Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’institution familiale a profondément évolué au cours de ces dernières décennies. Les configurations et les parcours familiaux se sont diversifiés, si bien qu’aujourd’hui il n’y a plus un seul modèle familial, mais plusieurs. Pour répondre à cette réalité incontestable, le droit de la famille, et plus particulièrement les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, ont connu d’importantes mutations. La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a ainsi constitué une étape majeure, en étendant à tous les couples – mariés ou non, vivant ensemble ou séparés – le principe de coparentalité, selon lequel l’intérêt de l’enfant est d’être élevé par ses deux parents.
Dans le prolongement de cette évolution, la proposition de loi soumise aujourd’hui à notre examen entend apporter des réponses pragmatiques. Nous sommes d’accord avec la philosophie qui l’anime, et nous soutenons ses principaux objectifs afin de sécuriser et faciliter le quotidien des familles dans l’intérêt de l’enfant.
Le premier objectif est essentiel : renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents, afin que l’enfant puisse conserver, malgré cette séparation, des relations équilibrées avec chacun d’eux. En effet, en dépit de la consécration, par la loi du 4 mars 2002, du principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, des difficultés subsistent. Dans les faits, de nombreux enfants n’entretiennent plus de relations régulières avec un de leur parent. Pour résoudre ces difficultés, la proposition de loi améliore l’information des parents à propos de leurs devoirs et leurs obligations. Elle précise la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, renforce l’effectivité de ses règles en prévoyant de nouvelles possibilités de sanctionner leur méconnaissance et réforme les règles applicables à la détermination de la résidence de l’enfant.
Le principe de la coparentalité est ainsi réaffirmé et clarifié. Tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale. Pour les actes importants, cet accord doit être exprès.
Les règles relatives à la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents sont également réformées. Le principe devient la double résidence ; en d’autres termes, la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun de ses parents, sauf circonstances exceptionnelles. C’est d’abord un symbole fort : il ne s’agit pas d’imposer une stricte égalité de temps entre les deux résidences, mais de reconnaître expressément le droit de l’enfant à rester en relation avec chacun de ses parents. C’est aussi, disons-le, une avancée qui permettra de faire évoluer la pratique.
Parallèlement au renforcement de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, le texte reconnaît la place croissante prise par les tiers, en particulier les beaux-parents, dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants. Il ne s’agit pas d’instituer un statut du beau-parent mais de permettre aux beaux-parents d’exercer en droit les responsabilités qu’ils assument déjà en fait, dans l’intérêt de l’enfant. Cette reconnaissance n’entre pas en contradiction avec le principe de la coparentalité, mais constitue au contraire son complément et constitue une valeur ajoutée pour l’enfant.
Nous approuvons également l’objectif de donner plus de place à la médiation familiale dont les résultats, dans la majorité des cas, sont très positifs. Inciter les parties à recourir à la médiation familiale pour apaiser les conflits et rechercher les meilleures solutions, cela répond à l’intérêt de l’enfant. En revanche, nous sommes réservés quant à l’opportunité d’enjoindre aux parents de participer à des séances de médiation familiale. Celles-ci, pour être efficaces, doivent résulter de la volonté des participants.
Nous approuvons enfin une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant dans le cadre des procédures qui le concernent. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, cette préoccupation est partagée par de nombreuses institutions, à commencer par le Défenseur des droits. Au cours des débats en commission, des difficultés sont apparues au sujet de l’appréciation du discernement de l’enfant. Faute de critère, et en raison de la disparité des pratiques des différents tribunaux, il nous semble bon de supprimer la condition de capacité de discernement, qui est un préalable à l’audition du mineur par le juge. L’audition du mineur par le juge sera ainsi de droit dès lors que le mineur en fera la demande, sauf si son intérêt exige qu’il ne soit pas entendu. Le magistrat, entendant l’enfant qui le demande, pourra alors apprécier sa maturité.
Pour conclure, bien que les députés du Front de gauche partagent l’esprit qui anime cette proposition de loi – qui place l’intérêt de l’enfant au coeur du droit de la famille –, leur appréciation définitive sur ce texte n’est pas encore fixée : elle dépendra de l’issue de la discussion des articles et des amendements.