituent par ailleurs un outil d’évaluation pour les magistrats ayant des décisions à prendre.
N’avez-vous jamais essayé la courtoisie, madame la ministre ? Vous devriez !
J’ai été assez généreuse en ce concerne les temps de parole pour cette première question, mais je demande désormais à chacun de respecter strictement les deux minutes fixées pour la question et pour la réponse.
La parole est à M. Éric Ciotti.
Je prends note de votre remarque au sujet des temps de parole, madame la présidente, et je trouve cela bien dommage !
Madame la garde des sceaux, je ne comprends pas pourquoi vous vous énervez à ce point, et pourquoi vous persistez à nier l’évidence. Votre politique pénale, assumez-la ! Quand vous nous dites que rien n’a changé, c’est faux, car vous avez rédigé, le 19 septembre 2012, une circulaire de politique pénale affirmant clairement votre politique. Cette politique, on la retrouve dans les propos du général Soubelet, numéro trois de la gendarmerie, qui a rappelé, devant une commission de notre assemblée, que 65 % des cambrioleurs interpellés dans les Bouches-du-Rhône en novembre 2013 sont déjà à nouveau dans la nature – et de s’interroger en ces termes : « Quand vous relâchez 65 % de ceux qui se sont rendus coupables d’un certain nombre d’exactions, comment voulez-vous que les chiffres baissent ? C’est tout à fait impossible. Vous pouvez multiplier par deux les effectifs de gendarmes dans les Bouches-du-Rhône, cela ne changerait rien. »
La réalité est là, madame la garde des sceaux – ce que vous avez d’ailleurs vous-même confirmé lors d’un déplacement effectué durant l’été 2013, dans un contexte extrêmement tendu marqué par une série d’homicides à Marseille. Vous êtes alors allée tancer le procureur de la République de Marseille en lui reprochant de ne pas donner suffisamment d’instructions pour incarcérer. Oui, la réalité est là, et nous nous inquiétons d’une politique ayant pour conséquence d’instaurer une véritable impunité pénale.
Madame la garde des sceaux, votre projet de loi va traduire dans la loi cette politique pénale que, depuis votre nomination place Vendôme, vous avez donné pour instruction aux procureurs d’appliquer – ce qui est grave et dangereux. Nous vous mettons en garde contre les conséquences de cette politique, et vous demandons de renoncer à ce projet de loi dont les conséquences seraient dramatiques pour la sécurité des Français.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.
Je n’ai pas bien compris quelle question me posait M. Ciotti.
Cependant, j’ai entendu des affirmations tout à fait inexactes que je me dois de corriger. D’abord, ce gouvernement ne tance pas les procureurs de la République.
Je constate que vous avez des difficultés à admettre que les méthodes employées sous votre quinquennat sont désormais révolues, puisque vous continuez à raisonner comme si elles avaient encore cours. Je répète ce que j’ai dit à M. Gérard, à savoir que les propos du général Soubelet doivent s’interpréter comme une analyse des effets des lois que vous avez votées, des dispositions de procédure pénale que vous avez mises en place.
Monsieur le député Ciotti, vous êtes législateur et savez donc parfaitement qu’une circulaire est conforme aux lois. La circulaire à laquelle vous faites référence a d’ailleurs été déférée au Conseil d’État…
…qui ne l’a pas sanctionnée, ce qui prouve sa conformité à la loi. Elle est conforme aux lois que vous avez votées, durant un quinquennat où vous avez donné des injonctions contradictoires.
Vous avez pris des dispositions pénales de plus en plus répressives, tout en adoptant une loi pénitentiaire préconisant l’aménagement des peines. Vous avez donc donné des injonctions contradictoires,…
...et devriez assumer ce qu’a fait votre majorité.
Vous ne pouvez passer votre temps à dire : « Ce n’est pas moi ! » Les méthodes ont changé, et vous devez accepter, monsieur le député, que le Gouvernement vienne devant la représentation nationale afin de mettre son texte en débat. Pourquoi me demandez-vous de retirer mon texte ? Qu’est-ce donc que cette manie consistant à essayer de déposséder le Parlement de son pouvoir législatif ? Si la majorité du Parlement ne veut pas de ce texte, il sera rejeté, mais vous ne pouvez pas lui interdire d’emblée de l’examiner ! Je vous assure que les méthodes ont changé.
Ainsi, en conseil des ministres, le ministre de l’intérieur et moi-même présentons des communications communes. Oui, les méthodes ont changé…
…parce que nous avons le souci de lutter contre la récidive, contre les actes de délinquance dont vous vous êtes accommodés durant le précédent quinquennat, notamment avec les sorties sèches, qui ont représenté 80 % à 98 % des sorties selon les établissements pénitentiaires concernés.
Madame la garde des sceaux, mon intervention sera similaire à celles, excellentes, de mes collègues Gérard et Ciotti. Après le général Soubelet, les préfets ont à leur tour, révélé le mois dernier dans un rapport la démotivation des forces de sécurité qui ont « le sentiment d’être condamnées à remplir le tonneau des Danaïdes en raison de l’absence de suites pénales des interpellations effectuées ». Le bilan 2013 de la délinquance en atteste, avec une hausse de pratiquement tous les crimes et délits, en particulier à Paris. Votre réponse depuis la circulaire de septembre 2012, qui – pour faire bref – enjoignait aux procureurs de ne pas appliquer les lois décidées par le gouvernement précédent, consiste aujourd’hui à présenter, dès le lendemain des municipales, un projet de loi faisant de la prison l’exception.
Contre l’augmentation de la délinquance générale, vous voulez supprimer les peines plancher, alors qu’il faudrait au contraire les étendre aux multiréitérants. Contre la délinquance des mineurs, vous voulez réformer l’ordonnance de 1945, au risque d’entraîner l’irresponsabilité pénale des moins de 13 ans. Contre la criminalité des mafias de l’Est, les enquêteurs se sont trouvés privés de moyens, notamment celui que constitue la géolocalisation – la chancellerie étant, de ce point de vue, encore plus restrictive que la Cour de cassation. Contre la drogue, vous voulez modifier la loi de 1970, afin d’autoriser les salles de shoot, dépénalisant ainsi de fait la consommation de drogue.
Enfin, contre la délinquance de proximité, vous envisagez, suivant les préconisations du rapport Raimbourg, de décorrectionnaliser les délits qui gâchent pourtant la vie quotidienne des Français : occupation des halls d’immeubles, vente à la sauvette, consommation de stupéfiants, conduite en état d’ivresse. Madame la garde des sceaux, alors que la délinquance explose – surtout depuis 2013 – et que l’insécurité est redevenue une préoccupation majeure de nos concitoyens, ces mesures vous paraissent-elles vraiment de nature à enrayer la montée de l’insécurité dans notre pays ?
Monsieur le député, vous affirmez des choses qui ne tiennent pas debout, je suis désolée de devoir vous le dire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour en revenir aux faits, je répète que la circulaire reprend, mot pour mot, les termes de la loi pénitentiaire de 2009, votée sous votre majorité.
Pour ce qui est de la géolocalisation, vous êtes vraiment mal placé pour en parler, monsieur le député ! La géolocalisation a, en effet, fait l’objet d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme de septembre 2010, qui n’a pas fait broncher votre majorité. Alors que vous connaissiez l’existence d’un vide juridique, souligné par la CEDH, vous n’avez présenté aucune loi pour y remédier. Vous passez votre temps à nous accuser de laxisme, alors que vous avez vous-mêmes fait preuve de laxisme durant le précédent quinquennat, mettant ainsi en péril des procédures pénales…
Mais vous savez bien que la procédure n’est pas terminée, monsieur Ciotti ! Non seulement, par laxisme, vous avez mis en péril des enquêtes pénales, mais vous avez créé de l’insécurité juridique, du fait des décisions contradictoires rendues par la Cour de cassation et la Cour d’appel.
Je pense que sur des sujets aussi importants, vous devriez faire attention à ce que vous dites, messieurs les députés. Quand vous parlez de délinquants relâchés, ce n’est pas à moi que vous faites du tort : vous mettez en cause les magistrats ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Pour nous, c’est la réalité de tous les jours !
Quoi que vous prétendiez, les magistrats de ce pays, monsieur le député Rochebloine, sont des démocrates qui appliquent la loi. Cessez donc de leur faire des procès…
…en prétendant qu’ils relâchent les délinquants. Les magistrats du ministère public prononcent leurs réquisitions, les magistrats jugent…
Je ne me défausse pas, mais je pense que franchement, la démocratie mérite infiniment mieux que ce que vous insinuez par vos propos.
Merci, madame la garde des sceaux. Puis-je vous suggérer de jeter un coup d’oeil au chronomètre à mesure que vous répondez ?
Nous en venons aux questions du groupe UDI.
La parole est à M. Yannick Favennec.
Madame la ministre, mes chers collègues, participer aux jurys d’assises constitue, pour les citoyens tirés au sort pour exercer des fonctions de jurés, un devoir civique. Mais la difficulté de la tâche confiée aux jurés ne doit pas être sous-estimée. Ces hommes et ces femmes sont confrontés aux détails de faits criminels extrêmement graves, les plus graves que connaît notre droit pénal. Cette expérience est une épreuve pour le citoyen appelé à siéger dans un jury de cour d’assises.
Contrairement aux magistrats professionnels, qui ont fait le choix de la magistrature et ont bénéficié d’une formation destinée à les familiariser avec les faits qu’ils ont à connaître, les jurés se trouvent parfois confrontés, sans aucune préparation, à des faits dont la gravité et l’horreur peuvent provoquer un stress et des conséquences psychologiques importantes.
Dans certains cas, les jurés peuvent aussi être soumis à des pressions de la part de proches des accusés, mais aussi ressentir une angoisse liée au retentissement médiatique particulier de l’affaire qu’ils ont à juger.
Si le rôle du président de la cour d’assises dans l’information et le soutien psychologique des jurés ne doit pas être négligé, certains procès méritent une assistance d’une autre nature, ponctuelle, en amont et en aval du déroulement du procès.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la ministre, je viens de déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi qui a pour objet de compléter le code de procédure pénale, afin de permettre au président de la cour d’assises, lorsqu’il l’estime nécessaire, eu égard au retentissement psychologique qu’un procès est susceptible d’avoir sur les jurés, de décider la mise en place d’un soutien en faveur de ces derniers.
Madame la ministre, pouvez-vous me donner votre avis sur cette proposition qui est attendue par nombre de nos concitoyens qui ont été confrontés à cette situation ?
Monsieur le député Yannick Favennec, j’ai effectivement pris connaissance de votre proposition, qui porte sur un sujet extrêmement important. On ne traite, aux assises, que des affaires criminelles, qui sont particulièrement difficiles. C’est un exercice pénible pour les jurés, comme pour les témoins, les experts, les policiers, les avocats et les magistrats. Les jurés qui participent à une session d’assises bénéficient d’une formation de deux jours, ce qui, il est vrai, est très court ; cela leur offre à tout le moins une préparation simple et leur permet de se familiariser avec les acteurs des assises.
Je suis d’accord avec vous : pour certaines affaires, il convient de prêter attention aux effets qu’elles peuvent avoir sur les jurés. Nous connaissons, en ce moment, une affaire de cette sorte, au pôle « crimes contre l’humanité », à Paris, qui concerne le génocide rwandais, perpétré en 1994. Elle a donné lieu à la création d’une cellule de soutien psychologique, parce que les témoignages et les images projetées sont de nature à bouleverser.
J’ai demandé à l’administration d’effectuer une étude d’impact. Il faut en effet que nous soyons en mesure de déterminer les conséquences de la présence d’équipes de psychologues dans les jurys d’assises. Comme vous venez de le dire, une telle présence n’est pas nécessaire dans tous les cas, mais se justifie pour l’examen de certains crimes. En effet, les jurés sont simplement des citoyens tirés au sort…
…et qui se trouvent confrontés à des situations très difficiles. Aussi allons-nous procéder à cette étude d’impact, dont je vous ferai parvenir les estimations en priorité.
Madame la ministre, ma question concerne une situation locale : permettez-moi d’appeler votre attention sur la situation inquiétante de la maison d’arrêt de La Talaudière, située dans ma circonscription, et qui concerne aussi des maisons d’arrêt présentant des caractéristiques similaires.
En début de législature, je vous avais interrogée sur le projet de reconstruction qui avait été envisagé par le précédent gouvernement, sachant qu’il est tout à fait indispensable de poursuivre sans délai la réhabilitation de l’existant.
Cet établissement accueille 386 détenus, dont 22 femmes, pour une capacité, hors semi-liberté, de 285 places.
Ni les conditions de détention, ni la garantie de la sécurité des personnels ne sont plus réunies, comme l’attestent la surpopulation carcérale, avec un taux d’occupation de près de 170 % pour le bâtiment A, la recrudescence des agressions sur les personnels et un taux d’encadrement et de surveillance en personnel qui continue de se dégrader.
En janvier 2014, sans qu’il y ait d’agent en congé, 1 127 heures supplémentaires ont dû être effectuées. Pour les mois qui viennent, la prévision est de 1 600 heures. Actuellement, le service est de douze heures, et cela pourrait même être officialisé. Vous avouerez que c’est complètement anormal.
Par ailleurs, il n’y a plus de psychologue pour le personnel. À un certain moment, l’administration a dû faire venir une psychologue de la direction interrégionale pour prendre en charge les agents victimes d’agressivité : je vous laisse juge, madame la ministre, de l’efficacité d’une telle mesure.
Dans votre plan, des crédits avaient été réservés pour sécuriser le périmètre et l’établissement.
Qu’en est-il de la réfection de la cour réservée aux sports ? Ce sont peut-être des problèmes très locaux, mais il me semble que, malgré tout, ils méritent d’être évoqués.
En ce qui le concerne, le réseau d’eau, est, semble-t-il, sur le point de lâcher, ce qui pourrait, selon la directrice interrégionale, entraîner la fermeture de l’établissement.
Il est donc nécessaire de prendre des décisions et de rassurer les personnels pénitentiaires, aussi bien s’agissant des effectifs que des travaux.
Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, je sais que ces efforts indispensables appellent des arbitrages compliqués, mais on ne peut laisser dériver une telle situation : il y a urgence.
Aussi, madame la garde des sceaux, souhaiterais-je connaître vos intentions en la matière.
Monsieur le député Rochebloine, il s’agit effectivement d’une question très locale mais je dois reconnaître votre constance : vous m’aviez déjà interrogée à ce sujet, lors de l’élaboration du premier plan de programmation budgétaire sur trois ans, le triennal budgétaire, et je vous avais répondu que cet établissement figurait sur la liste des quinze établissements considérés comme les plus vétustes.
Toutefois, nous n’avions aucun dossier permettant d’envisager quoi que ce soit sur le premier plan.
Tout à fait, mais il n’y avait pas même d’étude préalable.
Nous avons procédé à des travaux, vous le savez ; je vais vous indiquer leur coût et leur nature. J’avais obtenu, dès le premier triennal, une augmentation de 20 % des crédits de rénovation du parc pénitentiaire, car une partie de ce parc est très abîmée. À La Talaudière même, monsieur le député, nous avons par exemple procédé à la rénovation du quartier disciplinaire en 2013, pour 300 000 euros.
Non, cela a été fait en 2013.
Non, on n’a pas pu programmer antérieurement le budget que nous avons nous-mêmes établi – il est vrai que beaucoup de choses avaient été programmées sur le papier ! Mais j’en reviens à votre question, monsieur le député, afin de vous répondre complètement, car je suis aussi indisciplinée que vous en répondant au fur et à mesure de vos interruptions !
Sourires.
Nous avons procédé à la rénovation des cours de promenade et de la cour de sport, pour un montant supérieur à un million d’euros.
S’agissant du réseau d’eau, qui vous préoccupe, nous avons un projet de rénovation des circuits d’eau, pour plus de 2 millions d’euros ; la livraison est prévue en 2016.
Et où était celui de vos 20 000 places de prison ?
Les personnels sont l’objet d’une vraie préoccupation, qui s’est d’ailleurs traduite par la signature d’un protocole de 20 millions d’euros, qui permet justement le reclassement, la revalorisation, et la mise en place de groupes de travail, notamment pour la définition des métiers, en particulier dans les établissements difficiles.
Par ailleurs, je vous informe que j’ai mobilisé l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale des finances sur le problème des effectifs, qui est prégnant sur l’ensemble du territoire. Jusqu’à présent, nous avons répondu par à-coups concernant des établissements particuliers, mais il nous faut une politique générale, et c’est ce qui ressortira de l’audit mené par ces deux corps d’inspection.
Sourires.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à M. Sergio Coronado.
Madame la garde des sceaux, il y avait en France, au 1erfévrier de cette année, 78 737 personnes écrouées, dont 67 820 détenus. Nous sommes proches des records battus à l’été 2013.
Le traitement en temps réel, la politique dite de tolérance zéro, la faiblesse des moyens engagés par l’ancienne majorité – qui a préféré se lancer dans des opérations ruineuses pour les finances publiques, avec les partenariats public-privé, plutôt que d’investir dans la justice au quotidien : ces choix de l’ancienne majorité se traduisent par le fait que les tribunaux ont moins de moyens pour juger correctement et que les services pénitentiaires d’insertion et de probation connaissent aussi des difficultés pour suivre les personnes condamnées.
C’est un héritage lourd, alors même que 95 % des Français, selon une enquête conduite par la chancellerie, trouvent la justice trop lente, et 88 % la jugent trop complexe.
Je voudrais donc souligner ici l’importance des annonces de création de postes dans la justice, notamment parmi les conseillers d’insertion et de probation. Ces créations de postes sont en effet indispensables pour permettre de donner corps à la future réforme pénale que nous étudierons en avril. Dans ce contexte, je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur un sujet qui ne figure pas dans le texte de la réforme : je veux parler de la question de la justice réparatrice ou restaurative. Je sais que notre collègue Raimbourg, rapporteur du texte, a conduit des auditions sur le sujet.
Cette justice regroupe un ensemble de pratiques, non strictement judiciaires, qui vise à instaurer un dialogue – sans, bien sûr, les mettre sur le même plan – entre victimes et détenus. Quelques expériences ont été menées en France, mais ce sont surtout des expériences étrangères – canadiennes, suisses, sud-africaines – qui ont montré des résultats intéressants. En effet, les études montrent que la victime peut se sentir mieux reconnue tandis que le délinquant évite de se trouver dans le déni des préjudices causés.
Cette méthode peut avoir une réelle efficacité : une synthèse de 19 études a mis en lumière une réduction de la récidive de 26 % par rapport à une procédure classique.
Madame la ministre, nous souhaiterions savoir quel bilan a été tiré des expériences de justice restaurative menées en France, et si vous comptez élargir ces expérimentations.
