Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 16 avril 2014 à 15h00
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Article 8

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Cet amendement contient diverses dispositions.

J’évoquerai, tout d’abord, en guise d’hommage, celle qui m’a été demandée par le Défenseur des droits, Dominique Baudis, qui vient de nous quitter. En qualité de garde des sceaux, je travaillais très fréquemment avec le Défenseur des droits, qui était très dynamique, très actif et très vigilant quant au respect des droits, notamment ceux des plus vulnérables, et qui, au cours des vingt-trois mois pendant lesquels j’ai eu le plaisir de travailler avec lui, nous a soumis plusieurs observations et recommandations. Nous les avons pratiquement toutes suivies.

Celle dont il s’agit en l’occurrence nous a été adressée par Dominique Baudis en juillet 2012. Je lui ai répondu, en novembre de la même année, que je donnais mon plein accord à deux recommandations en particulier. La première relevait du pouvoir réglementaire et a fait l’objet d’un décret que nous avons publié. La seconde, celle dont nous parlons aujourd’hui, relevait du domaine législatif. C’est pour cette raison qu’elle figure aujourd’hui dans le projet de loi.

La première disposition, que nous avons instaurée par voie réglementaire, vise à offrir aux automobilistes ayant fait l’objet de contraventions, lors d’un contrôle radar notamment, la possibilité de les contester devant l’officier du ministère public. Cette disposition a fait l’objet d’un décret qui a été publié.

La seconde, je l’ai dit, relève de la loi. Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, proposait que nous portions de trois à quinze jours le délai pour le règlement des amendes minorées. Il est en effet apparu que, les personnes qui se voyaient infliger une contravention routière pouvant disposer de faibles revenus, être loin de leur domicile ou ne pas avoir de chéquier sur elles, ce délai de trois jours était trop court. Il suggérait donc que, dans les mêmes conditions, le délai de règlement de l’amende puisse être porté à quinze jours. Tel est l’objet de la disposition qui figure dans la deuxième partie de cet amendement.

J’ai souhaité évoqué cette disposition tout d’abord, car, comme je l’ai dit hier à la tribune, j’appellerai très volontiers cet amendement « amendement Baudis », compte tenu du fait que son contenu s’inspire d’une recommandation du Défenseur des droits.

Les autres dispositions concernent la communication électronique et le rétablissement de la possibilité pour le procureur de la République de procéder à la destruction de scellés.

Pour ce qui est de la communication électronique, il s’agit, comme je l’ai dit hier, de moderniser les relations entre les juridictions et les justiciables, donc de tenir compte des modes de communication qui sont aujourd’hui les plus courants. Bien entendu, nous avons le souci du respect des droits des parties, d’une part, et de la sécurité des procédures, d’autre part.

Concernant les scellés, une décision récente du Conseil constitutionnel – elle date de vendredi dernier – a annulé les dispositions du code de procédure pénale autorisant le procureur de la République à détruire des scellés. Sont concernés les scellés considérés comme dangereux, ceux dont la détention est illicite et qui posent à nos juridictions des problèmes logistiques, ainsi que des problèmes de sécurité.

Par cet amendement, nous vous demandons donc, mesdames, messieurs les députés, de bien vouloir rétablir la possibilité de décider de la destruction des scellés. Nous introduisons cependant un recours, dans un délai contraint.

Nous avons eu une discussion très intéressante sur cette question. Vous savez que nous avons engagé une rationalisation de la gestion et de la conservation des scellés. J’ai en effet demandé à la Chancellerie de procéder à une évaluation des conditions de leur conservation et nous nous sommes rendu compte que près de la moitié des juridictions ne tiennent pas compte des contraintes prévues par la loi avant la destruction des scellés et que les conditions de leur conservation ne sont pas satisfaisantes. Les scellés sont pour nos juridictions une contrainte et une charge très lourdes sur le plan budgétaire et logistique.

Par conséquent, nous rationalisons en faisant la part des scellés dont la conservation est nécessaire en vue de la manifestation de la vérité – il faut rappeler que le procureur de la République a le droit de les détruire lorsqu’elle ne l’est plus. Il n’en demeure pas moins que ce sont des pièces nécessaires lorsque, par exemple, une personne condamnée veut introduire une procédure de révision. Il faut donc créer les conditions pour pouvoir, dans certains cas, conserver les scellés aussi longtemps que nécessaire – bien entendu, on ne traite pas de la même façon ceux relevant d’infractions délictuelles et ceux relevant d’infractions criminelles. D’autres scellés, dont la conservation n’est pas nécessaire, sont extrêmement encombrants et peuvent être conservés sous forme numérique, en les photographiant, par exemple.

En tout état de cause, il faut rationaliser la gestion et la conservation des scellés. Nous avons déjà entamé ce travail avec le Parlement et nous en avons débattu il n’y a pas très longtemps.

En l’espèce, ce que je vous demande, c’est de rétablir la possibilité pour le procureur de la République de décider de la destruction des scellés, tout en prévoyant la possibilité d’un recours devant la chambre de l’instruction.

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