Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 21h30
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Après l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Effectivement, monsieur Falorni, vous aviez évoqué cet amendement lors dans la discussion générale, et il devrait soulever moins de passion que le précédent. Le but est de répondre au problème posé par la décision rendue par le Conseil constitutionnel à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, et qui avait abrogé le droit de prélèvement dans la succession. Je vais toutefois vous inviter à la retirer, en vous expliquant pourquoi.

Tel qu’il est rédigé, votre amendement présente un fort risque d’incompatibilité avec le droit de l’Union européenne. Vous voulez réintroduire dans le code civil le droit de prélèvement dans la succession, qui figurait initialement à l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l’abolition du droit d’aubaine et de rétractation. Cette réintroduction présente réellement un risque de condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, sur le fondement des dispositions du règlement européen du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, à la loi applicable, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions, à l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de succession et la création d’un certificat successoral européen qui entrera en vigueur dans à peine un peu plus d’un an, le 17 août 2015. L’entrée en vigueur de ce règlement européen fera disparaître les règles de droit international privé actuellement applicables, notamment, à toutes les successions dites transfrontalières, gouvernées par ce qu’on appelle le principe de scission : jusqu’à présent, tout ce qui est immobilier était régi par la loi de la situation des immeubles, alors que la succession mobilière était régie par la loi du domicile. Or il n’y aura désormais plus qu’une seule et unique loi applicable à l’ensemble des biens de la succession, quels qu’ils soient, meubles ou immeubles.

Il est vrai que le règlement a prévu une possibilité de dérogation à la loi, mais celle-ci n’est pas du tout applicable en l’espèce. Dans la mesure où la Cour de justice de l’Union européenne pourrait être amenée à censurer l’application du droit de prélèvement si nous devions le rétablir dans notre droit interne alors que celui-ci a déjà fait l’objet d’une interprétation restrictive de l’ordre public et que, par ailleurs, l’application du droit de prélèvement reviendrait finalement à priver de tout effet utile le règlement, en rendant les effets de la loi étrangère normalement identiques à ceux de la loi française, nous serions donc confrontés à une vraie difficulté.

J’espère donc vous avoir convaincu. Je sais que cet amendement était défendu par M. Braillard, qui m’en avait parlé, mais, dans la mesure où il contrevient aux dispositions d’un règlement appeler à s’appliquer dans très peu de temps, je vous invite à retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

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