Monsieur le député Sergio Coronado, une expérience de justice restaurative – que l’on nomme parfois restauratrice – a été conduite en 2010 à la centrale de Poissy. Elle a été évaluée par notre école d’administration pénitentiaire. C’est une expérience qui permet la rencontre entre des victimes et des auteurs d’actes délictueux ou criminels. Il ne s’agit évidemment pas de la rencontre en vis-à-vis de victimes et d’auteurs concernés par les mêmes faits. Les victimes sont toutes volontaires : tel est le principe de cette expérience.
Les pays que vous avez cités ont effectivement, en la matière, une expérience longue de plusieurs années, qui a été conduite en 2010, en France, de manière très encadrée et qui a été évaluée de façon très rigoureuse. Une deuxième expérience est en train d’être mise en place. Je tiens à ce qu’elle soit conduite dans le cadre d’un protocole très strict et très encadré, dans sa mise en oeuvre comme dans son évaluation. Nous profitons évidemment de l’expérience d’un certain nombre de pays scandinaves, d’Europe du nord et d’Amérique du nord, en particulier du Canada, qui est vraiment pionnier en la matière.
Le Canada a d’ailleurs conduit une autre expérience intéressante : les cercles de soutien et de responsabilité, qui servent à maintenir du lien social.
Notre souci à tous, indépendamment des querelles qui nous opposent de façon assez régulière malheureusement, est de veiller à la réinsertion. Lorsqu’une personne a commis un acte, elle passe devant la justice, fait l’objet d’une sanction et l’exécute ; mais notre volonté à tous est que cette personne revienne dans la société sans être un danger, ni pour elle-même, ni pour la société.
Toutes les mesures permettant cette réinsertion sont bienvenues. À cet égard, il est vrai, la justice restauratrice produit un effet bénéfique tant sur la victime, qui se sent reconnue, que sur les auteurs d’actes, qui, parfois, réalisent à cette occasion le préjudice qu’ils ont porté aux victimes et la nécessité, pour eux-mêmes, de réparer leur acte au-delà de la sanction prononcée par la juridiction et de se réhabiliter.
Merci, madame la ministre, pour votre réponse. Vous ne serez pas surprise que je me réfère encore à des expériences étrangères, puisque je suis député des Français de l’étranger, pour vous poser ma seconde question, qui porte sur l’expression collective des détenus.
En France, le sujet a longtemps été tabou. Les expériences menées à l’étranger sont pourtant, là aussi, concluantes. Une meilleure prise en considération de la parole des détenus permet de respecter les droits de tous les citoyens. Elle contribue également au bon ordre dans les prisons, tout en ayant des vertus éducatives et socialisantes. Cela renforce la responsabilisation des détenus, tout en désamorçant un certain nombre de conflits, qui peuvent dégrader la vie en détention et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
La question est soulevée dans les règles pénitentiaires européennes, qui ont été revues pour la dernière fois en 2006. La règle 50 préconise que « sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet. »
Après que l’administration pénitentiaire avait exprimé sa volonté d’appliquer les règles pénitentiaires européennes, le comité de pilotage sur les règles pénitentiaires européennes avait préconisé l’instauration de comités de détenus. Le rapport de Cécile Brunet-Ludet ébauchait des pistes intéressantes. Des expérimentations avaient même été lancées sur plusieurs sites pilotes, notamment la maison centrale d’Arles. C’était en 2010. Hélas ! nous n’avons jamais eu accès à l’évaluation de ces expérimentations et le sujet semble être au point mort.
L’article 29 de la loi pénitentiaire dispose : « Sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement, les personnes détenues sont consultées par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées ». C’est donc une ébauche de droit d’expression collective. Il faut mettre en application cet article et aller plus loin.
J’aimerais donc savoir, madame la garde des sceaux, ce que le Gouvernement va proposer et si votre ministère est prêt à aller plus loin dans cette direction.
Monsieur le député Sergio Coronado, vous évoquez l’article 29 de la loi pénitentiaire de 2009 sur l’expression des détenus et la possibilité que leur confère la loi de s’exprimer sur les activités et les conditions de détention.
Lorsque nous sommes arrivés aux affaires en 2012, trois décrets d’application de la loi de 2009 n’avaient pas encore été publiés. Nous y avons travaillé et ils ont désormais tous été pris. Tout d’abord, le décret sur les règlements intérieurs types des établissements a été publié en avril 2013. Ensuite, le décret sur la création d’un observatoire de la récidive et de la désistance, qui est extrêmement important parce qu’il permet précisément de mesurer l’efficacité de l’action publique, est en voie de publication au Journal officiel puisqu’il a été signé. Enfin, le décret sur la consultation des personnes détenues, lesquelles, tant que la décision de justice ne les prive pas de leurs droits civiques, demeurent des citoyens, même si elles doivent exécuter la sanction prononcée par la juridiction. Comme vous le savez, l’application de l’article 29 a fait débat : les personnels pénitentiaires s’inquiétaient des conséquences que pouvait avoir sur la tenue des établissements la capacité pour les détenus de s’exprimer sur les activités.
Nous avons dépassé ces difficultés. Aujourd’hui, les personnels pénitentiaires sont convaincus que l’implication des détenus en tant que sujets de droit contribuera à faire de l’exécution de la peine un temps utile leur permettant de préparer leur réinsertion. Le décret a donc été soumis au Conseil d’État. Il sera à la signature très prochainement.
Nous avons décidé de maintenir une certaine souplesse, car plusieurs établissements expérimentent déjà cette disposition et sont allés plus loin que ce que prévoit le décret. Ces derniers pourront ainsi approfondir leur expérimentation, tandis que les établissements qui n’ont pas encore mis en place cette disposition pourront s’y mettre.
Nous en venons aux questions du groupe RRDP.
La parole est à Mme Dominique Orliac.
Madame la garde des sceaux, je souhaiterais évoquer un sujet majeur qui préoccupe les Français : la prévention de la récidive. Nous, parlementaires, savons que vous y travaillez ardemment afin d’améliorer la sécurité de nos concitoyens, de diminuer le nombre des victimes, mais aussi d’assurer le prononcé de peines efficaces et adaptées et de permettre la réinsertion des personnes condamnées.
Dans le cadre de votre grande réforme pénale, vous avez installé un comité de pilotage et des groupes de travail sur les métiers des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, avec pour objectif d’apporter un nouveau souffle à ces métiers en leur donnant encore plus de sens et de visibilité.
Cet objectif est louable, car nous avons malheureusement constaté que les modifications législatives successives conduites ces dernières années ont rendu peu lisibles les lignes directrices de la politique pénale, accentuant parfois même un sentiment d’incompréhension et d’incohérence chez les professionnels de la justice eux-mêmes.
En effet, avant d’envisager toute réforme d’ampleur, l’important n’est-il pas de donner aux professionnels la place qu’ils méritent, de les intégrer comme force de proposition et d’amélioration du système ? Dans cet esprit, madame la garde des sceaux, les groupes de travail sur les métiers des SPIP que vous avez mis en place devraient permettre d’engager des réflexions avec les acteurs, qui seront ainsi au coeur de la réforme pénale engagée, tout en construisant avec sérieux et concertation les bases d’un parcours individualisé de la peine et de la prévention efficace de la récidive.
Aussi, pouvez-vous nous dresser un premier bilan de ces travaux ? Quels moyens humains et logistiques seront mobilisés dans ce cadre ? Enfin, parce que les territoires ruraux comme celui dont je suis l’élue ne sont pas, contrairement aux idées reçues, épargnés par les faits de délinquance et de récidive, pouvez-vous nous assurer que les postes que vous envisagez de créer dans les SPIP et les moyens supplémentaires les concerneront également ?
Madame la députée Dominique Orliac, bien entendu, les territoires ruraux seront également concernés : le déploiement des services pénitentiaires d’insertion et de probation concernera l’ensemble du territoire, partout où il y a des besoins.
Vous le savez, par décision du Premier ministre, le Gouvernement fournit un effort considérable pour assurer l’efficacité de ce projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines. Cet effort consiste à recruter un millier de personnes pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation, ce qui, sur un corps constitué d’un peu moins de 4 000 personnes, représente une augmentation de 25 % sur trois ans. C’est un effort considérable.
Mais nous ne nous contentons pas d’augmenter les effectifs : nous élaborons également des profils de recrutement à l’appui des groupes de travail que vous avez évoqués, qui se sont déjà réunis une dizaine de fois. Leur tâche consiste à construire ces profils en préparant un référentiel de métier et en délimitant l’identité professionnelle de ce corps, qui est essentiel pour la prise en charge tant en milieu fermé qu’en milieu ouvert. Ils réfléchissent également à des outils d’évaluation, car il est important de recenser les bonnes pratiques, les innovations et de les mutualiser.
Ce corps sera ainsi considérablement renforcé. Il est important à nos yeux de crédibiliser la contrainte pénale que nous proposons de créer dans le projet de loi qui vous sera soumis. Elle permettra un suivi individualisé, serré des personnes qui feront l’objet d’interdictions et d’obligations, suivi qui sera d’ailleurs évalué chaque année. Ces mesures marqueront une avancée sans précédent par rapport au suivi actuel.
Nous sommes en effet très soucieux d’être efficaces dans la lutte contre la récidive et nous prenons le risque d’évaluer, d’estimer et de mesurer notre action. L’observatoire de la récidive et de la désistance nous permettra ainsi de voir si nous faisons mieux avec ces nouveaux outils qu’avec ceux qui existent.
Madame la garde des sceaux, à la suite des recommandations de la commission dite d’Outreau, la loi du 5 mars 2007, votée à l’unanimité, remplace le juge d’instruction par un collège de l’instruction composé de trois juges. Cette loi devait entrer en vigueur au 1er janvier 2014. Malgré son bien-fondé, ce projet n’a pourtant pas toujours reçu un écho favorable, notamment parce que cette collégialité systématique menaçait l’existence de l’instruction dans les tribunaux de grande instance ne comportant pas de pôle de l’instruction.
Aussi, en date du 24 juillet dernier, vous avez présenté un nouveau projet de loi, lequel, sans modifier l’objectif à atteindre, a assoupli les dispositions du texte, et je vous en remercie, en supprimant le caractère systématique et obligatoire de la collégialité.
Cette réforme prévoit cependant la concentration des services de l’instruction dans les juridictions qui sont pôles de l’instruction et la suppression progressive des fonctions de juge dans les tribunaux de grande instance infra-pôles.
Madame la garde des sceaux, je souhaite aujourd’hui mettre l’accent sur les territoires isolés où toute juridiction d’instruction se trouvera située à une longue distance des grands tribunaux de grande instance, éloignant ainsi la justice des justiciables. Pour un département comme celui dont je suis l’élu, les Hautes-Alpes, cela entraînerait de facto la suppression du juge d’instruction du TGI de Gap.
Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple concret. Imaginez un justiciable domicilié dans le nord de mon département, à Briançon, par exemple. Il devra, pour se rendre à Grenoble, au mieux, franchir un col situé à plus de 2 000 mètres d’altitude, pas toujours ouvert selon l’enneigement, et, au pire, passer par l’Italie. Il convient de garder à l’esprit que nous parlons de personnes qui peuvent être, dans de très nombreux cas, dans un état de détresse morale, psychologique, physique ou matérielle. Quant à l’accompagnement des prévenus, il nécessitera de tels moyens au vu des temps de parcours que les forces de gendarmerie et de police ne seront plus en mesure d’assurer d’autres missions.
On le voit bien, la mise en oeuvre de cette réforme va à l’encontre de la loi montagne qui s’attache à compenser les handicaps naturels des communes situées en zone de montagne et il ne saurait être question aujourd’hui de remettre en cause toutes les avancées obtenues depuis des années au titre de cette spécificité.
Madame la garde des sceaux, comment comptez-vous prendre en compte les spécificités propres aux territoires ruraux et de montagne, dont les conditions géographiques et climatiques et les caractéristiques sociétales impliquent un nécessaire ajustement à la réalité du terrain et aux besoins des populations ?
L’isolement nous a souvent contraints à travailler en visioconférence dans de nombreux domaines. Tous les tribunaux de grande instance sont aujourd’hui équipés en matériel de visioconférence, un outil dont l’efficacité a été éprouvée dans de nombreux contentieux relevant de la matière pénale. La collégialité de l’instruction ne pourrait-elle relever d’un tel dispositif ? Êtes-vous prête à mener une expérimentation de ce type sur quelques territoires isolés comme les Hautes-Alpes et à rencontrer les acteurs de la justice de ces départements pour trouver les chemins d’une innovation qui ne sacrifie pas les territoires isolés ?
Quel débit ! Tout est toujours très rapide avec M. le député Joël Giraud !
Sourires.
Sur la collégialité, je rappelle que la loi de mars 2007 a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Une des dispositions de ce texte avait pour conséquence la fermeture de soixante-quatorze infra-pôles d’instruction. J’entends néanmoins la difficulté que vous soulevez. Plusieurs territoires sont d’ailleurs concernés, et ils ne sont pas exclusivement situés en zone de montagne ; j’ai cependant bien conscience des particularités propres à ces territoires et de la nécessité de l’engagement des pouvoirs publics en faveur de la continuité des services publics dans le cadre de la loi montagne.
Vous le savez, nous avons présenté un texte de loi pour éviter que ne soit reportée une fois de plus l’application de la collégialité, que nous avons choisi d’aménager. Ce texte a été présenté en conseil des ministres au milieu de l’année 2013, mais nous n’avons pas encore trouvé de place dans l’agenda parlementaire pour son examen. J’ai donc dû demander qu’un amendement soit adopté en loi de finances pour reporter l’application d’un an.
J’en viens à l’innovation de la visioconférence, dont vous préconisez l’utilisation. Je suis très sensible à la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies pour rapprocher la justice des citoyens, et votre proposition entre dans ce cadre. Je suis toutefois également très prudente sur l’utilisation de la visioconférence, car il ne faudrait pas, par souci d’efficacité, pénaliser les droits de la défense ou le bon déroulement de l’audience. Cet usage appelle donc un certain nombre de précautions.
Je suis évidemment prête à rencontrer les élus locaux parce que je sais à quel point, sur l’ensemble du territoire, ils s’impliquent pour le bon fonctionnement des juridictions et l’utilisation des nouvelles techniques et des nouvelles méthodes. Il me semble cependant que nous devons faire preuve de toute la prudence nécessaire dans l’utilisation de la visioconférence afin de ne pas changer la nature même de l’oeuvre de justice.
Nous en venons aux questions du groupe GDR.
La parole est à M. Marc Dolez.
Madame la garde des sceaux, je souhaitais vous interroger sur la refonte de l’ordonnance de 1945 qui est annoncée. Vous avez récemment confirmé que cette réforme comporterait la suppression du tribunal correctionnel des mineurs « pour que le tribunal des enfants retrouve sa plénitude de compétence ».
Pour notre part, nous partageons les objectifs que vous avez rappelés et qui visent à rendre l’ordonnance de 1945 plus claire et plus simple et à réaffirmer ses principes fondateurs : spécialisation de la justice des mineurs, individualisation des procédures, des peines et de leur mise en oeuvre, primauté de l’éducatif.
Pourriez-vous tout d’abord nous apporter des précisions sur le calendrier de cette réforme ? En outre, que pensez-vous de l’introduction pour les mineurs de la césure dans le procès pénal, une proposition avancée par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille ?
Monsieur le député Marc Dolez, nous travaillons en effet sur la réforme de l’ordonnance de 1945, qui a déjà été modifiée trente-sept fois. Ces modifications multiples, qui visaient essentiellement à rapprocher la justice des mineurs de celle des majeurs, ont introduit à la fois de l’incohérence et de l’illisibilité dans ce texte, y compris pour les professionnels ; ce sont eux-mêmes qui le disent.
Nous allons donc réintroduire de la cohérence et de la lisibilité dans cette ordonnance. Nous pensons que la justice des mineurs est une justice spécialisée et doit le demeurer. Cette justice doit prononcer des mesures éducatives, y compris dans les sanctions : les sanctions doivent avoir valeur éducative.
Nous devons travailler davantage sur le parcours, car l’important est que la société prenne en charge le mineur, ce mineur délinquant sur lequel on a fait fantasmer la société ces dernières années alors qu’en réalité la part des mineurs dans la délinquance totale n’a pas augmenté. Au contraire, elle s’est tassée : elle est passée de 18 % à 16 %.
Il y a évidemment des cas exceptionnels, comme chez les adultes. Mais la délinquance des mineurs ne correspond pas à l’image qu’on a propagée ces dernières années de façon idéologique et dogmatique.
Nous estimons pour notre part que les mineurs sont les enfants de ce pays. Lorsqu’ils ont commis un acte répréhensible, ils doivent être sanctionnés à la mesure de la gravité de cet acte, mais nous devons leur faire éviter le risque d’un parcours de délinquance et les aider à en sortir.
Nous allons donc rétablir la spécialisation de la justice des mineurs et redonner force à l’éducation. Nous travaillons à cet effet sur la césure du procès pénal en deux phases : une première audience au cours de laquelle on prononce la culpabilité si celle-ci est établie, afin que la victime n’attende pas la réparation du préjudice subi, puis une seconde audience, au terme d’un accompagnement approfondi du mineur afin que soit prononcée une sanction la plus adaptée possible et, surtout, que le mineur soit en situation de sortir. Pour cela, bien sûr, nous travaillons également avec l’éducation nationale.
Madame la garde des sceaux, ma seconde question porte sur les moyens alloués à la justice.
Il y a un mois, à la mi-janvier, une large majorité de procureurs – 134 sur 161 – avait rendu public un texte dans lequel ils s’inquiétaient d’une « asphyxie programmée » des parquets et appelaient à un plan d’action.
Afin de répondre à ces préoccupations, vous avez décidé de lancer un plan d’action en faveur du ministère public, articulé autour de quatre axes et dix-neuf mesures concrètes dont la mise en oeuvre a d’ailleurs déjà commencé.
Nous ne pouvons que saluer ce plan d’action, même s’il ne lève pas toutes les inquiétudes. En effet, au regard du budget de la justice pour 2014 – dont nous avons dit, lors de la discussion budgétaire, qu’il était insuffisant pour permettre à la justice de fonctionner convenablement –, nous nous interrogeons sur les moyens dont vous allez réellement disposer pour l’appliquer. Ma question est donc simple : pouvez-vous nous apporter des précisions sur son financement ?
