L’amendement no 59 vise à reconnaître la qualité d’être sensible à l’animal dans tous les codes. Malheureusement, quoi qu’en disent Mme la rapporteure et Mme la ministre, il n’entraîne aucune conséquence sur les effets patrimoniaux : le régime des biens corporels attaché aux choses continuera de s’appliquer à l’animal. Cette transformation reste purement symbolique et ne changera strictement rien à la condition animale. L’amendement se borne à transposer la loi dite Nungesser de 1976 dans tous nos codes, sans prendre en compte la notion, fondamentale, de bien-être animal ni l’obligation de bientraitance qui est en lien étroit avec la notion de respect des impératifs biologiques des espèces ou des races, principe fondé scientifiquement depuis la convention européenne de 1987, autrement dit depuis longtemps.
Il existe en effet beaucoup de régimes de protection issus du code de l’environnement et du code rural. Nous le savons et nous les connaissons. Malheureusement, le régime qui emporte le plus d’effets relève du droit civil, de la théorie générale du droit des biens et donc de l’application du droit de propriété.
Or une première restriction à cette application aveugle a été adoptée il y a fort longtemps : je veux parler de toute la législation pénale relative aux sévices graves et aux actes de cruauté. Vous connaissez ces mesures, qui viennent d’être rappelées, et qui sont également présentes dans le code rural.
Car le droit de propriété se divise en trois parties : l’usus, le droit d’utiliser le bien ; le fructus, le droit de l’exploiter et d’en percevoir les fruits ; l’abusus, le droit d’en disposer par la cession mais aussi par la destruction. C’est ce dernier droit qui a été restreint : le propriétaire d’un animal ne peut plus le détruire par des actes violents ou de cruauté.
Si nous voulons avancer, nous devons aussi modifier les deux autres droits. Or l’amendement no 59 laisse les animaux totalement soumis, comme avant, au régime des biens corporels ; autrement dit, il ne changera rien au droit civil et au droit de propriété qui restera plein et entier dans tous ses effets patrimoniaux et annexes. Pour résumer, cette reconnaissance du caractère d’être sensible n’aura aucun impact sur la préhension au quotidien de nos animaux. C’est une bonne intention…