Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du 19 mai 2014 à 16h00
Autorité parentale et intérêt de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Cela aurait pu effectivement ressembler à une journée des dupes !

Le projet de loi devait être présenté au conseil des ministres en avril, avant d’être examiné au Parlement avant la suspension des travaux parlementaires, cet été. C’est ce que souhaitait avec beaucoup d’insistance la ministre de la famille, Dominique Bertinotti, lâchée sur ce point par le Premier ministre et par celui qui allait en être le successeur, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur. Il fallait éviter de voir monter les contestations et les crispations au sein de la majorité, à la veille des élections municipales et européennes.

La ligne « Matignon » s’imposait donc dès le 3 février. Passée la stupeur, voire la colère de certains, le groupe SRC et certains membres du groupe écologiste prenaient l’engagement de déposer plusieurs propositions de lois pour compenser l’engagement non tenu du Gouvernement. Il fallait donc attendre sagement l’avis du comité consultatif national d’éthique, le CCNE, sur la PMA.

C’est ainsi que nous examinons aujourd’hui les premiers éléments de réforme du droit de la famille. La présente proposition de loi appelle plusieurs critiques et remarques sur la forme et le fond. Sur la forme, d’abord ; bien évidemment, nul ne conteste que les députés puissent déposer des propositions de loi. Il s’agit d’un droit constitutionnel que je revendique, bien entendu !

Cependant, sur un certain nombre de sujets comme celui examiné aujourd’hui, qui pourraient être qualifiés de lourds et délicats et ont un impact substantiel sur le droit, la voie parlementaire semble beaucoup moins appropriée, voire inopportune.

Contrairement aux voies suivies lors d’un projet gouvernemental, les garanties procédurales en cas de proposition de loi sont bien minces – M. Poisson l’a démontré brillamment tout à l’heure, je n’y reviendrai donc pas.

Le texte – sans parler des amendements qui ne manqueront pas de le compléter, voire de le contredire sur tel ou tel point – pourrait être adopté sans étude d’impact, sans le recueil de l’avis d’aucune des instances nationales de concertation et sans l’avis juridique du Conseil d’État, alors même qu’il va modifier le droit civil de la famille.

Certes, les études d’impact sont parfois « légères » et ne répondent souvent que bien formellement aux exigences que la loi organique du 15 avril 2009 pose à leur sujet. Mais c’est au moins une aide à la décision, un éclairage qui permet, justement, de soulever d’autres questions.

On peut regretter, par ailleurs, l’absence des avis d’organismes consultatifs, avis qui auraient été obligatoires, pour certains d’entre eux, s’il s’était agi d’un projet de loi.

Certes, la rapporteure, Mme Chapdelaine, a auditionné un certain nombre d’acteurs et nul ne conteste sa bonne volonté, mais toutes les associations familiales n’ont pas été auditionnées. Les avis formels de la caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, du Conseil supérieur de l’adoption, ou encore du Haut conseil de la famille, eussent été de précieuses contributions versées à la proposition de loi. Évidemment, il n’en est rien.

Enfin, l’absence d’avis, même jalousement gardé secret en dépit parfois de quelques fuites ici ou là – chacun aura reconnu que je parle d’un avis du Conseil d’État – est à déplorer sur des matières aussi juridiques et sensibles que le droit de la famille et le code civil. Il était sans doute peu probable – encore que… qui sait ! – que le Conseil émette un avis de rejet, mais cela aurait au moins pu permettre d’améliorer des rédactions maladroites, ambiguës, comme il en existe dans ce texte, et de mettre en garde contre les imperfections.

Cela aurait donc, d’une certaine façon, contribué à améliorer le texte initial, comme l’ont confirmé les propos de Mme la secrétaire d’État et de notre collègue Catherine Coutelle qui nous ont expliqué que l’exposé des motifs était, sur certains points, plutôt abscons, en tout cas peu clair et qu’il convenait de l’entendre autrement. Dont acte, nous y reviendrons ! Ce regret d’absence d’avis du Conseil d’État est d’autant plus marqué que la majorité n’a pas souhaité le saisir d’un examen particulier, comme le lui permet la révision constitutionnelle de 2008.

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