Monsieur le député, vous avez raison : le ministère public a été maltraité et il connaît, aujourd’hui encore, des difficultés liées aux effectifs. Des postes restent vacants dans l’ensemble de nos juridictions, aussi bien au parquet qu’au siège. Comme vous le savez, nous menons une politique de recrutement très volontariste en ouvrant des postes supplémentaires au concours d’entrée de l’école nationale de la magistrature. Nous commençons d’ailleurs à voir nos efforts récompensés, puisque les résultats obtenus sont les meilleurs depuis une dizaine d’années.
Le plan d’action pour le ministère public comporte, vous l’avez rappelé, dix-neuf mesures qui sont accessibles à tous, puisque nous les avons publiées sur le site internet du ministère. Certaines d’entre elles peuvent entrer rapidement en application, car elles concernent les méthodes de travail, y compris parfois celles de l’administration centrale elle-même, notamment en ce qui concerne le traitement des informations, de façon à bien gérer les juridictions et à anticiper leurs besoins.
D’autres mesures nécessitent des moyens financiers. Pour cela, nous avons recours non seulement à nos ressources propres, mais aussi à d’autres budgets, par exemple celui de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dans la mesure où la MILDT peut intervenir dans un certain nombre des actions conduites par le ministère. Nous avons également pris des dispositions en matière informatique, sans oublier l’équipement en téléphones portables modernes reliés à la 4G.
Par ailleurs, les magistrats du parquet effectuent un très grand nombre d’astreintes qui n’étaient pas jusqu’à présent rémunérées correctement. Nous dégageons 500 000 euros de façon à mieux les rémunérer en 2015.
Pour le reste, les deux minutes dont je dispose me laissent peu de temps. Je vous dirai simplement que les dix-neuf mesures forment un ensemble cohérent ; elles visent à renforcer l’action du ministère public, à mieux l’équiper et à évaluer son action. À cet égard, j’ai demandé à l’Inspection générale des services judiciaires d’évaluer le traitement en temps réel : cette procédure, inventée par le ministère public, paraît à bout de souffle et mérite d’être rationalisée.
Vous le voyez, il y a donc toute une série de mesures de nature très différente. Sur la base des travaux de la commission Nadal, à laquelle ont participé des procureurs et des procureurs généraux, nous avons élaboré un ensemble de mesures dont certaines vont permettre très rapidement d’améliorer le fonctionnement du ministère public.
Madame la garde des sceaux, c’est une vérité de La Palisse que de dire que les tribunaux sont régulièrement engorgés. Le nombre de cas à traiter est très important. C’est vrai en matière pénale, puisque le nombre de dossiers en correctionnelle est passé, en dix ans, de 450 000 environ à 600 000, en partie – mais en partie seulement – en raison de la frénésie législative de l’ancienne majorité, ce que l’on a appelé le populisme pénal et la tentation de tout juger au pénal. C’est vrai également en matière civile : le nombre de divorces atteint désormais 130 000 cas par an. Je pense aussi à la réforme des tutelles.
Le colloque que vous avez organisé à l’UNESCO pour tracer les contours de la justice du XXIe siècle s’est préoccupé de ces questions. Plusieurs pistes de réflexion ont été lancées, parmi lesquelles figurent la contraventionnalisation – en matière pénale – et, d’une façon générale, la déjuridictionnalisation, sans oublier la médiation. Quel est, à ce jour, l’état des réflexions ? Comment pouvons-nous construire la justice du XXIe siècle, doter notre pays d’un service public qui lui fait aujourd’hui défaut car les délais de traitement sont tellement importants que la justice ne rend peut-être pas toujours les services que l’on est en droit d’attendre d’elle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ce sont là, monsieur Raimbourg, des sujets sur lesquels vous travaillez depuis de nombreuses années. Vous avez fait des propositions dans ce domaine, notamment au travers de deux rapports. Vous accomplissez, dans ce domaine, un travail de pédagogie extrêmement important.
En ce qui concerne la déjudiciarisation, il s’agit là d’un mot dont je ne m’en sers pas, car je me suis rendu compte qu’il était chargé de malentendus, dans la mesure où il laisse à penser que l’on traiterait certains litiges en dehors du cadre juridique et du milieu judiciaire, alors qu’il n’en est pas du tout question. Sur ce sujet, les rapports qui nous ont été remis contiennent un certain nombre de propositions qui ne se recoupent pas totalement, même si l’idée de trouver d’autres formes pour la résolution de certains litiges, notamment en matière civile, est partagée. En ce qui concerne, par exemple, l’homologation du divorce, l’un de ces rapports suggère de la confier aux greffiers, et un autre aux avocats.
L’important est de bien comprendre qu’il ne s’agit pas de faire une réforme judiciaire d’ordre comptable ; il ne s’agit pas de récupérer des postes de magistrats. Tout au contraire, nous en créons : depuis 2013, la présente majorité crée 500 postes chaque année. Le temps moyen consacré au divorce par consentement mutuel étant, par ailleurs, de huit minutes, ce n’est pas là que l’on peut récupérer des effectifs et, je le répète, ce n’est pas notre objectif.
En revanche, nous estimons qu’il faut essayer, notamment en matière de divorce, de trouver des solutions à l’amiable. Comme le montrent d’ailleurs les enquêtes – je parle là, non pas de sondages, mais d’enquêtes conduites en interrogeant précisément des personnes ayant eu affaire à la justice –, 67 % des Français sont de cet avis. Les méthodes de conciliation et de médiation doivent donc être développées, conformément à un engagement pris par le Président de la République.
Pour un certain nombre de contentieux, il est nécessaire de développer des solutions de ce type. Vous avez vous-même fait des propositions dans ce sens, notamment en ce qui concerne certaines catégories de délits routiers et l’usage de stupéfiants. Vous envisagez ainsi, comme le prévoient d’ailleurs les rapports Marshall, Delmas-Goyon et Nadal, de contraventionnaliser certains de ces délits. Nous étudions cette possibilité. De fait, le nombre de dossiers est important, puisque les délits routiers représentent 42 % des jugements en correctionnelle. Un certain nombre de réponses ont d’ailleurs déjà été mises en place. Nous pouvons rendre le traitement de ces cas encore plus efficace. Ainsi, les juridictions pourront se consacrer à des délits plus graves et prendre en charge de façon plus efficace les personnes qui en sont victimes.
Madame la garde des sceaux, nous savons que le décrochage scolaire est susceptible d’accroître les risques de délinquance juvénile. Nous sommes également conscients du fait qu’un jeune n’ayant aucune perspective scolaire ou professionnelle à l’issue d’une peine aura davantage tendance à récidiver. Le travail à l’égard de la primodélinquance est donc essentiel : il est important de prendre des mesures, qu’il s’agisse de la prévention ou de l’accompagnement de la sanction pénale – pendant et après son application.
Aussi, madame la ministre, je souhaite connaître les actions envisagées par les services du ministère de la justice et celles qui sont envisageables sur les deux points suivants.
Le premier concerne les perspectives données aux services d’insertion et de probation pour construire les parcours personnels et professionnels permettant d’éviter la récidive des mineurs et des jeunes majeurs, tant en termes de moyens humains que financiers. Quels sont les engagements à moyen terme en faveur de ces services ?
Le second point relève d’une interrogation sur les actions menées de façon concertées entre les services du ministère de la justice et les autres administrations. Quels sont les dispositifs déjà en place ou réalisables qui permettent aux ministères de l’éducation nationale et de la justice d’intervenir conjointement auprès des mineurs et des jeunes majeurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la députée, les conseillers d’insertion et de probation, qui font partie du personnel pénitentiaire, prennent en charge les jeunes en milieu ouvert et en milieu fermé.
En ce qui concerne les mineurs, nous mobilisons les éducateurs. Comme vous le savez, nous avons choisi de placer l’année 2013 sous le signe de la jeunesse. Nous avons donc fait un effort particulier en recrutant 205 éducateurs, alors même que la protection judiciaire de la jeunesse avait perdu 602 emplois en trois ans.
Cet effort vise à permettre une prise en charge très rapide dans les différentes régions, et cela avant même l’application de la loi qui prévoit, à compter du 1er janvier 2014, une prise en charge en cinq jours.
Nous travaillons évidemment d’une façon intense avec l’éducation nationale. Dans les tout prochains jours, je vais d’ailleurs signer avec George Pau-Langevin une convention qui nous permettra d’additionner nos efforts et nos moyens, de façon à prendre en charge des mineurs tout en faisant de la prévention. Nous mettons également à disposition des éducateurs dans des classes relais, lesquelles nous permettent de rattraper de très nombreux mineurs – plus de 80 % de ceux qui y passent.
Cela suppose évidemment un travail soutenu. À cet égard, vous avez raison de parler de la coopération interministérielle : nous travaillons également avec le ministère chargé de la lutte contre l’exclusion. Souvent, les mineurs concernés accumulent toute une série de difficultés sociales et sont en situation de rupture. D’ailleurs, nous travaillons aussi avec le ministère de la santé, car la grande détresse dans laquelle se trouvent ces jeunes est également souvent d’ordre sanitaire.
La garantie jeunes implique le ministère du travail et de l’emploi, mais également les collectivités territoriales qui sont des éléments essentiels dans l’action que nous menons en faveur de ces publics particuliers. Enfin, nous avons créé les emplois d’avenir. Ces différentes actions ont été lancées il y a maintenant presque dix-huit mois ; elles commencent à donner des résultats et nous allons les renforcer. Bien entendu, je mettrai très volontiers à votre disposition tous les éléments d’information, car j’ai bien compris que c’était en partie le sens de votre question.
Madame la garde des sceaux, la récente visite d’État du Président de la République aux États-Unis a démontré les excellentes relations qu’entretiennent nos deux pays. Elles n’en ont pas moins un goût particulièrement amer dans le département des Ardennes où les agissements frauduleux de l’ex-PDG du groupe américain Catalina, Gregory Willis, et de son adjointe, Catherine Zickfeld, restent dans toutes les mémoires.
Le groupe Catalina, repreneur en 2004 des ateliers Thomé-Génot à Nouzonville, a conduit en deux ans ce fleuron de l’industrie ardennaise, spécialisé dans les pôles d’alternateurs, à la liquidation, laissant les 300 salariés et leurs familles sur le carreau. Par la suite, le 8 septembre 2009, le tribunal correctionnel de Reims a condamné, en leur absence, ces deux ressortissants américains, réfugiés aux États-Unis, à cinq ans d’emprisonnement, à cinq ans d’interdiction de gérer et à 20 millions d’euros de dommages et intérêts pour abus de biens sociaux et banqueroute. Rien ne semblant pouvoir s’opposer à leur extradition, le parquet de Reims a transmis aux autorités américaines, le 23 février 2010, une demande d’extradition à leur encontre sur le fondement du traité d’extradition entre les États-Unis et la France, signé le 23 avril 1996. Or, depuis, plus rien ou presque ne s’est passé.
M. Willis et Mme Zickfeld coulent des jours heureux. Le premier a même été nommé à Los Angeles, le 13 janvier 2012, à la tête d’un centre culturel pour la promotion des arts américano-japonais, avant d’en être évincé au cours de l’été de la même année à la suite de révélations sur son passé ardennais.
Madame la garde des sceaux, comme je le disais le 16 mai 2013 dans la discussion générale sur la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux, il est inacceptable qu’il puisse y avoir, dans la République française, deux poids, deux mesures dans le domaine judiciaire, selon que vous soyez puissant ou misérable. Les ex-Thomé-Génot sont donc impatients de savoir où nous en sommes dans cette affaire et, par conséquent, d’entendre votre réponse.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, j’ai pris connaissance de cette affaire et je comprends votre indignation. La difficulté est que ces personnes, de nationalité américaine, se sont précipitées pour se réfugier dans leur pays, ce qui explique que le jugement ait été rendu par défaut et que les États-Unis considèrent que tout cela relève de la procédure d’extradition – vous vous êtes référé vous-même à l’article 3 du traité d’extradition du 23 avril 1996.
La direction des affaires criminelles et des grâces continue à suivre ce dossier. Je vous propose, faute de disposer ce soir du temps nécessaire pour vous donner lecture des éléments en ma possession, de vous faire les parvenir par la suite.
Il est certain que le tribunal de Reims ne peut plus agir et qu’il nous faut parvenir à ramener ces personnes de façon que justice soit faite. Votre indignation est aussi celle de tous ceux qui subissent les conséquences de ces indélicatesses du fait du comportement absolument inadmissible de ces personnes. Je peux me permettre de le dire puisque la justice française elle-même est déjà passée et a prononcé un jugement sur cette affaire.
Nous revenons aux orateurs du groupe UMP.
La parole est à Mme Arlette Grosskost.
Madame la garde des sceaux, un État de droit se mesure et se renforce à l’aune de l’aide qu’il accorde aux victimes d’infraction, lors d’un parcours souvent long et douloureux. Les victimes d’infractions pénales, blessées, meurtries dans leur intégrité tant physique que psychique, doivent pouvoir prétendre, outre à la considération, à un accompagnement plein et entier, aussi longtemps que leur état l’exige.
C’est le rôle et les missions que se sont assignés de nombreuses associations qui oeuvrent au quotidien, quel que soit le moment, au service des victimes, et dont le champ d’intervention et la professionnalisation sont croissants. Ces associations offrent ainsi à toute personne victime et à ses proches des services d’accueil, d’écoute, d’information, de soutien et d’accompagnement, notamment lors du processus judiciaire.
Les associations d’aide aux victimes travaillent en étroite collaboration avec les autorités judiciaires, les policiers, les intervenants des services sociaux et de la santé. Elles offrent un service de proximité dans plus de 750 points d’accueil sur le territoire.
Depuis vingt-cinq ans, l’aide apportée aux victimes par le réseau d’associations est financée par l’État, via les crédits du ministère de la justice ou de la politique de la ville, et par les collectivités, à hauteur de 32 millions d’euros.
Pour autant, au dire de nombreuses associations – dont Accord 68, dans ma circonscription – le montant des aides allouées paraît comme insuffisant au regard des besoins croissants.
La formation des intervenants, la prise en charge globale des victimes ou encore la création de permanences d’accueil sont autant d’investissements très lourds et pourtant indispensables. Quand bien même les restrictions budgétaires sont de mise, il y a lieu d’opérer des choix et de fixer des priorités. Parmi celles-ci figure la défense des droits des victimes.
Cela apparaît d’autant plus légitime, dans le cadre d’un équilibre bien pensé, qu’un projet de loi, examiné au Sénat, prévoit de renforcer les droits des personnes placées en garde à vue.
Alors, madame la ministre, quelle est votre position en matière d’aide et d’accompagnement des victimes ? Comment entendez-vous répondre à la problématique du financement des actions associatives, afin de l’inscrire dans une action durable ?
Madame la députée, j’ai pris connaissance de votre proposition de loi. Pour suivre cette question, vous savez que nous avons agi dans ce domaine dès notre arrivée aux responsabilités. Nous avons ainsi commencé par réévaluer le budget d’aide aux victimes, qui n’avait cessé de baisser ces trois dernières années pour atteindre les 10 millions d’euros. Dès la première année, nous l’avons porté à 12,8 millions, soit une augmentation de 25,8 %. Cette année encore, nous l’augmentons de 7 %.
Nous avons aussi décidé de chercher des financements pérennes pour ces associations qui font un travail considérable et irremplaçable, et j’ai confié à Mme la députée Nathalie Nieson une mission sur cette question. Les pistes qu’elle a proposées dans son rapport sont en expertise au ministère du budget.
Le surcoût sur l’amende est l’une de ces pistes, que vous préconisez également. Il s’agit d’un système efficace au Canada, car le taux de recouvrement des amendes y est de 90 %. En France, le taux de recouvrement est de 40 %, et même de 34 % sur les contraventions de quatrième classe. Par ailleurs, vous savez que le code de procédure pénale émet un certain nombre de conditions dans la fixation du montant des amendes et parfois même dans les procédures de recouvrement. Par conséquent, cette ressource me paraît assez aléatoire. Or notre préoccupation, au-delà de l’augmentation du budget de l’État, est de pérenniser les financements.
Les bureaux d’aide aux victimes étaient au nombre de 50 lorsque nous sommes arrivés. En une année, nous en avons ouvert une centaine. En janvier, nous avons débuté l’expérimentation de dispositions contenues dans la directive européenne de 2012 sur le suivi individualisé des victimes. Ce suivi individualisé est assuré actuellement par huit tribunaux de grande instance. Cela devrait nous permettre de mieux prendre en charge et de mieux reconnaître les droits des victimes, de leur apporter un plus grand soutien et de leur assurer une protection. Il s’agit notamment des victimes davantage exposées aux représailles, ou à ce que l’on appelle la victimisation secondaire.
Nous avons une politique d’aide aux victimes. La chancellerie, vous le savez, a repris la gouvernance de l’aide aux victimes. Elle a organisé le 4 novembre une journée « victimes », qui a permis d’affirmer les grandes orientations de cette politique.
Je vous remercie, vous et tous les députés présents dans cet hémicycle, d’accompagner ainsi ces associations qui font un travail considérable sur le terrain.
Madame la garde des sceaux, la réforme pénale que vous allez présenter dans quelques semaines se concentre, finalement, sur la réinsertion des coupables. Elle n’a pas pour ambition d’envisager la justice pénale dans sa globalité. Je le regrette. L’objectif de ce texte n’est pas de construire ; il est de détruire les avancées obtenues par la précédente majorité, notamment les peines plancher.
Il est vrai que vous vous démenez pour la prise en charge des auteurs d’infraction ! Accompagnement médical, formation, rémunération, activité professionnelle ou activités culturelles : vous vous montrez très créative lorsqu’il s’agit des personnes condamnées, mais vous semblez ignorer la question de la réinsertion des victimes.
Pourtant, une agression violente nécessite de réapprendre à vivre : effondrement de la carrière professionnelle, isolement social, traumatismes, parfois pour la vie. Il faut rappeler qu’entre 2002 et 2012, 21 lois ont renforcé les droits des victimes, que ce soit durant l’enquête, l’information, l’audience ou après le jugement.
La loi du 1er juillet 2008, qui a instauré de nouveaux droits pour les victimes et amélioré l’exécution des peines, a créé le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions – le SARVI –, afin d’assurer aux victimes une meilleure protection et une indemnisation dans les délais les plus courts.
Heureusement, madame la ministre, vous avez maintenu la généralisation des bureaux d’aide aux victimes, décidée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Mais votre politique d’aide aux victimes ne peut et ne doit pas se résumer à cela. Ma question est donc simple : quelles nouvelles mesures comptez-vous prendre dans ce domaine ?
Monsieur le député, je suppose que vous n’avez pas eu le temps de modifier votre question après avoir entendu ma réponse à Mme Grosskost ! Ce gouvernement respecte les victimes. Certes, nous ne courons pas les studios et les plateaux pour le clamer, mais nous agissons.
