Madame la ministre, vous nous disiez tout à l’heure, tout en regrettant que la question vous ait été posée, qu’il n’y a aucun lien entre l’événement que nous déplorons tous – et que vous qualifiez pudiquement d’ « erreur » – et le texte dont nous parlons. Je m’inscris en faux contre cette analyse.
Il y a, dans l’article 4 de ce projet de loi, une disposition intéressante. Je vais m’efforcer de mener à bout la réflexion sur cette disposition, pour obtenir une réponse précise. Le nouvel ajournement donnerait la possibilité au juge de reporter de quatre mois le prononcé de la sanction pénale. L’enquête de personnalité sera confiée au monde associatif. Le nombre de ces enquêtes augmentera. Je reprends la question de Philippe Vigier : donnerez-vous immédiatement au monde associatif des moyens supplémentaires pour qu’ils disposent des personnels et du temps nécessaires pour mener ces investigations ?
Admettons que le délai de quatre mois soit dépassé – ce dont on ne peut rendre responsable le monde associatif. Cela arrive déjà, et cela risque d’arriver encore demain. Que se passera-t-il dans ce cas ? L’article 4 ne dit à rien à ce sujet, absolument rien ! Si, au bout de quatre mois, les investigations n’ayant pu être menées – ou n’ayant été menées qu’incomplètement – faute de temps ou de moyens, le magistrat ne dispose pas des éléments lui permettant de conclure et de rendre sa décision, que se passera-t-il ?
Poussons le raisonnement un peu plus loin. Supposons que ce magistrat, sans savoir si l’auteur des faits était en mesure de payer ne serait-ce que le premier centime d’une provision de dommages-intérêts, l’a malgré tout condamné à des dommages-intérêts. Je signale au passage que cela revient à inverser le procès pénal : j’ai toujours appris – et toujours constaté – qu’en matière correctionnelle, l’audience civile n’a lieu qu’à l’issue de l’audience pénale, c’est-à-dire une fois la condamnation éventuelle prononcée. Vous décidez donc d’inverser le processus. Du fait de cet ajournement, l’audience civile – puisqu’il s’agit bien de cela – aura lieu avant que l’audience pénale soit conclue. En effet, l’audience pénale sera une sorte de fusil à deux coups : d’abord la première audience, où l’on ne décide rien, puis la deuxième audience, où l’on décidera quelque chose.
Imaginons que le magistrat ait prononcé, ne serait-ce qu’à titre provisoire et partiel, une condamnation à des dommages-intérêts, qu’au bout du délai de quatre mois, il ne dispose d’aucun moyen pour condamner l’accusé à une peine, quelle qu’elle soit, et qu’il ne dispose pas plus de moyens pour confirmer à la victime le paiement des dommages-intérêts prononcés. Que se passera-t-il alors ? Je crains – c’est même plus qu’une crainte, une certitude – que votre dispositif ne sème une fois de plus la confusion dans l’opinion publique, qui déjà ne comprend pas tous ces allongements successifs des délais.