Enfin, certains sujets sont purement et simplement exclus de la négociation à la demande de la France et font l’objet pour le Gouvernement d’une vigilance spécifique. Leur inclusion dans le futur traité impliquerait de facto le refus de la France de ratifier le traité. Je rappellerai à présent les lignes dures défendues par le Gouvernement dans la négociation.
La première ligne dure est l’exclusion des services audiovisuels. Garantie par le mandat de négociation – c’est écrit noir sur blanc –, cette exclusion doit évidemment être préservée, dans le respect du principe de neutralité technologique.
Deuxièmement, nous défendrons la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics : l’ouverture doit être la même aux États-Unis pour les entreprises européennes que dans l’Union européenne pour les entreprises américaines. Il y a actuellement un déséquilibre réel qu’il faut compenser.
Le troisième point est la protection des données personnelles, un sujet qui, je le rappelle, n’est pas négocié dans le cadre de l’accord. Aucune règle de l’accord, notamment dans son volet relatif au commerce électronique, ne doit affecter le niveau de protection des données personnelles dans l’Union européenne.
La santé et la protection des consommateurs constituent la quatrième ligne dure du Gouvernement. Le niveau de protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs doit être pleinement respecté, notamment lorsqu’il est plus élevé en Europe qu’aux États-Unis ; il n’est donc pas question de niveler par le bas. À cette fin, la législation européenne ou française ne doit pas être modifiée dans des domaines comme la décontamination chimique des viandes, les OGM, l’utilisation de promoteurs de croissance en élevage ou de clonage à but alimentaire.
Le cinquième point est la reconnaissance des indications géographiques. L’utilisation abusive des appellations génériques ou semi-génériques comme le « champagne » de Californie doit être proscrite par une protection des indications géographiques. L’enjeu, qui est de nature offensive, sera également d’obtenir un haut niveau de protection pour toutes nos indications géographiques, en particulier en matière de vins et spiritueux et de produits agroalimentaires.
J’en viens enfin à un sujet particulièrement important, qui constitue un élément essentiel de la résolution qui nous est soumise aujourd’hui : le mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et États.
La préservation du droit à réguler des États dans le cadre du débat engagé sur le dispositif d’arbitrage dans le chapitre « protection des investissements » est une priorité absolue, parfaitement identifiée et prise en compte.
À l’issue de la consultation publique ouverte par la Commission européenne et qui s’achèvera le 6 juillet – je rappelle que cette consultation s’est ouverte à la demande de la France et suspend les négociations sur ce point –, le débat sur ce sujet ne sera pas clos. Celui-ci devra être expertisé sur la base du rapport que la Commission fera à l’automne aux États membres et au Parlement européen. Les négociations sur ce volet, qui sont interrompues depuis le mois de mars dernier, ne devront reprendre, le cas échéant, qu’après cette analyse et en intégrant pleinement les conclusions qui en seront tirées.
Cette consultation n’est pas pour la France une simple formalité : c’est un outil indispensable d’aide à la décision. J’entre donc dans ce débat avec la volonté d’éclairer la représentation nationale aussi précisément que possible à l’occasion de l’examen des amendements.
Permettez-moi d’ajouter un dernier mot en conclusion. Ce traité n’est pas un accord comme les autres. Tandis que nous célébrons cette année le centenaire de la Première guerre mondiale, il est utile de rappeler le tout premier des quatorze points du président Woodrow Wilson dans son discours du 8 janvier 1918 : « Des traités de paix ouverts, auxquels on a librement abouti, après lesquels il n’y aura plus aucune espèce d’alliances internationales privées, mais une diplomatie franche et transparente. » Libre consentement des peuples, intérêt mutuel, franchise et transparence : tels sont les principes qui doivent nous guider aujourd’hui pour aborder ces négociations.