Je viens de rappeler que le budget d’aide aux victimes n’avait cessé de baisser les trois dernières années du précédent quinquennat. Je ne veux pas le dire avec insistance, car cette question des victimes est très sensible, qui appelle compassion et respect de la dignité des personnes. Je n’en ferai donc pas un sujet de polémique. Mais tout de même, vous n’avez cessé de baisser le budget d’aide aux victimes ! Vous avez mis trois ans pour créer cinquante bureaux d’aide aux victimes, quand nous en avons ouvert une centaine en une seule année – et je les ai fait auditer pour être sûre de les consolider.
Vous consacriez 75 % du budget du Fonds interministériel de prévention de la délinquance – le FIPD – à la vidéosurveillance. Nous avons décidé d’utiliser le FIPD pour la vidéosurveillance dans la mesure où cela est nécessaire, et pour aider les victimes.
J’ai indiqué à Mme Grosskost que nous avions lancé une expérimentation cette année. Celle-ci s’appuie sur une directive européenne qui n’est même pas encore transposée – nous avons jusqu’au mois de novembre 2015 pour le faire – et qui énonce des normes minimales pour le droit, le soutien et la protection des victimes. Nous mettons déjà en application cette directive ! De plus, nous avons voulu rassembler et améliorer les droits des victimes dans le projet de loi de prévention de la récidive.
En termes de politiques publiques, nous avons pris des dispositions de façon à améliorer les procédures de réparation des préjudices, à élargir les faits pour lesquels la réparation intégrale devient éligible et à faciliter l’indemnisation des victimes.
Nous mettons en oeuvre une politique d’aide aux victimes forte et soutenue sur un plan budgétaire, organisationnel et structurel, avec les bureaux d’aide aux victimes. Nous mobilisons le Conseil national d’aide aux victimes – que vous n’aviez pas trouvé le temps de réunir en deux ans – en le réunissant deux fois par an. Nous en avons modifié la composition.
La différence, c’est que nous respectons les victimes. Et parce que le Gouvernement respecte les victimes, il ne les instrumentalise pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la garde des sceaux, un colloque sur la justice du XXIe siècle s’est tenu à Paris les 10 et 11 janvier, réunissant près de 2 000 professionnels du système judiciaire.
Sur les 268 recommandations formulées, une en particulier a retenu mon attention. Elle a aussi suscité ma plus vive inquiétude, comme celle de nombreux professionnels. Il s’agit de la création potentielle – du moins je l’espère –, dans chaque chef-lieu de département, d’un tribunal de première instance, issu d’un rapprochement entre le tribunal de grande instance, le tribunal d’instance et le conseil des prud’hommes.
Je crains, madame la garde des sceaux, que la fusion des juridictions de première instance au sein d’un tribunal départemental ne prive davantage les justiciables de l’accès à la justice. Comme mon collègue Joël Giraud l’a rappelé tout à l’heure, la délocalisation de certains contentieux et la nécessité pour le justiciable de parcourir parfois plus de 100 kilomètres à l’intérieur d’un même département pour se présenter à son audience pourraient fortement le décourager, en particulier dans les territoires ruraux ou les territoires de montagne – je ne parle pas de la viabilité hivernale –, en raison des contraintes liées au relief, au climat, et au coût des déplacements.
Enfin, nous avons tous conscience qu’une fusion des juridictions de première instance pourrait avoir pour corollaire, à moyen terme, la fermeture de plusieurs tribunaux, sur la base, si l’on en croit la proposition, d’un découpage géographique qui remonte à 1790 en ce qui concerne les départements.
Dans des territoires à fortes contraintes géographiques, cette situation serait catastrophique pour le fonctionnement de la justice, d’autant plus que les nouvelles technologies ne sont pas encore pleinement déployées dans certains départements.
Bien qu’il ne soit pas question, pour l’instant, d’une nouvelle réforme de la carte judiciaire, il est impératif – et je suis d’autant moins gêné de le dire ce soir que je l’avais déjà rappelé en 2009 – de prendre en considération leurs spécificités pour maintenir des juridictions de proximité.
Je sais que vous êtes attentive à ces problématiques d’aménagement du territoire, et je profite de cette occasion pour vous remercier du soutien que vous avez apporté au tribunal de grande instance de Bonneville.
Pouvez-vous nous indiquer où en est votre réflexion sur cette proposition et quel est le calendrier éventuel, afin de rassurer les nombreux professionnels qui travaillent dans les tribunaux de grande instance, partout en France ?
Monsieur le député, la réforme judiciaire a bien pour ambition de rendre la justice plus proche et de la mettre au service des citoyens. Ce qui suscite chez vous des craintes n’a pas lieu d’être.
Oui, nous travaillons sur un tribunal de première instance, un engagement du Président de la République. Plusieurs rapports mettent en évidence la nécessité d’un tribunal de première instance. Il reste, bien sûr, à en établir la référence territoriale et à préciser le périmètre des contentieux – sujet de bien des inquiétudes. Mais si notre souci est celui de la proximité de la justice pour les justiciables, alors oui, il faut un tribunal de première instance.
Pourquoi ? Parce que nous avons des contentieux du quotidien qui nécessitent que le justiciable puisse engager des démarches simples et de proximité et d’autres contentieux, juridiquement plus techniques, qui doivent être traités par des juridictions spécialisées. Nous voulons que la proximité soit assurée aussi bien pour les contentieux simples du quotidien que pour les contentieux plus spécialisés. S’agissant de ces derniers, nous savons que nous pouvons utiliser les nouvelles technologies pour garantir une proximité qui ne serait pas géographique.
Cette proximité par les nouvelles technologies peut justement être assurée par un tribunal de première instance, lieu d’entrée qui permet aux justiciables d’accéder à tous les niveaux de justice selon la nature du contentieux. Notre souci est là.
Vous nous faites crédit, je vous en remercie, du fait que nous nous placions plutôt, soit dans une démarche de réouverture des juridictions – tribunaux de grande instance, chambres détachées –, soit de renforcement de juridictions ou d’autres sites judiciaires, comme les maisons de la justice et du droit, les MJD. Essentiellement tenues, ces dernières années, par des personnels mis à disposition par les collectivités territoriales, que je remercie, les MJD sont des sites judiciaires au titre du code de l’organisation judiciaire et des greffiers doivent s’y trouver. Nous avons justement décidé d’en affecter.
Je tiens à vous tranquilliser. Il ne s’agit pas, pour nous, d’éloigner la justice des citoyens. Au contraire, nous réparons les déserts judiciaires et nous pensons la justice ensemble. Les assemblées générales des juridictions sont chargées jusqu’à mi-avril de réfléchir, de travailler sur nos propositions. Nous rapprochons la justice des citoyens aussi bien pour les contentieux simples que pour les plus compliqués.
Nous revenons aux orateurs du groupe SRC.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Madame la garde des sceaux, ma question concerne l’accès à la justice. Lors de la discussion budgétaire 2014, vous avez proposé, et nous avons voté, la fin de la taxe de 35 euros à la charge des contribuables qui devaient engager un recours. Celle-ci fonctionnait comme un ticket modérateur sans distinction de la nature des affaires ni prise en compte des montants en cause. L’État a compensé intégralement cette suppression par des crédits budgétaires à hauteur de 60 millions d’euros. Vous avez, à cette occasion, annoncé une concertation avec les avocats à propos de l’évolution de l’aide juridictionnelle.
Parallèlement, l’accès à l’avocat a fait l’objet d’une directive en octobre 2013 afin d’harmoniser le droit d’accès à un avocat dans le cas des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen. Cette décision historique intervient dix ans après les premières tentatives de dégager un accord en la matière.
Un peu plus récemment, en décembre 2013, une proposition de directive relative à l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies privées de liberté a été transmise par la Commission européenne aux États de l’Union. Ce nouveau dispositif, qui tend à ce que les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre d’une procédure pénale et privées de liberté, ainsi que les personnes soumises à une procédure relative au mandat d’arrêt européen aient accès à une aide juridictionnelle, permettra de rendre effectif leur droit d’accès à un avocat.
Où en sont les concertations avec les professionnels français ? Quelle est la position du Gouvernement quant à la proposition de directive d’étendre l’aide juridictionnelle dans l’Union ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Concernant l’aide juridictionnelle nationale, vous savez que je nourris une grande ambition, que je m’obstine à atteindre, celle de construire une politique nationale de solidarité en ce domaine. Je ne veux pas me contenter de constater, année après année, que nous nous battons pour un budget qui ne nous permet d’accorder qu’une petite augmentation de 5 % ou 10 %, ce qui n’est pas à la mesure des besoins. L’aide juridictionnelle appelle une vraie politique de solidarité dans la mesure où elle permet à des personnes dont les ressources sont très modestes – rappelons que le plafond est fixé à 929 euros alors que le seuil de pauvreté est à 964 euros – d’accéder aux services d’un avocat puisqu’il est alors pris en charge par l’État.
Les avocats sont rémunérés sur la base d’unités de valeurs qui n’ont pas été revalorisées depuis 2007. Nous devons avoir conscience que ce travail représente un véritable engagement pour les avocats car ils ne reçoivent pas de rémunération mais assurent un service de même qualité que s’ils percevaient des honoraires. Si c’est possible, nous devrons remonter le plafond des ressources. Je le souhaite même si la dépense est assez dynamique. Nous devons également revaloriser les unités de valeurs afin que les avocats soient mieux rémunérés, et étendre le champ du contentieux à un certain nombre d’autres qui ne sont pas éligibles à l’aide juridictionnelle, comme les contentieux médicaux.
Nous travaillons avec obstination pour tenter de construire cette grande politique nationale de solidarité.
Pour ce qui est de l’Union européenne et du projet de directive de novembre 2013, nous pouvons nous réjouir de cette victoire de la France. Nous étions en position de force en juin et juillet 2012, ce dont j’ai profité pour négocier un vote de la France à condition de disposer d’un instrument juridique pour l’aide juridictionnelle étendu à l’ensemble de l’Union européenne. La raison en est simple : l’Union européenne ne saurait ouvrir de nouveaux droits et ne pas les rendre effectifs. L’on permet la présence de l’avocat, mais en l’absence d’aide juridictionnelle seuls ceux qui en ont les moyens pourront bénéficier de ce droit. J’ai donc plaidé le principe de l’effectivité des droits pour demander un prochain instrument législatif qui instaure une aide juridictionnelle pour l’ensemble de l’Europe.
Pour le moment, le projet de directive ne prévoit de couvrir l’aide juridictionnelle que dans les cas de personnes suspectes ou poursuivies, en excluant l’audition libre. Or, une directive européenne prévoit la présence de l’avocat au cours de l’audition libre. L’étude d’impact menée par l’Union européenne a fait apparaître que la diversité, voire la disparité, des systèmes judiciaires européens rendait très compliquée la prise en charge de l’audition libre.
Nous n’avons pas dit notre dernier mot. Nous sommes contents de cette première victoire car nous disposons d’un instrument législatif, d’une directive, qui correspond au plus haut niveau d’instrument législatif, avec de surcroît la marge nécessaire pour la transposition, contrairement au règlement. Je le répète, nous n’avons pas dit notre dernier mot et nous allons nous battre pour que l’audition libre soit également couverte.
Madame la garde des sceaux, vous avez dressé en 2013, lors de vos nombreux déplacements sur le territoire national, le constat accablant du manque d’effectif dans la magistrature judiciaire, manque d’effectif résultant de la politique menée par la précédente majorité. Vous avez constaté que plus de 330 postes de magistrats étaient aujourd’hui vacants en France alors qu’ils sont financés. Faute de vocation, ils ne sont pas pourvus. Ce constat est d’autant plus sensible que dans les cinq prochaines années, 1 400 des 8 000 magistrats actuellement en fonction partiront à la retraite.
Le Conseil supérieur de la magistrature a d’ailleurs souligné que « le nombre de magistrats n’a jamais été aussi bas depuis 2009 alors que ces derniers doivent juger de plus en plus d’affaires ».
On sait combien le métier de magistrat est devenu difficile. Nous avons tous en tête, nous les députés, les difficultés exprimées discrètement mais assurément par les magistrats du siège et du parquet. Le recrutement par concours d’entrée à l’école nationale de la magistrature ne permet évidemment pas de combler le déficit actuel. De nouveaux types de recrutements – vous avez d’ailleurs songé à créer une passerelle pour les greffiers – permettraient de combler en partie ce déficit et d’atténuer le travail énorme qui pèse sur les magistrats.
Je pense aussi aux brillants juristes que nous comptons au sein de l’université ou parmi les avocats, dont beaucoup sont demandeurs, à titre provisoire, ou plus durablement.
Ce recrutement pluraliste présenterait d’ailleurs l’avantage d’offrir une diversité de culture et de répondre dans l’urgence, sans renier la qualité de justice, à un besoin en effectif clairement identifié par les justiciables.
Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de nous renseigner quant aux perspectives envisagées par la chancellerie en ce domaine pour améliorer le fonctionnement de la justice.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ce sujet est important et j’ai eu à vous en entretenir à plusieurs reprises ici car vous êtes vous-mêmes confrontés à ces difficultés au sein de vos circonscriptions. Sous l’ancien quinquennat, ne serait-ce que pour remplacer les départs à la retraite, il aurait fallu ouvrir 300 postes de magistrats chaque année. Or, l’ancien gouvernement se contentait d’en ouvrir quatre-vingts et de recruter 105 magistrats. Il faut rattraper le temps perdu. Nous nous y sommes attachés dès la première année et nous sommes aujourd’hui très satisfaits du résultat. Nous nous sommes en effet rendu compte, la première année, que tous les postes ouverts n’avaient pas trouvé preneurs. J’ai refusé la proposition qui m’avait été faite de baisser le niveau du concours car c’est un très beau concours et il est bon que les concours soient difficiles, en particulier celui qui conduit à une formation de magistrat pour juger ses concitoyens. Il me semble au contraire nécessaire de maintenir l’effort. Nous avons par conséquent mené une campagne de sensibilisation très forte, y compris auprès des doyens de facultés de droit et des directeurs d’instituts judiciaires et nous avons obtenu le meilleur résultat qui soit depuis dix ans cette année puisque les 384 postes que nous avons ouverts ont trouvé preneurs.
Vous avez parlé de la rencontre des expériences et des cultures professionnelles, nous avons justement obtenu un résultat historique puisque, sur les 384 postes, 64 auditeurs de justice, en vertu de l’article 18-1, viennent d’horizons différents et ont suivi d’autres parcours.
Treize auditeurs de justice sont également passés par nos classes préparatoires. Ils présentent exactement le même concours, mais ils sont au préalable passés par le sas de la classe préparatoire qui nous permet d’améliorer la mixité sociale dans nos écoles.
Nous obtenons donc de bons résultats mais c’est vrai que nous héritons d’une situation difficile. Au début de l’année, 395 postes étaient vacants et leur nombre ne cesse d’augmenter au fur et à mesure que nous créons des postes de magistrats puisqu’il faut trente-et-un mois pour former un magistrat. Il est donc normal que des postes restent encore vacants pendant une certaine période.
Heureusement, nous avons commencé nos efforts en 2012. À partir de septembre 2014 arriveront 250 magistrats dans les juridictions qui s’en trouveront soulagées, sans parler des 1 084 greffiers qui arriveront également. Il faut savoir que nous rencontrerons également des problèmes au niveau des greffiers puisque, d’ici 2023 – c’est loin, je le reconnais, mais c’est tout de même dès aujourd’hui que nous devons anticiper –, 40% du corps des greffiers partira à la retraite. Là encore, nous devons nous préparer et nous faisons des efforts.
J’ai bien entendu votre préoccupation et je la partage, c’est pourquoi je maintiens les concours complémentaires ainsi que les recrutements latéraux. Nous réfléchissons en ce moment à vous soumettre, si vous l’acceptez, un projet de loi organique pour modifier les statuts, faciliter l’accès à la magistrature de personnes qui ne le peuvent pas aujourd’hui, comme les docteurs en droit, grâce à des passerelles, et permettre le maintien en activité par la modification de l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, ce que nous vous soumettrons très prohcainement.
L’ordre du jour appelle les questions à Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse sans droit de réplique.
Nous commençons par le groupe UDI.
La parole est à M. Michel Zumkeller.
Madame la présidente, madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, mes chers collègues, nous partageons le constat que les TPE, les artisans, les commerçants représentent les forces vives de notre pays et de notre activité économique. Ces entreprises sont donc indispensables, tant par leur poids économique que par la place qu’elles occupent sur notre territoire. Or, il est très difficile pour ces petites entreprises, surtout celles qui comptent moins de dix salariés, de satisfaire aux obligations fiscales, administratives et sociales qui leur sont demandées. On leur impose souvent les mêmes contraintes qu’aux très grosses – lesquelles disposent de structures de soutien sur les plans juridiques, fiscaux et financiers –, et le temps qu’elles passent pour toutes ces formalités est autant de moins pour s’occuper de leur activité principale.
Voilà quelques années, lorsque nous avons créé le statut de l’auto-entrepreneur, nous nous sommes inscrits dans une dynamique qui permet de simplifier bon nombre de procédures. Même si ce statut n’est pas parfait, il aura au moins permis cela.
Je souhaiterais savoir si l’on ne peut pas franchir une étape supplémentaire en faisant en sorte que ces simplifications profitent à des entreprises un peu plus importantes – par exemple, comptant jusqu’à dix salariés – qui bénéficieraient d’un statut allégeant certaines contraintes et peut-être même d’un allègement du code du travail lui-même. Cela serait plus conforme à leur taille.
Quelle sont vos idées à ce propos, madame la ministre ? Peut-on envisager de travailler ensemble à la rédaction d’un statut simplifié pour les TPE ?
La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Monsieur le député, nous partageons votre constat quant à la nécessité d’accompagner et de préserver ces entrepreneurs de proximité que sont les artisans et les commerçants. Vous avez d’ailleurs vous-même été très actif lors du débat sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux TPE.
Vous savez que nous y avons inclus un certain nombre de dispositifs visant à simplifier le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL, à travers notamment la fusion du micro-fiscal et du micro-social afin de créer des micro-entreprises.
Vous savez aussi qu’un groupe de travail sera installé, réunissant les services de la Garde des Sceaux et ceux de mon ministère afin de créer un statut unique de l’entreprise individuelle et de faciliter ainsi le parcours dans l’entreprenariat.
Lors des débats, j’ai eu l’occasion de dire que nous ne pourrions pas intégrer une réforme du statut unique dans ce projet de loi en raison des nécessaires approfondissements et expertises qui auront lieu prochainement. Ceux-ci nous conduiront à mettre en place une réforme de grande ampleur mais, d’ores et déjà, je tiens à le rappeler, le texte que vous avez voté comporte un certain nombre de bases juridiques solides concernant la fusion du micro-social et du micro-fiscal.
