Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 26 février 2014 à 15h00
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Nous voici arrivés au bout de l’examen marathon d’un projet de loi important visant à réformer, en trois semaines ! la formation professionnelle et la démocratie sociale. Le rythme auquel s’enchaînent les propositions de loi tendant à améliorer les droits des salariés et l’accès à l’emploi bouscule la démocratie parlementaire. Ces derniers jours, nous avons fait progresser la lutte contre le dumping social, le soutien à l’économie réelle face à la finance et le statut des stagiaires. Dès le mois d’avril, nous examinerons le projet de loi sur l’économie sociale, cher aux écologistes en raison du mode de fonctionnement des employeurs de ce secteur au sein duquel un homme ou une femme égale une voix. En effet, renforcer la démocratie sociale, c’est réaffirmer notre engagement pour une citoyenneté active au sein de l’entreprise comme dans la cité, pour une participation des salariés, pour l’innovation et l’initiative. C’est garantir les contre-pouvoirs au-delà de la seule intervention de l’État. C’est aussi garantir la loyauté des négociations. Ce sont non seulement des valeurs démocratiques, mais, au-delà, une question de pragmatisme.

Lutter contre la finance et le sentiment d’impuissance, c’est aussi donner des moyens et un pouvoir d’agir aux salariés, aux petites entreprises, aux coopératives, aux artisans… bref aux humains face aux capitaux. Je salue le travail parlementaire de qualité que nous avons mené ici. C’est dans un climat constructif que le projet de loi a évolué de manière positive et que certaines positions portées par les écologistes ont pu être intégrées au texte. J’en profite moi aussi pour remercier le rapporteur Jean-Patrick Gille, qui a accompli, en dépit des délais, un remarquable travail collectif de coordination et de fond sur ce texte, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, et votre équipe.

J’entrerai dans le vif du sujet avec l’avancée principale de ce texte, à savoir la création du compte personnel de formation. Nous nous en sommes ici toutes et tous félicités. Le compte personnel de formation constitue une avancée en ce qu’il permettra la création d’un droit universel à la formation tout au long de la vie, principe que nous défendons. Directement rattaché à la personne, il l’accompagne pendant toute sa vie professionnelle. Mais nous avons également, depuis le début des discussions, unanimement pointé que 150 heures ne permettaient pas d’accéder à une formation qualifiante. C’est pourquoi les écologistes ont défendu dès le départ la possibilité de renégocier ce volume horaire par conventions de branche et d’assurer des abondements adaptés à chacun. Nous en avons débattu ici même et nos collègues sénateurs y ont partiellement répondu. Nous nous félicitons également que le plancher des 150 heures puisse être obtenu en sept ans plutôt qu’en neuf.

Les écologistes ont été également très attentifs à une meilleure prise en compte des publics cibles, grâce notamment à une mesure qui a permis de rendre le compte personnel de formation plus équitable envers les demandeurs d’emploi et les salariés à temps partiel, en insertion et à bas niveau de formation initiale. Nous avons pour cela présenté de nombreux amendements et obtenu des possibilités d’abondements supplémentaires, fléchés vers trois catégories prioritaires : les salariés exposés à des facteurs de pénibilité, les salariés menacés par des évolutions économiques ou technologiques et les salariés à temps partiel, ce que renforce l’accord trouvé en commission mixte paritaire, lundi dernier. Par ailleurs, il était indispensable que les droits soient ouverts à des publics supplémentaires tels que les intermittents du spectacle et les travailleurs d’établissements et services d’aide par le travail, ce que ne prévoyait pas le texte initial. C’est chose faite. Ces publics pourront bien bénéficier du compte personnel de formation. Comme je l’ai déjà dit, l’étape suivante est d’en ouvrir l’accès aux fonctionnaires.

S’agissant du service public de la formation professionnelle, alertés par l’AFPA, nous avons défendu une sécurisation de ses biens immobiliers. Nous avons là aussi été entendus et l’AFPA reste ainsi un centre de formation au statut particulier et, à ce titre, protégé des logiques parfois mortifères de la concurrence.

Ce texte prend de surcroît les devants de la loi de décentralisation que nous examinerons bientôt. Les écologistes sont convaincus que la région est un bon échelon pour développer et traiter des problématiques d’orientation, de formation et d’emploi. Ce projet de loi prend en compte la notion de territoires, de bassins de vie et la mobilité choisie des individus. La future loi de décentralisation devra prendre en considération cette réalité des compétences des régions et procéder, nous semble-t-il, à une réforme fiscale qui leur ouvre une autonomie financière leur permettant d’assurer pleinement leurs nouvelles compétences.

Ici aussi, les débats parlementaires ont permis de clarifier leur rôle, notamment leurs compétences s’agissant de nouveaux publics, comme les personnes en situation de handicap par exemple. La région doit jouer un rôle dans le domaine de l’emploi et de la formation. Les écologistes ont proposé d’en faire l’acteur principal, qu’il s’agisse des formations collectives pour les demandeurs d’emploi ou de celles proposées par Pôle emploi. Lundi, en commission mixte paritaire, nous avons apporté un éclaircissement bienvenu en précisant que Pôle emploi devra passer une convention avec la région pour l’achat de formations collectives.

