Madame la présidente, madame la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous prononcer sur la recevabilité et l’opportunité de la proposition de résolution, présentée par le groupe GDR, tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’évaluer difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle.
Nous avons décidé de faire usage du droit qui nous est reconnu par l’article 141 de notre règlement de demander l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution. Ce droit est soumis à certaines conditions. J’estime, pour ma part, qu’elles sont bel et bien remplies.
Le règlement demande d’abord de « déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ». Il me semble que la proposition de résolution que nous vous soumettons remplit cette condition. Son objet est déterminé : il s’agit d’étudier l’impact de la crise actuelle sur le monde associatif. J’ajoute que d’autres commissions d’enquête ont porté sur un spectre aussi large – la commission d’enquête sur la sidérurgie, par exemple.
Ensuite, une commission d’enquête ne peut porter sur des sujets traités récemment dans le cadre de structures parlementaires particulières. Là encore, la proposition de résolution est recevable. Enfin, une commission d’enquête ne doit pas empiéter sur le travail de la justice. Mme la garde des sceaux a indiqué qu’elle n’avait pas connaissance de poursuites judiciaires engagées sur des faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution.
Ainsi, la proposition de résolution que nous examinons apparaît tout à fait recevable au regard des critères fixés par notre règlement. Ce n’est donc pas sur la question de sa recevabilité qu’il faut argumenter pour la contrer. Nous sommes appelés à nous prononcer sur l’opportunité de mettre en place cette commission d’enquête. Débattons-en !
Mes chers collègues, la présidente de la Conférence permanente des coordinations associatives, la CPCA, lançait l’an passé une alerte à propos de la crise des financements et du bénévolat, qui est due à des mutations profondes et – ajoutait-elle – irréversibles. On peut discuter ce verdict, mais ce qui est sûr, c’est que de nombreux indicateurs virent au rouge : non seulement on crée de moins en moins d’associations, mais 15 % des responsables associatifs se disent en détresse face à l’impossibilité d’élargir le noyau dur du bénévolat. Onze mille emplois ont été perdus en 2011, et on annonce une nouvelle hémorragie de 9 500 emplois en 2013. Le recul de 17 % des subventions et surtout la hausse des procédures de marchés publics – qui concernent plus de 73 % des appels à projet – transforment le mouvement associatif en exécutant. La commande publique finira-t-elle par tuer la démarche et les objectifs des associations ? La menace est là, l’enjeu est de taille !
Chacun, ici, mesure ce qui est en cause. La France compte plus d’un million d’associations et douze millions de bénévoles : c’est un engagement citoyen sans équivalent, un remarquable espace d’éducation populaire, et souvent un premier apprentissage de la démocratie. Les associations sont également un vecteur économique, elles représentent près de deux millions d’emplois et 2 % à 3 % du PIB. Par la diversité de leurs objectifs et de leurs champs d’action, comme par leurs implantations territoriales, elles jouent un rôle majeur dans le lien social comme dans la réponse aux besoins essentiels de nos compatriotes. Chacun pourrait en donner des exemples : des vacances des enfants aux organisations de jeunesse, des clubs sportifs à l’action caritative, de l’alphabétisation à l’association féministe…
Imaginons, un instant, que les bénévoles se retirent : la France serait bien mal en point ! Aucune puissance, publique ou privée, ne serait capable de les remplacer. Ce n’est pas seulement une question de moyens, mais aussi de démarche. Il est donc urgent de mener un travail parlementaire permettant, à partir d’un diagnostic sérieux, de dégager des options pour l’avenir du monde associatif.
Le champ est vaste, et le débat en commission a témoigné de la multitude des questions à aborder. Si elle est mise en place, la commission d’enquête devra donc définir des priorités, tout en tenant compte de la diversité du monde associatif. Elle devra répondre, à mon avis, à des questions concrètes comme les conditions du financement public, le statut des bénévoles, la place et le statut des salariés, leur formations et leurs carrières, la simplification administrative et, le cas échéant, l’évolution de la loi de 1901. Elle devra également se projeter dans le temps pour anticiper les conséquences de la réforme des collectivités territoriales sur les associations.
Je vous invite donc, chers collègues, à adopter cette proposition de résolution du groupe GDR.