Outre les simplifications en matière d’EIRL, nous favorisons l’accompagnement des TPE à travers les informations fournies aux consommateurs et le stage préalable à l’installation.
Dans les prochains mois, nous compléterons l’ensemble de ces dispositifs avec le statut juridique unique.
Madame la ministre, nous sommes dans une séance de contrôle de l’action du Gouvernement. Je souhaite vous interroger sur la question de l’avenir des organismes consulaires et, plus précisément, sur celui des chambres de commerces et d’industries, les CCI.
La majorité précédente avait engagé une réforme concertée avec ces dernières et avait proposé une vision d’avenir les concernant.
Les CCI accompagnent quotidiennement 2,5 millions d’entreprises à travers des services adaptés, en lien constant avec les collectivités territoriales.
Depuis votre arrivée, ce Gouvernement a pris des dispositions visant à réduire les recettes fiscales dont elles bénéficient, à taxer leur personnel et à réformer la taxe d’apprentissage.
Dès lors qu’il engage une nouvelle réforme de la décentralisation qui aura un impact sur les 27 000 collaborateurs des diverses CCI, comment envisage-t-il l’organisation de ces dernières ? Quelle mission compte-t-il confier aux chambres régionales, départementales et territoriales ? Quel sera leur financement ?
Dès lors que, comme on l’entend dire dans les chaumières, le Gouvernement est tenté de recentrer la compétence économique autour des régions, cette dernière pourrait échapper aux CCI, ce qui contribuerait à les vider de tout contenu et de toute substance.
Quels sont donc, madame la ministre, les financements, la vision, l’organisation et la définition des missions des CCI ?
Vous m’interrogez sur l’avenir des chambres consulaires et, plus particulièrement, sur celui des CCI.
Je rappelle le rôle essentiel qu’elles jouent, de même que les chambres des métiers et de l’artisanat, les CMA, en matière d’accompagnement et de développement des entreprises du secteur de l’artisanat et du commerce.
Le Gouvernement veille à renforcer leur efficacité en lien étroit et en bonne intelligence avec l’ensemble de leurs représentants, que je reçois très régulièrement.
Vous le savez, le Premier ministre a signé un pacte de confiance avec les CCI qui, bien évidemment, les engage, tout comme nous avons signé un contrat d’objectifs et de performances avec ce réseau – c’est une première – afin de fixer des objectifs en termes de missions et d’accompagnement.
Une démarche similaire a été engagée avec les CMA, comme je l’avais dit lors du lancement du pacte pour l’artisanat.
Certes, nous avons demandé un certain nombre d’efforts aux CCI et aux CMA dans le cadre plus global de notre action pour redresser nos finances publiques. Lors des débats budgétaires, sans doute vous en souvenez-vous, le Gouvernement s’était engagé à travailler avec l’ensemble des réseaux afin de trouver, dans la concertation, la meilleure trajectoire budgétaire et financière pluriannuelle possible.
Le réseau des CCI se sont engagés au mois d’octobre 2013 dans une démarche de progrès visant à devenir plus performant au service des entreprises, à poursuivre les efforts et les réformes structurelles susceptibles de dégager des économies, le Gouvernement accompagnant quant à lui CCI et CMA pour parvenir à un équilibre.
C’est ainsi que nous préserverons la capacité d’intervention et d’accompagnement des entreprises tant sur le plan national, avec CCI France, que sur le plan régional dans le cadre des conventions d’objectifs et de performances que nous déclinerons territorialement. Nous travaillerons également ainsi à la mutualisation et à la rationalisation de la dépense publique.
Ma question concerne le tourisme, secteur important de notre économie puisqu’il représente deux millions d’emplois non délocalisables. Il est en croissance sur le plan mondial, comme nous le constatons chaque jour à travers les statistiques et les études économiques, et vos services prévoient que d’ici 2020 le potentiel de touristes accueillis dans notre pays s’accroîtra de près de 40%, passant de 80 à 110 millions de personnes.
Cela nécessite bien entendu une stratégie politique gouvernementale tant en ce qui concerne les infrastructures – afin qu’elles permettent d’accueillir les nouveaux flux – que les différents acteurs et métiers du tourisme – afin que les formations soient au rendez-vous – ainsi que la communication – de ce point de vue-là, notre groupe est grandement inquiet : les crédits d’Atout France sont faibles – infiniment plus faibles que ceux dont disposent les autres grands pays – pour valoriser notre image sur le plan international.
Faute d’une stratégie claire et visible ainsi que d’un engagement national sur ces questions, madame la ministre, nous courons le risque d’être dépassés. Des annonces fort désagréables ont d’ores et déjà été faites, de grandes capitales comme Londres ayant supplanté Paris. Cette manne pour notre croissance économique et nos emplois risque de nous échapper faute d’une mobilisation adéquate.
Comme souvent en France, faudra-t-il attendre que le secteur soit en crise pour que les pouvoirs publics y accordent une attention toute particulière ?
Ma question, au fond, est assez simple : face à la croissance mondiale du secteur du tourisme et à l’afflux de 40 % de touristes supplémentaires dans notre pays dans les six prochaines années, quelle est la stratégie de votre ministère concernant les grands secteurs de développement touristique ? Que comptez-vous faire pour accueillir des nouveaux touristes et, peut-être, en accueillir beaucoup plus encore car le tourisme crée des emplois, combat pour lequel nous sommes tous engagés ?
Monsieur le député, je vous remercie de me poser une question sur le tourisme car elle me permettra de rappeler à l’ensemble de la représentation nationale un certain nombre de principes et d’engagements que nous avons pris depuis notre arrivée au pouvoir.
Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a demandé que le tourisme devienne une cause nationale eu égard aux retombées économiques potentielles et à la création d’emplois que ce secteur peut nous apporter.
C’est pourquoi le Premier ministre m’a confié l’organisation des assises du tourisme qui, depuis le mois de novembre dernier, mobilisent plusieurs groupes de travail sur le plan national comprenant des personnalités venues de divers horizons – des collectivités territoriales mais aussi des entreprises publiques et privées, de tous les milieux qui de près ou de loin concourent à la stratégie touristique de la France.
Nous avons également souhaité que ces assises soient déclinées sur le plan régional afin de tenir compte des spécificités territoriales ainsi que des besoins en équipements et en services que vous avez justement soulignés.
Nous avons également organisé une grande consultation publique en ligne à destination de nos concitoyens – le tourisme les concerne très directement – ainsi que de nos visiteurs internationaux via Atout France. Nous avons reçu plus de 30 000 réponses au questionnaire.
Cela nous permet de définir une stratégie touristique pour les prochaines années avec une feuille de route claire et ambitieuse, notre objectif étant de rester la première destination mondiale avec 83 millions de visiteurs et, surtout, d’améliorer les recettes liées au tourisme.
Le budget de mon ministère consacré à Atout France a été préservé. Il convient de ne pas oublier non plus les moyens financiers importants que les collectivités territoriales consacrent à cette politique. Tel est le sens des contrats de destination que j’ai également initiés afin de fédérer et de structurer notre filière sur les territoires.
Cela est indispensable car l’économie touristique repose sur la proximité. L’État ne peut pas, quant à lui, agir sans le soutien des collectivités territoriales ni celui des acteurs privés du tourisme. Tel est le sens de la démarche que nous avons inaugurée.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à Mme Véronique Massonneau.
Madame la ministre, la subvention au titre du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, dite subvention FISAC, joue un véritable rôle dans la survie commerciale et sociale des zones les plus fragilisées de notre pays.
En effet, le FISAC a pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des services artisanaux et commerciaux de proximité dans les zones rurales ou urbaines qui sont affaiblies par les évolutions économiques et sociales.
Lors de l’examen du PLF pour 2013, quelques mois après votre arrivée au ministère, des débats importants ont eu lieu dans l’hémicycle à propos de ce Fonds.
Vous aviez alors affirmé que de nombreuses demandes avaient été acceptées, dépassant ainsi les limites du Fonds, et qu’une remise à plat était nécessaire. Cela a justement constitué l’un des points de votre projet de loi relatif à l’artisanat et au commerce, adopté voici quelques jours à l’Assemblée.
Cette réforme de la subvention constitue une bonne nouvelle, notamment, en termes de transparence pour les collectivités.
En effet, il est à l’heure actuelle parfois délicat de comprendre le processus existant. Je prends un exemple bien connu de votre cabinet, celui de la commune de Vicq-sur-Gartempe, dans ma circonscription.
Une demande a été faite afin d’ouvrir un bar tabac relais de poste. La subvention a été accordée, mais le montant alloué était inférieur à celui initialement désiré ce qui, puisqu’aucune explication n’a été fournie, peut sembler arbitraire.
Si l’on comprend aisément qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de contenter intégralement toutes les demandes, il est tout aussi important de comprendre le fonctionnement des modalités d’attribution du FISAC.
Pouvez-vous préciser les changements qu’entraînera cette loi, madame la ministre, ainsi que les modalités et les critères selon lesquels les subventions FISAC seront désormais attribuées ?
Je vous remercie.
Madame la députée, nous avons régulièrement échangé sur l’avenir du FISAC et sur la situation dans laquelle j’ai trouvé ce fonds à mon arrivé à Bercy. Je ne reviendrai donc pas sur le tableau que vous avez parfaitement brossé. Je voudrais vous parler à la fois de la gestion du stock de dossiers instruits et non financés et de la réforme que je compte mener, et qui a d’ailleurs reçu l’assentiment de votre assemblée il y a quelques semaines, lors de la discussion du projet de loi.
Au moment de mon arrivée, j’ai trouvé beaucoup de dossiers instruits, mais non financés. Il convenait donc de les traiter en trouvant une solution qui présente un intérêt local évident pour les professionnels, mais également pour les élus locaux qui se sont investis dans un projet de dynamisation du commerce, et notamment du commerce de proximité. C’est la raison pour laquelle, avec mon collègue Bernard Cazeneuve, nous avons abondé ce fonds à hauteur de 35 millions d’euros en 2013. Nous allons reproduire cette opération, afin de solder le passif et de repartir sur de bonnes bases. Nous lancerons un appel à projet au niveau national, avec un cahier des charges qui fixera des orientations et des priorités en fonction des besoins des territoires. Il s’agira de bien cibler les projets, afin d’avoir un véritable effet de levier, en partenariat avec les collectivités territoriales. Ces priorités s’inscriront dans la continuité des annonces contenues dans le plan d’action pour le commerce et les commerçants, que j’ai présenté en juin 2013. Il s’agira de soutenir le commerce de proximité et de favoriser des opérations collectives, notamment sur les questions d’accessibilité et de sécurité, mais aussi des opérations de modernisation du commerce et de l’artisanat.
Vous voyez que ce fonds, nous y tenons autant que vous. Nous souhaitons donc le préserver, mais en le rendant transparent, juste et efficace.
Madame la ministre, la loi sur l’artisanat que vous venez de défendre devant notre assemblée apporte des réponses pour redynamiser l’activité commerciale dans les centres-villes, les centres bourgs et les villages. Aux yeux des écologistes, il s’agit là d’un objectif important pour la qualité de vie, et indispensable à la transition énergétique et écologique de notre économie. La multiplication des déplacements énergivores produit trop de gaz à effet de serre et exclut une partie de la population : les personnes qui n’ont pas de véhicules pour se déplacer, mais aussi les personnes âgées ou celles dont les moyens financiers sont limités.
Votre loi réforme la gestion du FISAC. Ce dispositif, qui est très apprécié des collectivités locales et des professionnels, a été bien malmené par la droite jusqu’en 2012. Les mécanismes de financement prévus n’ayant jamais été mis en oeuvre, vous avez trouvé en arrivant au ministère, comme vous venez de nous le dire, une situation déplorable, avec mille cinq cents dossiers en attente. Pour résorber ce retard, le Gouvernement a débloqué 35 millions d’euros cette année et devrait en faire sensiblement de même l’année prochaine. Vous proposez de passer d’une logique de guichet à une logique d’appel à projets : les réponses aux demandeurs seront certes plus rapides, mais il n’en reste pas moins que les besoins sont en croissance constante.
Au-delà de l’effort budgétaire consenti pour 2014 et 2015, quels fonds pérennes et quelles ressources nouvelles le Gouvernement entend-il consacrer au FISAC ? Pourriez-vous par ailleurs, madame la ministre, préciser à nouveau quels critères d’attribution seront retenus ?
Je souhaiterais également vous alerter sur une autre préoccupation des commerçants et des artisans, mais aussi des élus locaux et des populations. La création de rayons spécialisés – journaux, librairie, boulangerie – dans les supérettes et les supermarchés de proximité, ainsi que les galeries marchandes des hypermarchés, mettent souvent en difficulté le commerce et l’artisanat des centres-villes. Cette situation a des effets néfastes en termes d’emplois et sur l’animation de nos villes. Aujourd’hui, rien ne permet, ni aux élus locaux, ni aux commerçants menacés, de répondre à ce problème. Envisagez-vous, madame la ministre, de prendre des mesures pour trouver un juste équilibre et des solutions à ce problème ?
Madame la députée, vous avez largement participé à l’examen du projet de loi et vous connaissez donc déjà en grande partie les réponses aux questions que vous me posez. S’agissant du FISAC, vous savez que les critères d’attribution sont de nature réglementaire et seront fixés par décret, comme nous l’avons longuement répété dans cet hémicycle. Un décret, qui est en cours de préparation, fixera les critères d’attribution et les modalités de l’appel à projets, lesquelles seront revues chaque année, pour s’adapter aux évolutions du commerce et aux attentes des artisans et des commerçants.
Comme je l’ai dit, un certain nombre de documents seront également envoyés aux préfets, afin de répondre aux attentes des collectivités territoriales et des professionnels, et pour qu’ils puissent s’y retrouver facilement dans cette nouvelle procédure. Je souhaite aussi qu’un volet spécifique soit dédié aux collectivités territoriales, notamment aux plus petites ou aux plus fragiles d’entre elles, qui feront l’objet d’un traitement particulier, pour ne pas entraver le bon déroulement des projets. Ce dispositif, je l’ai dit, est en cours d’élaboration, et il fera l’objet d’une discussion, que j’ai déjà entamée, avec les organisations professionnelles, mais également les élus locaux.
En matière d’urbanisme commercial, vous connaissez les réformes contenues dans le projet de loi, pour avoir largement contribué au débat. Vous savez que les grands projets, à partir de 20 000 mètres carrés, seront désormais soumis à l’auto-saisine de la Commission nationale d’aménagement commercial – disposition que vous avez soutenue. Je partage avec vous l’objectif de diversification de l’activité pour les commerçants : c’est une chance, notamment dans les territoires ruraux. Ce projet de loi a introduit un certain nombre d’outils : la réforme du FISAC, le droit de préemption et la réforme de l’urbanisme commercial, un ensemble de mesures que vous connaissez bien et que vous avez soutenues.
Nous en venons aux questions du groupe RRDP.
La parole est à M. Olivier Falorni.
Madame la ministre, le Gouvernement a souhaité faire du tourisme une priorité nationale, avec un objectif clair : maintenir la France au premier rang mondial. Les assises du tourisme, qui prendront fin au printemps prochain, fixeront, je le souhaite, un programme d’action concrète pour notre territoire, et plus particulièrement pour mon département, la Charente-Maritime. Parmi les pistes de travail proposées, j’ai retenu la thématique de l’adaptation de la filière touristique aux mutations du secteur, car il est vrai que les modes de consommation du tourisme ont fortement évolué ces dernières années. Le numérique figure désormais, pour plus des deux tiers, dans la réservation de voyages ou de vacances.
Les agences de réservation en ligne sont devenues un canal de distribution incontournable pour les petits hôteliers, comme pour les grands groupes. Elles offrent des avantages non négligeables : elles rendent de précieux services aux consommateurs, tout en servant de vitrine aux professionnels, auxquels elles assurent un taux de remplissage. Mais à quel prix ? Si mon intervention n’a pas pour but de réduire à néant ces centrales, qui participent à l’effort du tourisme, il faut toutefois reconnaître qu’elles abusent de leur position dominante. C’est pourquoi les hôteliers se sont regroupés l’été dernier pour dénoncer certaines pratiques : un taux de commission exorbitant, la clause de disponibilité ou l’obligation d’inscrire sur ces sites le plus grand nombre de chambres, et l’interdiction faite aux hôteliers de pratiquer des prix inférieurs à ceux convenus avec la centrale. C’en est donc fini des promotions de dernière minute, affichées directement sur le site internet des hôtels.
Quant à l’e-réputation des commerçants, elle est souvent trompeuse et faussée, puisqu’il leur est impossible de vérifier les commentaires et d’y réagir. Pire, des sites sont nés l’année dernière, dont le nom équivoque laisse croire qu’ils sont des supports officiels – c’est le cas par exemple du site www.hotel-la-rochelle.com. Les syndicats de professionnels de l’hôtellerie, ainsi que tous les petits hôtels, attendent qu’il soit mis un terme au déséquilibre significatif de ces relations commerciales et que soit restauré le principe d’une concurrence libre et non faussée, afin de préserver les emplois. Après une première avancée significative obtenue au détriment d’un opérateur, nous attendons que vous saisissiez cette opportunité pour aller plus loin. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre en faveur de l’hôtellerie française, pour remettre le client au coeur des préoccupations des professionnels du secteur, ce qui est impératif ?
Monsieur le député, vous m’interrogez sur un problème important qui préoccupe les hôteliers : les pratiques commerciales des centrales de réservations en ligne dans le secteur de l’hôtellerie. Cette question fait l’objet d’un examen approfondi dans le cadre des assises du tourisme et l’ensemble des personnalités présentes dans ce groupe de travail, comme en région, nous feront des propositions.
Il est évident que ces centrales de réservation ont permis de donner à certains hôtels, notamment à des hôtels indépendants, une visibilité sur internet qu’ils n’auraient pas forcément eue sans elles. Ces centrales apportent un service à notre hôtellerie et contribuent à la valorisation de notre tourisme. Mais dans le même temps, il est impossible de nier les contreparties souvent exorbitantes qu’elles demandent à leurs adhérents. Vous avez pris un exemple rochelais, mais dans tous les territoires, des professionnels nous signalent ce genre de pratiques. Les hôteliers ont notamment appelé l’attention du Gouvernement sur les clauses des contrats imposés par ces centrales, qui ont évolué avec le temps. La Commission d’examen des pratiques commerciales a rendu, le 16 septembre 2013, un avis sur les relations entre ces acteurs. Cet avis a apporté un éclairage juridique, dont le Gouvernement a tiré les conséquences. Conforté par les constats de la DGCCRF, il a conduit à l’assignation en justice du groupe Expedia, et une assignation concernant une autre centrale de réservations est imminente.
