Madame la garde des sceaux, un colloque sur la justice du XXIe siècle s’est tenu à Paris les 10 et 11 janvier, réunissant près de 2 000 professionnels du système judiciaire.
Sur les 268 recommandations formulées, une en particulier a retenu mon attention. Elle a aussi suscité ma plus vive inquiétude, comme celle de nombreux professionnels. Il s’agit de la création potentielle – du moins je l’espère –, dans chaque chef-lieu de département, d’un tribunal de première instance, issu d’un rapprochement entre le tribunal de grande instance, le tribunal d’instance et le conseil des prud’hommes.
Je crains, madame la garde des sceaux, que la fusion des juridictions de première instance au sein d’un tribunal départemental ne prive davantage les justiciables de l’accès à la justice. Comme mon collègue Joël Giraud l’a rappelé tout à l’heure, la délocalisation de certains contentieux et la nécessité pour le justiciable de parcourir parfois plus de 100 kilomètres à l’intérieur d’un même département pour se présenter à son audience pourraient fortement le décourager, en particulier dans les territoires ruraux ou les territoires de montagne – je ne parle pas de la viabilité hivernale –, en raison des contraintes liées au relief, au climat, et au coût des déplacements.
Enfin, nous avons tous conscience qu’une fusion des juridictions de première instance pourrait avoir pour corollaire, à moyen terme, la fermeture de plusieurs tribunaux, sur la base, si l’on en croit la proposition, d’un découpage géographique qui remonte à 1790 en ce qui concerne les départements.
Dans des territoires à fortes contraintes géographiques, cette situation serait catastrophique pour le fonctionnement de la justice, d’autant plus que les nouvelles technologies ne sont pas encore pleinement déployées dans certains départements.
Bien qu’il ne soit pas question, pour l’instant, d’une nouvelle réforme de la carte judiciaire, il est impératif – et je suis d’autant moins gêné de le dire ce soir que je l’avais déjà rappelé en 2009 – de prendre en considération leurs spécificités pour maintenir des juridictions de proximité.
Je sais que vous êtes attentive à ces problématiques d’aménagement du territoire, et je profite de cette occasion pour vous remercier du soutien que vous avez apporté au tribunal de grande instance de Bonneville.
Pouvez-vous nous indiquer où en est votre réflexion sur cette proposition et quel est le calendrier éventuel, afin de rassurer les nombreux professionnels qui travaillent dans les tribunaux de grande instance, partout en France ?