Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 19 mai 2014 à 16h00
Autorité parentale et intérêt de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Une fois de plus, la majorité a manoeuvré habilement pour que cette

profonde réforme de l’autorité parentale soit étudiée avec le moins de

publicité possible, évitant ainsi toute polémique avant le vote crucial de dimanche prochain.

La technique consistant à annoncer depuis de nombreux mois la PMA, voire la GPA, pour finalement les retirer du texte, a permis de clore toute controverse sur le sujet et de mettre le voile sur l’ensemble des dispositions proposées. Plutôt que de présenter un projet de loi en toute logique, le Gouvernement a préféré se dessaisir de l’initiative au profit de sa majorité. Ainsi, la proposition échappe à l’obligation d’étude d’impact : on élude donc le devoir de contrôle relevant du Conseil d’État et de la procédure de concertation avec plusieurs instances nationales.

C’est pourtant un texte fondamental pour le droit de la famille que nous étudions aujourd’hui : il réforme profondément le code civil, et en particulier l’exercice de l’autorité parentale. Rien de parfaitement nouveau pourtant, puisque l’UMP avait déjà présenté certaines de ces propositions par la voix de Mme Morano.

L’enfant pourra désormais être placé sous l’autorité juridique de quatre adultes différents. Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour de cassation exigeait a minima que l’intérêt supérieur de l’enfant soit en jeu pour prononcer une telle mesure. Dorénavant, les arrangements entre adultes primeront sur cette notion. Le seul fait de vivre avec un enfant, de concourir à son éducation et de nouer des liens affectifs avec lui suffit, selon vous, à conférer des droits juridiques sur lui. Dans la continuité du mariage et de l’adoption homosexuels, vous poursuivez le remplacement de la famille naturelle par la famille sociale.

La disposition phare de votre texte, à l’article 10, crée un « mandat

d’éducation quotidienne » permettant au tiers vivant de manière stable avec l’un des deux parents d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale. Le mandat est un contrat dont l’objet est l’accomplissement d’actes juridiques. Autrement dit, la définition même du mandat entraîne automatiquement le dépassement des seuls « actes matériels usuels » actuellement accomplis au moyen de contrats divers ou par simple accord de confiance. Contrairement à ce que vous tentez de faire croire, le mandataire pourra donc faire bien davantage que récupérer l’enfant à la sortie de l’école ou l’accompagner à des activités périscolaires : il pourra signer le livret scolaire, les autorisations de sortie ou encore l’accord pour une opération chirurgicale. Si telle n’était pas votre intention, c’est en tout cas la conséquence de votre rédaction.

Loin de simplifier le quotidien, ce partage de l’éducation parentale entraînera des complications certaines en raison de la multiplicité des interlocuteurs. Ainsi, à qui des parents ou du mandataire le directeur d’école devra-t-il s’adresser pour obtenir une autorisation de sortie scolaire ? Déjà se profile l’aggravation du contentieux familial en raison de la juxtaposition des autorités, ainsi que des nombreuses imprécisions juridiques dont souffre ce texte. Les cas de dépassement du mandat bouleverseront un peu plus des équilibres par nature difficiles à trouver et livreront l’enfant aux aléas des relations parentales.

Avec cette disposition, vous faites automatiquement tomber l’autorité parentale dans le commerce, puisque le contrat de mandat ne peut porter sur une chose hors commerce, selon le code. Pire encore, vous placez le tiers au même niveau que le parent, dont vous désacralisez le rôle et le statut aux yeux des enfants et de la société. Vous incitez les parents à se déresponsabiliser contractuellement de l’exercice conjoint et quotidien de l’autorité.

Loin de vous contenter d’un tel bouleversement, vous supprimez la préférence à la parenté en assouplissant la possibilité pour le juge de confier l’enfant à un tiers plutôt qu’à un parent au sens large. Même en cas de décès du père ou de la mère, le parent survivant pourra ainsi se voir privé de son droit de garde, y compris en cas d’exercice commun de l’autorité parentale. Que dire à l’enfant à qui l’on a préféré un tiers pour l’élever, plutôt que son parent ? C’est une nouvelle dévalorisation du lien naturel entre le parent et l’enfant au profit du lien social.

Le critère de l’affection est par nature fluctuant. Supprimer la préférence donnée au lien stable et objectif de la parenté ne peut aller dans le sens d’une meilleure protection de l’enfant. De la même façon qu’il convient de ne pas séparer une fratrie, il faut privilégier la parenté – d’autant plus que préférer le parent ne signifie pas nécessairement exclure le tiers, si l’intérêt de l’enfant justifie ce type de placement. Votre objectif est que la loi ne fasse plus transparaître la prééminence du lien de parenté sur le lien entre le tiers et l’enfant.

Le juge pourra également autoriser le tiers à exercer un acte important de l’autorité parentale. La condition dite « à titre exceptionnel » est bien trop vague et donc inacceptable, surtout concernant des actes qui peuvent, par exemple, comprendre une autorisation de sortie du territoire. La frontière entre acte usuel et acte important est fluctuante, et la possibilité pour le tiers de saisir le juge en cas de conflit avec les parents créera une concurrence malsaine vis-à-vis de l’enfant.

Dans le même esprit, l’article 14 réforme la procédure de partage de l’exercice de l’autorité parentale. Le droit actuel permet ce partage par décision judiciaire si les besoins de l’éducation de l’enfant l’exigent. Dans votre texte, les conditions de « circonstances exceptionnelles » ou de besoins de l’enfant disparaissent. Seule compte désormais la volonté des parents, qui pourront disposer de l’autorité parentale comme d’un contrat modifiable en la partageant avec un tiers. L’autorité parentale, banalisée, est traitée comme une simple prérogative à disposition des adultes, et non plus comme un ensemble de prérogatives découlant du statut des parents au bénéfice de l’enfant.

L’homologation par le juge se contentera de contrôler le respect de l’intérêt de l’enfant et non la nécessité d’une telle convention au regard de ses besoins. Il n’est pas prévu l’assistance obligatoire d’un avocat pour la rédaction de l’accord, ce qui ne laisse pas d’étonner compte tenu du caractère délicat de ces documents. Plus scandaleux encore : il est donné au juge la possibilité de refuser que cesse le partage de l’exercice de l’autorité parentale, et ceci même si l’un des deux parents le demande !

Hélas, cinq minutes sont loin de suffire pour détailler l’ensemble des dispositions contenues dans votre texte et toutes les conséquences pratiques qui pourraient en découler, concernant la résidence alternée notamment. Au-delà, pourtant, c’est avant tout un combat culturel dont il s’agit, combat qui porte sur la perception du rôle et du statut de parent par la société, et sur la nécessité de conserver les référents éducatifs que sont le père et la mère dans l’intérêt de l’enfant, malgré les aléas de la vie. Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce texte.

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