Ce secteur connaît aujourd’hui les mêmes problèmes qu’a connus il y a quelques années celui de la grande distribution. Les grands sites adoptent le même type de pratiques que celles qu’avaient autrefois les grands distributeurs vis-à-vis des petits producteurs. Un rééquilibrage est donc aujourd’hui nécessaire et le Gouvernement engagera des poursuites en justice à chaque fois que cela sera indispensable. Mais nous travaillons également, avec Fleur Pellerin, pour trouver une solution à l’échelle européenne, car il est bien évident que sur ce sujet, une solution franco-française aurait peu de poids et atteindrait très vite ses limites. Cette question a été évoquée au Conseil européen du mois de décembre et les travaux se poursuivent avec les autres pays de l’Union européenne.
Madame la ministre, ma question concerne le secteur du tourisme, qui constitue un apport économique de premier ordre pour notre pays. Le département du Lot, dont je suis élue, dispose d’un patrimoine naturel et culturel exceptionnel : quatre cent vingt sites et monuments protégés et pas moins de vingt musées. Cette richesse provoque un afflux important de visiteurs, et donc des retombées commerciales importantes. En 2011, 1,5 million de visiteurs se sont rendus sur nos sites touristiques et en 2012, le Lot a enregistré à lui seul 10,8 millions de nuitées touristiques et suscité 328 millions d’euros de retombées économiques. Ces chiffres témoignent de l’importance de ce secteur en termes de dynamisme économique, d’emplois et de développement pour un territoire.
Cependant, le secteur du tourisme n’échappe pas à la concurrence, et notamment à celle des pays émergents. Dans ce domaine aussi, il est donc important d’innover, d’adapter son offre et d’élaborer une stratégie ambitieuse de promotion et de communication. Développement durable des territoires, efficacité des transports, modernisation des infrastructures, sécurité des visiteurs : ce sont là autant d’enjeux à prendre en compte et de défis à relever.
Je voulais vous demander de nous exposer, avant que les conclusions des assises ne soient rendues publiques au printemps 2014, les grandes orientations de votre politique en matière de développement touristique, mais vous avez déjà répondu à une question similaire.
Pouvez-vous nous confirmer que les territoires ruraux seront pris en compte et bénéficieront de la stratégie nationale que vous allez mettre en place ? Toutes les études prouvent en effet que le tourisme sera une opportunité unique de développement dans les années à venir, puisque l’on considère que le nombre de touristes, qui est passé de 278 millions en 1980 à plus d’un milliard en 2012, pourrait doubler d’ici vingt ans.
Madame la députée, je connais votre attachement à votre territoire, le Lot, puisque j’ai eu le plaisir de m’y rendre et d’inaugurer avec vous un office de tourisme.
Ce département compte en effet de nombreux atouts, notamment dans le domaine du tourisme rural et du tourisme vert, grâce à un environnement qui doit être préservé et protégé.
Dans le cadre des assises du tourisme, les territoires ruraux tels que le vôtre sont évidemment pris en compte. Nous constatons en effet que beaucoup de territoires ne perçoivent pas les retombées économiques des 83 millions de visiteurs internationaux que nous accueillons chaque année. Ces visiteurs restent principalement concentrés en Île-de-France ou sur la Côte d’Azur. L’objectif des assises du tourisme est bien de diversifier les destinations et de donner de notre pays l’image d’une mosaïque de destinations, afin que l’ensemble du territoire national puisse profiter de cette dynamique liée au tourisme.
Deux aspects concernent principalement les territoires ruraux. Tout d’abord, la diversification des destinations. Il faut assurer une meilleure visibilité de ces lieux, avec une action renforcée grâce aux contrats de destination que j’ai mis en oeuvre. Il faut également mener une réflexion sur la diversification de l’offre. Il est important d’innover en la matière et d’imaginer de nouveaux produits. La France ne peut pas continuer à vivre sur ses acquis en la matière, et il est important que l’État, les collectivités territoriales et les professionnels puissent inventer de nouvelles offres à proposer à leurs visiteurs. Je suis certaine que les Lotois sauront se saisir de cette opportunité.
Nous en venons aux questions du groupe GDR. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Madame la ministre, après le vote du projet de loi consacré à la consommation, les députés du Front de gauche souhaitent vous demander quels sont les délais envisagés pour la mise en oeuvre des indications géographiques protégées pour les produits non alimentaires. Ces IGP concerneront des centaines, voire des milliers d’artisans et d’industriels dont le savoir-faire et les produits manufacturés font partie intégrante de notre patrimoine culturel.
Plusieurs enjeux coexistent : la protection et la valorisation de nos productions nationales, l’information des consommateurs sur la qualité et l’origine des produits et aussi le développement industriel et artisanal et l’emploi dans notre pays.
Cette évolution des indications géographiques doit en outre s’intégrer dans une politique bien plus large de soutien économique au développement des produits fabriqués en France, avec de nouveaux outils financiers et le soutien à l’investissement. Au passage, il n’est pas nécessaire de faire de nouveaux allégements de cotisations sociales : cela s’apparente à un cadeau supplémentaire au patronat sous couvert de compétitivité et ne fera que gonfler les dividendes des actionnaires.
Quand les décrets d’application de la loi que nous avons votée il y a quelques jours seront-ils pris ? Avez-vous, madame la ministre, un échéancier précis à nous communiquer ? Quels autres axes entendez-vous mettre en oeuvre pour promouvoir le « fabriqué en France » ?
Monsieur le député, vous m’interrogez sur l’entrée en vigueur des indications géographiques votées dans le projet de loi sur la consommation. C’est un dispositif important qui permettra de protéger nos entreprises et leur savoir-faire, mais aussi les emplois et l’économie des territoires.
Comme je m’y étais engagée lors des débats parlementaires, j’ai demandé à mes services de travailler sur ce projet de décret, qui a déjà été réalisé. Ce décret aura un triple objet : procéder à un toilettage du code de la propriété intellectuelle afin de prendre en compte les apports du nouveau dispositif, notamment s’agissant des dispositions traitant des attributions de l’INPI ou du droit d’opposition aux marques ; organiser la procédure d’homologation des indications géographiques et encadrer à ce titre la forme du dépôt des dossiers, les procédures d’enquêtes publiques et de consultation, la forme des décisions d’homologation ou l’accès au public de toutes les données concernant les indications géographiques. Enfin, ce décret organisera au plan technique le mécanisme d’alerte des collectivités pour tout dépôt d’une marque contenant leur nom.
Pour accélérer le processus, ce projet de décret travaillé en lien avec l’INPI vient d’être soumis aux consultations interministérielles et fait l’objet depuis hier d’un test PME ciblé qui permettra de prendre en compte l’avis des professionnels concernés. Beaucoup ont demandé à être consultés sur ce projet et le seront donc dans ce cadre. Nous serons par conséquent en mesure de saisir le Conseil d’État dès le mois d’avril afin de mettre en oeuvre cet été l’ensemble du dispositif, y compris le mécanisme d’alerte, pour l’organisation duquel l’INPI a déjà pris les mesures techniques nécessaires. Je sais que beaucoup de professionnels, notamment à Perpignan, à Marseille ou en Bretagne, préparent déjà des cahiers des charges et des dossiers devraient donc être déposés dès la rentrée.
Les consultations nous permettront de vérifier que les délais prévus par le projet de décret sont suffisants pour une bonne mise en oeuvre du dispositif. Vous le voyez, monsieur le député, les choses sont déjà bien avancées, comme le Gouvernement s’y était engagé lors des débats parlementaires.
Les artisans et les petits commerçants rencontrent de grandes difficultés pour accéder au crédit bancaire. On ne compte plus les projets de création de TPE, de PME ou de commerces qui ont échoué faute de crédit. Il s’agit pourtant le plus souvent de montants relativement limités, quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d’euros indispensables pour concrétiser les projets. Trop fréquemment, les entrepreneurs se heurtent au mur du refus bancaire sans jamais connaître les critères justifiant ces rejets. Dans le même temps, les banques qui exigent des taux de rentabilité élevés avant de desserrer l’étau du crédit n’hésitent pas à spéculer avec le montant des dépôts, que ce soit via des filiales ou directement sur les marchés financiers. En la matière, la loi de séparation des activités bancaires a été une supercherie. Personne ne songe plus désormais à le contester, surtout pas les grandes banques elles-mêmes.
Madame la ministre, que comptez-vous mettre en oeuvre afin de faciliter l’accès au crédit pour les petites entreprises, particulièrement dans les territoires ruraux ou en difficulté, dans lesquels le maintien des petits commerces est si important ? Sans aller jusqu’à la nationalisation de nos systèmes bancaires, qui n’est pas forcément concevable, ma question porte sur la banque publique d’investissement. La BPI n’a pas de licence bancaire, à notre grand regret. Cela ne lui permet pas d’être une vraie banque et de créer de la monnaie. Peut-elle être amenée à intervenir pour suppléer la défaillance des banques et dépasser le mur de l’argent ? Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il soutenir la mission de médiateur du crédit assurée par la Banque de France ?
Monsieur le député, l’accès au financement des très petites entreprises, artisans et commerçants, constitue une préoccupation forte du Gouvernement et de mon ministère. En 2012, BPI France est intervenue auprès de 66 000 entreprises dont 80 % sont des TPE. Près de 4 milliards d’euros ont ainsi permis de financer les programmes d’investissement des très petites entreprises. Je rappelle aussi qu’un fonds de trésorerie de 500 millions d’euros avait été mis en place par la BPI pour les TPE et les PME.
Au-delà de l’action de la BPI, la difficulté sur cette question du financement des TPE réside dans l’écart entre les chiffres et les remontées de terrain. En effet, j’entends comme vous lors de mes déplacements les difficultés rencontrées par les artisans et commerçants pour accéder aux financements bancaires. Comme vous, je vois que des projets qui semblent intéressants et viables en première analyse sont bloqués car la banque demande à l’entrepreneur des garanties que l’on se bornera à qualifier de très importantes.
Dans le même temps, force est de constater que les chiffres de la Banque de France ne font pas état d’un effondrement du niveau des encours prêtés. C’est pourquoi, dans le cadre du plan pour l’artisanat, j’ai demandé qu’une étude soit menée par l’Institut supérieur des métiers pour mieux comprendre cet écart entre les chiffres et le vécu de ces entreprises. Cette étude sera rendue publique dans quelques jours. Les premiers résultats font état d’une érosion de la rentabilité due à un resserrement des marges enregistré par 35 % des entreprises. La principale raison évoquée est la hausse des prix des matériaux, des matières premières et de l’énergie ; la baisse des prix de vente induite par la concurrence et les rabais accordés aux clients. L’enquête fait ressortir que 28 % des dirigeants d’entreprises artisanales estiment la situation financière de leur entreprise préoccupante. Ce constat, conforté par une analyse de données financières, trouve notamment une explication dans la prudence observée en matière de gestion, la priorité étant donnée à la stabilité plutôt qu’au développement.
Une autre source des difficultés rencontrées semble provenir, pour un quart des chefs d’entreprises interrogés, de la sous-capitalisation de leur structure.
La question du financement des TPE est donc multiple. Il s’agit tout d’abord de s’assurer d’un niveau de capitalisation adapté. Il faut par ailleurs veiller à ce que ces entreprises ne s’autocensurent pas dans leurs demandes de crédit, ce qui pourrait expliquer l’écart entre le vécu et les chiffres de la Banque de France. Enfin, il s’agit de vérifier que le dialogue entre les conseillers de clientèle et les TPE soit constant, et mon ministère y veille particulièrement. C’est la raison pour laquelle, avec Pierre Moscovici, nous avons demandé à la médiatrice du crédit et présidente de l’observatoire des entreprises de mener des travaux complémentaires et de nous faire des propositions d’ici l’été sur cette question.
Nous en venons aux questions du groupe SRC. La parole est à Mme Frédérique Massat.
Madame la ministre, dans le cadre des assises du tourisme, la thématique « faire des métiers du tourisme une filière d’excellence » a été retenue. Je salue la méthode participative qui a été retenue, ainsi que votre volonté de décentraliser ces assises.
Le secteur du tourisme emploie directement 1,1 million de personnes, et 1 million de façon induite. En France, 700 000 emplois saisonniers sur deux saisons se concentrent essentiellement sur la montagne et le littoral. Si l’emploi en montagne ne se limite pas à l’emploi des saisonniers, il est indéniable que la situation de ces travailleurs préoccupe fortement les élus de la montagne. Depuis plusieurs années, ils plaident pour l’amélioration des conditions de vie des saisonniers, notamment s’agissant de la formation professionnelle.
Certaines mesures ont été évoquées dans le rapport remis le 7 novembre 2013 par François Nogué, président du conseil d’administration de Pôle emploi, à Michel Sapin et à vous-même, madame la ministre. Dans le cadre des assises, vous avez tracé des pistes de réflexion qui s’articulent autour de trois axes : faire de la filière touristique une voie durable d’insertion professionnelle ; adapter les formations initiales et continues et les compétences des actifs aux besoins actuels et à venir des professionnels ; et renforcer l’attractivité de l’emploi et la qualité de vie au travail dans le secteur, notamment pour les saisonniers.
Je ne peux que me féliciter des ces orientations. Mais vous le savez, madame la ministre, il y a urgence et la tâche est immense. Le Gouvernement est-il prêt à s’engager pour adapter la formation aux conditions spécifiques de ces travailleurs ? En effet, la priorité est d’aménager les contenus et de prendre en considération les contraintes liées à la saisonnalité et à la professionnalisation indispensable pour renforcer la qualité de l’accueil des touristes. Il convient également de renforcer les périodes de formation en intersaison.
Il faudrait aussi que le contenu de ces formations s’adapte aux caractéristiques et aux évolutions du secteur : accentuation de l’apprentissage des langues étrangères, professionnalisation, développement des formations multiqualifiantes. Madame la ministre, merci de me préciser le calendrier que vous souhaitez mettre en oeuvre, à l’issue de ces assises, sur ce sujet particulier.
Madame la députée, je vous remercie tout d’abord de votre implication sur ce sujet. En tant que présidente de l’ANEM, vous avez rédigé avec plusieurs associations d’élus une contribution importante et de grande qualité. Elle m’a été présentée lundi lors du conseil national de la montagne qui s’est tenu dans les Vosges. Je sais combien les élus de ces territoires comptent sur les assises du tourisme pour traiter de la problématique des saisonniers.
La question de l’emploi des saisonniers et de leurs conditions de vie est une préoccupation constante du Gouvernement, mais nous ne devons pas avoir une vision uniquement négative de l’emploi saisonnier, parce que c’est souvent un choix pour de nombreux salariés qui trouvent des avantages à concilier une saison l’été et une saison l’hiver, et cela correspond à leur choix de vie.
Pour autant, des améliorations sont nécessaires. J’ai demandé que trois questions soient particulièrement traitées. La question de la formation tout d’abord : nous devons valoriser le parcours de formation entre les périodes d’emploi pour permettre aux saisonniers de se construire une véritable carrière basée sur l’acquisition et l’entretien de connaissances professionnelles solides. Vous avez évoqué les langues étrangères, je souscris à cette remarque. Il existe déjà plusieurs dispositifs visant à promouvoir et sécuriser ces parcours, notamment par des formations gratuites en intersaison. Nous devons les renforcer.
Deuxième aspect : la déprécarisation. Je souhaite notamment développer les groupements d’employeurs permettant aux professionnels de l’hiver et de l’été d’embaucher les mêmes personnes, ce qui favorisera la stabilité des saisonniers. Nous devons également encourager les stations à diversifier leurs activités pour être moins tributaires des saisons ; c’est aussi un enjeu des assises du tourisme.
Troisième aspect : la protection sociale. Je souhaite que soient étudiées les conditions d’acquisition des droits à la retraite, pour faire en sorte qu’avoir plusieurs périodes d’emploi successives dans des secteurs relevant de régimes différents ne soit pas pénalisant par rapport à une carrière dans le même régime de retraite. Il y a également des efforts à faire sur la question des mutuelles.
Sur la base de ces trois préoccupations, François Nogué a remis à Michel Sapin et moi-même un rapport de grande qualité, qui constitue le socle de réflexion des assises du tourisme et du groupe de travail consacré à cette thématique bien spécifique. Parmi les pistes que nous étudions figure la nécessité de faciliter l’accueil, l’information et l’insertion des saisonniers en sécurisant les parcours, en favorisant les mesures d’aide à la mobilité, et en renforçant les outils de protection et de couverture sociales des salariés. Le groupe de travail mène également une réflexion sur un contrat de travail intégrant un véritable parcours du saisonnier et alternant des périodes de travail et de formation, sur la base d’expérimentations déjà menées dans certains territoires.
Vous le voyez, madame la députée : le Gouvernement est mobilisé à vos côtés sur cette question importante.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’aménagement commercial, cette spécificité française à cause de laquelle 62 % du chiffre d’affaires du commerce est réalisé en périphérie, contre 25 % en centre-ville et 13 % dans les quartiers. En Allemagne, la situation est bien différente : la stratégie nationale privilégie le centre-ville, et le développement du commerce semble s’être effectué de manière nettement plus harmonieuse, puisque la périphérie, le centre-ville et les quartiers représentent chacun 33 % du chiffre d’affaires commercial.
Certes, je me félicite de la volonté de contrôler l’implantation des très grands ensembles commerciaux en donnant à la Commission nationale d’aménagement commercial la possibilité de s’autosaisir, et ainsi de préserver une offre commerciale diversifiée et équilibrée sur notre territoire – ce que nous espérons tous. Mais pour cela, nous devons disposer d’outils fiables pour dresser un état des lieux ; les observatoires départementaux d’équipement commercial avaient cette vocation, mais ils n’ont jamais été opérationnels et n’existent plus aujourd’hui.
Madame la ministre, vous avez accepté un amendement prévoyant l’élaboration d’une base de données recensant l’ensemble des établissements dont l’activité principale exercée relève du commerce de détail. En effet, en amont de toute décision d’autorisation de développement ou d’implantation d’équipement ou de surface commerciale, il me semble essentiel de disposer d’outils fiables d’observation et de récolte des données. Un territoire que l’on façonne, que l’on aménage, c’est d’abord un territoire que l’on connaît ; or nous n’avons pas toujours eu cette certitude, en observant notamment les décisions prises par les commissions départementales d’aménagement commercial, qui ont été qualifiées de « machines à dire oui » sans tenir compte de l’existant. Qui peut dire, aujourd’hui, de combien de mètres carrés commerciaux dispose notre pays, surtout depuis la LME et les agrandissements opérés sans contrôle, notamment entre août et octobre 2008 ?
