Intervention de Valérie Fourneyron

Séance en hémicycle du 13 mai 2014 à 21h30
Économie sociale et solidaire — Discussion générale

Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire :

Je constate que la gauche s’est rassemblée sur l’ESS. Je m’en réjouis, bien sûr : c’est au coeur de notre histoire. Sur beaucoup de points, nous partageons une vision ouverte et dynamique visant à reconnaître dans son ensemble la place de l’économie sociale et solidaire, et surtout à lui donner – par ce projet de loi – des perspectives de développement à la hauteur de ces enjeux.

Je voudrais revenir sur un certain nombre de questions. Une première interrogation a été évoquée à plusieurs reprises : elle concerne les financements des associations. Beaucoup d’entre vous ont évoqué la force des associations et leur place dans l’économie sociale et solidaire – elles représentent 80 % des emplois de ce secteur. Ils ont eu raison de le faire. Le texte que nous examinons aujourd’hui contient des dispositions relatives aux subventions, qui sont propres à sécuriser les associations – c’était essentiel. Il leur donne aussi, avec le titre associatif, le moyen de recourir à d’autres ressources, de faire intervenir d’autres acteurs. Ce projet de loi reconnaît ainsi aux associations la possibilité de faire venir d’autres investisseurs : cette clarification juridique permettra plus de lisibilité. Il faut rappeler qu’auparavant la notion de subvention n’était définie que de manière contentieuse ; la définition législative de ce projet de loi donnera plus de sécurité à l’ensemble des acteurs, leur permettra de faire leurs choix et de se développer.

Le financement des associations bénéficiera également du choix que nous avons fait d’adosser la SOGAMA à la BPI. Vous savez que la SOGAMA est la structure la plus présente pour accompagner, en termes de garantie bancaire, les associations. Son adossement à la BPI permettra d’augmenter l’importance des tickets d’accompagnement.

Les associations sont aussi soutenues financièrement – cela a été rappelé – par des mesures prises dans le cadre du pacte de responsabilité. L’ensemble des mesures soutenant les petits salaires vont pouvoir bénéficier aux associations qui comptent beaucoup de petits salaires – en effet, les salaires ne sont pas très élevés dans le champ associatif.

Un certain nombre d’entre vous ont relevé que, dans le cadre du crédit d’impôt compétitivité emploi, une mesure a été prise pour les associations : le plafond de la taxe sur les salaires a été relevé de 6 000 euros à 9 000 euros. Il est vrai que cette mesure touche les plus petites associations en termes de nombre d’emplois ; il n’empêche qu’elle a permis de sortir 70 % des associations de l’assujettissement à la taxe sur les salaires.

Dans ce registre, il est indispensable que nous soyons au rendez-vous.

Je voudrais également revenir sur le droit d’information préalable des salariés, dont vous avez été nombreux à parler. C’est un droit à double détente. Premièrement, le Gouvernement l’assume, c’est un nouveau droit pour les salariés, et notamment les salariés des PME, y compris des entreprises de moins de 50 salariés. C’est un nouveau droit social : le droit d’être informé que son entreprise va être cédée – cela fait longtemps que l’on n’a pas accordé un nouveau droit social aux salariés. C’est aussi un droit pragmatique, un outil pour éviter la disparition d’emplois dans nos territoires – vous avez aussi été nombreux à le souligner.

C’est toujours un drame de voir une entreprise pérenne, une entreprise qui va bien, quitter un territoire et laisser ses salariés sur le côté, faute de projet de reprise. C’est pour cela que ce projet de loi ne se contente pas de prévoir ce droit d’information des salariés, mais l’accompagne d’outils comme la SCOP d’amorçage et les financements spécifiques.

Le droit d’information des salariés n’est pas un droit de priorité, ni un droit de préférence – j’ai entendu André Chassaigne le regretter. Il s’agit de considérer que les salariés peuvent être une solution dans le cadre de la cession et de la transmission d’entreprises. Comme je l’ai évoqué en introduction, nous serons bien entendu très vigilants sur la confidentialité des informations ; mais les comités d’entreprise le sont déjà. Ils connaissent ces règles. Nous serons particulièrement attentifs à la protection de cette confidentialité au moment de rédiger les décrets, pour être à la hauteur de cette exigence.

Monsieur Lambert, madame Bonneton, en m’adressant à vous, je saisis l’occasion de saluer Guy Hascoët, qui a été le premier à donner un horizon à la finance solidaire en créant l’agrément solidaire en 2001. J’ai confiance dans le fait que nous arriverons à inscrire dans ce projet de loi les monnaies locales complémentaires. Ce sujet a fait l’objet d’une mission dont j’attends le rapport conclusif.

