J’avais cru au départ que le fait que la droite ne participe pas aux différentes auditions était le signe que nous parviendrions à un certain consensus, mais le dépôt de plusieurs centaines d’amendements démontre que nous en sommes loin.
Est-ce normal ? Et pourquoi arrivons-nous à une telle situation ? Je crois que les torts sont un peu des deux côtés. Il est vrai que, à la suite du tumulte et du fracas du mariage pour tous, nous n’avons pas réussi à créer un consensus ; moi qui ai été l’un des principaux intervenants en la matière, je le constate. S’est fait jour alors cette volonté, certes déniée par notre collègue Gosselin, de trouver une sorte de revanche, en agissant de deux manières : d’abord, en faisant en sorte qu’il y ait une telle pression sur le Gouvernement qu’il réduise lui-même le texte par une sorte d’autocensure ; ensuite, sous la forme d’une opposition déterminée de la droite à l’ensemble des propositions que nous pouvions faire.
Pourtant, la proposition que nous examinons aujourd’hui aurait parfaitement pu être acceptée, puisque c’est d’abord une loi sur l’enfant, sur l’intérêt de l’enfant. Qui peut s’opposer à l’intérêt de l’enfant ? Il est vrai qu’en matière familiale le poids de l’histoire est lourd ; vous le savez, monsieur le vice-président de la commission des lois, qui êtes juriste. Nous sommes passés, d’abord, de la puissance paternelle à l’autorité parentale. Nous sommes passés du droit de garde à la notion de résidence. Nous sommes passés au partage des rôles dévolus au père. Le père, qu’est-ce que c’était ? C’était quelqu’un qui devait verser une pension alimentaire et une prestation compensatoire, et voir le moins possible l’enfant.
La mère, quant à elle, ne percevait du père que de faibles ressources, en contrepartie de quoi elle devait assurer l’éducation de l’enfant. Tout cela était absurde ! Ainsi, pendant très longtemps, les parents se sont partagé la garde des enfants de la manière suivante, comme le savent bien tous les avocats : un week-end sur deux en période scolaire, et la moitié des vacances.
Progressivement, la résidence alternée est apparue. Cette manière de faire était, dans un premier temps, interdite. Il a fallu une véritable poussée, une véritable demande de la part des couples qui se séparaient, pour qu’elle soit autorisée, pour que les parents puissent garder les enfants une semaine sur deux alternativement. Toutes les associations de pères revendiquaient cette possibilité : nous avons bien connu l’action de ces associations. Elles se sont d’abord opposées – il faut bien le dire – à la prestation compensatoire. Rappelons-nous tout ce qui a été fait à ce sujet ! Elles ont ensuite voulu permettre aux pères de participer au maximum à l’éducation des enfants : on a vu cela avec ce que l’on a appelé les « papa-grues » qui, semaine après semaine, montaient sur des grues pour interpeller la République à propos de la situation des enfants qu’ils n’arrivaient pas à voir. Bien souvent, il est vrai, des mères préféraient se faire condamner plutôt que de permettre aux pères de voir leurs enfants : c’est une réalité.
On est ainsi parvenu à la résidence alternée, qui a représenté un grand progrès : il faut le souligner – même si je sais que plus de 4 000 professionnels protestent contre sa généralisation. Mais ce n’est pas la généralisation qu’il faut, il faut simplement faire en sorte que cela soit la première des solutions proposées.