Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 26 mai 2014 à 21h30
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance-vie en déshérence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons ce soir le texte d’une proposition de loi de l’actuel secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, dont l’objectif est de permettre le retour à leurs propriétaires des comptes bancaires inactifs ou des contrats d’assurance vie non réclamés. Voté en des termes légèrement différents par notre assemblée et par le Sénat, ce texte recueille une large unanimité. Il vient combler de graves lacunes de notre droit en matière d’avoirs bancaires inactifs et de contrats d’assurance vie en déshérence. Comme nous le savons, les banques comptabilisent des dizaines de milliers de comptes bancaires inactifs, oubliés par leurs détenteurs ou tout simplement ignorés au moment du règlement de la succession du titulaire décédé. Le montant des encours concernés s’élève à 1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires et à 2,7 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie selon les chiffres de Bercy – soit un total de près de 4 milliards d’euros !

La proposition de loi vient opportunément tenter de remédier à ces pratiques. Elle crée ainsi une obligation de recensement annuel des comptes inactifs et leur transfert à la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, si l’inactivité dépasse deux ans en cas de décès, dix ans dans les autres cas. Pour les assurances vie, elle prévoit la fin du contrat s’il n’y a eu aucune réclamation du capital dix ans après la connaissance du décès ou l’échéance du contrat, le plafonnement des frais de gestion ou encore l’obligation de transférer les fonds dormants à la CDC. Les notaires seront également tenus de consulter le fichier central des comptes bancaires, le FICOBA, et le fichier des contrats d’assurances vie, le FICOVIE. Les bénéficiaires auront de leur côté vingt ans pour se manifester auprès de la Caisse des dépôts ; passé ce délai, l’État sera destinataire des fonds.

Le Sénat a élargi le champ du dispositif en renforçant les moyens de recherche et d’information des assureurs grâce aux possibilités d’obtenir de l’administration fiscale les coordonnées d’une personne physique en précisant les conditions de liquidation, au terme d’un délai de dix ans, des titres déposés sur des comptes inactifs et en créant un dispositif spécifique pour les coffres-forts en déshérence. Ces ajouts, acceptés par la commission mixte paritaire, sont les bienvenus.

La question des contrats d’assurance vie en déshérence n’est certes pas nouvelle : plusieurs dispositions ont été adoptées depuis 2005 pour contraindre les assureurs à effectuer la recherche des bénéficiaires. Comme le souligne cependant la Cour des comptes, la loi n’était pas « intégralement appliquée par les assureurs », les défaillances étant nombreuses et les consultations du répertoire national d’identification des personnes physiques souvent tardives, voire inexistantes. Il importait que le législateur durcisse le ton et qu’il statue en outre, au-delà du seul cas des contrats en déshérence, pour englober l’ensemble des avoirs – comptes courants, livrets, etc. – qui dorment dans les coffres des banques après le décès de leur titulaire.

Nous saluons donc le texte qui nous est proposé ; nous nous réjouissons notamment des mesures prises en matière de comptes bancaires inactifs. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions défendu un amendement visant à interdire la perception de frais bancaires sur les comptes inactifs qui n’enregistrent plus de mouvements au crédit ou au débit depuis plus d’un an. Une large majorité des banques facturent en effet des frais de tenue pour les comptes courants sans activité. Souvent très élevés, les tarifs appliqués peuvent atteindre près de 140 euros et se situent en moyenne autour de 50 à 70 euros par an. Le présent texte, bien que n’allant pas si loin, met fin aux pratiques abusives qui consistent pour les banques à ponctionner une part importante des actifs alors que la gestion de ces comptes génère des coûts marginaux.

L’obligation faite aux banques, et que vous avez rappelée, monsieur le ministre, de consulter annuellement le registre national d’identification des personnes physiques et l’obligation subséquente d’information des titulaires sont des mesures qui vont aussi dans le bon sens. L’obligation faite aux notaires de consulter le fichier des comptes bancaires tenu par l’administration fiscale est une mesure utile, qui permettra là aussi de mieux garantir les droits des épargnants. En matière d’assurance vie, le texte propose également des avancées notables en prévoyant des mesures protectrices qui reçoivent, je crois, l’assentiment de tous.

Reste l’épineuse question des contrôles. La présente proposition de loi ne produira les effets souhaités que si l’administration contrôle effectivement le respect des règles du jeu par les établissements bancaires et les assureurs. Or, c’est bien là que le bât blesse – tout ne peut pas être parfait, monsieur le ministre !

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