Madame la ministre, je suis sûre que vous saurez suivre avec attention la mise en oeuvre de cette base de données, son effectivité, sa mise à jour et son accessibilité. Pouvez-vous aujourd’hui nous en dire un peu plus sur cette base de données ? Qu’en attendez-vous ?
J’avais déposé en séance un amendement, retiré à regret, qui visait à ce que les drive soient assujettis à la taxe sur les surfaces commerciales. Même s’il ne s’agit pas juridiquement de surfaces commerciales, ces entités sont souvent vastes et affectent malgré tout l’équilibre commercial. Pourrons-nous, madame la ministre, examiner de nouveau ma proposition ?
Enfin, suite aux dispositions votées dans le projet de loi ALUR et dans celui relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, pouvez-vous nous assurer que les élus locaux disposeront demain d’outils adaptés pour réguler et insérer les projets d’implantation commerciale dans un aménagement cohérent ? C’est le sens de l’appel lancé par l’Association des communautés de France, dont le travail sur l’urbanisme commercial a été salué.
Il faut « en finir avec la France moche des zones commerciales anarchiques » – je cite le président de cette association –, et avec ces millions de mètres carrés imperméabilisés qui nuisent à l’environnement.
En effet, madame la députée, lors des débats sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, vous avez déposé un amendement visant à inscrire dans la loi la création d’une base permettant de disposer d’un système d’observations nationales fiables. Cette base est opérationnelle. J’ai demandé à mes services de travailler à la rendre évolutive, d’étudier les modalités de sa mise à jour, afin de mener des observations sur plusieurs années, et de la rendre plus ergonomique, afin d’en faciliter l’usage sous un format didactique avec par exemple, pour une collectivité donnée, la possibilité d’éditer un document de quatre pages en seulement quelques clics.
Je partage votre souhait de pouvoir également observer précisément le développement des drive. Quant à soumettre ces derniers à la taxe sur les surfaces commerciales, nous avons déjà eu ce débat : cela risquerait d’avoir des conséquences sur tous les types d’entrepôts qui présentent les mêmes caractéristiques. Je rappelle que le projet de loi amendé par l’Assemblée nationale prévoit l’élaboration d’un rapport d’activité annuel de la Commission nationale d’aménagement commercial, pour compléter la base de données nationale avec des analyses qualitatives plus précises sur les projets soumis à autorisation et sur l’efficacité de notre système de régulation. L’ouverture des drive étant désormais soumise à l’autorisation des commissions départementales d’aménagement commercial, ce rapport contribuera à répondre partiellement à votre préoccupation, dans l’attente d’une solution technique adaptée à l’observation spécifique des drive.
Ce dispositif rénové d’observation du tissu commercial permettra l’accès de tous les acteurs intéressés à une information fiable, consolidée, permettant des comparaisons tout en étant économe des deniers publics. Il participera de l’objectif de transparence que je défends, et que vous avez également défendu au cours des débats. Il contribuera à l’élaboration de stratégies territoriales éclairées, notamment dans les SCOT, et garantira la pleine efficacité de la réforme de l’urbanisme commercial, que nous avons proposée à la fois dans le cadre du projet de loi ALUR et dans celui du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Je vous remercie, madame la députée, de votre contribution et de l’amendement très important que vous avez proposé.
Madame la ministre, la politique touristique européenne est une politique plutôt jeune, puisqu’elle existe depuis le traité de Lisbonne. Pour faire simple, elle vise à appuyer, coordonner et compléter les actions des États membres et des régions, en vue de maintenir l’Europe au premier rang des destinations touristiques mondiales.
Si la France est un poids lourd du tourisme en Europe et dans le monde, il faut reconnaître qu’elle a tendance à reculer, notamment en matière de recettes, car elle n’a peut-être pas saisi les opportunités offertes ces dernières années par l’Europe – je vous pose la question, madame la ministre. On pourrait peut-être déplorer la quasi-absence de la France dans le projet « tourisme pour tous » dénommé Calypso, le retrait d’Atout France de la commission européenne du tourisme, ou encore l’absence de participation de notre pays à la création de plates-formes technologiques européennes visant à instaurer un véritable marché touristique domestique européen.
Certes, madame la ministre, je reconnais que les choses sont en train de changer depuis quelques mois. Contrairement au gouvernement précédent, l’actuel gouvernement a pris conscience de l’importance de l’échelon européen en matière touristique. Cet intérêt a été plus marqué s’agissant des plates-formes technologiques, des rapports relatifs à la lutte contre la fracture touristique et au développement de l’emploi touristique, ou encore de la participation des services européens dans le cadre des assises du tourisme. Toutefois, la voix de la France au sein de l’Union européenne pourrait certainement être plus forte, compte tenu du potentiel économique de notre pays en matière de tourisme, un secteur qui pourrait résister à la crise. Aujourd’hui, cette prise de conscience n’est pas totale : ainsi, pour la mobilisation des fonds européens, notre pays n’arrive qu’en sixième position, après l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède.
Madame la ministre, en tant que première destination mondiale, la France a toute la légitimité pour soumettre à la nouvelle Commission européenne des propositions fortes en matière de tourisme. C’est pourquoi je souhaite savoir comment se traduit concrètement la participation de la France au sein de l’Union européenne, et connaître les propositions que vous pourriez faire pour construire une véritable Europe du tourisme.
Je vous rassure, madame la députée : la France est très active à l’échelle européenne. Elle participe à de nombreux travaux et chantiers lancés par la Commission. La région Midi-Pyrénées a participé au programme Calypso. De même, nous continuons à travailler et à nous mobiliser sur le concours EDEN, dont le thème de cette année était « Tourisme et accessibilité » ; de nombreuses collectivités territoriales françaises y ont participé.
Par ailleurs, la France prend une part active à tous les travaux réglementaires dans le champ du tourisme. Je pense par exemple à la négociation en cours sur la révision de la directive sur les voyages à forfait, pour laquelle mon ministère est chef de file de la consultation interministérielle. Comme vous le savez, l’enjeu est d’importance : il s’agit de préserver le modèle français, qui reconnaît une responsabilité conjointe et solidaire entre l’agence et le tour opérateur, quand la tendance européenne serait de faire peser la responsabilité sur le seul tour opérateur.
S’agissant des financements, de nombreux programmes importants des collectivités territoriales bénéficient du soutien de l’Union européenne. Il est assez difficile de chiffrer précisément ces financements, tant le sujet est transversal, mais ce soutien existe.
Vous m’avez également interrogée sur la commission européenne du tourisme, association de droit privé qui rassemble les offices de tourisme de trente-trois pays. Atout France, qui en était l’un des contributeurs les plus importants, a fait le choix de s’en retirer après avoir constaté que les actions de cette association bénéficiaient très peu à la France. Depuis cette décision, de nouveaux éléments sont intervenus. La Commission s’est rapprochée de la CET pour promouvoir les destinations européennes et organiser des campagnes de communication, ce qui se traduit par une subvention d’un million d’euros par an. Par ailleurs, la CET a changé de gouvernance. Dans ce contexte, le retour de la France au sein de cette association doit pouvoir être réétudié.
Vous le voyez : sur ce thème, les sujets à développer sont très denses et mériteraient un débat à eux seuls. Je reste évidemment très mobilisée sur ces questions importantes pour le tourisme.
Nous en venons à des questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les artisans et l’apprentissage. La loi de finances pour 2014 a supprimé la prime aux employeurs d’apprentis pour les entreprises de onze salariés et plus. Depuis le 1er janvier, seules les entreprises de moins de onze salariés qui emploient des apprentis peuvent donc bénéficier de la prime d’apprentissage. Cette prime remplace en partie l’indemnité compensatrice forfaitaire, jusqu’alors versée à tous les employeurs d’apprentis.
De très nombreux artisans souffrent de la conjoncture économique – je suppose que vous en rencontrez sur le terrain, et je pense en particulier à ceux du bâtiment. Or les artisans se sont toujours engagés résolument pour l’apprentissage. Aujourd’hui, ceux que je rencontre dans mon département d’Ille-et-Vilaine, et plus généralement en Bretagne, craignent de ne plus pouvoir accueillir d’apprentis.
S’ajoute à ces difficultés financières une réglementation qui ne cesse de se complexifier. Ainsi, un décret publié le 11 octobre 2013 opère des modifications de la réglementation relative à la protection des jeunes travailleurs. Ce décret définit une liste de travaux interdits et réglementés pour les jeunes de moins de 18 ans. Là encore, si des possibilités de dérogations existent, cette nouvelle règle n’est pas de nature à encourager les artisans à recruter des jeunes en alternance. Loin de moi l’idée de vouloir exposer les jeunes à de potentiels dangers : je veux simplement faire confiance aux artisans qui sont leurs formateurs, leurs tuteurs, et qui savent d’expérience les missions qu’ils peuvent ou non confier aux jeunes en toute sécurité.
Madame la ministre, contrairement aux allégations du Gouvernement, l’apprentissage va mal : en témoigne la diminution de 8 % du nombre de contrats conclus en 2013. Pourtant, l’alternance constitue un véritable « prêt à l’emploi », puisque 80 % des jeunes en alternance trouvent un emploi à l’issue de leur formation. Des artisans sont prêts à leur donner leur chance et à les former, mais force est de constater que le Gouvernement leur met des bâtons dans les roues. Ma question est donc simple, madame la ministre : comptez-vous soutenir les artisans qui accueillent des jeunes en apprentissage dans leurs entreprises ? Si oui, comment ?
Madame la députée, je regrette le ton polémique que vous avez employé.
L’effort du Gouvernement pour soutenir l’apprentissage est très important : près de 3 milliards d’euros par an y sont consacrés. Les petites entreprises et les artisans, qui accueillent plus de la moitié des apprentis, doivent effectivement être rassurés et soutenus.
C’est dans ce but que l’architecture des aides aux employeurs d’apprentis a été modifiée par la loi de finances pour 2014.
Le niveau des incitations financières restera très important en 2014 avec plus de 2,5 milliards d’euros apportés par l’État. Les exonérations de charges spécifiques aux apprentis, plus importantes pour les TPE, qui représentent 1,4 milliard de crédits en 2014, sont maintenues pour l’ensemble des apprentis. Les primes d’apprentissage versées par les régions sont supprimées pour les entreprises de plus de dix salariés, mais remplacées par une nouvelle aide d’un montant minimal de 1 000 euros pour les entreprises de moins de dix salariés. Le coût de cette nouvelle aide représente 230 millions d’euros pour l’État en régime de croisière. Pour les TPE, l’impact de cette mesure sera très limité, le niveau moyen des primes s’établit aujourd’hui à 1 360 euros par an et par apprenti et les dispositions de la loi de finances pour 2014 prévoient un minimum de 1 000 euros par an et par apprenti pour la nouvelle aide.
De plus, les régions peuvent naturellement décider d’aller au-delà de ce montant minimal…
…et il est probable qu’elles le maintiennent au niveau équivalent à celui des primes versées en 2013 dans la plupart des cas. Le crédit d’impôt apprentissage est, dans le même temps, recentré sur les premiers niveaux de qualification qui sont dominants dans les petites entreprises, notamment celles de l’artisanat, mais qui connaissent depuis plusieurs années une baisse relative du nombre d’apprentis. Enfin, vous le savez, un dispositif transitoire est mis en place pour les contrats d’apprentissage conclus avant le 31 décembre 2013. Vous le voyez, le Gouvernement est déterminé à soutenir l’apprentissage et l’artisanat.
Ma question concerne le maintien des commerces de proximité, en particulier en secteur rural et périurbain. Après avoir perdu un grand nombre de commerces du fait du développement des grandes enseignes en milieu urbain, lequel a donné lieu à une certaine désertification, les territoires ruraux cherchent désormais à revitaliser le « coeur » des villages. L’installation de commerces de proximité est en effet un levier essentiel qui contribue au maintien du lien social et de l’activité économique.
À ce titre, le dispositif FISAC s’est avéré très utile. J’espère que sa réforme qui doit modifier les critères et ses délais de traitement ne se fera pas au détriment des communes rurales. Dans ma circonscription, plusieurs commerces en ont bénéficié, notamment dans les communes de Seyssel ou Vulbens. Dans cette dernière, le relais multiservices est parfaitement inséré dans un projet de développement autour du centre-bourg. D’autres communes, telles que Jonzier-Épagny et Frangy ont aussi déposé leur dossier ; j’espère que votre ministère leur réservera une suite favorable.
Alors qu’internet a fortement modifié les habitudes de consommation des Français, la population demeure néanmoins attachée à un besoin de proximité avec une qualité de services. Ces commerces jouent aussi un rôle particulier pour garantir le maintien à domicile des personnes âgées. Enfin, en zone rurale, le commerce est un levier important, un levier de développement et un secteur pourvoyeur d’emplois de proximité. Assurer la pérennité des commerces de proximité constitue un enjeu fort, notamment pour les municipalités. Elles ont du reste un outil à leur disposition permettant une certaine redynamisation du commerce, à savoir la possibilité d’exercer un droit de préemption.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais connaître les mesures concrètes que vous envisagez pour soutenir le commerce de proximité, en particulier en milieu rural. Entendez-vous encourager davantage les unions commerciales qui ont un rôle important pour fédérer les commerces et créer de l’animation avec des événements ?
Dans le cadre du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, j’ai présenté un certain nombre de dispositions visant à préserver le commerce de centre-ville, le commerce de proximité et le commerce en zone rurale. Plusieurs dispositions concernent les baux commerciaux et le droit de préemption que vous avez évoqué. Pour le mettre plus facilement en oeuvre, les intercommunalités ou les sociétés d’économie mixte pourront désormais suppléer les communes qui ont souvent des difficultés compte tenu des moyens humains ou financiers qu’il faut engager pour préempter.
Vous avez évoqué la réforme du FISAC. Je tiens à vous rassurer comme j’ai pu le faire lors des débats parlementaires. Les zones rurales et les commerces de proximité ne seront évidemment pas oubliés par cette réforme. Je connais l’importance du FISAC pour les territoires ruraux, je sais qu’il est important de fédérer des projets, de soutenir des unions commerciales pour se dynamiser. Votre département et votre circonscription en particulier ont déjà reçu le soutien du FISAC sur plusieurs dossiers, celui de Jonzier que vous avez évoqué, vient d’être financé. J’ai signé la décision il y a quelques jours, vous allez en être informée. Quant au dossier de Frangy, il est toujours en attente de financement. Mais, vous le voyez, nous essayons de soutenir l’ensemble des dossiers qui ont été présentés parce qu’ils correspondent à une volonté territoriale, mais aussi à une nécessité pour préserver, dynamiser le commerce aussi bien dans les zones rurales que dans les centres-villes. Cela vient compléter les autres dispositions de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises afin de créer un ensemble cohérent de dispositifs de soutien, car nous partageons une priorité : maintenir du commerce sur tout le territoire, un commerce actif, diversifié qui répond aux attentes de nos concitoyens. Tel est le sens des mesures que nous avons présentées il y a quelques semaines.
Je souhaite relayer deux préoccupations majeures à propos desquelles je suis très souvent interpellé dans ma circonscription rurale en Mayenne. J’évoquerai d’abord l’inquiétude des petits commerces devant la mise aux normes d’accessibilité qu’ils doivent effectuer avant le 1erjanvier 2015. En effet, les commerçants sont tributaires d’un bâtiment existant dont la configuration ne s’adapte pas forcément aux mises aux normes complètes. Certains bâtiments sont anciens, d’autres enclavés, certains sont situés dans des sites classés. Les rénovations sont donc difficilement réalisables et financièrement lourdes, d’autant que nous traversons une crise grave qui frappe tout particulièrement ces commerces de centres-villes ou de centres-bourgs.
L’autre question concerne la situation économique des artisans et commerçants. La mobilisation des artisans mayennais lors des récentes manifestations de novembre a été importante. On voit toujours fleurir sur les vitrines ou sur les camionnettes des affichettes avec la mention « les sacrifiés ». Depuis cette date, 40 000 emplois auraient disparu dans l’artisanat.
Madame la ministre, il serait temps que le Gouvernement entende l’angoisse et le ras-le-bol des artisans et commerçants. Ils vous demandent des baisses de charges, moins de contraintes administratives.
Une vraie réforme est attendue, un vrai choc de simplification. Pouvez-vous leur apporter une réponse concrète ?
Concernant la première partie de votre question sur l’accessibilité, lors du comité interministériel du handicap qui s’est tenu en septembre 2003, le Premier ministre a eu l’occasion de rappeler l’engagement du Gouvernement en faveur de l’intégration des personnes handicapées en prenant des engagements concrets concernant l’emploi, l’éducation et la santé. En ce qui concerne l’accessibilité du cadre bâti, le Premier ministre n’a pu que constater que le rendez-vous de 2015 ne serait pas respecté et a décidé de l’ouverture de deux chantiers, le premier relatif aux agendas d’accessibilité programmée, le second relatif à l’ajustement normatif. La présidence en a été confiée à la sénatrice Claire-Lise Campion et l’organisation à la délégation interministérielle à l’accessibilité. Cette concertation est en phase de conclusion et le Gouvernement sera amené à vous présenter ces décisions dans les jours qui viennent. Mais l’ensemble des parties prenantes et des organisations professionnelles, notamment du secteur du commerce ou de l’hôtellerie, ont salué l’esprit de la concertation et la qualité du dialogue mis en oeuvre par le Gouvernement.
Concernant les revendications des commerçants et des artisans, je n’ai pas, monsieur le député, attendu votre question pour agir. Nous avons débattu dans cet hémicycle d’un projet de loi qui répond à certaines revendications formulées par les artisans. Avec le ministre du budget, nous avons, en fin d’année dernière, pris toute une série de mesures visant à répondre aux attentes et aux préoccupations en matière fiscale et sociale des artisans et commerçants, notamment sur l’estimation de l’imposition sur le chiffre d’affaires estimé et non pas déclaré, sur la TVA, notamment les travaux induits dans le bâtiment, sur le FISAC et l’abondement de 35 millions. La liste est longue et, malheureusement, mon temps est écoulé.
Nous en revenons aux questions du groupe UDI.
La parole est à M. Yves Jégo.
