En effet, mon cher collègue Le Fur ! Exit donc l’avis juridique de cette Haute assemblée, ce qui est évidemment fort préjudiciable.
D’autres critiques sont à soulever sur le fond. Comme le précise l’exposé des motifs, affirmation que je partage, nul ne conteste que la famille a connu des évolutions importantes ces dernières années. Divorces, séparations, recomposition des familles sont des faits établis dans tous les milieux et toutes les catégories socioprofessionnelles. Que l’on n’y voie pas de nostalgie de notre part : nous sommes bien en 2014.
Sans doute le droit de la famille doit-il s’adapter – je cite de nouveau l’exposé des motifs – « à ces nouvelles configurations familiales dans l’intérêt de l’enfant ». On notera d’ailleurs que, cette dernière décennie, le droit de la famille a été ponctué d’évolutions législatives majeures : le PACS en 1999, la loi de 2002 qui a consacré juridiquement le principe de coparentalité, la place de la médiation familiale et la possibilité de résidence alternée, sans oublier la loi relative au nom de famille, celle ayant trait à l’accès aux origines personnelles ou, bien sûr, la loi dite « Taubira » de 2013 sur le mariage pour les personnes de même sexe.
Mais si la famille – les familles – évolue, il ne faut tout de même pas oublier que près de 90 % des enfants ne vivent pas dans une famille recomposée et que près de 75 % d’entre eux vivent avec leur père et leur mère. L’évolution de la famille est certes bien palpable dans l’ensemble des milieux français sur tout le territoire, mais il y a tout de même lieu de relativiser cette évolution au vu de ces chiffres. C’est ce qui doit nous amener à modifier avec une grande prudence le droit existant, et c’est là que le bât blesse.
Sous couvert de modifications qui pourraient paraître pragmatiques – et je reconnais bien volontiers que certaines le sont – des orientations majeures sont données. Ainsi, la proposition de loi doit-elle s’analyser au regard des rapports rédigés depuis 2008. Je pense au rapport Versini sur le statut du beau-parent et à celui du groupe de travail présidé par la sociologue Irène Théry, qui a été rendu public en avril 2013. Or, comme vous le savez, celle-ci n’a jamais caché son militantisme pour la reconnaissance d’une pluri-parentalité et d’une recomposition du modèle familial actuel. C’est là évidemment que nous commençons à douter.
En supprimant la notion de « préférence dans sa parenté », à l’article 11, un de ceux relatifs à l’autorité parentale, le texte affirme l’emprise du lien social sur le lien biologique. C’est une évolution très importante. Pourquoi le nier ? Ce qui est, aujourd’hui une exception, à savoir la possibilité de sortir du cercle familial, deviendra peut-être, demain, le droit commun. Cette évolution nécessite évidemment débat, et ce surtout quand on a entendu notre collègue Erwann Binet affirmer, le 6 mai dernier en commission des lois, qu’il plaçait ce texte dans la suite logique de la loi « Taubira » de 2013.