Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises maillent de façon fine nos territoires et y apportent beaucoup de dynamisme. Ils jouent un rôle fondamental dans notre économie, puisqu’ils représentent 25 % du PIB et 3,5 millions d’emplois.
Le projet de loi que nous examinons touche à de nombreux aspects de notre droit, tant public que privé. Il intéresse certes les professionnels, mais aussi les consommateurs et les élus locaux, qui voient trop souvent disparaître le commerce de proximité des centres-villes, des bourgs et des villages de notre pays sans avoir les outils législatifs suffisants pour prévenir ou pour réagir. Comme l’artisanat, le commerce de proximité, et principalement le commerce de bouche, est souvent en danger.
Les sujets abordés par le présent projet de loi préoccupent beaucoup de Français, depuis de très nombreuses années. Trois séries de mesures visent à protéger le petit commerce et l’artisanat ; une autre série de mesures tend à valoriser le savoir-faire des artisans et à sécuriser les consommateurs ; le texte propose enfin des mesures relatives au statut d’entrepreneur individuel.
Le commerce et l’artisanat de proximité sont le coeur vivant et dynamique de nos centres-villes, de nos bourgs et de nos villages. Ils sont essentiels à la qualité de vie et à la convivialité. Leur disparition au profit des zones commerciales et des grandes surfaces a un impact négatif sur notre quotidien. L’éloignement du commerce et de l’artisanat conduit à la multiplication des déplacements, coûteux et polluants. Il pénalise les personnes sans moyens de transport : en milieu rural notamment, les personnes âgées n’y ont plus accès. Le coût social et environnemental de la grande distribution, présentée comme un modèle économique, est à prendre en compte très sérieusement, qu’il s’agisse de la disparition d’espaces agricoles ou du coût des infrastructures pour les collectivités locales.
Ce projet de loi prévoit des leviers pour garder ou faire revenir le commerce et l’artisanat en centre-ville. Tout comme les logements, les baux commerciaux ont connu un renchérissement considérable au cours des quinze ou vingt dernières années, et de nombreux commerces ont disparu. Un très grand nombre d’activités ont ainsi été abandonnées du fait de l’augmentation des loyers au profit de banques ou de chaînes de magasins. L’encadrement de la hausse du montant des baux commerciaux est donc devenu nécessaire. De même, les contrats devront comporter des précisions sur les obligations respectives du bailleur et du locataire. C’était une de nos demandes, qui est en grande partie satisfaite
Par ailleurs, les communes pourront déléguer leur droit de préemption aux EPCI ou à des établissements publics ad hoc, et les informations fournies aux collectivités qui souhaitent préempter seront plus complètes. On indiquera désormais le nombre de salariés et la nature des contrats de ceux qui travaillent dans l’établissement qui risque de disparaître. Les écologistes soutiennent ces nouveaux moyens législatifs et réglementaires dont disposeront les pouvoirs publics locaux.
Pour les écologistes, préserver le commerce de proximité est un axe fort de l’aménagement du territoire. Sur notre proposition, la commission a abaissé de 30 000 à 20 000 mètres carrés le seuil de saisine de la Commission nationale d’aménagement commercial. Je m’interroge néanmoins sur l’intérêt d’autoriser les commerces à mettre en place une vidéosurveillance à l’extérieur des magasins, même si cela ne concerne que ceux qui sont « particulièrement exposés à des risques de vol ou d’agressions ». Installés sur la voie publique, ces dispositifs représentent des risques réels d’atteinte à la vie privée alors qu’ils seront à la disposition de personnes privées et non des autorités publiques.
Pour compléter ces dispositions, le texte propose une réforme du FISAC, qui connaissait certains dysfonctionnements. L’ancienne majorité avait procédé à des modifications législatives en 2008 et 2009, mais elle avait tout simplement oublié de le financer, et les dossiers s’empilaient. En passant d’une logique de guichet à une logique d’appel à projets, nous allons répondre à la question des délais de traitement des demandes. Reste celle des besoins et des moyens. Nous aurions souhaité que ce dispositif soit mieux orienté, et réservé aux territoires les plus en difficulté : le milieu rural et les zones de montagnes ainsi que les quartiers prioritaires de la politique de la ville par exemple. S’agissant de sa gouvernance, il sera nécessaire d’envisager au plus vite les moyens pour que les décisions soient prises au plus près du terrain. Il serait intéressant que les projets puissent faire l’objet d’une co-élaboration entre les différents partenaires et les collectivités territoriales, tel que prévu dans la loi sur l’économie sociale et solidaire.
Afin de valoriser les artisans et leurs savoir-faire, le texte supprime la notion d’« artisan qualifié », dont l’existence même créait une ambiguïté puisqu’elle laissait supposer qu’il y aurait des artisans non qualifiés. Le titre d’artisan sera désormais réservé aux chefs d’entreprise détenant une qualification professionnelle ou une expérience dans le métier qu’ils exercent. Parallèlement, le texte renforce le contrôle des qualifications et des assurances obligatoires des artisans. D’autres éléments vont dans le sens d’une amélioration : la vérification des compétences et des diplômes, l’obligation de s’inscrire au répertoire des métiers et au registre du commerce des sociétés ou encore celle de suivre le stage préalable à la création d’une auto-entreprise. C’est important, quand on sait que le taux d’échec actuel des auto-entreprises est supérieur à 50 %. Un regret toutefois : compte tenu des services que rendent les chambres des métiers, nous aurions souhaité un délai d’inscription plus court que le délai d’un an retenu par le projet de loi.
S’agissant de l’entrepreneuriat individuel et des auto-entrepreneurs, la CMP a fait le choix de la fusion des régimes microfiscal et microsocial, confirmant ce qui avait été retenu par l’Assemblée. C’est un sujet qui faisait polémique, notamment parce que certains y voyaient une forme de concurrence déloyale ou de salariat déguisé. Pour notre part, nous nous interrogeons encore sur l’opportunité de supprimer toute référence à une limite de durée du statut. En revanche, la CMP a opté pour le maintien d’un plafond pour le chiffre d’affaires : les micro-entrepreneurs pourront réaliser sous ce statut jusqu’à 32 900 euros de chiffre d’affaires pour les artisans et les professions libérales et jusqu’à 82 100 euros pour les commerçants. La loi prévoit aussi un contrôle des compétences de l’entrepreneur, ce qui paraît légitime pour la sécurité du consommateur.
Enfin, la CMP a suivi le Sénat en retenant une nouvelle condition, qui va dans le sens des amendements déposés par les écologistes, sur la préparation à la création d’entreprises. Avant leur immatriculation au répertoire des métiers, les commerçants et artisans devront effectuer un stage de cinq jours préalable à l’installation.
Tout en regrettant que cette loi n’ait pas bénéficié d’une seconde lecture, ce qui aurait sans doute permis quelques aménagements ou améliorations complémentaires, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que Mme Sylvia Pinel, qui a assuré avant vous la rédaction de la loi, et à saluer la ministre Valérie Fourneyron, qui ne peut être parmi nous ce soir. Je tiens aussi à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour l’écoute qui a été la vôtre tout au long de ce travail. Vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.