Monsieur Abad, l’ESS n’est pas une économie idéale exempte de critiques. J’en connais les qualités, mais aussi les limites. C’est donc avec pragmatisme que nous avons choisi de définir l’ESS par un mode d’entreprendre, autour de principes de gouvernance et de principes de gestion. Il faudra sans doute aller plus loin et, pour ce faire, avancer dans le sens du travail qui a été réalisé autour du guide de bonnes pratiques.

Le guide de bonnes pratiques a été mis en avant à plusieurs reprises au cours de la discussion générale. Il est l’aboutissement d’un travail important mené par le parti socialiste. Il fera l’objet d’un amendement défendu par M. le rapporteur. Cela permettra de mettre en lumière l’exemplarité sociale du secteur. Il s’agit d’un dispositif original d’information des salariés, à l’occasion de l’assemblée générale, sur des sujets clefs. Ces sujets sont importants pour tous les acteurs de l’ESS, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur famille. Ces sujets sont l’égalité entre les femmes et les hommes, le dialogue social, la territorialisation des emplois…

Comme l’a dit Jean Grellier, l’ESS, c’est de l’exigence, des critères, des conditions. Et pour les coopératives, ce sera même une révision quinquennale des principes coopératifs. C’est l’une des innovations de ce texte que de généraliser la révision coopérative à toutes les coopératives, quelles qu’elles soient, de la coopérative d’artisans à la banque coopérative.

J’entends les députés qui interpellent le Gouvernement et nous aurons l’occasion d’avoir ce débat tout au long des amendements qui ont été déposés, en vue de la séance publique, sur la reconnaissance des services à la personne au sein de l’ESS.

Pour autant, je rappelle que l’économie sociale et solidaire se caractérise avant tout par un mode particulier d’entreprendre et non par l’addition de différents secteurs d’activité – vous l’évoquiez dans votre motion de renvoi, Madame Le Callennec. Les entreprises de services à la personne ont toute leur place au sein de l’ESS, dès lors qu’elles en respectent les principes, notamment dans le modèle économique qu’elles développent.

Soyons tous conscients que dans le secteur des services à la personne, il y a des services de confort et des services de nécessité pour les personnes dépendantes. Au demeurant, si les services à la personne ne sont pas aujourd’hui intégrés de droit dans le modèle de l’économie sociale et solidaire, rien ne les empêche de s’inscrire dans ce modèle. Les articles 1er et 7 du présent projet de loi leur permettent d’être reconnus comme entreprise solidaire d’utilité sociale et d’avoir accès aux fonds d’épargne salariale.

M. François-Michel Lambert a pris le soin de revenir sur la sobriété énergétique, les monnaies solidaires, les enjeux liés à la commande publique et la nécessité d’améliorer la gestion des filières. Ce sont des débats que nous aurons lors de la discussion de ce texte.

Je voudrais dire à Mme Huguette Bello combien elle a raison : l’ESS n’est pas un amortisseur des temps de crise. L’horizon du développement des grandes sociétés du CAC 40 n’est pas indépassable.

Pour ce qui est de l’innovation sociale, madame Catherine Troallic, la capacité à se réinventer en permanence est une qualité de l’ESS. C’est avec plaisir que, eu égard aux amendements qui ont été déposés, j’entrevois un très riche débat sur ce sujet qui, vous le savez, me tient particulièrement à coeur. L’État a créé le fonds d’innovation sociale que Bpifrance met en place avec les régions, et les initiatives des territoires sont pleinement intégrées dans les dispositifs prévus par ce projet de loi.

Madame Audrey Linkenheld, vous avez raison : la forme importe autant que le fond, la réalisation compte autant que les moyens d’y parvenir. Aussi, prenons garde à la marginalisation de l’ESS.

Vous avez salué, madame Dubié, les valeurs humanistes de l’ESS, que je sais être chères à votre groupe. Vous avez également souligné l’importance de structurer les acteurs de l’ESS afin de bien identifier les responsabilités des uns et des autres, de reconnaître les rôles respectifs.

Il ne s’agit pas, comme nous avons pu l’entendre, de multiplier les nouvelles structures mais bien de fédérer celles qui existent. Nous avions besoin de mettre en place une instance représentative de l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire, la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, et de permettre une coordination des Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire. Cette instance représentative, créée par le présent projet de loi, favorisera le dialogue sur le plan national et européen et nous permettra d’être au rendez-vous des enjeux que représente l’économie sociale et solidaire.

Nous allons maintenant pouvoir entrer dans la discussion des différents articles de ce projet de loi. Les deux premiers articles reviennent sur cette vision inclusive, ouverte, de l’économie sociale et solidaire, pleinement assumée par le Gouvernement, et inspirée par l’histoire des innovations et de ceux qui les ont introduites, depuis la loi de 1901 sur les associations jusqu’à aujourd’hui. Je ne doute pas que ceux qui ont choisi un autre modèle d’entreprendre, sur la base de principes qui nous sont chers, puissent trouver toute leur place.

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