S’agissant de la question de l’apprentissage qui a été évoquée il y a un instant, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que vos réponses ne sont pas satisfaisantes. En 2012, il y avait 300 000 apprentis, et 270 000 en 2013. Nous assistons à un effondrement de l’apprentissage et le secteur de l’artisanat et du commerce dont vous avez la charge est particulièrement frappé. J’ai entendu vos déclarations d’autosatisfaction sur les questions de retrait de crédits. Vous avez supprimé 500 millions sur les crédits destinés à l’apprentissage. Ceci explique d’ailleurs cela. Nous sommes extrêmement inquiets : c’est en effet l’accès à l’emploi pour beaucoup de jeunes qui est menacé. En ayant axé la priorité sur les contrats d’avenir dans les administrations, votre Gouvernement a fait un choix politique bien précis. Si vous ne prenez pas conscience de la nécessité de relancer une politique d’apprentissage en particulier dans le commerce et l’artisanat, de redonner des moyens et non vous décharger sur les régions – car ces moyens doivent relever de la compétence de l’État –, vous échouerez à mettre en oeuvre la volonté présidentielle de mettre les jeunes au coeur des priorités du Gouvernement dans le grand combat contre le chômage.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas vous contenter de répondre que tout va bien, que tout a été fait, que vous avez tout anticipé, que vous avez des réponses à tout, que des assises, des colloques, des réunions vont résoudre tous les problèmes. Les chiffres sur l’apprentissage dans le commerce et l’artisanat sont alarmants. Les professionnels vous demandent d’agir et de rétablir les crédits que vous avez supprimés. Pendant la campagne présidentielle, le Président de la République a pris l’engagement de faire passer le nombre des apprentis à 500 000. Vous êtes passés de 300 000 à 270 000. Avouez que si ce n’est pas un échec, cela y ressemble diablement !
Je souhaite obtenir des réponses beaucoup plus précises et plus ciblées, sinon à quoi bon cette séance de questions au Gouvernement au cours de laquelle on manie la langue de bois sans apporter de véritables réponses aux parlementaires ? Nous attendons des chiffres et des engagements concrets de votre part.
Monsieur le député, j’ai répondu précisément à une question qui relève du champ de compétences du ministre du travail. Je ne vais à nouveau citer les chiffres que j’ai donnés concernant les aides aux entreprises.
En revanche, s’agissant du bilan et des évolutions des effectifs d’apprentis, le nombre de contrats enregistrés sur l’ensemble de l’année 2013 est en recul de 8,1 %. Ce pourcentage doit être relativisé du fait de la modification du mode d’enregistrement des contrats intervenus en 2012, qui a rendu la procédure plus rapide. De ce fait, des contrats qui auraient été enregistrés en janvier 2013 dans le système précédent, l’ont été fin 2012 et échappent aux statistiques de 2013.
D’autre part, l’apprentissage étant fortement calé sur le calendrier scolaire, la période la plus significative est celle de la campagne 2013-2014 qui court de juin à décembre. Or sur cette période, la baisse enregistrée est limitée à 4,5 % et la baisse du stock d’apprentis en fin d’année a été estimée à hauteur de 2,5 % seulement. De plus, il convient de regarder l’évolution de la professionnalisation sur la même période. On a connu une baisse de 5,3 % du nombre de contrats enregistrés, chiffre presque identique à celui de la campagne 2013-2014 de l’apprentissage.
Nous constatons un tassement de l’alternance en général et non du seul contrat d’apprentissage. Ce tassement tient principalement à la conjoncture économique, que je ne néglige évidemment pas. Cela doit, certes, nous alerter, mais cela ne peut en aucun cas justifier les propos catastrophistes sur un prétendu écroulement de l’apprentissage. Ils ne sont pas de mise et sont, de surcroît, nocifs car ils jettent le trouble parmi les entreprises. Le développement de l’apprentissage est au coeur des préoccupations du Gouvernement…
…dans le cadre de la priorité pour la jeunesse fixée par le Président de la République.
Nous revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à M. Daniel Boisserie.
J’observe, madame la ministre, que ce sont des élus des zones rurales qui sont présents ce soir. Comme quoi, c’est surtout eux qui s’intéressent aux artisans, aux commerçants et aux petites entreprises.
Sourires.
Depuis la création du FISAC en 1989, alors que Michel Rocard était Premier ministre, nombre de places, nombre de bourgs, nombre de villages ont été réaménagés et revitalisés. À votre arrivée au ministère en 2012, vous avez commandé un audit, madame la ministre, qui a permis de dresser un état des lieux catastrophique révélant des engagements non tenus à hauteur de 100 millions d’euros – rappelons-le à nos collègues de l’ancienne majorité.
Le 18 février dernier, votre projet de loi sur le commerce, l’artisanat et les très petites entreprises a été adopté à une très large majorité, toutes tendances confondues, et je voudrais saluer le travail remarquable qui a été le vôtre. Il a permis, entre autres, de pérenniser le FISAC. Mais que deviendront les dossiers déposés avant 2012 qui ont été en quelque sorte congelés, non honorés ? Seront-ils réexaminés ? Pourront-ils être acceptés ? Que dire aux communes et communautés de communes concernées ?
Le montant alloué au FISAC en 2014 sera réévalué. Vous avez avancé la somme de 35 millions supplémentaires mais à quelle somme s’élèvera la dotation totale ? Quelles orientations souhaitez-vous lui donner ? L’accent sera-t-il mis sur les opérations de communication centrées sur le commerce et l’artisanat, les subventions aux collectivités, voire les subventions directes. Quel sera le système de calcul des aides ? La transparence demandée par Mme Massonneau paraît souhaitable.
J’aimerais plus particulièrement appeler votre attention, madame la ministre, sur les règles d’accessibilité. Certaines ne peuvent être appliquées, je pense aux cités médiévales. Il apparaît ainsi totalement ridicule de demander que la déclivité d’une rue en pente passe de 10 % à 5 %, comme si l’on pouvait passer le bulldozer dans toutes les cités médiévales. Serons-nous généreux en dérogations ? Ne pouvons-nous examiner de plus près ces règles, sinon nous serons incapables de les mettre en pratique ? Comment prévoir un aménagement nécessaire au déplacement des personnes handicapées dans des boutiques minuscules ne dépassant pas les quinze mètres carrés ?
Vous avez évoqué, monsieur le député, l’avenir des dossiers du FISAC en stock. Votre question me permet de préciser la façon dont nous allons aborder la période de transition à l’occasion de la mise en oeuvre de la réforme du FISAC présentée dans le projet de loi.
Pour les dossiers déposés, instruits mais non financés, nous avons obtenu un abondement de 35 millions d’euros. Une nouvelle procédure nous permettra cette année de solder le passif et de purger le stock. Dans l’immédiat, il a fallu classer les dossiers par ordre de priorité pour tenir compte de l’urgence afin de ne pas priver certaines collectivités des apports d’autres fonds engagés – je pense en particulier aux fonds européens. Pour être en mesure de trouver une solution pour l’ensemble des dossiers, présentés pour certains depuis 2010, et leur assurer un financement, nous avons parfois réduit les subventions.
Enfin, lorsque l’appel à projets sera lancé, nous fixerons un cahier des charges. J’ai évoqué certaines priorités : la sécurité, notamment pour les commerçants les plus exposés, et l’accessibilité. J’ai conscience des difficultés auxquelles se heurtent les personnes handicapées dans certains établissements et certains lieux – je mets à part les lieux où l’aménagement est techniquement impossible. J’ai conscience également des coûts que cela représente pour les commerçants. Nous prendrons des décisions dans le cadre de la concertation sur l’accessibilité souhaitée par le Premier ministre. Nous pourrons ainsi apporter des réponses particulières à certains dossiers que les banques peinent à financer, même si les sommes en jeu ne sont pas très importantes. L’amélioration de l’accessibilité est un engagement du Gouvernement : nous souhaitons avancer de manière constructive avec les élus et les professionnels.
Il y a une semaine, madame la ministre, notre assemblée adoptait en première lecture à une très large majorité le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. L’adhésion dont il a fait l’objet montre qu’il est porteur de nombreuses avancées pour le tissu des 770 000 entreprises du commerce et le million d’entreprises d’artisanat qui maillent notre territoire.
Ce projet de loi prévoit un ensemble de dispositions relatives à l’urbanisme commercial. Le travail constructif que nous avons effectué avec vous en commission comme en séance a permis de revoir les critères qui président aux choix de la commission départementale d’urbanisme commercial lorsqu’elle évalue l’opportunité d’un projet d’exploitation commerciale. Ainsi, la commission devra désormais prendre en considération la contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains.
À travers ce projet de loi, vous avez, madame la ministre, démontré votre mobilisation en faveur du maintien des commerces de proximité, en particulier dans les centres des petites villes ou des villes moyennes. Ce maintien est essentiel d’abord pour l’activité économique, la création d’emplois mais aussi pour le lien social. La galerie marchande d’une petite ville ou d’une ville moyenne doit rester son centre.
Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, comment la mise en oeuvre de ces mesures concourt à un aménagement commercial alliant modernisation, proximité, équilibre entre centre et périphérie, en particulier dans les villes-centres des territoires ruraux ?
Vous avez évoqué les mesures du récent projet de loi que j’ai présenté qui permettent à la fois de moderniser les équipements commerciaux et de maintenir un tissu économique de proximité, en particulier dans les zones rurales. Je n’évoquerai pas l’ensemble des dispositifs – FISAC, droit de préemption, baux commerciaux, charges des loyers – mais reviendrai sur certaines mesures allant dans le sens que vous souhaitez. Pour les commissions d’aménagement commercial, la loi a précisé les critères afin de rendre leurs décisions plus stables sur le plan juridique mais aussi plus conformes à la réalité et aux attentes, à la fois des élus locaux mais aussi des porteurs de projets qui ont besoin d’un cadre juridique clair. Nous avons également donné aux élus locaux les moyens de maintenir cette diversité commerciale et ces commerces de proximité grâce à la possibilité de déléguer le droit de préemption.
En outre, grâce à l’enrichissement du texte lors des débats, à l’initiative de plusieurs députés, les contrats de revitalisation commerciale pourront être expérimentés : cet outil supplémentaire, qui permet de mettre en oeuvre le droit de préemption, fédérera dans une logique de projets l’ensemble des acteurs – élus, professionnels, associations de commerçants – pour maintenir les activités, les diversifier et apporter une nouvelle dynamique. Cette initiative parlementaire est importante, notamment pour le maintien des commerces dans les zones rurales. On pense souvent que ces outils sont destinés à des communes de grande taille or ce n’est pas le cas. Ce dispositif peut être mis en oeuvre quelle que soit la taille des communes. Nous lui apportons notre soutien car nous avons l’ambition de soutenir et d’accompagner les entreprises du commerce et de l’artisanat qui jouent un rôle essentiel dans l’économie de proximité et assurent le maintien d’un lien social très important dans les territoires ruraux.
Nous revenons aux questions du groupe UMP.
La parole est à Mme Bérengère Poletti.
Madame la ministre, par vos compétences, vous êtes au coeur de la problématique de nombreux territoires ruraux. Ces territoires cherchent à développer l’emploi et l’activité économique et se tournent souvent vers le développement du commerce, l’accompagnement des artisans mais aussi vers le tourisme. Ainsi dans mon département des Ardennes, c’est toute une communauté de communes qui s’est rassemblée avec ses artisans, ses commerçants et ses professionnels du tourisme pour créer de l’attractivité autour d’un projet centré autour de la pêche loisir. Or pour le faire aboutir, ces divers acteurs avaient besoin de créer des structures de restauration et de disposer d’une licence IV. Celle-ci existe déjà, inactive depuis des années, dans une commune voisine de celle où le projet est développé. Malheureusement, depuis la loi du 20 décembre 2007, lorsqu’un débit de boisson est le dernier débit de la commune, il ne peut être transféré dans une commune voisine même si elle appartient à la même communauté de communes.
Aujourd’hui, toutes les communes françaises sont regroupées dans des communautés de communes qui prennent en charge le développement économique. Lors de l’examen d’un texte de simplification législative, j’avais obtenu par voie d’amendement que la décision puisse revenir à la communauté de communes. Malheureusement, le Conseil constitutionnel a considéré qu’un tel dispositif constituait un cavalier législatif – il est vrai qu’il n’était peut-être pas suffisamment encadré. J’ai déposé une proposition de loi allant en ce sens en novembre 2012 puis un amendement sur le projet de loi relatif à la consommation.
Le Gouvernement, je le regrette, ne s’y est pas montré favorable mais a tout de même montré son intérêt. Il a ainsi proposé qu’une expertise soit conduite pour préciser sa réponse en deuxième lecture. Aujourd’hui, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir examiner cette question importante pour nos territoires ruraux qui cherchent à développer leur offre touristique et favoriser leur développement économique, sachant qu’aucun moyen supplémentaire n’aurait à être engagé.
Madame la députée, la ministre du tourisme que je suis ne peut que se réjouir devant cette volonté d’animer des territoires pour créer une activité économique et promouvoir le dynamisme de nos belles régions françaises. Vous proposez d’ouvrir la possibilité de transférer les licences de débit de boisson aux intercommunalités lorsqu’il s’agit du dernier café de quatrième catégorie.
Le code de la santé publique permet déjà le transfert d’une licence de débit de boisson dans tout un département, sur simple autorisation du représentant de l’État, après consultation des maires concernés. Cette disposition favorise les reprises d’entreprises en facilitant le transfert des licences.
Par ailleurs, depuis 2009, le transfert de licences a été largement facilité. Il est ainsi possible de transférer les licences de débit de boisson à l’extérieur des limites d’un département pour le bénéfice d’un établissement à vocation touristique, comme un hôtel classé ou un camping. Cependant, comme vous le savez, je suis particulièrement attachée au maintien des commerces en zone rurale : les cafés y jouent un rôle primordial pour le lien social qui fonde notre société ; ils permettent bien souvent de maintenir un accès à des services de proximité en développant des zones multi-services. C’est à ce titre que le dernier débit de boissons de quatrième catégorie d’une commune est toujours préservé.
Votre proposition d’ouvrir le transfert des licences aux intercommunalités me semble être une solution intermédiaire, qui favorise le transfert d’entreprises et contribue à la préservation du commerce de proximité dans les petites communes. Toutefois, comme il s’agit d’une réglementation relevant de M. le ministre d l’intérieur, je vous propose de le saisir officiellement de cette question pour savoir quelle solution le Gouvernement peut apporter.
Madame la ministre, après de nombreuses questions sur l’artisanat et les zones rurales, vous me permettrez de changer de sujet pour cette dernière question de la séance.
Je souhaite appeler votre attention sur la nécessité d’aider au développement de l’artisanat français à l’international. Le lancement, le 15 octobre dernier, du Fonds pour les savoir-faire d’excellence, visant à accompagner des entreprises artisanales et industrielles qui disposent d’un savoir-faire reconnu, est un premier pas en ce sens mais le chemin reste long.
Le poids économique à l’exportation des entreprises artisanales devrait, en effet, être mieux estimé. Le secteur artisanal n’est pas assez intégré dans les dispositifs publics d’appui à l’exportation, qui restent trop restrictifs pour ces entreprises. Elles sont souvent exclues d’un accompagnement personnalisé à l’export, d’un appui efficace pour approcher les marchés étrangers et du dispositif de volontariat international en entreprise, le VIE, qui a fait ses preuves.
Pourtant, le VIE est un vecteur important d’internationalisation des entreprises et de renforcement de la communauté économique française dans le monde. Il constitue un véritable atout pour la France.
Outre son intérêt pour les entreprises françaises, l’expérience professionnelle acquise à l’étranger constitue un avantage considérable pour notre économie. L’activité des citoyens français hors de nos frontières doit être valorisée au mieux, notamment au bénéfice des entreprises souhaitant conquérir des marchés à l’export. Aujourd’hui, le VIE constitue le principal instrument de cette politique, 85 % des volontaires étant embauchés à la sortie, ce qui est exceptionnel. C’est pourquoi je crois qu’il serait souhaitable de faire du VIE un moyen d’insertion internationale pour tous les jeunes actifs, ce dispositif bénéficiant aujourd’hui essentiellement aux diplômés issus de cursus longs, au niveau bac +5.
En conclusion, il semble opportun d’offrir des débouchés internationaux à des niveaux de formation non couverts par le VIE et à des jeunes formés dans les métiers d’excellence reconnus hors de France. C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, s’il serait possible de renforcer et d’élargir le dispositif du VIE aux centres de formation d’apprentis – les CFA – à partir du bac professionnel. Les CFA pourraient ainsi être amenés à développer des contrats d’apprentissage à l’étranger, assimilables à un compagnonnage international. Tout cela ne pourrait être que bénéfique pour notre artisanat français.
Monsieur le député, je vous remercie d’avoir souligné la création du Fonds pour les savoir-faire d’excellence : c’était un engagement que j’avais pris dans le cadre du pacte pour l’artisanat, et mon ministère mène une politique active pour favoriser la mobilité des apprentis dans un pays étranger.
Je voudrais vous citer un certain nombre d’actions menées en lien avec l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, l’APCMA. Nous avons ainsi jeté les bases du fonctionnement de l’Institut européen des métiers, de l’euro-apprentissage, et mis en place une plateforme régionale pour la mobilité internationale des apprentis. Par ailleurs, mon ministère souhaite que les entreprises et leurs apprentis puissent saisir les opportunités du programme européen « Erasmus + », qui est le nouveau programme dans le domaine de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport pour la période 2014-2020. Il fusionne l’ensemble des programmes existants en matière d’éducation et de formation, avec un budget global du nouveau programme s’élevant à environ 15 milliards d’euros pour cette période.
Le ministère a initié avec ses services et avec les réseaux consulaires le travail préalable à la sollicitation de ces financements, dans le cadre de l’appel à projets qui vient d’être publié par la Commission européenne.
Le Gouvernement souhaite par ailleurs démocratiser le dispositif pour des jeunes moins diplômés. Le projet « VIE Pro », mis en place depuis la rentrée 2013, offre la possibilité de remplacer le stage de fin d’études en licence professionnelle par un contrat VIE. En effet, si le VIE s’adresse à tous les jeunes de dix-huit à vingt-huit ans sans distinction de diplôme, dans les faits, 90 % des bénéficiaires sont diplômés au niveau bac +5. Avec ce dispositif, l’objectif est d’ouvrir effectivement le VIE à des diplômés à bac +3.
Dans une logique de démarche progressive et pragmatique, il nous faudra disposer d’un retour de la part des entreprises et des jeunes à l’issue de la première année de mise en place de ce dispositif, avant d’étudier les modalités de son éventuelle extension à des niveaux de diplômes inférieurs. Des actions de promotion et de sensibilisation du dispositif à destination des jeunes et des entreprises sont également menées avec le ministère du travail : interventions dans les universités, informations diffusées au sein des missions locales. Monsieur le député, je partage votre objectif de la mobilité des jeunes.
Merci, madame la ministre. La séance des questions à un ministre est terminée.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion en procédure d’examen simplifiée de cinq conventions internationales ;
Rapport de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ;
Débat sur l’accessibilité des services au public dans les territoires fragiles.
La séance est levée.
La séance est levée, le 26 février 2014, à zéro heure trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron