Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Séance en hémicycle du 19 mai 2014 à 16h00
Autorité parentale et intérêt de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn' :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure – chère Marie-Anne –, chers collègues, j’interviens dans notre débat en soutien à la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant.

Il est urgent en effet que le législateur s’attelle à la modernisation du droit de la famille qu’exige l’augmentation dans notre société du nombre de divorces et de séparations. Le travail de clarification de l’exercice conjoint de l’autorité parentale auquel nous sommes appelés est éminemment précieux. Il garantira la sécurité juridique qui, trop souvent, fait défaut, permettra une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant et renforcera le rôle de la médiation familiale.

Ce travail doit aussi être le point de départ d’une initiative sur les conflits d’autorité parentale qui dépassent notre seul cadre national. Chaque année, 13 % des mariages célébrés dans l’Union européenne unissent deux personnes de nationalités différentes. Ces mariages, dans la même proportion que les autres, s’achèvent parfois par des divorces.

Or les divorces de couples mixtes conduisent encore à trop de drames, que nourrissent les conflits de juridiction, la complexité du droit et les années de procédure. Il peut en résulter la perte du lien avec les enfants, imposée par une justice partiale, sans connaissance de la réalité familiale internationale. Député des Français de l’étranger, je vois ces souffrances s’exprimer dans mes permanences en Europe centrale. Je les connais, et je les comprends.

Depuis de nombreuses années, il existe ainsi entre la France et l’Allemagne une douloureuse difficulté sur les conflits d’autorité parentale. En Allemagne intervient le Jugendamt, le service de la jeunesse dépendant du ministère de l’intérieur, dont l’action tend, d’une manière ou d’une autre, à défendre les intérêts du parent allemand. On peut détenir un droit parental, dûment accordé par le juge, et le perdre en quelques jours si le Jugendamt passe à l’action, parfois sur la seule base d’un soupçon. Le juge appréciera une demande de garde partagée en fonction de la possibilité d’un éloignement de l’enfant par le parent étranger. Dans le cas où la mère ou le père envisagerait un retour dans son pays d’origine, la garde de l’enfant sera systématiquement attribuée à l’ex-conjoint allemand. Cela conduit de facto à une assignation à résidence, pour conserver le lien avec l’enfant ; à défaut, une mère ou un père peut se retrouver écarté sans ménagement de la vie de son enfant.

Chers collègues, de tels drames se comptent par centaines. Ils conduisent à de terribles souffrances et bouleversent tant de petites vies ! Il y a des parents qui se battent, dans la solitude et le désespoir, pour revoir leurs enfants, dont ils n’ont parfois plus de nouvelles depuis des années. Et il y a aussi des parents qui, épuisés et ruinés, renoncent, la mort dans l’âme. Voilà deux ans que je dis et écris qu’au nom de l’amitié entre la France et l’Allemagne, il faut aborder cette difficulté de front plutôt que de continuer posément à l’ignorer.

Une commission parlementaire de médiation de type « Bruxelles II bis » sur les déplacements illicites d’enfants avait été mise en place par les gouvernements Jospin et Schröder en 1999. Elle avait obtenu des résultats appréciables et pourrait être utilement réactivée. Mais il faut aussi agir à la racine, sur les causes mêmes de l’impasse. Si la France et l’Allemagne sont parvenues à mettre en place un régime matrimonial commun, il doit être possible de faire converger leurs législations et leurs pratiques administratives sur l’autorité parentale. Ce travail est urgent, comme le serait également la rencontre régulière des acteurs français et allemands du droit de la famille, des magistrats aux avocats en passant par les offices de la jeunesse.

La prévention du conflit de droit ou du conflit de loi est nécessaire, mais une définition européenne de l’intérêt supérieur de l’enfant ne l’est-elle pas autant, sinon davantage ? Car ce sont bien ces approches nationales différentes, rarement comprises car trop peu étudiées, qui retiennent aujourd’hui le progrès. Pourrait-on imaginer qu’à l’échelle européenne, au sein de la maison du droit qu’est le Conseil de l’Europe, les États soucieux de prévenir ces drames recherchent ensemble les éléments d’un droit commun de l’autorité parentale ? C’est une cause que doit porter la France. La proposition de loi que nous examinons peut y conduire, j’en ai la conviction. Je l’espère de toutes mes forces pour notre jeunesse, ici et dans le monde, et, en tout état de cause, pour son droit à l’enfance.

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