Intervention de François Brottes

Séance en hémicycle du 26 mai 2014 à 21h30
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président de la commission des affaires économiques :

L’initiative d’entreprendre ne se décrète pas, mais elle s’encourage et s’accompagne. Nous allons aider les commerçants à rester dans les centres-villes, eux qui en sont le terreau, eux grâce à qui nos villes et nos villages sont toujours vivants, eux qui sont aussi l’avenir du commerce. Nous allons aussi aider les magasins à rester ouverts quelle que soit leur taille car, j’en suis convaincu, jamais nous ne pourrons nous satisfaire des seuls magasins virtuels où le conseil et les relations humaines disparaissent. C’est d’ailleurs un conseil que je donne aux consommateurs : il vaut mieux regarder quelqu’un dans les yeux, cela fatigue moins la vue que de passer son temps devant un écran à acheter en ligne !

Mais ce texte va également renforcer la place des artisans, tous ces métiers qui représentent des savoir-faire particuliers, comptent de nombreux talents et contribuent à la qualité de la marque « France », notre « fait maison » collectif.

Je voudrais insister sur une mesure dont j’avais pris l’initiative et qui a été fortement défendue au sein de la commission mixte paritaire, et j’en remercie ceux qui y ont siégé. Elle concerne une catégorie de commerçants qu’on a trop tendance à oublier, les commerçants non sédentaires. Ils sont irremplaçables, tout comme les commerçants de nos coeurs de villages, qui continuent à animer les bourgs et les villages et dont on attend le sourire et l’accueil lorsque l’on suit le panneau « centre-ville ». Les commerçants non sédentaires, donc, ce sont ceux qui vont sur les places de marché, quels que soient le temps et la température, quelle que soit l’époque de l’année. Nous sommes bien contents de les y trouver lorsqu’il n’y a pas d’autre solution, dans une zone de chalandise où l’offre s’appauvrit sans cesse. Nos anciens et ceux qui n’ont pas de véhicule sont bien contents d’avoir le marché local pour y faire quelques emplettes, et aussi pour y faire des rencontres utiles : car c’est là que les gens aiment à se croiser, à parler simplement de la vie quotidienne, c’est cela qui fait aussi le terreau des relations humaines dans notre pays. Le marché, c’est le lien social, c’est la qualité « les yeux dans les yeux », pour reprendre cette image. Essayez donc, derrière un écran, d’avoir la qualité les yeux dans les yeux !

C’est un métier difficile, celui de commerçant non-sédentaire. Se lever au milieu de la nuit, faire des kilomètres en camion ou en voiture avec remorque et vendre ses produits, par tous les temps : cela demande de l’abnégation ou de la passion, selon les moments… Or tous ces gens n’ont à l’heure actuelle aucun moyen de valoriser leur fonds de commerce lorsqu’ils raccrochent pour partir à la retraite, ce qu’ils ne font souvent que lorsqu’ils n’en peuvent plus, tant elle est minuscule. Ils peuvent vendre leur stock et éventuellement leur camion, s’il n’a pas fait trop de kilomètres. Rien de plus.

S’ils pouvaient valoriser la garantie que leur stand fonctionne bien, que les clients sont au rendez-vous chaque semaine depuis longtemps dans un village ou un autre, ils pourraient valoriser légitimement leur travail et tirer profit pour leur retraite, qui n’est jamais bien extravagante, de la vente de leur fonds de commerce. C’est ce que va permettre ce texte de loi. Mais rien ne sera automatique, évidemment : il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause l’inaliénabilité du domaine public. En tant qu’ancien maire, je suis attaché à cette notion : c’est à la puissance publique de gérer le domaine public. Mais cette mesure permet de donner une chance au repreneur.

Voici comment va fonctionner le nouveau dispositif : une personne qui exerce son activité sur un marché depuis une, deux ou trois années, selon le choix du conseil municipal, et qui souhaite y mettre fin, le plus souvent pour prendre sa retraite – mais beaucoup d’autres raisons sont envisageables telles que la fatigue ou la maladie – pourra présenter au maire de la commune le repreneur de son affaire, autrement dit son successeur, à condition que celui-ci soit inscrit au registre du commerce et des sociétés. S’il en est d’accord, le maire pourra alors décider de faire bénéficier le repreneur des droits de l’ancien exploitant, et le lui dira avant la cession. C’est là toute la nouveauté : le maire n’est pas obligé de donner suite à cette demande du repreneur, mais obligé de donner une réponse avant que le fonds ne soit cédé. Cela permettra au commerçant qui s’en va de valoriser son fonds de commerce avec certains emplacements, car il aura obtenu l’accord de poursuite du maire.

Cette avancée, qui n’a l’air de rien et qui ne bouscule pas le droit de nos collectivités locales, était vitale. Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir suivi pour l’adopter. Pour le reste, nous allons voter un texte plein de mesures extrêmement utiles au quotidien : il ne nous reste plus qu’à assurer le service après-vote !

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