En lien avec cette volonté décentralisatrice, les écologistes demandent également le renforcement des outils territoriaux de gouvernance partagée. Ainsi, pour permettre une vraie diversité et une bonne représentativité au sein des instances régionales et nationales, ils ont estimé nécessaire d’ouvrir le droit de participer aux dispositifs de financement à l’ensemble des acteurs locaux. À ce sujet, le deuxième volet du texte, sur la démocratie sociale, a lui aussi bien évolué pendant les débats parlementaires.

Ainsi, les acteurs dits du hors-champ, c’est-à-dire des secteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’agriculture ou des professions libérales, qui fédèrent un tiers de l’activité économique et des emplois en France, trouvent enfin leur place dans les instances de l’emploi, de l’orientation et de la formation. Si nous approuvons la volonté de s’appuyer sur le dialogue social, donc sur les négociations entre partenaires sociaux, il faut aller plus loin en ce sens. Pour cela, et surtout pour que cette méthode soit efficace et équitable dans les accords conclus, il est indispensable que le nombre de salariés syndiqués évolue. Nous avons redonné sa force au dialogue social. Cela devrait permettre le renforcement du syndicalisme.

La démocratie sociale n’est cependant qu’un des piliers d’une démocratie active, vivante, innovante et inclusive. Si la démocratie institutionnelle est bien entendu nécessaire à la décision publique, nous devons soutenir la démocratie participative, notamment celle qu’on nomme « 2.0 ». Celle-ci s’essouffle aujourd’hui, car elle n’est pas suffisamment prise au sérieux, en dépit des efforts que déploient ses militants et acteurs. La décentralisation implique nécessairement de renforcer sa pratique, car les bonnes idées ne viennent pas toujours d’organisations corporatistes.

Par ailleurs, la formation professionnelle doit être un levier pour l’adaptation aux changements et aux besoins de la société. Nouvelles technologies ou techniques, nouveaux modes d’échanges, nouvelles filières, nouveaux métiers : la formation professionnelle est à la fois une opportunité d’émancipation individuelle, mais également une manière d’anticiper les transitions. Je le disais lundi soir, ici même, à propos de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, nous devons réorienter nos modes de productions vers les circuits courts, vers la sobriété énergétique, vers des modes de production et de consommation plus soutenables. Nous devons également restaurer le lien social, apprendre à vivre mieux ensemble et, pour cela, renforcer l’éducation, l’animation et le soin apportés aux plus fragiles.

Dans ce cadre, les activités que nous devons favoriser doivent être socialement utiles. Ce sont celles des filières d’avenir, que nous évoquons à chaque texte, mais aussi l’éducation et la santé. La formation professionnelle a plus qu’un rôle à jouer, elle a la responsabilité d’accompagner ces mutations et cette transition écologique. Les amendements de Denis Baupin vont dans ce sens, leur adoption est une avancée non négligeable. Pour cela, la dimension qualitative est évidemment fondamentale.

Le texte final renforce cette exigence en intégrant la qualité des actions de formation dans le code du travail et en posant l’exigence pour les financeurs publics et paritaires de la formation professionnelle de s’assurer de la capacité des prestataires de formation à réaliser une formation de qualité. Les régions devront, bien sûr, s’impliquer dans cet enjeu. Les écologistes ont défendu la volonté de mettre la formation professionnelle au service de la transition écologique. Ils ont été entendus dans une certaine mesure. Cette position doit continuer à être portée dans les régions, et nous y veillerons.

Enfin, nous sommes bien entendu satisfaits, monsieur le ministre, que le volet concernant l’inspection du travail n’ait pas été réintroduit en commission mixte paritaire après à sa suppression au Sénat. Nous avions depuis le début exprimé notre désaccord et avions voté contre l’article 20 en première lecture. Je vous l’ai dit, monsieur le ministre, on ne peut pas utiliser et valoriser la méthode du dialogue social et passer outre les inquiétudes des inspecteurs du travail. Il est nécessaire de prendre le temps d’une vraie discussion avec eux pour une réforme qui les concerne directement et qui, je le rappelle, peut-être utile.

Ce texte est un premier pas indispensable et comporte des avancées dans plusieurs domaines. Alors que les parcours professionnels se font parfois chaotiques, les temps entrecoupés sans emploi doivent permettre de se former afin de pouvoir se reconvertir. Il nous faut continuer dans cette direction et aller plus loin vers la construction d’un droit universel à la formation tout au long de la vie. Nous en reparlerons à l’occasion des prochains textes sur la décentralisation, sur l’économie sociale et solidaire et bien entendu sur la transition énergétique, texte dont, vous l’avez compris, nous attendons beaucoup. Les écologistes voteront ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion