Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi visant à améliorer la procédure applicable à la prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié vient trop vite et trop tôt.
En droit, cette forme de rupture ne figure pas dans le code du travail. Son régime juridique a été défini par le juge et par la chambre sociale de la Cour de cassation. C’est une distinction classique qui est prévue entre l’initiative et l’imputabilité de la rupture dans le cas particulier d’une prise d’acte de rupture. Selon les éléments dont il dispose, le juge qualifie la rupture soit de licenciement soit de démission.
En pratique, cependant, la relation contractuelle cesse d’exister dès le moment de la prise d’acte, pour laquelle le salarié n’est pas tenu de respecter un délai de préavis. Après notification de celle-ci, l’employeur n’a plus obligation de verser un salaire.
Mais nous connaissons tous les délais de traitement des affaires au fond par les conseils de prud’hommes : ils varient de treize à plus de vingt-quatre mois, voire trois ans, selon le rapport Marshall sur les juridictions du XXIe siècle, remis à la ministre de la justice en décembre 2013. Ces délais, monsieur le ministre, sont beaucoup trop longs. Cela contrevient au droit pour tout justiciable de voir sa cause entendue dans des délais raisonnables.
Nous ne pouvons pas laisser le salarié, pas plus que l’employeur, d’ailleurs, pendant plusieurs années dans l’incertitude sociale et financière. Cette insécurité juridique est dommageable pour tous.
En attendant la décision de justice, l’employeur doit provisionner le montant des indemnités auxquelles il pourrait être condamné si les faits reprochés sont fondés et le salarié se retrouve dans une situation financière précaire. Les documents qui auront été obligatoirement fournis par l’employeur – attestation Pôle emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte – n’ouvrent pas droit aux allocations chômage pour le salarié dans l’intervalle, ou en tout cas pendant de très nombreux mois, quatre au minimum. Seuls les salariés ayant pris acte de la rupture de leur contrat pour non-paiement des salaires pourront, avec une ordonnance de référé, être pris en charge par Pôle emploi.
Par conséquent, face à cette situation, vous proposez de supprimer la phase de conciliation pour faire en sorte que le litige soit examiné par le bureau de jugement dans un délai maximum d’un mois après la saisine du conseil des prud’hommes, une procédure déjà prévue par le code du travail pour la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
On instaure une exception au droit commun de la procédure prud’homale. Pourquoi pas. Je comprends bien l’objectif de votre proposition de loi, mais on ajoute encore des dispositions dans le code du travail, qui plus est de manière partielle et imparfaite. Pourtant, j’ai cru comprendre que, même au sein de votre majorité, nombreux sont ceux qui, enfin, réclament un allégement du code du travail.