Je ne sais pas comment je dois prendre cela… Toujours est-il qu’après vous avoir interpellé, je vous vois lever la tête !
Plusieurs de nos collègues ont évoqué en commission avoir été saisis par des personnes de leur circonscription qui ne pouvaient supporter cette situation que grâce à une solidarité familiale et personnelle. Il est impératif, afin que la justice ne soit pas le catalyseur d’une descente aux enfers pour ces anciens salariés, de resserrer les délais dans lesquels le juge doit statuer, dans l’intérêt du salarié comme de l’entreprise.
Vous estimez qu’on peut faire l’économie d’un passage par le bureau de conciliation, puisque la jurisprudence n’admet pas l’éventuelle rétractation du salarié, et vous proposez que les demandes de qualification de prises d’acte soient directement traitées par le bureau de jugement, seul apte à décider de l’imputabilité de la rupture.
Ce faisant, vous faites de la prise d’acte de rupture un litige devant faire l’objet d’une procédure accélérée au même titre que les recours contre les refus de congés spéciaux, les contestations portant sur les créances en matière de redressement ou liquidation judiciaire ou encore les demandes de requalification de contrats précaires.
Si l’on ne peut que saluer la volonté de notre rapporteur, le débat qu’il nous propose amène de nouvelles questions.
S’agissant tout d’abord du fonctionnement des prud’hommes, comment expliquer de tels délais ? La proposition de loi de notre collègue pointe précisément du doigt le dysfonctionnement dont souffre actuellement la prud’homie. Adopter une nouvelle procédure dérogatoire pour traiter la prise d’acte de rupture nous oblige à nous poser une question simple : si les conseils prud’homaux souffrent déjà d’un engorgement préjudiciable aux requérants, est-il tenable et réaliste de prévoir un délai très resserré d’un mois pour statuer ?
Citons un jugement rendu le 20 novembre 2013 par le tribunal de grande instance de Paris : à la suite d’une procédure particulièrement longue devant le conseil des prud’hommes de Bobigny, excédant le délai raisonnable de jugement, l’État a été condamné à verser à dix salariés, à titre de dédommagement, 5 000 euros par personne pour déni de justice.
Adopter ce texte ne peut ni ne doit nous exonérer d’une réflexion en profondeur sur le fonctionnement de nos juridictions sociales, considérées dans leur ensemble. D’ailleurs, rappelons que le Gouvernement a déposé au mois de janvier un projet de loi d’habilitation à définir par ordonnance les nouvelles modalités de désignation des juges prud’homaux.
Les dispositions relatives aux conseils de prud’hommes, qui figuraient initialement dans le projet de loi sur la formation professionnelle, ont été retirées de ce texte – c’est heureux –, car, à l’instar des dispositions concernant l’Inspection du travail, elles n’avaient rien à y faire. Toutefois, l’occasion n’est-elle pas venue d’engager une véritable réflexion sur ce sujet plutôt que de laisser le Gouvernement dessaisir le Parlement de ses prérogatives, en votant ce projet d’habilitation ?
Deuxième question ou réflexion : cette proposition de loi constitue une avancée pour les salariés, mais aussi pour les employeurs.