Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 21h30
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Après l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

C’est un amendement beaucoup moins animalier que je vais vous présenter maintenant : il reprend le texte de la proposition de loi relative au principe d’égalité en matière successorale, déposée par l’auteur de cet amendement, nommé secrétaire d’État, Thierry Braillard, et l’ensemble des membres du groupe RRDP. Il s’insère assez idéalement dans le dispositif du projet de loi puisqu’il s’agit de combler le vide juridique laissé par la décision, que j’ai évoquée lors de la discussion générale, rendue par le Conseil constitutionnel le 5 août 2011 à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, et déclarant inconstitutionnel l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui instaurait un droit de prélèvement en faveur des seuls héritiers français en cas de partage d’une même succession entre cohéritiers étrangers et français. Cette disposition a été censurée au motif qu’elle établissait une différence de traitement entre héritiers appelés à une même succession, en ce que le droit de prélèvement, censé garantir une égalité entre héritiers, ne profitait qu’à l’héritier français lésé. Le reproche du Conseil tient donc à ce qu’un héritier étranger lésé par une loi étrangère dans une succession ouverte en France n’était pas protégé.

Toutefois, le Conseil constitutionnel suggère, dans le sixième considérant de sa décision, de maintenir une égalité au profit d’un héritier lésé par la loi étrangère. Le problème est que les États, notamment les pays membres de l’Union européenne, appliquent soit le principe de nationalité de la loi, soit le principe de territorialité de la loi. Ainsi, le règlement du 4 juillet 2012 relatif aux successions internationales entend appliquer aux successions transfrontalières le principe dit de la « scission ». C’est le principe de territorialité qui désormais prévaut en la matière. Or le principe de nationalité de la loi appliqué aux héritiers, règle ancienne et régulièrement appliquée par le juge, touchait à l’ordre public commandé par le respect de l’égalité des partages en cas de succession, égalité qui peut toujours être rompue, nonobstant le principe de la scission. L’article 27 du règlement a d’ailleurs prévu une possibilité de dérogation à la loi normalement applicable à la succession en vertu du règlement si celle-ci est contraire à l’ordre public du for.

Loin d’être incompatible avec le droit de l’Union européenne, le droit de prélèvement peut et doit pouvoir continuer à s’appliquer, ne serait-ce que de manière subsidiaire. Le droit de prélèvement n’a pas en effet pour objet de protéger les mécanismes de réserve héréditaire, que ne connaissent pas de nombreux droits étrangers : il permet à l’héritier de compenser l’absence éventuelle de réserve.

C’est pour ces raisons que nous vous proposons d’insérer, après la section I du chapitre II du titre premier du livre III du code civil, une section I bis ainsi rédigée : « Dans le cas de partage d’une même succession entre les cohéritiers étrangers et français, tout héritier, étranger ou français, peut prélever sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont il serait exclu, à quelque titre que ce soit. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion