Cet accord présente, comme toute négociation commerciale, des défis, des difficultés ; il se heurte à des sensibilités de part et d’autre. Mais il constitue aussi une formidable opportunité pour nos entreprises qui exportent ou exporteront vers le marché américain. Rappelons que 22 000 entreprises françaises exportent aujourd’hui vers les États-Unis, dont 80 % sont des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.
J’entre à présent dans le détail des avantages et des risques potentiels de cet accord, car comme dans toute négociation, en particulier les négociations commerciales, celui-ci présente pour la France des intérêts offensifs et défensifs.
Les enjeux attachés à cette négociation sont extrêmement significatifs pour notre pays, notre économie, notre commerce extérieur, nos entreprises. Je souhaite revenir sur certains de ces enjeux en particulier.
Je commencerai par rappeler les avantages ou intérêts offensifs.
Cet accord entre les deux premières puissances commerciales mondiales sera le plus grand accord commercial jamais négocié par l’Union européenne. Il en est de même pour les États-Unis.
Comment ne pas voir les formidables opportunités en termes de croissance, d’emploi, de débouchés pour nos entreprises, notamment nos PME ? Qui ne voit pas l’intérêt objectif pour l’Union européenne et la France d’être plus et mieux présentes sur un marché de 315 millions de consommateurs au pouvoir d’achat élevé ? Qui ne voit pas l’importance de ne pas laisser les États-Unis pivoter uniquement vers l’Asie, dans le cadre des méga-accords de libre-échange régionaux actuellement en négociation dans la zone Asie-Pacifique ? Qui pourrait refuser d’entrer dans des négociations qui peuvent nous permettre de réduire significativement, voire supprimer, les tarifs douaniers qui renchérissent le prix de vente de nos produits et ainsi de préserver notre compétitivité face aux autres fournisseurs des États-Unis qui ont déjà conclu un accord ou sont sur le point de le faire ?
L’enjeu majeur de cette négociation pour nous est de démanteler les barrières non tarifaires américaines qui limitent l’accès au marché de nos produits. C’est un enjeu capital. Dans cette négociation, la France et l’Union européenne entrent non pas en position de faiblesse ou de victimes, mais comme des partenaires de négociation. Nous traitons d’égal à égal avec le partenaire américain, et c’est à l’aune des bénéfices escomptés qu’il faut s’engager dans cette négociation ! Je veux vous en rappeler quelques-uns.
Il s’agit tout d’abord de l’ouverture de nouveaux marchés. Certains segments du marché américain sont juridiquement fermés ou d’un accès compliqué du fait de la réglementation. L’objectif du Partenariat commercial transatlantique est d’ouvrir ces marchés en supprimant les obstacles juridiques, normatifs, réglementaires ou en les simplifiant.
Je donnerai quelques exemples très concrets. Le transport maritime et aérien est aujourd’hui interdit aux opérateurs étrangers à l’intérieur des États-Unis ; autrement dit, Air France ne peut pas y opérer une ligne intérieure. Les exportateurs européens de pommes ou de poires doivent déposer un dossier soumis à une évaluation de risque, une procédure extrêmement longue et coûteuse qui dure parfois plus de dix ans. Les assureurs européens doivent quant à eux être agréés dans chaque État fédéré américain. Les restrictions dans le secteur de l’énergie interdisent les exportations vers l’Union européenne. Les exportations de viande de boeuf, enfin, sont toujours soumises à un embargo.
Un autre avantage à attendre de ce partenariat est la réduction des droits de douane. Même si les droits de douane appliqués aux échanges de biens entre les États-Unis et l’Union européenne sont bas – ils sont fixés en moyenne à 2,2 % à l’entrée aux États-Unis et à 3,3 % à l’entrée dans l’Union européenne –, il existe dans certains secteurs des pics tarifaires dont la révision devrait stimuler les échanges. En outre, les États-Unis ont déjà démantelé ces tarifs douaniers avec de nombreux autres partenaires à ce jour et s’apprêtent à la faire d’ici à un an ou moins avec douze autres pays dans le cadre de l’accord de partenariat transpacifique.
Je donnerai à nouveau plusieurs exemples concrets. Dans le secteur du textile, les droits de douane appliqués par les États-Unis s’échelonnent entre 8 % pour les fibres et 30 % pour les vêtements, alors que la moyenne est de 12 % à l’entrée dans l’Union européenne. Ces droits atteignent également 37,5 % pour les chaussures à l’entrée sur le marché américain ou encore 139 % sur les fromages.
Un autre sujet majeur sur lequel nous pouvons avancer est celui de l’accès aux marchés publics américains, en particulier à l’échelle subfédérale. Des clauses de contenu local mais de portée nationale, des dispositifs subfédéraux restreignent l’accès des fournisseurs européens aux marchés publics américains, dont l’ouverture est estimée à 47 % en pratique. En comparaison, l’ouverture des marchés publics de l’Union européenne à l’égard des États-Unis avoisine les 100 %. Les marchés publics intéressants pour les sociétés européennes concernent par exemple tous les contrats d’approvisionnement des collectivités publiques américaines, tels que les achats d’uniformes pour les écoliers ou les infrastructures de transport public.
Enfin, nous entendons renforcer les normes et les standards du commerce international. Cet enjeu est double. Premièrement, la reconnaissance mutuelle d’une partie des normes européennes sur le marché américain devrait permettre de supprimer des coûts inutiles pour les exportateurs et la création d’un référentiel pourra servir aussi à l’échelle mondiale ; ce serait le cas par exemple pour les véhicules électriques pour les réseaux électriques intelligents. Deuxièmement, la création d’un précédent pourra servir de base aux futurs accords commerciaux européens et américains avec d’autres pays tiers, ce qui s’avérera particulièrement intéressant en matière de normes sociales et environnementales.
Pour autant, il ne s’agit pas d’être naïf lorsqu’on aborde une négociation de cette ampleur ; il est naturellement indispensable d’en fixer les limites. Je souhaite les rappeler ici.
La première de ces limites est la préservation de notre modèle agricole. Les produits sensibles européens sont essentiellement des produits agricoles vulnérables à la concurrence du fait de notre différentiel de compétitivité. La France a ainsi demandé à la Commission européenne, conjointement avec la Pologne, de ne pas libéraliser un certain nombre de produits agricoles sensibles – ils représentent 4 % des lignes tarifaires agricoles, soit 0,6 % des importations –, dont la viande de boeuf, de porc et de volaille, le maïs doux, les produits amylacés, le bioéthanol, le rhum et les ovoproduits.
Nous avons également retenu le respect des préférences collectives. Pour prendre en compte les choix des citoyens, la France et l’Union européenne ont adopté de longue date une attitude prudente fondée sur le principe de précaution. Celui-ci a ainsi conduit par exemple à exclure la décontamination chimique des viandes – les poulets chlorés –, l’utilisation de promoteurs de croissance en élevage – les poulets aux hormones – ou le clonage à but alimentaire. La Commission a assuré qu’elle défendrait nos positions et nous y veillerons.