Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 21h30
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Après l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

…mais il reste aujourd’hui encore très marqué par une vision utilitariste de l’animal, par le fait qu’on ne lui reconnaît toujours pas la qualité d’être vivant et doué de sensibilité. J’émets donc bien sûr un avis favorable à la définition ici proposée qui en modifie la qualification juridique, mettant ainsi en cohérence le code civil avec les deux autres codes. Je rappelle que l’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime reconnaît les animaux comme des êtres vivants et sensibles, et que le code pénal mentionne et punit les sévices et les actes de cruauté envers les animaux. L’amendement no 59 permettra également, et c’est important, de mettre en conformité notre droit avec le droit européen qui leur reconnaît d’ores et déjà la qualité d’êtres sensibles.

Cela étant, votre commission est très sensible à la notion de sécurité juridique. Il convient à ce titre de ne pas remettre en cause les catégories juridiques existantes, notamment la distinction entre les biens et les personnes dans le code civil. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes efforcés de retenir une rédaction qui, tout en reconnaissant aux animaux la qualité d’êtres sensibles et vivants, n’entraînera aucun bouleversement dans l’ordre juridique interne. Cela garantira que les animaux restent dans la sphère patrimoniale et exclura tout effet juridique non maîtrisé.

Pour ce qui est de vos sous-amendements, madame Abeille, je rappelle que la commission, lorsqu’elle s’est réunie ce matin à neuf heures au titre de l’article 88, n’a pas pu se prononcer faute d’en avoir eu connaissance : le dernier d’entre eux n’a été déposé qu’à dix-sept heures. J’émettrai donc un avis personnel.

Je partage pleinement l’objectif que vous poursuivez avec le sous-amendement n o 73 , mais je suis très réservée sur ses conséquences juridiques, qui paraissent en l’état difficiles à évaluer. Ainsi, vous faites référence « aux impératifs biologiques de leur espèce », en proposant de l’inscrire dans le code civil comme c’est mentionné dans l’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime. Mais l’obligation de placer les animaux « dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de leur espèce », telle qu’elle est inscrite dans cet article, ne pèse que sur le seul propriétaire, ce qui n’est pas du tout le cas dans votre rédaction, dans la mesure où vous n’identifiez pas la personne sur laquelle reposerait cette obligation dans le code civil. Cela soulève réellement une difficulté d’ordre juridique.

Autre problème : le terme « compatible », mentionné à l’article L. 214-1, est remplacé dans votre sous-amendement par le terme « conforme », plus exigeant sur le plan juridique. Quelles en seraient les conséquences exactes ? Votre exposé sommaire ne le précise pas. Là encore, on manque totalement d’expertise. Enfin, vous faites référence à la notion de bientraitance. Nous sommes évidemment tous d’accord pour estimer que les animaux ne doivent en aucun cas faire l’objet de mauvais traitements, mais la bientraitance est une notion trop floue pour être inscrite telle quelle dans notre code civil. Je vous invite donc à retirer ce sous-amendement. À défaut, je donnerai un avis défavorable.

Votre sous-amendement no 75 appellera de ma part des observations assez voisines : nous n’avons pas pu évaluer et expertiser les conséquences juridiques dans le code civil des expressions que vous reprenez partiellement du code rural et de la pêche maritime. À l’inverse, la réforme du statut juridique que nous proposons garantira une sécurité juridique propre à éviter tout effet non maîtrisé en la matière. Le sujet, vous le savez, est éminemment sensible et nécessite une expertise qu’il était difficile, vous en conviendrez, de réaliser dans des délais aussi brefs.

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