Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de la navette parlementaire qui a vu ce texte adopté à l’unanimité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 20 mai dernier a, comme chacun le sait, abouti à un accord. On ne peut que se réjouir de cette issue heureuse sur un sujet qui était devenu un véritable serpent de mer.
La problématique des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence n’est certes pas un sujet médiatique de premier plan, mais c’est un sujet important, dont on parle depuis longtemps, avec des sommes importantes en jeu. Je me félicite donc que nous ayons pu débattre de manière constructive et aboutir à un texte équilibré.
Sur la base du rapport de la Cour des comptes portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence, présenté en juillet 2013 en commission des finances, le texte sur lequel nous allons nous prononcer crée une obligation de recensement annuel des comptes inactifs et impose leur transfert à la Caisse des dépôts et consignations si l’inactivité dépasse trois ans en cas de décès et dix ans dans les autres cas.
Pour l’assurance vie, elle prévoit la fin du contrat s’il n’y a eu aucune réclamation du capital dix ans après la connaissance du décès ou l’échéance du contrat, ainsi que le plafonnement des frais de gestion et l’obligation de transférer les fonds dormants à la Caisse des dépôts et consignations.
L’objet de cette proposition de loi est donc d’assurer le respect des droits des épargnants en garantissant un cadre juridique permettant le retour à leurs propriétaires légitimes de fonds qu’ils ont délaissés ou dont ils ne connaissent pas l’existence, et qui demeurent aujourd’hui de manière indue au bilan d’institutions financières. Il s’agit à cet égard d’une traduction assez stricte des recommandations de la Cour des comptes, qui soulignait dans son rapport la persistance de certaines pratiques d’établissements de crédit et de compagnies d’assurances portant atteinte à la protection des épargnants. Malgré le cadre juridique que le législateur a progressivement mis en place ces dernières années, en particulier en 2005 et en 2007 pour les contrats d’assurance vie – j’ai plaisir à le rappeler, mes chers collègues ! –, il apparaît en effet que ce cadre demeure insuffisant.
Ainsi, la loi du 17 décembre 2007, adoptée à l’initiative de notre collègue Yves Censi et qui imposait aux assureurs l’identification des personnes décédées et la recherche des bénéficiaires, n’est selon la Cour pas intégralement appliquée. Quant aux obligations des banques envers leurs clients, la loi est clairement insuffisante puisqu’en l’état du droit, aucune obligation n’est imposée aux banques concernant les comptes bancaires inactifs hormis le principe général de la déchéance trentenaire. Il y a d’ailleurs une forme de distorsion de traitement entre les compagnies d’assurance vie, qui ont l’obligation contractuelle de rechercher les ayants droit, et les établissements bancaires. Mon seul regret concernant ce texte, monsieur le ministre, c’est qu’il ne traite pas cette distorsion existant entre les compagnies d’assurance, à qui on impose la recherche des ayants droit, et les établissements bancaires classiques : je trouve cela un peu dommage ; mais peut-être reviendrons-nous ultérieurement sur ce chantier.
La Cour des comptes estime que les encours des avoirs bancaires atteindraient 1,6 milliard d’euros tandis que l’encours des contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés atteindrait 2,76 milliards d’euros. Nous avons pu découvrir, notamment au Sénat, des chiffres différents, parfois totalement, lors des débats parlementaires. Au-delà des montants, il est important que ces sommes ne demeurent plus indéfiniment dans les livres des établissements de crédit et des compagnies d’assurances sans que leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence.
Plusieurs milliards d’euros de fonds dorment sur des comptes bancaires ou dans des assurances vie. Or, non seulement ces fonds constituent des ressources quasiment gratuites pour les établissements financiers puisque, en l’absence de mouvement sur le compte, les coûts de gestion pour les banques sont très faibles, voire quasiment nuls, mais, de surcroît, des frais de gestion sont parfois prélevés sur ces comptes dits dormants. En effet, si les livrets réglementés ne subissent aucun frais, tel n’est pas le cas des comptes courants. Ceux-ci supportent des frais annuels qui s’élèvent, par exemple, à 50 euros à la Société générale, à 82 euros chez LCL et jusqu’à 135 euros au Crédit du Nord : c’est dire la disparité des frais de gestion ! Je vous rappelle que les frais de gestion peuvent être prélevés jusqu’à l’épuisement du capital disponible : de là vient le peu d’empressement de certains établissements à rechercher les ayants droit comme à appliquer la prescription trentenaire.
Sur ces milliards dormants, seuls 50 millions d’euros ont rejoint les caisses de l’État en 2012 au titre des comptes bancaires inactifs et un peu plus de 6 millions d’euros de 2008 à 2012 au titre des contrats d’assurance vie. Les banques n’ont donc formellement aucun intérêt à vérifier si les titulaires des comptes inactifs sont toujours vivants. Il apparaît dans le même temps qu’elles gèrent un nombre croissant de comptes inactifs. Selon le rapporteur général du budget au Sénat, les banques détiennent 670 000 comptes de centenaires, alors que le nombre de centenaires en France est de 20 000 : vous voyez l’écart ! D’où l’importance des dispositions prévues par ce texte qui instaure un régime juridique nouveau applicable aux comptes bancaires inactifs et renforce le dispositif existant pour les contrats d’assurance vie.
Un mot tout de même de l’article 12 bis A relatif à la date d’entrée en vigueur de la réduction de durée des plans de surendettement prévue par la loi relative à la consommation. Contre toute attente, alors que l’ensemble des parties prenantes s’étaient mises d’accord lors de l’examen de la loi relative à la consommation pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2017, l’article 12 bis A issu du Sénat a prévu une entrée en vigueur au 1er juillet 2015. Compte tenu des délais incompressibles de mise à jour des systèmes d’information pour se mettre en conformité avec la réduction de la durée des plans de traitement du surendettement, la commission mixte paritaire a judicieusement adopté un amendement repoussant l’entrée en vigueur au 1er juillet 2016, date qui je crois fait consensus, ce dont je me félicite. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, donner votre approbation à cette date d’entrée en vigueur.