Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 9h30
Projet d'accord de libre-échange entre l'union européenne et les États-unis — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Nous avions alors défini nos lignes rouges dans cette négociation : pas de remise en cause des préférences collectives européennes, pas de nivellement par le bas des normes sociales et environnementales, respect de l’exception culturelle européenne – vous venez de la rappeler, madame la secrétaire d’État.

Alors que le cinquième cycle de négociations vient de s’ouvrir, la proposition de résolution de nos collègues du groupe GDR a le grand mérite d’alerter sur un certain nombre de problèmes. D’autres, sur les bancs de cette assemblée – dont mes collègues écologistes –, soulèvent eux aussi régulièrement ces questions.

La négociation conduite actuellement propose un accord sans précédent d’intégration de deux économies représentant près de la moitié du PIB mondial et plus de 800 millions de citoyens. Un tel accord pourrait aussi avoir des répercussions sur la capacité à agir des États. L’opinion a donc mille fois raison de s’interroger et de s’inquiéter.

Sur la forme de la négociation, d’abord, qui est menée dans l’opacité. Même si son caractère stratégique peut expliquer une certaine confidentialité, il est inadmissible que les gouvernements et les parlementaires, au niveau national et européen, n’aient pas été dûment et régulièrement informés. La Commission européenne semble faire des efforts tardifs. Elle a ainsi publié, la semaine dernière, ses positions dans la négociation, mais nous n’avons aucune information sur le retour des négociateurs américains.

La transparence doit être pérenne et nous devons nous assurer qu’il n’y a nulle part conflit d’intérêts. Cette négociation doit laisser assez de place au processus démocratique. On ne peut laisser le champ libre aux entreprises multinationales, lesquelles ont été très largement à l’origine de ce projet.

D’ailleurs, la négociation s’est ouverte sous de mauvais auspices, avec les révélations sur l’espionnage à grande échelle par la NSA, qui a sapé la confiance entre les partenaires. La protection des données personnelles est un sujet très sensible. Et un tel accord augmentera les flux de commerce électronique entre les deux rives de l’Atlantique. Le gouvernement américain doit donc donner des explications valables et s’engager à respecter la confidentialité des données.

Par ailleurs, ce projet remet en cause les normes sanitaires, par exemple pour les produits alimentaires, mais aussi les normes environnementales, notamment pour les véhicules et le gaz de schiste. Ainsi, les Américains considèrent comme autant d’obstacles les réglementations européennes en matière d’OGM, de boeuf aux hormones, ou encore d’indications géographiques. Ils s’opposent au principe de précaution, inscrit dans les traités européens comme dans notre constitution. Dans cette négociation, l’actuelle Commission européenne ne serait-elle pas en train de transiger et d’accepter un nivellement par le bas ? Pourtant, ces normes sont légitimes, inscrites dans la législation européenne et elles reflètent les choix des Européens.

Face au forcing américain, certaines positions récentes peuvent s’interpréter comme des gages donnés aux États-Unis : malgré les lignes rouges fixées par le gouvernement français, les autorisations d’OGM par Bruxelles se sont accélérées, l’acide lactique pour la décontamination des carcasses de volaille a été autorisé et la Commission européenne montre peu d’empressement à légiférer sur les perturbateurs endocriniens.

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