Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 25 février 2014 à 21h30
Questions à la garde des sceaux ministre de la justice

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Concernant l’aide juridictionnelle nationale, vous savez que je nourris une grande ambition, que je m’obstine à atteindre, celle de construire une politique nationale de solidarité en ce domaine. Je ne veux pas me contenter de constater, année après année, que nous nous battons pour un budget qui ne nous permet d’accorder qu’une petite augmentation de 5 % ou 10 %, ce qui n’est pas à la mesure des besoins. L’aide juridictionnelle appelle une vraie politique de solidarité dans la mesure où elle permet à des personnes dont les ressources sont très modestes – rappelons que le plafond est fixé à 929 euros alors que le seuil de pauvreté est à 964 euros – d’accéder aux services d’un avocat puisqu’il est alors pris en charge par l’État.

Les avocats sont rémunérés sur la base d’unités de valeurs qui n’ont pas été revalorisées depuis 2007. Nous devons avoir conscience que ce travail représente un véritable engagement pour les avocats car ils ne reçoivent pas de rémunération mais assurent un service de même qualité que s’ils percevaient des honoraires. Si c’est possible, nous devrons remonter le plafond des ressources. Je le souhaite même si la dépense est assez dynamique. Nous devons également revaloriser les unités de valeurs afin que les avocats soient mieux rémunérés, et étendre le champ du contentieux à un certain nombre d’autres qui ne sont pas éligibles à l’aide juridictionnelle, comme les contentieux médicaux.

Nous travaillons avec obstination pour tenter de construire cette grande politique nationale de solidarité.

Pour ce qui est de l’Union européenne et du projet de directive de novembre 2013, nous pouvons nous réjouir de cette victoire de la France. Nous étions en position de force en juin et juillet 2012, ce dont j’ai profité pour négocier un vote de la France à condition de disposer d’un instrument juridique pour l’aide juridictionnelle étendu à l’ensemble de l’Union européenne. La raison en est simple : l’Union européenne ne saurait ouvrir de nouveaux droits et ne pas les rendre effectifs. L’on permet la présence de l’avocat, mais en l’absence d’aide juridictionnelle seuls ceux qui en ont les moyens pourront bénéficier de ce droit. J’ai donc plaidé le principe de l’effectivité des droits pour demander un prochain instrument législatif qui instaure une aide juridictionnelle pour l’ensemble de l’Europe.

Pour le moment, le projet de directive ne prévoit de couvrir l’aide juridictionnelle que dans les cas de personnes suspectes ou poursuivies, en excluant l’audition libre. Or, une directive européenne prévoit la présence de l’avocat au cours de l’audition libre. L’étude d’impact menée par l’Union européenne a fait apparaître que la diversité, voire la disparité, des systèmes judiciaires européens rendait très compliquée la prise en charge de l’audition libre.

Nous n’avons pas dit notre dernier mot. Nous sommes contents de cette première victoire car nous disposons d’un instrument législatif, d’une directive, qui correspond au plus haut niveau d’instrument législatif, avec de surcroît la marge nécessaire pour la transposition, contrairement au règlement. Je le répète, nous n’avons pas dit notre dernier mot et nous allons nous battre pour que l’audition libre soit également couverte.

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