Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 26 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Soit ! Alors que nous attendions effectivement un projet de loi ambitieux réformant profondément la formation professionnelle, nous faisons le constat, avec Francis Vercamer, que ce texte n’est pas en mesure de répondre aux défis actuels, en particulier en matière d’apprentissage et de formation.

Oui, monsieur le ministre, il y a urgence : urgence sociale, qui nécessite une mobilisation très forte ; urgence parce que le chômage continue de frapper encore et encore, hélas, en dépit de la promesse restée vaine ces derniers mois ; urgence parce qu’au moment où il faudrait libérer toutes les énergies, elles ont été contraintes, muselées, découragées ; urgence parce que vous avez matraqué les ménages et les entreprises – je ne reviendrai pas sur les impôts supplémentaires que vous avez levés ces dix-huit derniers mois ; urgence parce que la politique de votre gouvernement, monsieur le ministre – pas encore tout à fait « votre » gouvernement ! – a profondément nui à la compétitivité de nos entreprises, avec un taux de marge aujourd’hui le plus bas depuis trente ans.

Oui, il y a urgence. Mais plutôt que ce texte dont M. Cherpion a dit à juste titre qu’il avait été rédigé à la va-vite, présenté en outre en procédure accélérée, nous attendions du Gouvernement une mobilisation nationale sur ce sujet essentiel pour notre pays qu’est la formation professionnelle. Sur ce sujet crucial, vous qui avez la sagesse du panda, monsieur le ministre, avez fait le choix du sprint, imposant des conditions de travail difficiles, souvent à des heures tardives, avec des amendements présentés en dernière minute. Ce travail n’a donc pas été accompli dans de bonnes conditions.

La formation professionnelle, c’est d’abord une question d’efficacité de la lutte acharnée qui doit être menée contre le chômage. C’est aussi une question structurelle, touchant à la compétitivité de nos entreprises et se fondant sur les coûts et sur la qualification de leurs salariés. Or la France compte cette année 24 000 apprentis de moins que l’année dernière, alors même que le Gouvernement a affiché l’objectif de passer de 435 000 jeunes actuellement en alternance à 500 000 en 2017. Ainsi, les entrées en apprentissage ont reculé de manière significative : moins 8,1 % en 2013, après trois années de hausse continue. Même en 2009, au coeur de la crise, le nombre de contrats d’apprentissage signés avait été meilleur !

Il est évident, monsieur le ministre, que votre politique y est pour beaucoup, entre la loi Peillon et la réduction en loi de finance de 20 %, soit 550 millions d’euros, des aides à l’apprentissage. À titre de comparaison, alors que la France compte trois fois plus de jeunes chômeurs que l’Allemagne, elle compte trois fois moins d’apprentis. Dans le même temps, l’Allemagne a ramené l’âge d’entrée en apprentissage à 13 ans quand vous, vous l’avez porté à 16 ans. Nous devrions tirer les conclusions qui s’imposent de ces chiffres.

Une meilleure formation professionnelle est une garantie tant pour les salariés, qui pourront conserver leur emploi ou évoluer professionnellement, que pour les demandeurs d’emploi, qui verront de plus grandes opportunités s’offrir à eux. Dans le même temps, une meilleure formation professionnelle constitue indéniablement un atout pour les entreprises, qui pourront ainsi gagner en compétitivité grâce à des salariés qui sauront répondre aux nouveaux défis technologiques et auront développé de nouvelles compétences et connaissances.

Nous saluons bien entendu l’accord signé le 14 décembre 2013 par la majorité des partenaires sociaux, à l’exception de la CGT et de la CGPME. Un tel accord, issu de la démocratie sociale, entraînera sans doute une stabilité juridique, élément essentiel de la confiance tant des entreprises françaises que des citoyens dans leur ensemble. Ce projet de loi est la traduction législative de cet accord et bien des dispositions nous en semblent utiles, en principe du moins. Qui s’opposerait en effet à la création du compte personnel de formation, à la simplification des modalités de financement par les employeurs de la formation professionnelle continue ou encore à l’organisation du réseau des centres de formation d’apprentis ?

