Je connais les réticences de certains d’entre vous à ce propos et je les comprends. Je voudrais vous dire à ce sujet deux choses : tout d’abord, il ne s’agit pas de changer la loi, puisque nous gardons celle de 2005. Il s’agit seulement de se donner les moyens de l’appliquer plus efficacement. Ensuite, il faut reconnaître qu’il y a urgence à agir pour mettre en place les agendas d’accessibilité programmée, si nous voulons obtenir dès 2015 de réelles avancées concrètes dans l’accessibilité pour tous.
Au-delà de ce projet de loi d’habilitation, je suis venue vous parler aujourd’hui de l’ensemble de la réforme de l’accessibilité. J’entends çà et là des inquiétudes bien légitimes. On me dit : « Les collectivités locales ont de moins en moins d’argent ; les entreprises sont dans la difficulté à cause de la crise, elles ne pourront jamais investir dans des travaux d’accessibilité, ou alors elles déposeront le bilan… » Cette réalité est prévue dans la loi, elle l’était déjà en partie dans la loi de 2005 : les acteurs publics comme privés pourront demander une dérogation ou un allongement de l’agenda, si les travaux de mise en accessibilité mettent en danger leur équilibre économique.
De plus, je signerai le 26 juin, avec le ministre des finances et des comptes publics Michel Sapin, une convention avec la Caisse des dépôts et consignations et BPI France, afin de faciliter dès 2014 l’accompagnement financier des collectivités locales et des entreprises dans leurs travaux d’accessibilité.
J’engagerai également d’ici à l’été une vaste campagne de communication, pour expliquer le nouveau dispositif et sensibiliser à l’accessibilité universelle. J’irai moi-même sur le terrain pour expliquer la réforme, et je serai aidée par 1 000 jeunes en service civique.
Par ailleurs, la réforme comporte un réajustement, voire une simplification des normes, qui va permettre à des milliers d’établissements de réaliser des travaux alors que, jusqu’à présent, ils les avaient jugés irréalisables. Ce réajustement, fruit de la discussion entre l’ensemble des acteurs concernés, traduit un équilibre entre les attentes et les contraintes des uns et des autres. L’ensemble des propositions issues de la concertation présidée par Claire-Lise Campion ont été retenues par le Gouvernement.
Ainsi, la réglementation sera simplifiée pour la rendre plus efficace. Par exemple, les solutions techniques alternatives aux normes réglementaires seront autorisées dès lors que la démonstration sera faite que les solutions équivalentes proposées offrent le même niveau de service. Cette accessibilité pragmatique permettra aux collectivités locales, comme aux acteurs privés, de définir plus facilement leur stratégie d’accessibilité.
Autre exemple : dans les commerces, en dernier ressort, l’installation d’une rampe amovible sera autorisée. Hôtels et restaurants verront aussi leurs normes plus adaptées à leur activité.
En parallèle, l’ensemble des formes de handicap seront mieux prises en compte. La formation des personnels chargés de l’accueil et de la sécurité à l’accueil de clients et usagers handicapés, quel que soit le type de handicap, sera généralisée : je vous proposerai tout à l’heure un amendement à ce sujet. Un registre d’accessibilité devra être tenu par tous les établissements recevant du public pour préciser les modalités d’accès aux prestations des personnes handicapées, tous handicaps confondus. Dans un souci d’efficacité et de simplicité, ce registre sera fusionné avec celui existant déjà sur la sécurité.
D’autres mesures de simplification et d’amélioration des normes sont prévues. Elles seront très rapidement traduites par des textes réglementaires pour être mises en oeuvre dès cette année, en même temps que les agendas d’accessibilité programmée.
Pour conclure, je veux revenir à mes propos introductifs : les progrès d’une société se mesurent, entre autres, à sa capacité à se rendre accessible à tous sans distinction. Notre mission collective consiste donc à supprimer ou à réduire autant que possible les situations de handicap que peuvent rencontrer quotidiennement plusieurs millions de nos concitoyens. C’est l’autonomie, la participation et la citoyenneté qui sont en jeu. C’est l’accès à l’école, à la formation, à l’emploi, aux soins, à la consommation, aux services publics, à la culture, au logement, à la vie démocratique, qui en dépend. La question qui se pose aujourd’hui, c’est bien celle-ci : dans quelle société voulons-nous vivre ?
Si ce que nous souhaitons est une société plus juste et plus solidaire, alors nous devons agir, pour permettre enfin l’application généralisée de la loi de 2005. Regarder vers le passé est utile pour comprendre les difficultés actuelles et éviter de reproduire les mêmes erreurs. Mais il ne sert à rien de passer du temps à regretter ce qui n’a pas été fait ou à énumérer ce qui aurait pu être fait.
Mesdames, messieurs les députés, ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de regarder vers l’avenir : considérer l’accessibilité non plus comme une charge supplémentaire, mais bel et bien comme un investissement d’avenir. En France, on estime à douze millions le nombre de personnes dont on peut améliorer le quotidien par l’accessibilité universelle. Dans le monde, des centaines de millions de personnes voyagent et choisissent leur destination en fonction de l’accessibilité des lieux publics et touristiques, des hôtels, des restaurants et des commerces. Il est temps que la France, pour développer son attractivité, ajoute à ses nombreux atouts l’accessibilité pour tous.
Pour aboutir à ce résultat, il nous faut enclencher une véritable réforme de société ; c’est l’objectif que nous poursuivons aujourd’hui. L’accessibilité, c’est aussi, avant tout, une question d’égalité de tous les citoyens, c’est donc une exigence républicaine. Le Gouvernement y est attaché et je sais que vous l’êtes aussi sur l’ensemble de ces bancs. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, ce soir, je compte sur vous.