En créant une juridiction unique de révision et de réexamen, en ouvrant les conditions d’exercice du recours en révision, en les clarifiant et les actualisant, monsieur le rapporteur, vous posez de manière équilibrée les termes du débat.
Permettez-moi d’insister sur trois aspects très novateurs du texte que vous nous proposez.
Le premier se fonde sur le constat de la mémoire défaillante des débats, notamment pour les procédures criminelles et consiste à prévoir la systématisation de l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises.
Actuellement, les présidents de cours d’assises recourent très rarement à l’enregistrement, qui relève de leur appréciation discrétionnaire, malheureusement. Comme je l’ai déjà indiqué en commission lors de l’examen de votre rapport parlementaire, l’oralité des débats est un aspect fondamental de la procédure pénale au stade du jugement. Par l’oralité, enfin les parties s’approprient le procès, qui sort de la discussion entre juristes, entre spécialistes et techniciens du droit, pour s’ouvrir à la réalité objective et matérielle des faits, à la confrontation des témoignages, à celle des dépositions, à des auditions plus fouillées et plus contradictoires, à la confrontation également des preuves, des négations et des aveux.
Jusqu’au jugement, la production de la vérité préparatoire du magistrat instructeur ou résultant de l’enquête préliminaire n’a pas vraiment valeur objective : elle reste très subjective et demande à être entérinée lors d’un débat public et oral par des magistrats et par un jury aux assises.
En généralisant l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises, on va enfin garantir leur consultation par les magistrats chargés d’examiner une demande de révision.
Je vous l’assure, rien ne remplace l’audience publique : menée de manière loyale, impartiale, dans le respect du contradictoire, elle est souvent le lieu de la révélation de la vérité. Un témoin qui revient sur ses déclarations, ou dont les déclarations n’ont pas toutes été retranscrites fidèlement dans les procès-verbaux, une victime qui s’effondre et qui raconte avec moult détails les faits qu’elle a subis, des experts qui peuvent être moins affirmatifs à l’oral que par écrit, des proches présents, indifférents ou absents : le procès est le révélateur de tout ce que le dossier papier a pu cacher, a pu occulter. C’est le révélateur, bien souvent, de la vérité.
L’enregistrement laisse peu de place à la variation des récits : difficile d’affirmer qu’on n’a pas dit ce qui va pouvoir être reproduit. Il laisse encore moins de place au filtre du rédacteur d’un procès-verbal, aussi objectif et neutre soit-il.
Cet enregistrement constitue donc une réponse appropriée à des décisions de condamnation insuffisamment ou très mal motivées par les juridictions pénales.
Mais la mesure la plus novatrice en termes d’ouverture est celle qui élargit les droits du condamné en matière d’investigations, que ce soit préalablement à sa demande ou en cours d’instruction. Il s’agit de permettre enfin au requérant de demander par écrit et de manière motivée des actes de toute nature, sans véritable limitation, et avec une possibilité d’appel tant préalablement que par la suite.
C’est une mesure de justice sociale qui évite des investigations privées, onéreuses, très dangereuses, sujettes à caution, ainsi qu’une médiatisation néfaste à la recherche de la vérité.
Les pouvoirs d’investigations seront ceux dont dispose le juge d’instruction, c’est-à-dire particulièrement larges.
J’en termine avec la troisième ouverture du texte, qui me paraît de nature à faciliter les révisions : le caractère contradictoire de l’audience est enfin consacré et le requérant peut s’exprimer en dernier. Grâce à un amendement que vous avez fait voter en commission, monsieur le rapporteur, la partie civile pourra formuler des observations écrites ou orales dès l’instruction de la demande en révision ou en réexamen, au même titre que le requérant et le ministère public. C’est une disposition de nature à rassurer les victimes sur leur place dans cette procédure spécifique – ce qui signifie que les victimes y ont toute leur place désormais.
Enfin, le requérant sera obligatoirement assisté ou représenté par un avocat de son choix ou commis d’office. C’est un filtre nécessaire qui est destiné à améliorer la qualité des recours présentés et à assurer surtout un accès de tous à la défense puisque le requérant pourra bénéficier, s’il y a droit, de l’aide juridictionnelle.
Ce texte s’inscrit très directement, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, dans la ligne politique que nous défendons ensemble, puisqu’il vise à moderniser, à adapter notre droit, à le rendre plus intelligible, plus efficace et finalement beaucoup plus protecteur des victimes comme des libertés.
C’est un texte qui participe du travail de restauration du lien de confiance entre le citoyen et sa justice.