Mais, une fois encore et en dépit des grandes ambitions affichées d’emblée par le Gouvernement, ce qui nous frappe et nous déçoit, monsieur le ministre, c’est l’absence d’une véritable perspective. En effet, vous avez voulu donner plus de compétences aux régions en matière de formation et d’orientation professionnelles. Nous ne contestons pas les missions essentielles que les régions peuvent remplir en la matière, en relation logique avec leurs compétences en matière de stratégie de développement économique de leurs territoires : c’est un point sur lequel nous avions fortement insisté lors des réformes précédentes, sans avoir été entendus à l’époque, je vous l’accorde. Néanmoins, ce projet de loi procède à des ajustements sans réelle vision d’ensemble de la refonte de la carte territoriale et de ses conséquences sur les compétences exercées par les différents niveaux d’administration publique locale. Nous ne pouvons que le déplorer.

En outre, nous contestons, tant sur le fond que sur la forme, les mesures proposées pour l’apprentissage. Sur la forme, les amendements gouvernementaux présentés nuitamment, à la dernière minute, sans examen par la commission, n’ont fait que compliquer encore la tâche du Parlement dans l’examen de ce texte et témoignent de l’impréparation du Gouvernement. Cela étant, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que nous avons eu grand plaisir, avec Francis Vercamer, à travailler avec vos services ainsi que votre cabinet.

Sur le fond, le groupe UDI a toujours considéré que l’apprentissage était un sujet d’une importance cruciale et fondamentale pour l’avenir de notre jeunesse et pour l’emploi. Nous aurions espéré un consensus, une large consultation, bref une réforme d’ensemble et non ces deux amendements sur la redistribution de la taxe d’apprentissage. Comme nous n’avons cessé de le répéter, l’apprentissage doit impérativement faire l’objet d’un plan global mobilisant la représentation nationale et tous les acteurs, les entreprises privées comme l’ensemble des fonctions publiques.

Le groupe UDI appelle de ses voeux la promotion d’une réelle ambition pour l’apprentissage. Il est grand temps d’ériger cet outil d’insertion professionnelle majeur comme priorité nationale, avec des régions en puissants chefs de file, une meilleure lisibilité et cohérence des acteurs ou encore une simplification des systèmes d’aide aux entreprises et des circuits de financements. Nous devons constituer une grande filière de formation d’excellence par l’apprentissage, car c’est souvent la porte d’entrée de très belles carrières.

Je reviendrai également sur les dispositions qui ne figuraient pas dans l’Accord national interprofessionnel et que le Gouvernement a cru bon de rajouter à ce texte, sans aucune concertation ni étude d’impact. Des mesures concernant les prud’hommes figuraient dans l’avant-projet de loi, mais le Gouvernement a fait le choix de les retirer du texte présenté au Parlement, ce que nous ne pouvons que saluer. Il n’en avait pas été de même avec la réforme de l’inspection du travail, qui suscitait pourtant de vives inquiétudes des inspecteurs du travail eux-mêmes et des organisations syndicales les représentant.

L’absence de concertation ainsi que les conditions d’examen de ce texte, en procédure accélérée, n’ont pas permis un débat de fond suffisamment attentif aux enjeux de ce corps de l’État qui est essentiel pour les droits de nos compatriotes. Les députés du groupe UDI se félicitent donc, comme le rapporteur, du rejet de l’article 20 par le Sénat, article qu’ils avaient eux-mêmes combattu sans succès dans cet hémicycle. Des réformes des prud’hommes et de l’inspection du travail ne pourront se faire que dans la concertation et le consensus. Nous espérons donc, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’attachera à créer un climat propice lors des discussions à venir sur ces sujets.

Vous l’aurez compris, nous regrettons qu’en dépit des nombreuses propositions constructives émises tout au long du débat, le Gouvernement n’ait pas eu plus d’ambition pour la formation professionnelle. Nous ne pensons pas que ce texte soit en mesure de répondre à la situation de crise que connaît notre pays, de lutter efficacement contre ce fléau que constitue le chômage, des jeunes en particulier, et de relancer massivement l’apprentissage. En outre, cette réforme ne résout en rien la complexité des acteurs de la formation professionnelle et de son financement à plus de 32 milliards d’euros.

La rénovation de notre démocratie sociale, frappée par le foisonnement des organismes, doit être une priorité. Je salue, à titre personnel, les avancées réalisées en matière de démocratie sociale dont vous venez de parler, monsieur le ministre. Néanmoins, nous n’oublions pas que ce projet de loi tire son origine d’un accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux. Viscéralement attachés au dialogue social, nous ne pouvons pas nous opposer à une avancée, même réduite, vers une amélioration sociale qui fait l’objet d’un consensus. C’est pourquoi, le groupe UDI s’abstiendra sur ce projet de loi.

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